le Dieu de Spinoza est un Jéhovah très amélioré...

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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antrax
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le Dieu de Spinoza est un Jéhovah très amélioré...

Messagepar antrax » 15 août 2006, 19:49

... ce qu'affirme : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Dieu_de_Spinoza

"Le vulgaire des philosophes commence par les choses, Descartes a commencé par la pensée, moi je commence par Dieu"
Spinoza cité dans l'Europe philosophe, Jean Brun, Stock, p.191.
Prov. 1:7; Ps. 111:10: "La crainte de Jéhovah est le commencement de la connaissance (...) [et] de la sagesse." in http://tjwt.free.fr/philo.htm (site Henrique Diaz)
Effectivement "le vulgaire des philosophes" est de l'oublier!

Si Spinoza rappelle cette vérité il reste que sa philosophie " débouche sur une philosophie intellectualiste du salut", "une philosophie dédramatisée où le Mal ne semble tenir aucune place." op.cit.

Le salut spinozien par la connaissance estime que "tout malheur est renvoyé à une expérience passionnelle à laquelle la prise de conscience de l'idée adéquate doit mettre un terme." idem

C'est, on le comprend, un salut négatif car dénégateur de la réalité de la souffrance humaine que le Christ a partagée lui aussi et pour lequel il a instauré la Rédemption.

"L'homme est un dieu pour l'homme" de Spinoza nous rapelle que "l'homme qui a voulu devenir Dieu s'est couronné comme être autocréateur et autosauveur" (op.cit.p.16) mais
le malheur est que ces saluts, que ce soit par la connaissance ou non, ne sont que des sauvetages qui finissent en naufrages!
La période d'extrême urgence que nous vivons nous le souligne cruellement :
http://dmenti.blogspot.com/





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Messagepar Henrique » 17 août 2006, 02:02

antrax a écrit :"Le vulgaire des philosophes commence par les choses, Descartes a commencé par la pensée, moi je commence par Dieu"
Spinoza cité dans l'Europe philosophe, Jean Brun, Stock, p.191.[i]

Une bonne chose si vous vous proposez de critiquer Spinoza ou n'importe quel autre auteur est de donner les références directes de vos citations plutôt que de passer par un intermédiaire qui prend bien des libertés à ce qu'il me semble.

Prov. 1:7; Ps. 111:10: "La crainte de Jéhovah est le commencement de la connaissance (...) [et] de la sagesse." in http://tjwt.free.fr/philo.htm (site Henrique Diaz)

Vous citez le début d'une citation que je faisais d'une publication des Témoins de Jéhovah dont justement je fais la critique ! Vous êtes bien compliqué... pourquoi jouer les érudits en multipliant les références de références et ne pas nous dire que vous êtes ici pour faire votre sermon ?

Effectivement "le vulgaire des philosophes" est de l'oublier!


Contre-vérité. St Augustin, St Thomas, Pascal, Malebranche, Kant dans une large mesure, Kierkegaard, Gabriel Marcel, Emmanuel Mounier, Jaspers et bien d'autres ont fait de la crainte de Dieu le commencement de leurs philosophies. Cela dit, il est vrai que Spinoza n'est pas du genre à prendre pour argument ce que d'illustres prédecesseurs ont pu écrire, ni de suivre à la lettre tout ce qu'ont pu écrire Salomon ou Saint Paul de Tarse. Argument qui lui donne raison : la connaissance s'appuie sur des idées claires et distinctes, or le propre de la crainte est de générer des idées obscures et confuses, elle ne peut donc fonder aucune connaissance véritable.

Mais en ce qui concerne l'enseignement de Jésus, dont Spinoza reconnaît la grande valeur, enseignement contenu dans les évangiles, notamment ceux de Marc et de Jean, le plus ancien et l'autre le plus dégagé des soucis théologico-politiques des judéo-chrétiens, difficile de voir chez celui qui dit que la connaissance de son enseignement rend libre et joyeux une volonté d'humilier et d'effrayer, l'affirmation que la crainte pourrait engendrer une quelconque connaissance.

