Comment Spinoza justifie t il l'accord pensée/réel?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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ghozzis
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Comment Spinoza justifie t il l'accord pensée/réel?

Messagepar ghozzis » 21 nov. 2003, 17:34

Bonjour,
Je fais ici appel aux exégètes de Spinoza qui ont plus de patience que moi pour le lire.
Pourriez vous m'expliquer comment Spinoza justifie que l'esprit humain puisse tenir un discours non pas sur ce qui lui apparait (phénomène), mais sur le réel lui meme.
En d'autres termes, comment une métaphysique est elle possible pour spinoza?
NB: j'appelle 'métaphysique' tout discours portant sur des entités non observables.
Merci :o
Sacha

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bardamu
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Re: Comment Spinoza justifie t il l'accord pensée/réel?

Messagepar bardamu » 21 nov. 2003, 21:29

ghozzis a écrit :Bonjour,
Je fais ici appel aux exégètes de Spinoza qui ont plus de patience que moi pour le lire.
Pourriez vous m'expliquer comment Spinoza justifie que l'esprit humain puisse tenir un discours non pas sur ce qui lui apparait (phénomène), mais sur le réel lui meme.
En d'autres termes, comment une métaphysique est elle possible pour spinoza?
NB: j'appelle 'métaphysique' tout discours portant sur des entités non observables.
Merci :o
Sacha


Salut Sacha,
Spinoza définit 2 champs amorphes, la Pensée et l'Etendue, sans qu'il n'y ait a priori de Sujet qui pense ou d'Objet stable.
C'est dans cette pensée sans Sujet que se situe le mieux le métaphysique. On peut s'en approcher avec les êtres géométriques comme le cercle. Autant on peut dire qu'on ne verra jamais de cercle parfait, autant il est difficile d'en nier l'existence si ce n'est en niant toute possibilité de connaissance analytique.
Les mathématiques sont métaphysiques et pourtant la physique depuis, justement, le siècle de Spinoza (Descartes, Leibnitz, Newton...) ne peut s'en passer. Au coeur des phénomènes on isole des constances et des variations pour produire ce qu'on appelle une vérité scientifique c'est-à-dire une construction admissible par tout esprit.
La métaphysique de Spinoza en est proche : retirer du flot spontanément inadéquat des pensées ce qui est adéquat à son objet, ce qui est vrai.

Les mathématiques appliquées à la physique donnent une idée de cette métaphysique mais elles ne donnent que des vérités générales et pour obtenir le même résultat au niveau des vérités singulières, il faut en passer par la Science Intuitive qui est beaucoup plus spontanée.
Je tente un nouveau terme pour cette Science Intuitive : la maîtrise. Maîtriser son sujet que celui-ci soit la vaisselle (cf Wittgenstein) ou les mathématiques des espaces de Hilbert.
Lorsqu'on est dans son élément, lorsqu'on est en adéquation parfaite avec l'objet de ses pensées, on obtient cette certitude (être sûr de soi) et la "béatitude" qui va avec.

Mais avec Spinoza, il faut abandonner la moindre croyance en une "chose en soi" qui serait séparable du Sujet. Ca n'existe pas les "choses en soi", il n'y a même pas de phénomènes auxquelles on pourrait les opposer. Par rapport à Kant, peut-être qu'on se rapproche de Spinoza si on ne prend que phénomène et noumène sans jamais croire à la "chose en soi".
L'"en soi" n'appartient qu'à l'absolu infini et dès qu'on dit "une chose" c'est qu'on est dans le "en une autre chose".

V. J'entends par mode les affections de la substance, ou ce qui est dans autre chose et est conçu par cette même chose.

E1,25 Corollaire : Les choses particulières ne sont rien de plus que (...) les modes par lesquels les attributs de Dieu s'expriment d'une façon déterminée. Cela est évident par la Propos. 15 et la Déf. 5.

Cela signifie que les scientifiques comme les autres ne peuvent parler que des "choses dans l'expérience" et que ces "choses dans l'expérience" ne sont rien d'autre que les constances et variations dans l'expérience qu'on symbolise (= identifie) ensuite à l'aide des mathématiques pour permettre des extrapolations.

