nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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riseohms
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nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels

Messagepar riseohms » 28 nov. 2005, 13:43

A propos de la phrase de Spinoza dans Ethique, livre 5e-scolie de la proposition 23 : »
nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels »
s’agit il ici le 3eme degré de connaissance ?

Qui est la science intuitive que l’on pourrait définir comme une compréhension intellectuelle immédiate et non -discursive c-ad intuitive.
Le 3em mode de connaissance, connaissance des essences, nous permet de sentir et de comprendre notre unité avec le monde et avec dieu-substance :
Notre esprit,dans la mesure où il a l’idée lui-même c-ad de son essence , a aussi l’idée du monde c-ad des essences des choses singulières et l’idée de Dieu, essence suprême
. Avoir ces idées, c’est les comprendre, les sentir et les expérimenter

Les mots ‘ sentir et expérimenter ‘ ont étonné les lecteurs.

Il est quand même plus simple de dire : nous sentons que ‘ plutôt que ‘nous avons une compréhension intellectuelle, non discursive et intuitive que nous sommes éternels’

Mais je ne crois pas que Spinoza ait dit’ nous sentons’’ pour simplifier, il est trop précis pour cela.

Or justement, il ne s’est pas contenté de dire ‘ nous sentons ‘ mais nous sentons et expérimentons’ et en plus il ajoute plus loin ‘’ ’par l’œil de l’esprit par lequel on voit et observe les choses’’ cette perception n’est t-elle pas justement l’intuition ?

Il définit donc bien ici le 3e mode de connaissance .

En utilisant l’expression ‘ œil de l’esprit ‘ Il entend bien dire que toute perception ne donne pas accès au 3e mode de connaissance mais uniquement les perceptions conscientes qu’on pourrait appeler aperceptions ou perceptions claires.

Une perception ordinaire, celle de l’œil physique n’est pas une saisie immédiate de l'unité qui se révèle dans le 3em mode,, , c’est ce que j’appelle une perception indirecte. Le monde est perçu mais pas clairement, brouillé à la fois par les affects du 1er genre et les idées inadéquates qui en découlent. Les choses ne sont pas vues dans leurs nécessités et interdépendances mais renvoyées à notre imaginaire et à nos propres références.
et elles sont perçues comme des substances existantes indépendamment de nous et sans liens entre elles et non comme des modes et ce parce que la substance n’est pas comprise

Par contre la perception du 3em genre ou perception consciente, aperception est une perception directe et intuitive, un regard absolu qui ne met plus l’objet en rapport avec nos références et élimine toute distance avec lui, sans confusion non plus , on ne se contente plus de voir l’objet mais on sent ce qu’on voit c-ad on voit vraiment ce que l’on voit ‘ encore une fois ’ par l’œil de l’esprit par lequel on voit et observe les choses’’

‘’Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels «

Mais pourquoi ‘expérimentons'? il aurait pu dire nous savons, non il veut montrer que c’est vécu: et pour montrer que ce sentir n’est pas juste un sentiment vague mais un vécu, il ajoute nous expérimentons

Mais quel vécu et quel type d’expérience ?

Cette expérience ne doit avoir aucun rapport avec ce qu’on entend généralement par expérience, celle qui nous arrive, a un commencement et une fin c-ad se produit dans la durée

Là, il est question de l’éternité et ce qui est éternel ce sont les essences et donc l’expérience de l’essence ne peut être qu’éternelle c-ad- toujours expérimentée. elle est donc une non-expérience du point de vue de nos expériences particulières mais pourtant les accompagne toujours et en est la condition. Ces expériences sont éprouvées par une âme. et l’âme, idée du corps est aussi idée d’idée c-ad idée d’elle-même donc en tant qu’essence ou idée qui existe éternellement en dieu –

L’âme en tant qu’essence se sait et s’expérimente toujours mais sous un mode immanent, sans distance contrairement aux expériences ordinaires qui, elles, s’effectuent sous un mode transcendant avec un objet extérieur affectant le sujet- dans le mode immanent , il n’y a pas d’extérieur et donc l’affect qui lui correspond est auto-affection-
mais ceci implique aussi qu’à cette essence ou idée de l’âme se sachant dans l’éternité soit associée une idée de son corps en tant qu’essence, elle aussi éternelle

Et pour montrer que l’essence de notre âme-corps a une forme d’existence et donc de vie dans l’éternité c-ad dans l’entendement divin : il utilise le mot : Expérimentation mais dans un sens immanent.

