les trois modes de connaissance

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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riseohms
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les trois modes de connaissance

Messagepar riseohms » 28 nov. 2005, 12:36

-------les trois modes de connaissance de Spinoza -------------------------------------------------------------------------------------------------------
Je propose ici ma compréhension de ces 3 modes, j’espère que je m’éloigne pas trop de Spinoza ; bienvenu à toute critique

1er mode de penser :
Celui de l’affect ou du ressentir ( idée non représentative ) : Connaissance par les effets-, notre âme subit les effets de corps extérieurs et comme elle n’en connaît les causes, elle a des idées inadéquates ou imaginaires. Et l’affect est passif. On est ici dans le ressentir avec l’absence de distance propre au ressentir.. il y a une immédiateté. L’âme ne connaît pas encore son essence ou son identité et s’identifie à tout ce qu’elle perçoit.-
au cinéma :. Le spectateur regarde le film, se perd en lui, en subit les effets et se confond avec lui.. aucune distance, aucune réflexion, mais des idées par rapports aux affects subis, idées réactives, imaginaires, inadéquates, on est dans la confusion
la connaissance est ici immédiate, non intellectuelle et subjective et donc inadéquate-
- par rapport au monde : pas de distance le monde est ressenti

2e mode de penser :
Celui du concept ou de la raison (idée représentative ) - connaissance par les causes
- notre âme comprend ici le pourquoi des effets qu’elle subit dans le 1er genre car elle établit un rapport en elle et le corps extérieur qui l’affecte, grâce à des notions communes entre elle et le corps extérieur.
Ce qui lui permets, du fait de la prise de distance impliquée par la réflexion ou le raisonnement,de faire cesser les affects subis, passifs et de mieux maîtriser son rapports avec les corps extérieurs, de s’éloigner de ceux qui lui conviennent pas et de se rapprocher de ceux qui lui conviennent. Les affects du 1er mode en sont modifiés et sont devenus actifs..
Au cinéma, le spectateur ne va plus être confondu avec le film, il aura des affects qui en quelque sorte ne viennent non plus seulement de l’extérieur mais aussi de l’intérieur grâce à la compréhension du film, le spectateur crée des rapports entre lui et le film et aussi entre des éléments du film, en apprécie la mise en scène etc. et, en quelque sorte, prends une part active au film au lieu de le subir simplement, ce qui donne lieu à un certain type d’affects et de joies.
Ce spectateur ne regardera plus n’importe quel film et s‘éloignera des films qui ne cherchent qu’à le séduire ou à l’affecter vulgairement, en ne lui laissant aucune place, aucun espace d’intériorité
Le film renvoie le spectateur à lui-même au lieu de l’en éloigner.. il compose avec le film qui compose aussi avec lui

la connaissance est ici médiatisée, intellectuelle, objective et donc adéquate
Le 1er mode n’a pas disparu. Il en est transformé.. le ressentir est devenu un sentir, l’émotion est mienne et non plus imposée.
- par rapport au monde : on a créé une distance -le monde est pensé