Et il faudrait vraiment que je termine cet article sur physique quantique et Spinoza...

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Messagepar ghozzis » 21 nov. 2003, 22:46

Salut Fab,
Pourquoi dis tu que les mathématiques sont métaphysiques. C'est étonnant, d'autant plus que je ne connais pas un seul anti-métaphysicien (que ce soit Locke, Hume, Kant, Husserl, Wittgenstein, Carnap, Quine...) qui attaque les mathématiques, au contraire il les portent aux nues, mais sont sans pitié pour la métaphysique!!
Tu dois justifier pourquoi les mathématiques sont métaphysiques! Ou bien alors tu emploies le mot "métaphysique" dans un sens nouveau, dans quel cas tu devrais le préciser.
Encore une fois je m'étonne que tu aies des réponses si faciles à des questions qui depuis au moins 3 siècles ont rempli des dizaines de milliers de livres et occupé des milliers de philosophes...
:?
Sacha

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Messagepar bardamu » 22 nov. 2003, 00:12

ghozzis a écrit :Salut Fab,
Pourquoi dis tu que les mathématiques sont métaphysiques. C'est étonnant, d'autant plus que je ne connais pas un seul anti-métaphysicien (que ce soit Locke, Hume, Kant, Husserl, Wittgenstein, Carnap, Quine...) qui attaque les mathématiques, au contraire il les portent aux nues, mais sont sans pitié pour la métaphysique!!
Tu dois justifier pourquoi les mathématiques sont métaphysiques! Ou bien alors tu emploies le mot "métaphysique" dans un sens nouveau, dans quel cas tu devrais le préciser.
Encore une fois je m'étonne que tu aies des réponses si faciles à des questions qui depuis au moins 3 siècles ont rempli des dizaines de milliers de livres et occupé des milliers de philosophes...
:?
Sacha

Euh... Kant anti-métaphysique ?
Je suppose que tu parles de leur critique d'une certaine "métaphysique" dogmatique, celle-là même à laquelle Spinoza s'oppose dans l'Appendice du livre I de l'Ethique où il met côte à côte "théologiens et métaphysiciens".
Personnellement, je préfère distinguer entre systèmes avec ou sans transcendance, c'est-à-dire avec un Au-delà ou pas.

L'Au-delà, ce peut-être l'univers des nombres négatifs et on apprend assez tôt en physique à éliminer les solutions non-réelles des équations. Par exemple, si x = 4 pommes, à combien de pomme équivaut racine de x ? Réponse : 2 ou -2
Mais -2 pommes, c'est pas très physique comme solution...
Par rapport au cercle, on peut se demander quelle est la réalité physique d'un être à 1 dimension (la ligne). Peut-on percevoir un être qui n'a ni largeur ni profondeur ?
Et je ne parle pas du point de dimension 0.
Quand à l'infini, pourtant si utile en mathématiques, un professeur du collège de France a un avis assez tranché sur la question : http://www.dstu.univ-montp2.fr/GRAAL/perso/magnan/infini.html

P.S. : comment avoir des réponses faciles : comprendre le réel pour comprendre les mots plutôt que l'inverse. La vérité n'est pas dans les mots.

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Messagepar ghozzis » 22 nov. 2003, 00:56

Salut Fab,
Il y a un mot pour désigner ce qui n'est pas matériel (c'est ce que tu appelles physique), c'est le mot "idéal", ou parfois, pour ne pas confondre ce mot avec ses autres connotations, on dit aussi "idéel".
Ainsi le triangle est un être idéal. Métaphysique désigne un discours sur le REEL transcendant par rapport à la sensibilité.
Ainsi, meme si tu n'acceptes pas que les mathématiques, et a fortiori la logique soient donnés dans la sensibilité, ils ne méritent pas non plus le terme de métaphysique car ils ne concernent pas un soi-disant réel transcendant.
Mon usage est conforme à l'usage consacré, pas le tien.
Kant souligne que les questions de la métaphysique sont celles de Dieu, de l'Ame, de la liberté et du monde dans sa totalité (si je me souviens bien). Quant à un fervent opposant de la métaphysique comme Hume, je t'invite à relire la fin de son ouvrage "Enquete sur l'Entedement humain":
"When we run over libraries, persuaded of these principles, what havoc must we make? If we take in our hand any volume; of divinity or school metaphysics, for instance; let us ask, Does it contain any abstract reasoning concerning quantity or number? No. Does it contain any experimental reasoning concerning matter of fact and existence? No. Commit it then to the flames: for it can contain nothing but sophistry and illusion."