Si Spinoza rappelle cette vérité il reste que sa philosophie " débouche sur une philosophie intellectualiste du salut", "une philosophie dédramatisée où le Mal ne semble tenir aucune place." op.cit.


Jean Brun montre surtout qu'il ne connaît Spinoza que par le biais de manuels d'initiation à la philosophie datant des années soixante. Aucun historien de la philosophie de Spinoza ne dirait aujourd'hui que chez Spinoza le salut est purement intellectuel, au sens où on parle d'intellectualisme : ce qui serait sans aucune dimension affective. Il suffit pour s'en rendre compte de ne pas en rester à quelques citations piochées dans l'Ethique et détournées de leur contexte (Il faut savoir qu'on a beaucoup glosé sur Spinoza en Europe depuis le XVIIème siècle, de Voltaire à Nietzsche, sans jamais l'avoir lu très en détail mais plutôt au travers de manuels plus ou moins favorables).

Quant au mal, au sens de ce qui est clairement et distinctement contraire à la vie bienheureuse éternelle dont Spinoza se propose de donner la méthode (E4D2 et appendice), toute l'Ethique est un itinéraire pour apprendre à s'en libérer, notamment sous la forme des préjugés et passions tristes qui s'ensuivent, notamment la haine (de soi ou d'autrui).

Le salut spinozien par la connaissance estime que "tout malheur est renvoyé à une expérience passionnelle à laquelle la prise de conscience de l'idée adéquate doit mettre un terme." idem


Encore une approximation fort réductrice de la philosophie de celui qui a dit au contraire : "Une passion ne peut être empêchée ou détruite que par une passion contraire et plus forte." <i>Ethique</i> IV, prop. 7, ce qui signifie que pour se libérer d'une passion mauvaise, une idée vraie de ce qui est bon ne saurait suffire, mais qu'il faut recourir à d'autres passions.

C'est, on le comprend, un salut négatif car dénégateur de la réalité de la souffrance humaine que le Christ a partagée lui aussi et pour lequel il a instauré la Rédemption.


Lisez donc le début du Traité de la réforme de l'entendement pour voir si Spinoza a ignoré la souffrance humaine. Certes, il n'a pas cherché à s'y installer comme l'a voulu un certain christianisme doloriste et ascétisant. Quant à la "Rédemption" au sens de rachat de la faute d'être né humain, c'est un concept de Paul, c'est-à-dire de la secte marcionite, à laquelle étaient opposés les judéo-chrétiens à la suite de Jacques et de Pierre et aussi aux "gnostiques" comme Thomas, Jean et Valentin d'un autre côté, quels que soient les syncrétismes qu'a ensuite cherché à établir la nouvelle religion officielle de l'empire romain aux environs du quatrième siècle, pour des raisons théologico-politiques.


"L'homme est un dieu pour l'homme" de Spinoza


Enfin une citation authentique, mais manifestement mal comprise car détournée de son contexte...

nous rapelle que "l'homme qui a voulu devenir Dieu s'est couronné comme être autocréateur et autosauveur" (op.cit.p.16) mais
le malheur est que ces saluts, que ce soit par la connaissance ou non, ne sont que des sauvetages qui finissent en naufrages!
La période d'extrême urgence que nous vivons nous le souligne cruellement :
http://dmenti.blogspot.com/


Quel rapport entre la relative divinité de l'homme selon Spinoza et les considérations catastrophistes en matière de climatologie et de politique dont est fait votre site ? Croyez vous que les vils pollueurs d'aujourd'hui ou à la limite leurs grands père aient lu Spinoza et aient aussitôt décidé d'aller massacrer la Terre ?