3eme mode de penser :
- celui du percept ou de l ‘intuition –( idée pure ou essence ) - connaissance par l’essence
L’âme, du fait de la mise en rapport entre elle et le corps extérieur par le raisonnement. et de la cessations des idées inadéquates et affects passifs, cesse d’être collée aux effets quelle subit c-ad d’être identifiée et de se perdre dans cette identification
. En identifiant le corps extérieur c-ad son essence par la distanciation opérée par le réflexion, elle émerge à elle-même et s’identifie aussi.
. L‘objectivation du monde effectué par la réflexion positionne aussi le sujet qui a donc l’idée de lui-même en tant qu’il est et en même temps perçoit les choses extérieures en tant qu’elles sont, chacune dans leur singularité
- Ce mouvement réciproque de connaissance lui fait reconnaître aussi l’essence commune aux choses singulières du monde perçu et à lui le sujet percevant, à savoir, le ‘est’, l’Etre, la substance, la vie..
Toutes les choses cessent alors d’être perçues comme des substances existantes par elles même, isolées mais sont comprises comme des modes de la substance, tous interdépendants et donc nécessaires..
le 3eme degré nous permet de comprendre et de sentir à la fois notre unité avec toutes les essences singulières du monde, leur nécessité absolue au sein de la substance dont on ne se sent plus séparé.
L’affect du 1er genre est aussi modifié et devient auto-affectation qui est une forme supérieure d’affect actif:
Je prends l’exemple du soleil chez Deleuze : mon corps est affecté par le soleil mais comme je ressens ma non séparation d’avec le soleil, je m’affecte moi même puisque je suis aussi le soleil en tant que le soleil et moi partageons la même substance
Et au cinéma : le film tout en étant un corps extérieur qui l’affecte ( affect passif),
le spectateur a l’impression aussi d’en être la source,de projeter et d’animer le film et les affects deviennent actifs le jeu du film devient son propre jeu
il n’y a plus ici de confusion mais fusion c-ad union des singularités entre elles qui tout en restant elles-mêmes, ne se sentent plus séparées et s’identifient comme modes de la substance.
La connaissance est ici immédiate, intellectuelle et donne accès aux vérités éternelles c-ad aux essences et à l’essence absolue qu’est la substance, à la fois subjectivité absolue ( attribut- pensée ) et objectivité absolue ( attribut- étendue )
par rapport au monde Il y a à la fois distance et non distance
-le monde est perçu de façon directe et compris intuitivement comme expression de la substance c-ad de dieu
L’intuition unit le senti et le pensé
le 3e degré, pensée intuitive ou connaissance par le cœur , celle de l'homme libre , est en quelque sorte l'union et le dépassement des deux premières compréhensions, à savoir, une compréhension intellectuelle immédiate, non discursive c-ad intuitive.



-Dans le 1er mode, on reçoit le monde ,on en subit l’effet, on en est l’objet et on se perd en tant que sujet
-Dans le 2em mode ,on comprend les cause de ces effets, on établit des rapports , on crée une distance entre soi et le monde en l’objectivant.
Et par la même , on se positionne comme sujet
-Et enfin dans le 3eme mode, en tant qu’uni à la substance qui est cause absolue de tout, on a le sentiment d’émettre le monde et d'être aussi cause du monde,

amicalement
Joel

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question

Messagepar olfa » 17 nov. 2007, 19:22

Bonjour, je ne suis pas encore une experte concernant la philophie de Spinoza étant donné que je l'ai découvert il n'ya pas si longtemps, cependant je voulais juste savoir si on pouvait résumer avec des termes un peu moins techniques le 3 éme genre de connaissance qui serait en fait à la fois une compréhension directe par le biais de la raison de la Vérité absolue et l'union avec le divin (la substance) en un temps très très court? Merci de bien vouloir rectifier mes erreures de compréhension et pardonnez moi si j'ai très mal interpréter la connaissance du 3éme genre. Bien à vous Olfa

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Re: question

Messagepar riseohms » 18 nov. 2007, 14:39

olfa a écrit :Bonjour, je ne suis pas encore une experte concernant la philophie de Spinoza étant donné que je l'ai découvert il n'ya pas si longtemps, cependant je voulais juste savoir si on pouvait résumer avec des termes un peu moins techniques le 3 éme genre de connaissance qui serait en fait à la fois une compréhension directe par le biais de la raison de la Vérité absolue et l'union avec le divin (la substance) en un temps très très court? Merci de bien vouloir rectifier mes erreures de compréhension et pardonnez moi si j'ai très mal interpréter la connaissance du 3éme genre. Bien à vous Olfa


Bonjour Olfa

Spinoza appelle le troisième genre de connaissance la science intuitive ou amour intellectuel de dieu (voir le texte ci-joint d’Henrique Diaz : http://www.spinozaetnous.org/article14.html)

Surprenantes formules car elles associent des termes à priori antinomiques : science et intuition, amour et intellect
Le 3e genre de connaissance pourrait donc être une synthèse des deux autres genres de connaissance (le 1er : imagination et sentiments et le 2 eme : raisonnements)
Le 3e genre ou intuition est une raison supérieure à la raison discursive, il en est l’aboutissement
Je crois qu’on l’expérimente plus souvent qu’on ne le pense, par exemple
quand après un travail de réflexion plus ou moins long, une compréhension survient tout un coup (comme l’eurêka d’Archimède) .
Une compréhension si elle est complète et profonde est immédiate, globale, intuitive
Et cela me semble relever du 3e genre de connaissance.