Cordialement,
Sacha

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Messagepar bardamu » 22 nov. 2003, 11:48

ghozzis a écrit :(...)
Ainsi, meme si tu n'acceptes pas que les mathématiques, et a fortiori la logique soient donnés dans la sensibilité, ils ne méritent pas non plus le terme de métaphysique car ils ne concernent pas un soi-disant réel transcendant.

D'où la difficulté de parler de métaphysique pour Spinoza qui évolue dans un immanentisme complet : pas de "soi-disant réel transcendant". S'il y a métaphysique, c'est peut-être d'une manière assez proche de Kant qui, je crois, a voulu fonder une métaphysique pratique.
Je rapprocherais aussi la métaphysique spinozienne de celle de Nietzsche, métaphysique "fictive" (mythe du surhumain, amor fati...) qui ne vaut que par ce qu'elle génère en l'homme.
Mais si le terme perd sa valeur transcendante, je pense qu'il est important à conserver pour distinguer entre la pensée scientifico-expérimentale et la pensée "a priori" qui conditionne la première. Dans le réel, il y a une pensée avant même la raison et c'est la base sur laquelle se fonde et se sont fondées toutes les autres y compris les métaphysiques transcendantes, les grandes religions notamment.

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Messagepar ghozzis » 22 nov. 2003, 13:47

Salut Fab,
Vois tu, je suis toujours un peu gêné quand j'ai à te répondre, car tu me fais de longues réponses, et moi, de mon côté, je ne prends en compte dans ma réponse qu'une petite partie de ton poste. Mais c'est que jamais je ne suis d'accord avec tes points de départ. Tu dis que Spinoza est un philosophe de l'immanence, ce qui est vrai d'un certain point de vue. Seulement "immanence" a deux sens. D'une part est immanent ce qui apprtient "à notre monde", dans ce cas en effet, Dieu, les essences etc chez Spinoza sont bien "immanentes"...mais ce n'est pas là dessus que je fais porter le débat. Car je le fais porter sur un autre sens du couple immanence/transcendance. Je m'appuie sur la théorie de la connaissance contemporaine (Husserl, Wittgenstein...) pour qui les objets physiques eux memes sont transcendants. L'immanence n'est rien d'autre que ce qui est donné dans le moi. Est transcendant ce qui est en dehors du moi. Ainsi la canette de Coca (pour reprendre mon exemple) est un objet transcendant, alors que l'ensemble des représentations que j'appelle canette de Coca sont immanentes.
Mais pourquoi emploer ces termes pour les définir ensuite? Autant ne pas les employer. C'est pourquoi dorénavant je dirai: "dans le moi" et "extérieur au moi".
Selon moi, il ne nous est rien donné qui soit extérieur au moi.
D'où la question: d'où Spinoza tire-t-il une connaissance d'un objet extérieur au moi?
Merci de me faire une réponse brève stp!
Sacha

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Messagepar bardamu » 22 nov. 2003, 23:35

ghozzis a écrit :(...)Selon moi, il ne nous est rien donné qui soit extérieur au moi.
D'où la question: d'où Spinoza tire-t-il une connaissance d'un objet extérieur au moi?
Merci de me faire une réponse brève stp!
Sacha

Très bref : où s'arrête ton "moi" ? Qu'est-ce que l'intérieur et l'extérieur ?
E2,38 : Ce qui est commun à toutes choses et se trouve également dans le tout et dans la partie, ne se peut concevoir que d'une façon adéquate.

Corollaire : (...) Car (par le Lemme 2) tous les corps se ressemblent en certaines choses, lesquelles (par la Propos. précéd.) doivent être aperçues par tous d'une façon adéquate, c'est-à-dire claire et distincte.