Si Jean Brun, ou mieux vous, aviez considéré cette citation dans son contexte (Ethique IV, prop. 35, scolie) vous auriez vu qu'en disant cela, Spinoza ne faisait que se référer à une sorte de dicton en cours à son époque qu'il prend non comme une façon de surélever l'homme au dessus de sa condition mais comme le bête constat que si par dieu on entend un être nécessaire à la subsistance de l'homme, ce qui correspond à peu près à la définition vulgaire, (sachant que dans cette remarque, Spinoza n'expose pas un principe de sa philosophie mais explique que pour une fois l'opinion vulgaire n'est pas fausse - il suffit d'aller la lire) alors l'homme est un dieu pour l'homme parce qu'aucun homme ne peut subsister sans les autres hommes, malgré les jalousies et les haines qui les agitent ordinairement. Pas vraiment de quoi fouetter un minou à sa mémère.

Henrique (pas de retour avant trois-quatre jours, prenez donc le temps de réfléchir avant de répondre).

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Messagepar antrax » 17 août 2006, 10:03

Les nations se sont irritées; et ta colère est venue, et le temps est venu de juger les morts, de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et de détruire ceux qui détruisent la terre.
Apocalypse selon Saint Jean, 11:18, Segond.

Puisque vous contredisez systématiquement le philosophe dijonnais Jean Brun, pensant mieux penser que lui, pourquoi pas? je vous approuve une fois de plus, préférant à la philosophie (dijonnaise ou non) la révélation (selon Jean ou non).

Mon site "catastrophiste" fait un état des lieux de la terre tel, que je me souviens que les chrétiens attendent que cesse le "massacre" de la planète par l'exercice de la Justice divine. Mais ces choses sont révélées et non découvertes par spéculation hasardeuse. Donc, sur cette agora, aucune chance de convaincre qui que ce soit qu'une destruction va s'abattre sur les pollueurs! Mazoutons et ron et ron petit patapon!
Modifié en dernier par antrax le 17 août 2006, 16:26, modifié 4 fois.

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Messagepar bardamu » 17 août 2006, 13:10

antrax a écrit :(...)Mon site "catastrophiste" fait un état des lieux de la terre tel, que je me souviens que les chrétiens attendent que cesse le "massacre" de la planète par l'exercice de la Justice divine. Mais ces choses sont révélées et non découvertes par spéculation hasardeuse. Donc, sur cette agora, aucune chance de convaincre qui que ce soit qu'une destruction va s'abattre sur les pollueurs! Mazoutons et ron et ron petit patapon!

Comme il est contradictoire de s'aimer soi-même et ses enfants et de faire un environnement pollué, il n'y a pas besoin de craindre une destruction révélée pour agir. D'ailleurs, je n'ai jamais entendu des écologistes se référer à une révélation...
Et puis le problème avec les révélations, c'est qu'elles manquent singulièrement de précision au niveau des dates. Un coup la destruction est annoncée par la peste noire, un coup par une comète qui passe, et puis non, finalement, pas de destruction.
Par contre, il est quasiment assuré (c'est les sciences qui le disent) que la planète disparaîtra dans 5 milliards d'années, avalée par le Soleil devenu une géante rouge. C'est la nature, c'est comme ça, les choses passent...

Une référence amusante en matière de fin du monde : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_dernier ... n_du_monde

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Messagepar antrax » 17 août 2006, 16:12

bardamu a écrit :Et puis le problème avec les révélations, c'est qu'elles manquent singulièrement de précision au niveau des dates.

Bravo Bardamu! C'est tout à fait ça! Pour illustrer votre remarque, pensont aux "lendemains qui chantent" dans le paradis socialiste à l'avènement de l'Homme nouveau prolétarien : non point révélation mais tenue pour telle à partir de la philosophie de l'Histoire de Karl Marx!
Mais la classe ouvrière, peuple élu du Prolétariat, l'attend toujours ce paradis! En revanche, les messies politiques communistes gonflés de belles idées philosophiques marxistes, plutôt que le paradis ont apporté l'enfer sur terre aux plus de 20 millions de morts que le communisme a laissé derrière lui au XXe siècle.
Les eschatologies politiques sont plus à redouter, on le voit bien que l'attente de la Fin des Temps chrétiens et son corrolaire, le Jugement Dernier. Croire au Message chrétien et au Dies Irae évoqué par Saint Jean ici permet comme dans En Attendant Godot, "d'attendre en attendant". Ca ne fait de mal à personne.
Ce n'est pas le cas avec "toutes ces spéculations sur "la fin de l'histoire" qui réaliserait l'épanouissement parfait d'une humanité définitivement libérée de tout conflit." (JB, P.&Christ.,p.118)
L'homme est un dieu pour l'homme qui le lui rend bien mal!!