Maintenant par rapport à la philosophie de Spinoza,
L’homme ordinaire cad non sage perçoit les choses, les corps extérieurs comme des êtres existants en eux-mêmes, autonomes c-a-d comme des substances et se perçoit lui-même comme une substance individuelle
Or pour Spinoza il n’y a qu’une seule substance et c’est Dieu.
Les choses, les individus ( les corps et les idées de ces corps que sont les âmes ) sont des modes de cette substance, ( modifications ou manière d’être )
et le sage qui accède au 3e genre de connaissance voit et comprend le monde ainsi.
Tout ce qu’il perçoit lui semble être comme des variations sur un même thème qui est la substance, Dieu, la vie
Cela lui procure un sentiment d’unité avec le monde ( et de béatitude )
Faut bien comprendre que cette substance n’est pas autre que les modes, elle n’est pas une réalité derrière les apparences que seraient les modes.
il n’y a pas deux mondes mais un seul.
La substance est donc la vie, la réalité de ces modes ou corps cad vraiment la substance..
C’est pourquoi Spinoza dit que la connaissance de Dieu passe par la connaissance des choses singulières.
Une analogie que j’aime bien :
On pourrait comprendre le monde comme un ensemble de châteaux de sable, tous différents et changeants mais ils ne sont pas autre chose que du sable, des modifications de ce sable
Et leur divisibilité n’est pas réelle, elle est dite modale
Leur réalité, le sable, est indivisible et non changeante et en est la substance
Le sage voit les châteaux comme tout le monde mais il en comprend la nature

Et cette compréhension est immédiate, intuitive. C’est aussi sentir ce que l’on voit
La présence du réel est accessible au ‘’sentir ‘’ pas à l’intellect discursif
Telle est à mon avis le 3 me genre de connaissance

Amitiés
Joël
Modifié en dernier par riseohms le 10 déc. 2007, 19:38, modifié 2 fois.

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Messagepar olfa » 19 nov. 2007, 16:36

Merci infiniment pour votre réponse qui a tout a fait répondu a ma question notemment concernant ce détail: "Tout ce qu’il perçoit lui semble être comme des variations sur un même thème qui est la substance, Dieu, la vie
Cela lui procure un sentiment d’unité avec le monde ( et de béatitude ) " c'est exactement ça. la question reste à savoir comment conserver cette "unité avec le monde" ? c'est bien difficile .. Merci encore une fois! Bonne journée.

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Messagepar riseohms » 20 nov. 2007, 11:23

Difficile, certainement
Mais cette difficulté est due à des idées fausses
Spinoza ne nous dit il pas que << tous les hommes connaissent dieu >> ( phrase étonnante )

Ce qui signifie que l’unité avec le monde qui résulte de cette connaissance est toujours donnée et réalisée
Et c’est vrai : dieu est la vie
or ne nous sommes nous pas vivant ?
Rien ne peut nous manquer

Mais Spinoza ajoute :<< et pourtant la plupart s’en font une idée fausse ( de dieu )>>>

Ce sont les idées fausses qui sèment la confusion, nous attristent et se surajoutent à la vie réelle qui n’en a pas besoin
Et l’idée qu’il faudrait ‘’conserver’’ cette unité avec le monde n’est elle pas une de ces idées fausses et tristes ?

Je crois que tout ce qu’il ya à faire c’est de repérer les idées fausses et de s’en dégager.

Bien à vous
Joel
Modifié en dernier par riseohms le 21 nov. 2007, 23:41, modifié 1 fois.

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Messagepar olfa » 21 nov. 2007, 17:20

"Ce qui signifie que l’unité avec le monde qui résulte de cette connaissance est toujours donnée et réalisée
Et c’est vrai : dieu est la vie
or ne nous sommes nous pas vivant ?
Rien ne peut nous manquer "[/b]Mais Spinoza ajoute :<< et pourtant la plupart s’en font une idée fausse ( de dieu )>>>

Je suis tout a fait d'accord avec vous cependant meme si on garde toujours à l'esprit ce qu'est la vérité une fois qu'on la compris, ne finit on pas par toujours revenir a notre état premier (etre individuel) tout en ayant cette connaissance? Comment vivre avec les hommes qui n'ont pas cette connaissance?

