connaissance synthétique et analytique

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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D2ro
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connaissance synthétique et analytique

Messagepar D2ro » 23 févr. 2007, 16:27

J'ecris en ce moment un mémoire sur les rapports entre Spinoza et les approches systémiques, et j'aimerai que vous me donniez votre avis sur ce point:
Il me semble que l'on peut rapprocher second genre de connaissance et connaissance analytique en ce que ce mode de connaissance se fait de proche en proche par détermination de rapports locaux, le troisième genre de connaissance étant lui synthétique et global.
Je vous remercie de vos réponses, et d'autre part, si le thème générale de mon devoir vous intéresse, je serais ravis d'ouvrir a ce sujet une discussion plus approfondie.

Et n'ouibliez pas d'experimenter et de sentir que nous sommes éternels :)

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Henrique
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Messagepar Henrique » 28 févr. 2007, 03:09

Bonjour D2ro !
La méthode analytique, c'est-à-dire la seconde règle de la méthode de Descartes consiste à diviser chaque difficulté en "autant de parcelles qu'il se peut" tandis que la synthétique consiste à rassembler, après cette analyse, les éléments dégagés pour en saisir l'unité. Il me semble assez clair que la méthode de Spinoza consiste au contraire à partir de l'unité du tout (de l'idée d'infini englobant le fini) pour mieux saisir les éléments, en progressant de proche en proche. C'est à cet égard un holisme par opposition au réductionnisme de Descartes. Face à la difficulté de tailler une pierre, nous dit Spinoza, on ne regarde pas de quoi la pierre est faite, en cherchant une solution à l'intérieur de la difficulté elle-même, en la décomposant, on part de ce quelque chose de positif, d'une idée vraie : on prend une autre pierre, on tape dessus et on constate que cela a des effets. Ensuite, la méthode peut s'affiner, mais elle ne part jamais de rien, c'est pourquoi elle est seulement réflexive et non fondatrice de vérité. Et c'est pourquoi aussi je pense que le 3ème genre n'émane pas du 2ème comme le croient la plupart des commentateurs mais le précède et l'accompagne, les deux se renforçant mutuellement (c'est le désir de connaître selon le 3ème genre de CN qui naît du 2ème, non la connaissance elle-même, de même pour simplifier un peu que le désir de respirer peut naître de l'expérience de l'apnée sans que cela signifie pour autant que je n'ai commencé à respirer qu'après ma première plongée sous-marine !)

Quant au second genre de connaissance, il est clairement discursif : il procède par étapes. Les notions communes sont d'abord particulières à quelques corps puis elles remontent progressivement vers des notions de plus en plus générales. Ensuite, c'est de leurs combinaisons, autrement dit de raisonnements, que naissent des idées adéquates dont l'ensemble constitue le second genre ou raison. Si par analyse, tu entends la décomposition, ou plutôt la composition progressive à partir d'idées d'éléments communs à plusieurs corps, il y a certainement un rapport avec le second genre.

Le troisième genre peut alors être qualifié de synthétique parce qu'il est intuitif : il saisit l'unité de l'infini et du fini, de l'étendue et des corps, de la pensée et des mentaux d'un seul coup, d'un seul tenant. Et cela n'a rien de bien mystérieux : quand je considère un corps, je vois nécessairement son étendue. Je ne peux pas penser le moindre corps en faisant abstraction de l'étendue (en revanche, je peux concevoir l'étendue sans corps, mais fort abstraitement).

C'est là que ce qu'on entend encore souvent à l'université pour critiquer Spinoza n'est pas très cohérent (car, si on n'a plus à faire de dissertation antispinoziste comme propédeutique nécessaire à la poursuite d'études, il demeure une défiance certaine vis-à-vis de ce polisseur de lentilles). On se réfère d'un côté à Descartes qui aurait eu la sagesse et la modération de partir de problèmes simples pour remonter progressivement et patiemment à des principes assez solidement établis au moyen de la démarche analytique, contrairement à Spinoza qui se serait précipité en partant tout de suite de l'idée de Dieu tenue pour une évidence. Mais on se réfère aussi à Kant qui aurait montré avec sa distinction des jugements synthétiques et analytiques que la métaphysique spinoziste ne serait que l'analyse de notions communes qui n'enrichirait pas d'un iota notre connaissance. Seulement Kant renverse les choses. Avec lui, dire que tout corps est étendu reviendrait à un jugement analytique, parce que le concept d'étendue est contenu dans celui de corps. C'est justement ne pas voir la synthèse qui se joue de cette façon entre l'infini et le fini. Mais quoiqu'il en soit, il faut savoir si on reproche à Spinoza d'être synthétique avec Descartes ou analytique avec Kant (qui parle aussi, il faut le dire, de la méthode synthétique de Spinoza dans la CRJ de façon relativement confuse d'un point de vue spinoziste).