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Messagepar bardamu » 17 août 2006, 17:29

antrax a écrit :Les eschatologies politiques sont plus à redouter, on le voit bien que l'attente de la Fin des Temps chrétiens et son corrolaire, le Jugement Dernier. Croire au Message chrétien et au Dies Irae évoqué par Saint Jean ici permet comme dans En Attendant Godot, "d'attendre en attendant". Ca ne fait de mal à personne.
Ce n'est pas le cas avec "toutes ces spéculations sur "la fin de l'histoire" qui réaliserait l'épanouissement parfait d'une humanité définitivement libérée de tout conflit." (JB, P.&Christ.,p.118)
L'homme est un dieu pour l'homme qui le lui rend bien mal!!

Et le top du top, c'est non seulement de se passer des eschatologies politiques mais aussi des chrétiennes !
Le Jugement Dernier, le Tribunal divinisé, l'ultime Inquisition... à quelle vie, à quel type psychologique correspond cette croyance, cette idée du Procès dont il faut se réjouir, du châtiment de son "méchant" voisin et de l'élection de son "gentil" compère ?
Et quelle est dans tout cela la part d'une morale de l'obéissance à base de peur et d'espérance, de bâton et de carotte pour les ânes humains qui sortent du droit chemin ?

Spinoza a écrit :Nous nous écartons ici, à ce qu'il semble, de la croyance vulgaire. Car la plupart des hommes pensent qu'ils ne sont libres qu'autant qu'il leur est permis d'obéir à leurs passions, et qu'ils cèdent sur leur droit tout ce qu'ils accordent aux commandements de la loi divine. La piété, la religion et toutes les vertus qui se rapportent à la force d'âme sont donc à leurs yeux des fardeaux dont ils espèrent se débarrasser à la mort, en recevant le prix de leur esclavage, c'est-à-dire de leur soumission à la religion et à la piété. Et ce n'est pas cette seule espérance qui les conduit ; la crainte des terribles supplices dont ils sont menacés dans l'autre monde est encore un motif puissant qui les détermine à vivre, autant que leur faiblesse et leur âme impuissante le comportent, selon les commandements de la loi divine. Si l'on ôtait aux hommes cette espérance et cette crainte, s'ils se persuadaient que les âmes périssent avec le corps et qu'il n'y a pas une seconde vie pour les malheureux qui ont porté le poids accablant de la piété, il est certain qu'ils reviendraient à leur naturel primitif, réglant leur vie selon leurs passions et préférant obéir à la fortune qu'à eux-mêmes. Croyance absurde, à mon avis, autant que celle d'un homme qui s'emplirait le corps de poisons et d'aliments mortels, par cette belle raison qu'il n'espère pas jouir toute l'éternité d'une bonne nourriture, ou qui, voyant que l'âme n'est pas éternelle ou immortelle, renoncerait à la raison et désirerait devenir fou ; toutes choses tellement énormes qu'elles méritent à peine qu'on s'en occupe.

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Messagepar antrax » 17 août 2006, 17:47

bardamu a écrit :Et le top du top, c'est non seulement de se passer des eschatologies politiques mais aussi des chrétiennes !