"Ce sont les idées fausses qui sèment la confusion, nous attristent et se surajoutent à la vie réelle qui n’en a pas besoin"

"Et l’idée qu’il faudrait ‘’conserver’’ cette unité avec le monde n’est elle pas une de ces idée fausses et tristes ?" pourriez vous m'expliquer cette phrase s'il vous plait? Merci beaucoup!
Without LOVE I'm nothing!!!

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Messagepar riseohms » 22 nov. 2007, 03:03

bonsoir

Je vais essayer de répondre mais ce n’est pas facile,
je crois que je vais être long donc merci d’avance pour votre patience

Qui a connaissance en nous ?
Pour Spinoza, l’entendement humain est une partie de l’entendement divin
Aussi on peut dire que c’est Dieu qui a connaissance de lui-même ,en nous, à travers nous
Ce n’est pas l’homme qui a connaissance de dieu ou de la vie

Qu’est ce que l’homme ?
Une modalité de la pensée (et de l’étendue)
Pour Spinoza, il n’y a pas de moi ou d’égo, l’âme est une ‘’idée’’ d’un corps
cela veut dire qu’elle n’est pas une substance mais un mode.

le moi on ne le voit jamais lui-même, on ne voit que ses manifestations (pensées, vouloir affects etc ) et si ces manifestations cessent, il n’y a plus de moi
Et ce qui reste est juste un “éprouver “, un éprouver de la vie, un sentiment d’existence, d’être, qui n’est pas personnel. Ce sentiment de soi-même enveloppe en lui le sentiment du monde et de Dieu.

À mon avis la connaissance que Dieu a de lui-même relève de cet “éprouver “
C’est une connaissance immanente, sans extériorité ni distance, donc sans écart, sans dualité
On peut dire que cette connaissance, Dieu ne l’a pas mais l’Est.
Ce n’est pas la même chose
C’est une connaissance ou conscience non réflexive cad Dieu ne se prends pas pour objet

La connaissance que peut avoir l’homme cad la pensée est de type réflexive, elle reste dans la dualité sujet-objet. Il s’agit toujours d’avoir conscience de quelque chose, et la connaissance est quelque chose que l’on possède
Or soi-même, dieu et la vie relève de la subjectivité pure et non de l’objectivité
La pensée ne peut avoir accès au réel. Seul un sentir, un éprouver, une intuition le peut. ( pas un sentiment ou intuition vague mais un sentir illuminé par la raison, l’intelligence : 3e mode )

Mais dans notre chemin vers le réel, on ne peut pas faire autrement que de commencer par la pensée
Et même si parfois on a des éclairs, des ouvertures, des accès au réel, des moments de vérité
Très vite, on est repris par les pièges de la pensée
Ce piège on peut lui donner un nom : la réification
Cad la tendance à chosifier le vécu, à l’objectiver
Cette tendance introduit dans le vécu de la distance et de la dualité : soi par rapport à soi, soi par rapport au monde et aux autres, soi par rapport à dieu : rapport de sujet à objet.
On peut dire alors que la pensée écrase la vie.
Et si elle le fait c’est qu’elle n’a pas compris, elle est victime d’idées fausses, inadéquates sur la vie, sur elle-même
Elle se prend pour le maitre, un ‘ego’ une substance indépendante, son langage est celui de la chosification, de la possession, de l’avoir, de la conservation (c’est pourquoi, je disais que ‘’vouloir conserver cette unité avec le monde est une idée triste’’ triste car elle fait croire qu’on peut perdre cette unité, la garder et la retrouver
or ce qui arrive et repart, cad ce qui a un commencement et une fin , ce n’est pas la vie mais les choses de la vie, les expériences
La vie elle-même cad la subjectivité pure, Dieu n’a ni commencement ni fin, c’est pourquoi on dit qu’elle est éternelle

et le 3e mode de connaissance est aussi l’accès à l’éternité : Spinoza dit :<< nous sentons et expérimentons que nous somme eternel <<

Expérience pure, absolu et non expérience de quelque chose : << une expérience que l’on est et non une expérience que l’on a ou que l’on fait >> : formule limpide du phénoménologue tchèque Patocka)