Cela dit, ce n'est peut-être pas à ce débat que tu veux en venir avec ta question sur synthèse et analyse, dis nous en plus. Quant aux "approches systémiques", à quoi penses-tu en particulier ? A Joël de Rosnay ? :-D

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Miam
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Messagepar Miam » 28 févr. 2007, 22:20

Henrique écrit :

"Quant au second genre de connaissance, il est clairement discursif : il procède par étapes. Les notions communes sont d'abord particulières à quelques corps puis elles remontent progressivement vers des notions de plus en plus générales."

Ah bon ? Peux-tu m'expliquer cela ? N'est-il pas dit en II 40s2 que nous formons (adéquatement) des notions générales de ce que ("ex") nous avons des notions communes ? La notion générale, n'est-ce pas ce qui est déduit de la notion commune par la raison discursive tandis que la notion commune demeure "physique" comme le dit Deleuze, ou du moins "synthétique", "expérimentale" quoi ?

"Ensuite, c'est de leurs combinaisons, autrement dit de raisonnements, que naissent des idées adéquates dont l'ensemble constitue le second genre ou raison."

Ah bon ? N'est-ce pas plutôt, selon II 38 et 39, les notions communes qui sont immédiatement des idées adéquates. Et n'est-ce pas à partir d'elles que l'on peut déduire des notions générales qui servent dans une raison discursive.

Où trouves-tu ces "combinaisons" ? N'est-ce pas plus cartésien que spinoziste ?

"Si par analyse, tu entends la décomposition, ou plutôt la composition progressive à partir d'idées d'éléments communs à plusieurs corps, il y a certainement un rapport avec le second genre."

Selon moi, toute idée adéquate est synthétique. Toute cause est synthétique et la notion commune est l'idée adéquate de cette synthèse, de même que la sphère est la synthèse "rotation du demi cercle autour de son axe" et non pas la "combinaison" ou (pire) la composition du demi-cercle et de la rotation, car il n'est pas dans la nature du demi-cercle d'être en mouvement. Voir TRE.

Selon moi, la raison discursive et éventuellement analytique doit toujours suivre d'une synthèse. Le "commun" de la notion commune, c'est bien une synthèse. D'autant que l'infini est indivisible. Or la notioncommune, c'est l'appréhension de cet infini. Comment pourrait-on saisir analytiquement une chose non composée ? Je veux bien admettre que l'analyse a "quelque chose à voir avec le second genre", mais non que ce second genre se fonde sur l'analyse. Sans quoi on refait l'erreur de Descartes qui est de partir des effets et de considérer chaque chose comme une composition de natures simples qui sont comme des significations incontestables. Le spinozisme, même dans le deuxième genre, est une critique de la méthode analytique cartésienne en ce qu'elle reste prisonnière de la raison discursive. Autrement dit : une raison analytique ou discursive qui ne suit pas d'une idée adéquate du commun synthétique, ce n'est plus la raison, mais l'imagination, combien même elle serait catrésienne.

Pour le dernier paragraphe, dès lors, je suis entièrement d'accord.

Quant au "système", je dirais que la chose, chez Spinoza, est un système dynamique à une infinité de niveaux. Cela ressemble à l'objet des biologistes, du moins selon Atlan que j'encourage à lire ("les étincelles de hasard"). Cela nous ramène également au sujet "Spinoza et les systémiques". Un excellent sujet.

Miam

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Messagepar 8 » 04 sept. 2007, 08:47

J'avais l'impression que kant reprenait a son compte les traveaux de Spinoza et allait un peu plus loin quand il dit que dans le jugement synthetique le predicat n'est pas contenu dans le sujet
pour la question de l'infini ne s'agit-il pas du seul cas de connaissance analytique qui ne contient pas de predicat?


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