, Voilà j’en ai terminé avec ma compréhension de :’’ nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels’’ ?

Et vous comment comprenez vous cette phrase ?:
amicalement
Joel

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Messagepar hokousai » 06 déc. 2005, 17:04

cher riseohms

""""""" Par contre la perception du 3em genre ou perception consciente, aperception est une perception directe et intuitive, un regard absolu qui ne met plus l’objet en rapport avec nos références et élimine toute distance avec lui, sans confusion non plus , on ne se contente plus de voir l’objet mais on sent ce qu’on voit c-ad on voit vraiment ce que l’on voit ‘ encore une fois ’ par l’œil de l’esprit par lequel on voit et observe les choses’’ """"""""""

Sur cette question difficile je pense que vous n’y êtes pas vraiment .Il ne s’agit pas du troisième oeil au sens de la mystique indienne .
Pour la compréhension de la connaissance du troisième genre Spinoza dans la cinquième partie(prop 29) renvoie expressément àu corollaire 2 de la proposition 44 partie 2(et je suppose que Spinoza renvoie ainsi à la démonstration qui le suit )

Je ne peux faire ni plus ni moins que de vous inciter à la méditer .(sur cette base on peut discuter )

bien à vous
Hokousai

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re -Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternel

Messagepar riseohms » 08 déc. 2005, 18:56

bonjour Hokousai

J’avais utilisé l’expression ‘’œil de l’esprit ‘’ ou ‘’oculi mentis’’ dans le texte de Spinoza
par rapport ce passage extrait de la scolie de la proposition 23 du livre 5 :
<<Mais néanmoins nous sentons et faisons l’épreuve que nous sommes éternels car l’esprit ne sent pas moins les choses qu’il conçoit par l’entendement que celles qu’il a dans la mémoire. En effet, les yeux de l’esprit, par lesquels il voit et observe les choses, sont les démonstrations elle-mêmes,>>
l’expression œil de l’esprit ne me dérange pas et effectivement elle peut prêter à confusion et faire penser au 3e œil mystique indien , ce qui n’était pas mon intention .

Mais qu’appelle t-on mystique, ce terme rejeté par tous les philosophes ? : des expériences surnaturelles avec visions, énergies qui nous font échapper au monde ordinaire etc. alors effectivement Spinoza n’a rien à voir avec çà
mais si par mystique on entend juste un sentiment d’unité avec le monde et la félicité qui s’en suit alors pourquoi pas considérer que la connaissance du 3em genre vous amène là .
Pour moi, être mystique au sens noble c’est être éveillé, c-ad vivre simplement les yeux ouverts et donc le cœur ouvert.

Ce n’est pas voir un autre monde mais voir le monde autrement:

Ordinairement avec les yeux physiques, on voit une table mais sans vraiment la regarder, on s’en sert., elle est une chose, distincte des autres choses et de nous.
Mais si on l’observe vraiment, pour elle-même sans la rapporter à son usage ou à autre chose, alors c’est l’œil de l’esprit qui est mobilisé ( mais en réalité il n’y a qu’un seul œil: quand la vision physique est pleine elle est aussi vision métaphysique.)

Et que se passe t’il alors ?
les choses sont perçues dans leur rapport avec leur substrat éternel c-ad- leur attribut.
Je lis dans Mishrahi:<<<la connaissance de 3em genre c’est la saisie intuitive c-ad intellectuelle et immédiate d’un rapport rationnel entre une chose et son attribut infini>>>
Alors la table est perçue comme un mode, une configuration de l’étendue, de même tout ce qui entoure la table, notre corps compris. Ce qui provoque justement un sentiment d’unité et de joie
. Tout est alors perçu comme expression de cette étendue donc de la substance dieu.
Les choses sont perçues et comprises comme modes de la substance divine et non plus comme des substances isolées des unes des autres.