Vous écrivez :
<< Une fois qu'on a compris, ne finit on pas par toujours revenir a notre état premier (être individuel) tout en ayant cette connaissance? >>
Je pense que c’est parce qu’on n’a pas complètement compris

D’abord l’être individuel (séparé du tout) n’est pas notre état premier mais notre état second
Notre être originaire est à la fois individuel et universel, uni au tout.
Et cet état, on ne le quitte jamais même quand on croit le contraire
Tout vient d’une idée fausse, celle d’être un individu, un moi, distinct du monde, distinct de dieu, on est pris dans le piège de l’extériorité
Alors on se prend pour un individu sur terre et Dieu on le comprend comme un soleil au dessus de nous, voilé la plupart du temps par des nuages, et parfois ils se dissipent, et on a des moments d’ouvertures, de lumière et d’unité puis les nuages reviennent, on les considère comme des obstacles
On voudrait bien conserver ces états, les stabiliser mais ce n’est pas possible car le problème est mal posé et repose sur une idée fausse de nous-mêmes

La pensée de Spinoza est une pensée de l’immanence, de la non- dualité,.
L’extériorité n’existe pas – Dieu n’est pas extérieur à nous, on n’est pas que cet individu sur terre et le soleil n’est pas au dessus de nous
On est le soleil qui brille toujours de lui-même.
Et les nuages sont au dessous de nous et ,donc ,ne sont pas des obstacles, il n’ y a pas d’obstacles réels, juste des façons erronées de penser -
Et c’est cette présence permanente du soleil, de la vie, de soi même qu’il faut comprendre et percevoir (sentir )
Cette présence nous accompagne en permanence et n’est jamais voilée, elle n’a pas besoin d’être objet de connaissance ( de la part de qui ?) et donc pas besoin d’être conservée car on ne peut jamais la perdre
Par contre elle peut être sentie, éprouvée
Et cet éprouver, c’est aussi sentir et comprendre que ce sentiment de soi- même est toujours donnée naturellement, sans effort et n’a pas besoin d’être saisi, objectivé.
il faut juste cesser de vouloir s’en emparer, d’en faire une chose que l’on expérimente.

C’est avoir confiance en cette présence ( cad en soi ), on peut parler de foi
c’est comprendre aussi que même dans les moments où l’on pensait être éloigné de cette présence (qui est la vie même), dans nos moments de souffrances, de tristesses, elle était avec nous, elle est nous, joyeux ou triste .

Cette présence ne s’oublie jamais sinon elle serait imparfaite or le réel dit Spinoza est parfait.
C’est toujours la pensée qui croit l’oublier et s’en rappeler. Il faut sortir de cette logique
On n’éprouve pas cette présence, c’est la présence qui s’éprouve elle-même
On est cette présence- on n’est nous- même, toujours
A nous de transformer nos affects tristes en affects de joie
grâce à la lumière de l’intelligence et de la raison ( 2 e mode ) qui nous permet de nous dégager des idées inadéquates alors le 3em mode connaissance émerge de lui -même

C’est ainsi que je comprends la phrase de Spinoza :<< tous les hommes connaissent Dieu mais la plupart s’en font une idée fausse >>

Cad tous les hommes s’éprouvent eux-mêmes mais la plupart ne se comprennent pas , se trompent sur la nature de ce sentiment qui des lors est rattaché à des idées fausses qui limitent leur vie

Et notre travail est de décoller ce sentiment de ce qui n’est pas lui (les idées ou images de soi) mais sans en faire un objet de connaissance (même si dans un 1er temps, on ne peut pas faire autrement)
Ce sentiment est de l’ordre de la reconnaissance, de la révélation, on ne va pas à lui, on ne le vise pas, il n’est pas là face à nous,
il advient comme toujours déjà advenu.

Bon voilà , j’arrête
J’espère n’avoir pas été trop laborieux

Amicalement
Joel


Ps vous écrivez : Comment vivre avec les hommes qui n'ont pas cette connaissance?
Peut on savoir qui a ou n’a pas cette connaissance ?
D’une certaine façon comme je viens d’en parler tout le monde a cette connaissance
J’imagine que pour le sage tout est parfait et un.
il voit la lumière de la vie dans tous les regards qu’il croise, même s’il est conscient qu’à la surface tout n’est pas limpide
A vrai dire je ne sais pas trop quoi répondre à cette question.

