voici enfin un début de réponse. Comme je dois partir beaucoup plus tôt que prévu, je ne vais pouvoir m'en tenir qu'à un seul aspect de ce que tu écris, mais cela permettra peut-être déjà de clarifier certaines choses.
Au préalable: ayant lancé ce sujet de l'être objectif il y a un an ici, et n'étant pas très présente sur ce forum depuis lors, je me rends bien compte de ce que le fait de reprendre ce même sujet donne l'impression d'être une 'fidèle' de Rousset et/ou d'être obsédée par ce problème de l'objectif chez Spinoza, mais en réalité, d'une part je n'ai pas pu m'occuper de Spinoza pendant de longs mois, et d'autre part, me plongeant dans la 5e partie de l'Ethique, je rencontrais par hasard, il y a deux semaines, le livre de Rousset là-dessus. En lisant le début, je tombais sur le passage que j'ai cité ci-dessus, et qui reprend effectivement la question d'il y a un an, mais dans un contexte différent (celui des Cogitata). Or n'ayant quasiment encore rien lu de Rousset, je n'ai aucune opinion par rapport à la qualité de ces travaux. Ce passage me faisait tout simplement reprendre le problème d'il y a un an, problème qui clairement pour toi est résolu, mais bon, il est indéniable que tu es à une profondeur de lecture qui n'est pas encore la mienne (comme l'a bien remarqué Henrique, il y a un tas de questions techniques chez Spinoza que je ne maîtrise pas encore). D'où ma question ci-dessus, sans plus.
Comme déjà dit dans ma réponse à Pourquoipas, appeler l'idée chez Spinoza un 'être objectif' entre-temps ne pose plus de problème pour moi. Il y a bien sûr 2.8, mais en général, il suffit de comprendre par 'être objectif' un être qui se caractérise par le fait d'avoir un objet pour pouvoir accepter cette identification.
Or si, comme tu le dis en confirmant Pourquoipas, dans les Cogitatae Spinoza puise encore largement dans un vocabulaire scolastico-cartésien, et si tu dis (ce que je ne savais pas et si je t'ai bien compris) que pour les scolastiques, ce qui est objectif, c'est l'objet, alors je n'ai pas tout à fait compris ton problème avec l'idée de traduire là, dans ce passage précis, le 'objectivè' par 'sous forme d'objet'. Car on obtient alors seulement que l'idée acquiert son 'être' du fait que son objet, une chose, est contenu en tant qu'objet d'une idée qui est en Dieu. Tu sembles dire que pour toi, cette traduction implique également que ce seraient les idées qui soient les objets de l'idée de Dieu, chose qui me semble effectivement dificilement justifiable, mais je ne vois pas pourquoi cette conclusion s'impose.
Ceci étant dit, il y a de toute façon pas mal de choses qui m'échappent dans ce que tu écris, et qui me semblent bien intéressantes. Peut-être que dès lors, il vaut mieux d'abord te dire ce dont je ne suis pas certaine de l'avoir bien compris, dans tes deux messages. Pour commencer au début:
Miam a écrit :D’une part « objective » doit être traduit par « objectivement ». C’est incontestable. Le traduire comme le fait Rousset est une aberration. C’est un artifice qui permet à Rousset de considérer ce qui est contenu dans l’idée de Dieu comme des objets et non comme des idées objectives dans la mesure où toute idée est l’idée d’un objet. Bref, comme je te l’ai déjà expliqué, Rousset part de l’acception scolastique de « objective » selon laquelle l’objectif c’est l’objet contenu dans l’idée alors qu’il est évident qu’il s’agit des idées elles-mêmes en tant qu’elles sont idées d'objets
donc jusqu'ici, je crois pouvoir te suivre.
Miam a écrit :
et non pas modes, c'est à dire en tant qu'elles sont contenues dans l’idée de Dieu, en tant qu’elles sont divisibles analytiquement (l'idée de Dieu est un mode et donc est divisible) – composées et pas seulement constituées, puisque, précisément, elles ont un objet. C'est ce qui permet de distinguer telle idée d'une autre en tant qu'elle a un objet différent d'une autre.
il est certain que je n'ai pas encore très bien compris cette idée d'indivisibilité de la substance. Peut-être est-ce ce qui fait que je ne sais pas trop comment interpréter ce que tu écris ici. Si tu dis que l'idée de Dieu est un mode et donc est divisible: ok. Ce que je ne comprends pas, c'est que tu sembles dire qu'il s'agit des idées en tant qu'elles sont idées d'objets (ok aussi), mais tu y ajoutes: et non pas modes. Or si les modes se caractérisent par le fait d'être composés, c'est-à-dire d'avoir un objet, comment peut-on penser les idées en tant qu'elles sont des idées d'objets tout en ne les pensant pas comme modes?
Si tu as l'impression que l'explication se trouve dans la suite de ton message: pas de problème, je le relirai de tout façon demain avant de t'envoyer quelques autres remarques/questions.
En attendant ... une excellente fin d'année à toi!
Louisa