Je suis d’accord aussi avec Henrique dans son texte ‘’Eprouver l'amour intellectuel ?’’
dans le paragraphe ‘’dieu est connu de tous ‘’ il écrit
: <<En effet, prenons l'idée d'un corps quelconque, cette fleur par exemple, elle enveloppe "l'essence éternelle et infinie de Dieu". Comment cela ? La fleur est un mode de l'étendue. Or l'étendue est un attribut de Dieu parce qu'elle est en elle-même infinie et éternelle. Donc en connaissant la fleur dans sa singularité, nous connaissons Dieu en tant qu'il s'exprime à travers cette fleur.>> http://www.spinozaetnous.org/article14.html
Je partage totalement ce point de vue.

Voilà ce qu’est pour moi ce 3em degré de connaissance un regard simple sur le monde.
Mais un regard qui comprends ce qu’il voit : ,’’ les yeux de l’esprit, par lesquels il voit et observe les choses, sont les démonstrations elle-mêmes’’ écrit Spinoza
Ce geste d’ouvrir les yeux au monde est à la fois ce qui est le plus simple puisqu’en fait nos yeux sont déjà ouverts et en même temps ce qui est le plus difficile à cause de cette torpeur qui fait partie de nous aussi.
Alors nous avons besoin de lectures comme celle de Spinoza, ce philosophe qui nous rend heureux, pour nous motiver et nous réveiller ou en tout cas nous en indiquer le chemin.

Mais, bien entendu, il peut y avoir différent de niveaux de compréhensions auxquels je suis tout ouvert
Et j’aimerais justement mieux comprendre la votre, je lis dans une de vos réponses à Henrique : <<la dimension intellectuelle est inhérente au troisième genre de connaissance,. C'est l'intelligence de la nécessité des choses singulières.<<
J’aimerais comprendre les implications concrètes de cette idée de nécessité au niveau du vécu.

Maintenant je vais méditer en direct sur les passages que vous m’indiquez en rapport avec ce que j’ai écrit plus haut :
la proposition 29
<<<tout ce que l’esprit comprend sous l’espèce de l’éternité, il le comprend, non pas parce qu’il conçoit l’existence actuelle présente du corps mais parce qu’il conçoit l’essence du corps sous l’espèce de l’éternité>>>
à rapprocher du corollaire 2 de la proposition 44 partie 2 :<<< il n’est pas de la nature de la Raison de considérer les choses comme contingentes, elle les considère au contraires comme nécessaires >>>
avec sa démonstration :<<< il est de la nature de la raison de percevoir les choses de façon vraie à savoir comme elles sont en soi c-ad non comme contingentes mais comme nécessaires>> et le corollaire 2 :<< il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous une espèce d’éternité >>>

Par rapport à mon exemple de la table :
Il est évident que si je la regarde du point de vue de son utilité ou en la rapportant à d’autres choses, je la perçois comme contingente, dans son existence actuelle et donc dans la durée.
Je peux constater son usure, expliquer comment elle a été fabriquée, remonter la chaîne de ses causes et puis penser aux objets qui sont déjà dessus ou à ceux que je vais y mettre etc..

Ce qui est sûr c’est que la table en elle-même a disparu c-ad la table dans son essence.
On ne la voit plus, l’a t-on même déjà vu ?
Car voir, voir vraiment, c’est la même chose que penser : (on dit souvent ‘je vois ‘ pour dire’ je comprends ’) c’est donc la raison qui voit, <<<celle dont la nature est de percevoir les choses de façon vraie à savoir comme elles sont en soi>>>

C’est ce que j’entendais par :Voir la table pour elle même et donc avec un regard absolu, qui la libère de toute référence ( de lieux, d’espaces et de pensées ) et qui immédiatement la renvoie à son substrat absolu et éternel :l’étendue
Alors là, oui l’essence de la table c-ad la table est perçue sous l’espèce de l‘éternité et donc dans sa nécessité.
.
Mais il est vrai que cette notion de nécessité n’est pas claire dans mon esprit ou en tout cas ne me parle pas immédiatement.
Spinoza l’oppose à la notion de contingence et la relie à la notion de nature