Le mieux Bardamu, pour vous dispenser de toute eschatologie chrétienne, c'est de voir avec la Maison-Mère. Présentez un mot d'excuses des parents par exemple. Moi, je ne pourrais pas grand chose pour vous. Je ne me sens pas capable de discuter de la théodicée.(c'est comme ça que disent les philosophes, je crois).
A chacun "sa préférence". Moi, les Führer, les Petit Père des Peuples, les Grand Timoniers de l'Histoire me rappellent des lieux comme Auschwitz, le Goulag, ... qui appellent un jugement sur l'Homme qui s'est pris pour Dieu.
Pour vous, ça va. La Raison raisonneuse des philosophes qui a poussé les peuples dans les immenses charniers de l'Histoire nommés plus haut vous satisfait. Je respecte votre choix... intellectuel. Tant que vous ne mettez pas en pratique l'une de ces criminelles philosophies où "l'homme est un dieu pour l'homme" se prolongeant dans des idées politiques qui ont fait le malheur de l'humanité.

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Messagepar bardamu » 17 août 2006, 18:11

antrax a écrit : Tant que vous ne mettez pas en pratique l'une de ces criminelles philosophies où "l'homme est un dieu pour l'homme" se prolongeant dans des idées politiques qui ont fait le malheur de l'humanité.

Voyons voir...
On a d'un côté Hobbes et son "l'homme est un loup pour l'homme", chose que Hitler n'aurait sans doute pas rejeté, et de l'autre "l'homme est un Dieu pour l'homme". Et si ce que tu prends pour un slogan de divinisation de l'ego fondait le respect que l'homme a pour l'homme, un humanisme où chacun prend son prochain comme un Dieu, comme l'être qui lui est le plus utile, le plus vénérable ?

Un peu de rigueur philosophique :
Spinoza, Ethique partie 4 a écrit :PROPOSITION XXXV
Les hommes ne sont constamment et nécessairement en conformité de nature qu'en tant qu'ils vivent selon les conseils de la raison.

Démonstration : Les hommes, en tant qu'ils sont livrés au conflit des affections passives, peuvent être de nature différente (par la Propos. 33, part. 4) et même contraire (par la Propos. précédente). Or, on ne peut dire des hommes qu'ils agissent qu'en tant qu'ils dirigent leur vie d'après la raison (par la Propos. 3, part. 3), et par conséquent tout ce qui résulte de la nature humaine, en tant qu'on la considère comme raisonnable, doit (en vertu de la Déf. 2, part. 3) se concevoir par la nature humaine toute seule, comme par sa cause prochaine. Mais tout homme, par la loi de sa nature, désirant ce qui lui est bon, et s'efforçant d'écarter ce qu'il croit mauvais pour lui (par la Propos. 19, part. 4), et d'un autre côté, tout ce que nous jugeons bon ou mauvais d'après la décision de la raison étant nécessairement bon ou mauvais (par la Propos. 41, part. 2), ce n'est donc qu'en tant que les hommes règlent leur vie d'après la raison qu'ils accomplissent nécessairement les choses qui sont bonnes pour la nature humaine, et partant bonnes pour chaque homme en particulier ; en d'autres termes (par le Coroll. de la Propos. 31, part. 4), les choses qui sont en conformité avec la nature de tous les hommes. Donc les hommes en tant qu'ils vivent selon les lois de la raison, sont toujours et nécessairement en conformité de nature. C. Q. F. D.

Corollaire I : Rien dans la nature des choses n'est plus utile à l'homme que l'homme lui-même, quand il vit selon la raison. Car ce qu'il y a de plus utile pour l'homme, c'est ce qui s'accorde le mieux avec sa nature (par le Coroll. de la Propos. 31, part. 4), c'est à savoir, l'homme (cela est évident de soi). Or, l'homme agit absolument selon les lois de sa nature quand il vit suivant la raison (par la Déf. 2, part. 3), et à cette condition seulement la nature de chaque homme s'accorde toujours nécessairement avec celle d'un autre homme (par la Propos. précéd.). Donc rien n'est plus utile à l'homme entre toutes choses que l'homme lui-même, etc. C. Q. F. D.