Ce que nous partageons avec une autre chose est aussi ce que nous sommes et nous connaissons "l'extérieur" parce qu'en fait nous composons avec lui un individu commun. Plus on connaît, plus on s'étend, on partage, on grandit, on a moins d'extérieur et plus d'intérieur.
Conclusion : on ne connaît que soi-même mais on peut étendre ce soi-même.

P.S. : sous-titre sur la page d'accueil du site : "l'union mentale avec toute la Nature".

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Messagepar ghozzis » 28 nov. 2003, 17:20

Salut Fab,
Comme d'habitude, je ne comprends pas tes réponses, mais je m'accroche, je m'accroche...ceci dit, je ne devrais pas te jeter la pierre, car l'habitude de rigueur et de clarté en philosophie a quasiment totalement disparu (dans la philosophie "continentale" du moins, car dans la philosophie anglo-saxonne, la précision et la rigueur sont au contraire tels qu'on a souvent l'impression de lire plus des traités de logique que des traités philosophiques). Ainsi je pense à un cours de philo que j'ai eu l'autre jour, sur Bergson, et le prof disait "la science atteint l'absolu, mais d'un côté"...et là j'ai envie d'écrire ce que Porphyre écrit sur Plotin:
En quel sens il prononca [ces paroles] c'est ce que nous ne comprimes pas et nous n'osames pas lui demander

Ainsi tu fais de belles phrases, mais vraiment, je n'y entends goutte.
Car enfin, qu'est ce que tu veux dire quand tu dis que nous composons un individu avec les corps extérieurs, et que cela nous garantit l'accès à l'extérieur? Tu dois surement vouloir dire quelque chose, car je ne pense pas que tu n'emploies que des mots dont tu n'aurais aucune idée.
Quant à la question que tu me poses, ou s'arrete mon moi et ou commence l'exterieur, je te ferai une réponse simple: je n'ai, je pense, jamais la moindre expérience de l'extérieur, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe à l'extérieur de moi. Les oiseaux qui chantent sont en moi, le ciel est en moi, toi, Fab, tu es, tel que je te connais, en moi, et le solei, la Voie lactée, l'univers lui meme, tout cela ce sont des pensées...en moi!
Attention à ne pas me préter des intentions métaphysiques, qui me feraient dire que rien n'existe hors de moi, car si je devais affirmer cela, je parlerais déjà d'un savoir de l'extérieur (savoir qu'il n'y a rien à l'extérieur).
Pour conclure, peux tu à nouveau m'expliquer (en mots simples je t'en prie), comment une connaissance de l'extérieur est possible?
Merci
PS: si tu es à court d'arguments, je t'invite à lire je ne sais plus qu'elle méditation de Descartes où il "démontre" la réalité des corps. Quant à moi, je devrais peut etre relire cette méditation également...mais je crois si je me souviens bien, qu'il fait appel à Dieu lui meme pour sa démonstration...et je crois que vraiment, je n'aurai pas la patience, une fois de plus, d'examiner la preuve ontologique!
Sacha

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Messagepar bardamu » 28 nov. 2003, 21:50

ghozzis a écrit :(...)
Quant à la question que tu me poses, ou s'arrete mon moi et ou commence l'exterieur, je te ferai une réponse simple: je n'ai, je pense, jamais la moindre expérience de l'extérieur, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe à l'extérieur de moi. Les oiseaux qui chantent sont en moi, le ciel est en moi, toi, Fab, tu es, tel que je te connais, en moi, et le solei, la Voie lactée, l'univers lui meme, tout cela ce sont des pensées...en moi!
Attention à ne pas me préter des intentions métaphysiques, qui me feraient dire que rien n'existe hors de moi, car si je devais affirmer cela, je parlerais déjà d'un savoir de l'extérieur (savoir qu'il n'y a rien à l'extérieur).
Pour conclure, peux tu à nouveau m'expliquer (en mots simples je t'en prie), comment une connaissance de l'extérieur est possible?
Merci

Là, franchement, si ce n'est pas du solipsisme...
L'extérieur c'est ce que tu ne contrôles pas.
Tu contrôles les étoiles ?


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