Donc percevoir l’essence de la table, c’est percevoir sa nature singulière, nature qui existe éternellement en Dieu
- Par singulière, il faut entendre non pas la table mais cette table là dont l’idée restera éternellement en dieu même quand tous ses composants matériels auront disparu.
- L’idée ou l’essence singulière d’un corps est un rapport de mouvement et repos particulier pour chaque corps, rapport sous lequel se composeront tous les éléments matériels qui formeront ce corps et qui fera que ce corps ne ressemble à aucun autre
-
à ce propos J’ai mieux compris cette idée de rapport de mouvement et repos en la rapprochant de la Gestal psychologie qui explique qu'une forme est un tout qui est plus que la simple totalité de ses parties c-ad de ses composants matériels ressentis dans la sensation mais d'abord une certaine configuration que l'on perçoit d'abord, une gestal, une forme essentielle qui fait que malgré toutes les modifications matérielles c-ad sensibles qui se font dans le temps, on peut reconnaître dans le visage d'un bébé le visage de l'adulte qu'il sera,, ou le fait qu'on reconnaisse quelqu'un immédiatement au son de sa voix ou à sa démarche alors qu'on distingue à peine la personne etc. c-ad la forme change tout le temps et pourtant reste elle même, garde un même Style, la même essence.
Cette forme abstraite, en quelque sorte non matérielle et hors du temps ne correspond- elle pas à l'essence du corps existant en éternellement en dieu selon Spinoza ?

- A ce propos, une question : Spinoza parle d’essence éternelle de l’âme et d’essence éternelle du corps.
- L’essence du corps réside t elle dans l’attribut pensée ou l’attribut étendue ?
- si elle réside dans l’étendue çà veut dire qu’il y a une dimension éternelle dans l’étendue.. l’éternité ne serait pas uniquement dans l’entendement divin
-
- cette table-là serait doublement nécessaire car exprimant à la fois l’étendue dont elle est un mode et sa propre nature existant éternellement en dieu
-
<<<< il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous une espèce d’éternité >>
- « sub specie aeternitatis »
- je viens justement d’acheter le livre de Chantal Jacquet qui porte ce titre et je lis, page 115 ;
<<< il est manifeste que le terme’’ specie’’ s’apparente à une manière de voir et doit être rattaché au verbe ‘specio’ qui signifie regarder
- c’est pourquoi nous suggérons de traduire l’expression « sub specie aeternitatis » par la formule sous un regard d’éternité.
Concevoir les choses ainsi, c’est les considérer d’un œil éternel. L’expression ne nous semble ni impropre ni importée. Spinoza ne dit il pas lui –même que les démonstrations sont les yeux de l’esprit>>>

( et on en revient à l’expression ‘ les yeux de l’esprit ou ’’oculi mentis’’ qui a motivé votre réaction )

Chantal Jacquet ajoute page 116 que si on traduit l’expression ‘sub specie aeternitatis » par’ sous l’aspect de l’éternité’ comme le fait Gueroult on suggère que les choses possèdent un aspect d’éternité <<< ce qui n’est certes pas faux mais qui masque l’essentiel à savoir que l’expression ici porte sur une conception ; Elle ne rend pas suffisamment compte du caractère actif de la connaissance dans la mesure où le mot aspect renvoie plus à ce qui s’offre au regard qu’à l’acte de regarder, à l’objet qu’au sujet.
Enfin, elle n’est pas exempte d’ambiguïté, puisqu’un aspect peut se réduire à une pure apparence alors que la conception « sub specie aeternitatis » est nécessairement vraie.
Pour toutes ces raisons, il est préférable de mettre l’accent sur la dimension active d’une vision de l’entendement et de s’appuyer pour traduire la formule, sur les indices fournis par Spinoza lui-même. Ce n’est pas un hasard, si l’allusion aux yeux de l’esprit intervient immédiatement après la démonstration de l’existence d’une idée qui exprime l’essence du corps « sub specie aeternitatis » >>>( scolie de la proposition 23 du livre 5 )

Je partage totalement ce point de vue qui justifie mon idée de regard absolu ou pur comme pratique du 3em degré de connaissance et donc comme accès au point de vue éternel.
Il est bien entendu que le sujet d’une telle vision ne peut être ma petite personne mais Dieu lui même qui voit à travers moi ou plutôt à travers mon âme-corps singulier, automate spirituel

cordialement

Joel

hokousai a écrit :cher riseohms

""""""" Par contre la perception du 3em genre ou perception consciente, aperception est une perception directe et intuitive, un regard absolu qui ne met plus l’objet en rapport avec nos références et élimine toute distance avec lui, sans confusion non plus , on ne se contente plus de voir l’objet mais on sent ce qu’on voit c-ad on voit vraiment ce que l’on voit ‘ encore une fois ’ par l’œil de l’esprit par lequel on voit et observe les choses’’ """"""""""