Corollaire II : Plus chaque homme cherche ce qui lui est utile, plus les hommes sont réciproquement utiles les uns aux autres. Plus, en effet, chaque homme cherche ce qui lui est utile et s'efforce de se conserver, plus il a de vertu (par la Propos. 20, part. 4), ou, ce qui est la même chose (par la Déf. 8, part. 4), plus il a de puissance pour agir selon les lois de sa nature, c'est-à-dire (par la Propos. 3, part. 3) suivant les lois de sa raison. Or les hommes ont la plus grande conformité de nature quand ils vivent suivant la raison (par la Propos. précéd.). Donc (par le précéd. Coroll.) les hommes sont d'autant plus utiles les uns aux autres que chacun cherche davantage ce qui lui est utile. C. Q. F. D.

Scholie : Ce que nous venons de montrer, l'expérience le confirme par des témoignages si nombreux et si décisifs que c'est une parole répétée de tout le monde : L'homme est pour l'homme un Dieu. Il est rare pourtant que les hommes dirigent leur vie d'après la raison, et la plupart s'envient les uns les autres et se font du mal. Cependant, ils peuvent à peine supporter la vie solitaire, et cette définition de l'homme leur plaît fort : L'homme est un animal sociable. La vérité est que la société a beaucoup plus d'avantages pour l'homme qu'elle n'entraîne d'inconvénients. Que les faiseurs de satires se moquent donc tant qu'il leur plaira des choses humaines ; que les théologiens les détestent à leur gré, que les mélancoliques vantent de leur mieux la vie grossière des champs, qu'ils méprisent les hommes et prennent les bêtes en admiration ; l'expérience dira toujours aux hommes que des secours mutuels leur donneront une facilité plus grande à se procurer les objets de leurs besoins, et que c'est seulement en réunissant leurs forces qu'ils éviteront les périls qui les menacent de toutes parts. Mais je m'abstiens d'insister ici, pour montrer qu'il est de beaucoup préférable et infiniment plus digne de notre intelligence de méditer sur les actions des hommes que sur celles des bêtes.
Tout cela sera développé plus tard avec étendue.

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Messagepar antrax » 17 août 2006, 18:45

Depuis Descartes, nous ne sommes plus dans une philosophie de la contemplation mais dans une philosophie de l'action. C'est le changement qu'ont apporté les Temps Modernes.
A ce sujet, dans son cours, Le Destin de la Vérité, Jean Brun rappelle que :
"Cependant, quelles que soient leurs différences, l'une et l'autre conduisent à une auto-divinisation de l'homme; car la vérité rationnelle, en nous libérant de l'erreur, mais aussi de la faute, nous assure notre salut, puisqu'il "suffit de bien juger pour bien faire". (...) bref, comme dans l'hellénisme, nous avons affaire ici à une philosophie du salut par la connaissance (et la chose sera encore plus nette dans le spinozisme)."
Dans Progrès et Optimisme, il avertit :
"Toutes les dialectiques qui hypostasient l'homme à sauver en sauveur engendrent, tôt ou tard l'Horreur."
L'homme a suffisamment payé le prix de ces conceptions auto-déifiante de l'homme. Le XXe s., c'est le bouquet pour ça!

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Re: mémoire

Messagepar bardamu » 17 août 2006, 20:37

antrax a écrit :(...)
L'homme a suffisamment payé le prix de ces conceptions auto-déifiante de l'homme. Le XXe s., c'est le bouquet pour ça!

Tu n'as pas lu ou quoi ?
"Plus chaque homme cherche ce qui lui est utile, plus les hommes sont réciproquement utiles les uns aux autres."
dans un autre genre : "Aidez-vous les uns les autres".
Utilité, sentiments positifs, amour, partage, réciprocité, les bonnes relations entre humains. On sent bien combien ça promet d'Horreur...

Mais bon, je suppose que Jean Brun pensait que l'homme était pourri par le péché originel, incapable de vivre en bonne entente comme la sardine vit en bonne entente avec les autres sardines, qu'il fallait quelque chose d'extérieur pour le repécher. D'ailleurs, s'est-il interrogé sur les Horreurs commisent au nom de Dieu dans les diverses religions ? Après tout, rien n'empêche de dire "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !" si le jugement est après, si le mort devient un martyr destiné au Paradis. Dieu juge pourquoi l'homme s'embêterait à le faire ?


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