-je vous signale une étude très intéressante de jean-michel longneaux qui accompagne le livre de Michel Henry : le bonheur de Spinoza ( puf )
La philosophie de michel henry est aussi une philosophie de l’immanence. Son premier livre est ce mémoire sur Spinoza. Ensuite il a développé une phénoménologie de la vie dans laquelle il critique notamment Husserl en montrant que la réification de la conscience est encore présente dans sa phénoménologie et donc passe à coté de la vie. L’étude de de jean-michel longneaux porte sur le spinozisme présent dans la philosophie de michel henry , même si celui-ci ,après son premier livre n’a plus cité Spinoza
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les trois modes de connaissance

Messagepar Cat » 22 nov. 2007, 10:16

Il me semble que le bouddhisme Zen développe la même idée. J'aimerais que quelqu'un m'explique en quoi le spinozisme se sépare du bouddhisme.
Je sens bien qu'il y a une différence quant à la forme mais sur le fond qu'en est-il ? L'Eveil n'est-il pas comparable au troisième genre de connaissance ?

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Re: les trois modes de connaissance

Messagepar riseohms » 22 nov. 2007, 11:55

<<L'Eveil n'est-il pas comparable au troisième genre de connaissance >>

tout à fait d'accord

la différence avec le bouddhisme porte sur la méthode
le bouddhisme fait l'impasse sur le 2e mode de connaissance
il y a une méfiance totale vis à vis de l'intellect et du raisonnement
il s'agit de faire un saut hors de la pensée par la pratique de la méditation
mais il me semble que la méditation bouddhiste est plutôt un forcing
la pensée est mise entre parenthèse
on espère que la compréhension émergera à la faveur de ce silence mais la pensée revient au galop des que cesse la méditation
et on voit des gens passer toute leur vie à attendre l'eveil

pour Spinoza, cette compréhension se travaille, se prépare. la pensée n'est pas l'ennemi
c'est plutôt une certaine manière de penser ( les idées inadéquates ) qui fait obstacle au salut
il s'agit par le raisonnement philosophique de comprendre pourquoi ces idées inadéquates nous empêchent d'être en contact direct avec le réel.
la compréhension permet de s'en dégager et la paix de l'esprit émerge d'elle même sans lutte ni effort ,avec l'intuition qui l'accompagne. cette intuition n'est pas le contraire de la pensée mais une pensée plus profonde, une intelligence reliée à la vie, un intellect uni au sentir.

bien entendu, il y a, au niveau des idées ,beaucoup de différences
mais dans les deux cas nous avons une vision non dualiste de la vie
- le spinozisme est une voie occidentale de la non dualité, peut-être plus adaptée à nos cerveaux très sensibles à l'intellect que le bouddhisme.

En ce qui concerne les différences, il me semble que le réel bouddhiste ou nature de bouddha est un vide indifférencié où l’individualité disparait ( nirvana ) Les formes sont des apparences , des illusions ( samsara )
Chez Spinoza, le réel ou substance s’il est indivisible n’est pas homogène, indifférencié. Il rempli des essences éternelles que sont les âmes- une part de nous -même demeure dans cet océan qu’est la substance- nous participons à la vie de Dieu- les modes ne sont pas des apparences ou illusions, ce sont des réalités relatives (non pas des apparences mais des apparitions,)
le réel spinoziste est un plein et non pas un vide, il est affirmatif et les formes en sont les expressions et manifestations
La pensée n’est pas l’opposé de la vie mais elle est vivante et active d’où l’importance de bien penser pour mieux vivre
Dans le christianisme, Dieu n’est pas perçu comme silencieux mais comme verbe et parole. L’idée, le concept est puissance ( ce qui n’est pas le cas dans le bouddhisme)
En plus le dieu chrétien se fait chair, s’incarne
On retrouve aussi çà chez Spinoza, la substance est aussi matérielle pas seulement esprit ou pensée. L’étendue n’est pas en dehors de dieu, elle est sa chair, son champ d’action-
on peut dire alors que voir le monde tel qu'il est, c'est voir dieu.
un corps ,une chose est un mode de l'étendue qui n'est autre que la substance.
-Spinoza dit, d'ailleurs ,que la connaissance de dieu passe par la connaissance des choses singulieres
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Re: les trois modes de connaissance