Sur cette question difficile je pense que vous n’y êtes pas vraiment .Il ne s’agit pas du troisième oeil au sens de la mystique indienne .
Pour la compréhension de la connaissance du troisième genre Spinoza dans la cinquième partie(prop 29) renvoie expressément àu corollaire 2 de la proposition 44 partie 2(et je suppose que Spinoza renvoie ainsi à la démonstration qui le suit )

Je ne peux faire ni plus ni moins que de vous inciter à la méditer .(sur cette base on peut discuter )

bien à vous
Hokousai
Modifié en dernier par riseohms le 10 déc. 2005, 20:21, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 08 déc. 2005, 21:36

Merci Joël :D

Juste une remarque : un (tout petit) peu contre Spinoza, peut-être, je considère que l'individu humain ne conserve jamais son essence (l'impermanence étant une loi dans le monde modal, tandis que l'essence est éternelle.) Mélange de mouvement et de repos, il n'est ni permanent ni, au contraire, "fugitif" (ce qui a à peine de sens : on pourrait dire aussi bien "indéterminé" ou "inexistant".) On peut dire qu'au cours de sa vie, il incarne une séquence d'essences qui ont beaucoup plus en commun que de différences, au regard de l'ensemble (continu) des essences, soit Dieu dans sa diversité modale.

Amicalement

Serge
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Messagepar hokousai » 08 déc. 2005, 23:55

à "riseohms

vous citez """"""Or l'étendue est un attribut de Dieu parce qu'elle est en elle-même infinie et éternelle. Donc en connaissant la fleur dans sa singularité, nous connaissons Dieu en tant qu'il s'exprime à travers cette fleur.>> http://www.spinozaetnous.org/article14.html
Je partage totalement ce point de vue."""""""""""""""""""""""

Pas moi .

En connaissant cette fleur dans sa singularité , ce que tout un chacun connaît bien je ne suis pas un connaissant du troisième genre , pas nécessairement .
Cette proposition sous entend que la connaissance de Dieu est en toute connaissance humaine , qu’ elle accompagne toute connaissance chez tout connaissant , ce qui n’est manifestement pas le cas ,on se demande alors quel serait la motivation de l’effort de Spinoza et l’utilité de l’Ethique .

La perception et même l’intellection de l’étendue n’implique pas du tout la connaissance de Dieu ,et le transport en permanence (comme un viatique ) dans notre esprit de cette étendue comme attribut de dieu n’implique pas autre chose que l’ intellection de l’infinité de l’étendue ce qui n’est pas une connaissance d’un genre extraordinaire mais une connaissance très ordinaire ( l’espace est infini )

Ce que j‘ai dit je le redis """"la dimension intellectuelle est inhérente au troisième genre de connaissance,. C'est l'intelligence de la nécessité des choses singulières."""""
Quand vous aurez compris vous saurez que vous avez compris .
Que puis je dire de plus ?

Sinon qu'il me semble que vous vous égariez dans les essences des choses singulières alors que Spinoza parle des notions qui expliquent ce qui est commun à tout , c'est à dire pour moi (et pour lui )les fondements du raisonnement ,c'est à dire la logique . Spinoza est logique .
Cest tout .
Il est en adéquation avec les règles de la logique , il suit lesrégles ,il pense comme il faut penser .Suivant les règles il est en adéquation avec la nécéesité des idées donc des choses .

bien à vous

Hokousai

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Messagepar bardamu » 09 déc. 2005, 12:13

hokousai a écrit :(...). Spinoza est logique .
Cest tout .
Il est en adéquation avec les règles de la logique , il suit lesrégles ,il pense comme il faut penser .Suivant les règles il est en adéquation avec la nécéesité des idées donc des choses .
bien à vous
Hokousai

A mon sens la logique ne correspond qu'au deuxième genre de connaissance. Le troisième genre s'appelle Science Intuitive et je ne crois pas que personne considère l'intuition comme de la logique.
Certes, tout le monde ne parvient pas à ce troisième genre et on peut sans doute vivre en étant seulement logique, avec un spinozisme un peu abstrait. Mais c'est quand on a l'intuitition de Dieu en toute chose, lorsque la fleur est Dieu tout en étant fleur, que le rapport au monde change profondément.
On peut en rester au discours commun, aux notions communes, mais c'est dans l'intime, un incommunicable, que se passe le plus puissant des effets. Les logiciens parlent-ils de béatitude ?

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Messagepar riseohms » 09 déc. 2005, 13:02

Cher Hokousai

merçi de votre réponse

hokousai a écrit : Cette proposition sous entend que la connaissance de Dieu est en toute connaissance humaine , qu’ elle accompagne toute connaissance chez tout connaissant , ce qui n’est manifestement pas le cas ,on se demande alors quel serait la motivation de l’effort de Spinoza et l’utilité de l’Ethique


Je pense qu’effectivement la connaissance de Dieu est présente en chacun de nous et heureusement sinon nous ne serions même pas vivant, Dieu étant la vie en nous.
Mais elle y est présente de façon implicite et toute la difficulté est de la rendre explicite c-ad de participer activement à cette connaissance d’où toute l’utilité de l’Ethique.


hokousai a écrit : En connaissant cette fleur dans sa singularité , ce que tout un chacun connaît bien je ne suis pas un connaissant du troisième genre , pas nécessairement .


<pas nécessairement > on est bien d’accord
C’est justement ce que j’ai essayé de dire. La connaissance dont je parlais n’est pas une connaissance ordinaire c-ad analytique ou descriptive de la fleur, ce n’est pas une connaissance qui va référer cette fleur à autre chose qu’elle même .
C’est une connaissance sans jugement qui fait abstraction et du savoir sur la fleur,savoir jamais achevé car infini et des réactions subjectives ( émotions, souvenirs ).
C’est une connaissance pure qui, comme le dit la phénoménologie, la perçoit en chair et en os, c-ad en sa présence, en tant qu’elle est vivante et réelle et qui permet de voir la fleur telle qu’elle ‘est ‘.
Ce ‘EST’ de la fleur, qui est sa présence,est aussi la présence de l’étendue c-ad ce que l’entendement perçoit de la substance comme constituant son essence ><
Et cette étendue est bien cette notion commune à toutes les choses singulières dont vous parliez- je peux utiliser d’autres notions communes : Toutes les choses que je perçois sont des corps, sont de la matière, sont en couleurs, sont des choses etc..
Dans tous les cas ces notions communes nous permettent de créer des liens entre les choses singulières et d’éprouver un sentiment d’immanence ( affect actif )
En outre, l’accès à la connaissance de l’attribut, essence de la substance, passe obligatoirement par la connaissance des choses singulières en tant qu’essence ou idée
Proposition 24,livre 5 << plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons dieu >> que Spinoza renvoie à la proposition 25 du livre 1<< dieu n’est pas seulement cause efficiente de l’existence des choses mais encore de leur essence >>
Percevoir l’essence de la chose singulière c’est juste la percevoir telle qu’elle est c-ad en tant qu’elle est :
Proposition 44 livre 2 <<il est de la nature de la raison de percevoir les choses de façon vraie à savoir comme elles sont en soi>>
Et la proposition 34 livre 2 << toute idée qui en nous est absolue autrement dit adéquate est parfaite-est vraie>>
Or percevoir l’essence de la fleur ou la fleur en elle-même c’est bien avoir une idée absolue de la fleur donc vraie et ce qui est mobilisé pour cela c’est un regard absolu qui donc ne renvoie pas la fleur à autre chose qu’elle-même.
Et toute idée vraie est en dieu et nous met en contact avec lui


hokousai a écrit : La perception et même l’intellection de l’étendue n’implique pas du tout la connaissance de Dieu ,et le transport en permanence (comme un viatique ) dans notre esprit de cette étendue comme attribut de dieu n’implique pas autre chose que l’ intellection de l’infinité de l’étendue ce qui n’est pas une connaissance d’un genre extraordinaire mais une connaissance très ordinaire ( l’espace est infini )