Messagepar sescho » 23 nov. 2007, 21:08

Cat a écrit :Il me semble que le bouddhisme Zen développe la même idée. J'aimerais que quelqu'un m'explique en quoi le spinozisme se sépare du bouddhisme.
Je sens bien qu'il y a une différence quant à la forme mais sur le fond qu'en est-il ? L'Eveil n'est-il pas comparable au troisième genre de connaissance ?


Je voudrais d'abord dire combien (à quelques lapsus près comme l'inadéquation de la connaissance du deuxième genre) l'exposé de riseohm sur l'éthique me semble juste et profond.

S'agissant du Bouddhisme, je crois qu'il ne faut pas forcer les particularismes et opposer au-delà de la facilité de repérage les "ismes" aux "ismes." Il n'y a qu'une seule loi éthique dans la Nature : tout ce qui a du fond se rejoint donc nécessairement : c'est la Tradition millénaire, qui est éternelle une fois écartées les scories particulières et acceptés les doutes à la marge. Bouddhisme, Jaïnisme, Védantisme, Confucianisme (qui va bien au-delà du respect protocolaire : celui-ci n'est qu'une discipline et un mode d'effacement du moi, dans un contexte historique de guérilla entre chefs de guerre locaux), Taoïsme, Soufisme, Sagesses amérindiennes, Christianisme profond - en particulier Orthodoxe -, Stoïcisme, Néo-platonisme, Krishnamurti, Spinoza, ... sont autant d'expressions de cette unique "Tradition." Mais sans doute, s'agissant de la voie - qui doit composer avec l'état réel du moment -, des différences plus nettes sont-elles perceptibles.

S'agissant plus particulièrement du bouddhisme (pour lequel je suis nettement moins risehoms), il a en son sein une tradition rationaliste poussée (spécialement les Gelug-pa auxquels appartient le Dalaï Lama), développée en particulier par Nagarjuna, suivi de Dharmakirti, etc.

Contrairement à ce qu'on lit souvent, le Bouddhisme ne cherche pas l'anéantissement pur - un minimum de bon sens s'agissant d'une tradition aussi ancienne, aussi profonde et aussi répandue et en croissance devrait en alerter -, lui qui parle d'effort joyeux, etc. mais l'anéantissement du Moi dans la perception de l'Eternel, ce qui est très spinozien.

La méditation est d'abord une façon de discipliner son esprit. Elle permet ensuite la concentration, éventuellement discursive. Ainsi la méditation de la vacuité d'existence propre des modes. Dire qu'elle ne peut que sortir vers l'état antérieur fait d'un flot de pensées incontrôlées est une pure contre-vérité. La démarche raisonnante a elle-aussi ses pièges : l'intellectualisme stérile qui ne se traduit jamais en faits.

Comme entre les écoles du Védanta, ou entre les Ecoles du Bouddhisme, ou entre Védantisme et Bouddhisme, il ne s'agit que de nuances (qui sont exacerbées par la discussion et apparaissent de beaucoup plus grosses qu'elles ne sont en regard de la problématique générale.) Je dirais dans ce cadre que le Bouddhisme n'a pas d'identification de la Nature (Dieu de Spinoza), mais j'estime que c'est sous-tendu en permanence. Je dirais aussi qu'il tend à accorder moins d'individualité aux modes, et n'accepterait pas facilement cette notion d'"individu qui conserve son essence" (pour autant la "compassion vis-à-vis de tous les êtres" comprend "êtres", et il serait grotesque de refuser à une telle tradition ce niveau zéro de cohérence.) On pourrait peut-être ajouter que Siddharta Gautama, le Bouddha historique, refusait de répondre aux questions métaphysiques (indécidables, dirait peut-être Kant) car les considérant comme n'étant d'aucun secours pour amender l'esprit, mais même au contraire comme des auto-tortures nuisibles de l'esprit.

Amicalement

Serge
Connais-toi toi-même.


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