Je préfère l’ordinaire à l’extraordinaire ou plutôt je constate que l’ordinaire selon le regard peut se révéler extraordinaire
Quand vous dites que la perception et l’intellection de l’étendue n’implique pas la connaissance de Dieu, je crains qu’il n’y ait là un retour du dieu transcendant.
Et ce que j’ai compris de Spinoza c’est que la substance n’est pas autre que ses attributs
et donc la connaissance d’un attribut implique la connaissance de dieu.
C’est justement cela ‘ la bonne nouvelle ‘ chez Spinoza et qui fait que dieu est accessible à tous si on est suffisamment simple pour l’accepter, en effet il suffit d’ouvrir les yeux.
Là est, peut-être, la vraie foi.

Une image :Dieu est au monde ce que le sable est au château de sable.
On ne peut percevoir le château sans percevoir le sable
Donc Dieu est toujours connu
Mais ce savoir reste, pour la plupart d’entre nous, implicite.
Fascinés que nous sommes par le château et ses rêves.
Seule une attention totale, motivée par une conviction (et donc un désir ) fruit d’un travail au niveau du 2em genre de connaissance, peut rendre ce savoir explicite.
et nous rendre heureux
Car quel bonheur de s’apercevoir que le château et tout ce qui l’entoure partage la même substance : unité dans la diversité



hokousai a écrit : Ce que j‘ai dit je le redis """"la dimension intellectuelle est inhérente au troisième genre de connaissance,. C'est l'intelligence de la nécessité des choses singulières."""""
Quand vous aurez compris vous saurez que vous avez compris .
Que puis je dire de plus ?


oui je me propose de travailler cette idée
Mais j’aimerais tellement que vous, vous m’en parliez ou qu’éventuellement vous m’indiquiez un lien sur le site où vous en avez déjà parlé.

Amicalement
Joel

PS : qui peut m’aider sur cette : Spinoza parle d’essence éternelle de l’âme et d’essence éternelle du corps.
- L’essence du corps réside t elle dans l’attribut pensée ou l’attribut étendue ?
- si elle réside dans l’étendue çà veut dire qu’il y a une dimension éternelle dans l’étendue.. l’éternité ne serait pas uniquement dans l’entendement divin
Modifié en dernier par riseohms le 10 déc. 2005, 20:22, modifié 2 fois.

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Messagepar riseohms » 09 déc. 2005, 14:29

sescho a écrit :Merci Joël :D

Juste une remarque : un (tout petit) peu contre Spinoza, peut-être, je considère que l'individu humain ne conserve jamais son essence (l'impermanence étant une loi dans le monde modal, tandis que l'essence est éternelle.) Mélange de mouvement et de repos, il n'est ni permanent ni, au contraire, "fugitif" (ce qui a à peine de sens : on pourrait dire aussi bien "indéterminé" ou "inexistant".) On peut dire qu'au cours de sa vie, il incarne une séquence d'essences qui ont beaucoup plus en commun que de différences, au regard de l'ensemble (continu) des essences, soit Dieu dans sa diversité modale.

Amicalement

Serge



Bonjour serge

C’est vrai que la question de l’essence individuelle est difficile
Et je commence à peine à réfléchir dessus. on rentre dans un domaine ,celui de l’éternité à la limite du pensable.
Le corps en tant que mélange de repos et de mouvement peut varier puisque modal mais selon un certain rapport abstrait qui, lui, est invariant et éternel et qui définit la différence individuelle.
Ce rapport différentiel ou essence singulière serait l’idée que dieu a de notre corps.
Et notre âme, idée de ce corps, en tant qu’essence éternelle pourrait être une vibration ou intensité unique et singulière de Dieu

<<L’individu humain ne conserve jamais son essence>>

je dirais plutôt que c’est grâce à l’essence ou rapport invariant de composition que l’individu se conserve sinon toutes ses parties composées se décomposeraient.

<< qu'au cours de sa vie, il incarne une séquence d'essences>>

Pouvez- vous préciser ?
Voulez-vous dire différents personnages ?
mais même si c’est le cas ils sont incarnés par un acteur commun qui reste unique et singulier et qui est cette essence individuelle

Une question difficile que je me pose :
L’essence individuelle qui est éternelle peut-elle évoluer ?
Ce qui serait contradictoire avec l’idée d’éternité car l’évolution implique le temps
On a une puissance d’agir et d’affect en fonction de notre nature et si notre nature est celle d’un assassin, celui ci est il condamné à demeurer éternellement un assassin ?
Bon, c’est vrai qu’en posant cette question, on suppose que l’individu est un sujet donc une substance, ce qui est une erreur et qu’à la limite on devrait même pas se sentir concerné par cette question puisque notre nature tend vers Dieu, en tout cas pour les amis de Spinoza
Néanmoins c’est une question que celle de l’évolution d’une essence

Amicalement
Joel

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hokousai
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Messagepar hokousai » 09 déc. 2005, 15:22

cher riseohms

"""""""""""Quand vous dites que la perception et l’intellection de l’étendue n’implique pas la connaissance de Dieu, je crains qu’il n’y ait là un retour du dieu transcendant. """""""""

Mais ça n 'a rien à voir . Tout homme perçoit l' étendue tout homme n'est pas Spinoziste .La connaissance d’un attribut n’implique pas du tout la connaissance de dieu c'est la compréhension de l'attribut d'une certaine manière qui est logiquement conforme à la compréhension de Dieu comme substance .Il ne suffit pas de connaître l ‘étendue il faut la penser d’une certaine manière et c’est cela l’ Ethique de Spinoza .
.................................;

Je vous dis que ce n'est pas le cas , c’est à dire que la connaissance de Dieu n'est pas présente en chacun de nous et vous me répondez""""Je pense qu’effectivement la connaissance de Dieu est présente en chacun de nous et heureusement sinon nous ne serions même pas vivant,'''''''''''

Je ne fais pas d' angélisme les hommes n’ont pas tous la connaissance de Dieu ni de Dieu au sens des monothéisme ni au sens panthéiste de Spinoza .Il n’en ont pas la connaissance consciente donc pas de connaissance du tout .Une manière implicite de pensée est une manière virtuelle donc inexistante réellement .

..........................................

Je ne sais pas ce qu'est une connaissance pure ,une connaissance qui fasse abstraction de tout savoir, à tout le moins je ne sais pas reconnaître une telle connaissance .En revanche je sais reconnaître une connaissance claire et distincte , c’est à dire en contexte ,une connaissance qui a une genèse et qui s’inscrit dans le fil des idées .
Dès que vous faites référence à ( l’étendue par exemple ) vous avez une connaissance en contexte, une connaissance, qui porte un sens et pas une connaissance "pure "


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Messagepar bardamu » 09 déc. 2005, 22:27

hokousai a écrit :Je vous dis que ce n'est pas le cas , c’est à dire que la connaissance de Dieu n'est pas présente en chacun de nous et vous me répondez""""Je pense qu’effectivement la connaissance de Dieu est présente en chacun de nous et heureusement sinon nous ne serions même pas vivant,'''''''''''

Je ne fais pas d' angélisme les hommes n’ont pas tous la connaissance de Dieu ni de Dieu au sens des monothéisme ni au sens panthéiste de Spinoza .Il n’en ont pas la connaissance consciente donc pas de connaissance du tout .Une manière implicite de pensée est une manière virtuelle donc inexistante réellement .


Mais Spinoza, il dit quoi ?

E5P23 scolie : (...) nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels. L'âme en effet, ne sent pas moins les choses qu'elle conçoit par l'entendement que celles qu'elle a dans la mémoire. Les yeux de l'âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations. Aussi, quoique nous ne nous souvenions pas d'avoir existé avant le corps, nous sentons cependant que notre âme, en tant qu'elle enveloppe l'essence du corps sous le caractère de l'éternité, est éternelle, et que cette existence éternelle ne peut se mesurer par le temps on s'étendre dans la durée. Ainsi donc, on ne peut dire que notre âme dure, et son existence ne peut être enfermée dans les limites d'un temps déterminé qu'en tant qu'elle enveloppe l'existence actuelle du corps ; et c'est aussi à cette condition seulement qu'elle a le pouvoir de déterminer dans le temps l'existence des choses et de les concevoir sous la notion de durée.

Que signifie pour vous ce "sentiment" dont parle Spinoza, cette expérience qui doit apparaître par la vision que donne les démonstrations ?


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