Notions communes par un petit bout

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
Enegoid
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Messagepar Enegoid » 23 janv. 2008, 19:13

A Hokousai : oui, votre hypothèse est plausible.

A Shbj

1 D’accord pour le tutoiement.

2 La réticence à ton explication tient seulement au fait que je ne trouve concrètement aucun bout de phrase qui soit à modifier si on enlève la précision sur la partie et le tout. Je me dis, donc, que cette précision n’a pas de vrai impact sur la démonstration, car cette précision est incluse dans « tous les corps ». A moins que tu puisses montrer cet impact dans la rédaction de Spi ? Mais ton explication ne serait pas forcément à revoir s'il s'agissait d'une simple précision !

3 A la relecture, ton texte me semble plus orienté sur la prop 39 que sur la prop 38.
Cette proposition parle en effet, comme toi, du corps humain et de « certains corps » qui l’affectent couramment. Alors que la 38 parle de « tous les corps ». Donc on est dans les notions « moins générales » . Est-ce que je te comprends bien ?

4 Tu évoques l’ADN. J’y avais aussi pensé. Mais l’information portée par l ‘ADN ne se retrouve pas dans une partie d’ADN. Ca ne marche pas.

5 Remarque : la remarque d’Alain sur le triangle n’est pas convaincante, finalement : on ne peut pas dire qu’une partie d’un triangle, un côté, par exemple, a les mêmes propriétés que le triangle entier. La propriété du triangle n’est pas localisée, certes, mais elle n’est pas dans toutes les parties.

(C’est un peu du vrac, mais je n’ai pas beaucoup de temps ce soir)

J’ai mis un texte dans un autre fil pour aller un peu plus loin que le « petit bout » sur les notions communes.

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Messagepar hokousai » 23 janv. 2008, 19:36

A Hokousai : oui, votre hypothèse est plausible.


Dans un premier temps , je n'avais pas compris votre question .( plausible? je ne sais pas , j' ai réfléchi longuement hier soir ...je sens confusément qu 'il y a des éléments qui me manquent .

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Petit bout de notions communes, suite...

Messagepar ShBJ » 28 janv. 2008, 14:29

A Enegoid, salut !

J'ai été quelques temps dans l'impossibilité matérielle de répondre à tes précédentes remarques, que je reprends ce jour une par une. Or donc :

1) Je maintiens que la démonstration selon laquelle les notions communes sont des idées adéquates (c'est l'objet explicite d'Ethique, II, 38 et 39, à défaut de II, 37, à propos de laquelle je n'ai toujours rien de mieux à proposer) ne se peut comprendre que grâce à la mention "également dans la partie et dans le tout" et selon l'explication que j'en ai déjà proposée. Si on ôte la mention, l'idée n'est pas adéquate - voir la différence entre idée adéquate et idée inadéquate dans E, II, 11, corollaire : si je ne compose pas avec le corps extérieur un troisième corps tel que l'on obtient ce que j'ai appelé isomorphie à cinq termes, alors l'idée s'explique par Dieu "en tant qu'il a en même temps que l'esprit humain également l'idée d'une autre chose" et l'idée est inadéquate.
Que le problème de Spinoza, en ce lieu de l'Ethique, est la nécessaire adéquation des notions communes en tant qu'idées, et que de ce point de vue la mention est rien moins que superflue, constitue le coeur de mon explication.

2) Je me règle en effet davantage sur la prop. 39, pour ce que je ne vois pas dans le texte même de l'Ethique qu'il soit fait mention d'un autre esprit que l'esprit humain, qui puisse former des idées adéquates. De ce point de vue, j'envisage la prop. 39 comme le résultat des deux précédentes, qui en établiraient les éléments (méthode génétique : la déf. des notions communes est réelle comme l'est celle du cercle dans les §§ 92-96 du TRE). Donc, oui, tu comprends parfaitement où je veux en venir. Au reste, ce serait peut-être un moyen de rendre raison de la présence de la mention en II, 37 : elle y est inutile, mais comme Spinoza l'intègre dans la prop. 39, il en a besoin pour que la construction génétique fonctionne.

3) L'ADN fonctionne, à titre d'exemple : non qu'une partie de l'ADN comprendrait la totalité de l'ADN, comme tu l'écris, ce qui est effectivement absurde, mais parce que la moindre cellule (corps composé) comprend l'ADN du corps entier (corps composé des corps composés que sont les cellules) et que, par suite, la propriété est autant dans la salive, que dans la peau, etc.

4) Je m'accorde avec toi sur ceci, que l'exemple du triangle proposé par Alain ne vaut rien. L'exemple mathématique d'une application serait plus probant. Je t'avoue ne pas trouver pour l'heure d'exemple géométrique satisfaisant en dehors de la géométrie analytique, si ce n'est pour les cas de symétrie, mais qui ne sont pas valables pour les plus simples composants de la figure.

5) Je suis allé voir ton autre intervention (et celles des autres membres du forum sur cette question) sur les notions communes. Il se peut que je me greffe dessus, mais il me semble que le problème s'est quelque peu perdu au fil des divers messages.

Tiens-toi en joie bonne et contentement serein.
Modifié en dernier par ShBJ le 26 juin 2008, 01:48, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 28 janv. 2008, 16:37

1) Je maintiens que la démonstration selon laquelle les notions communes sont des idées adéquates (c'est l'objet explicite d'Ethique, II, 38 et 39, à défaut de II, 37, à propos de laquelle je n'ai toujours rien de mieux à proposer) ne se peut comprendre que grâce à la mention "également dans la partie et dans le tout"


Pour que l’ajout soit nécessaire il faut une ambigüité sur "" commun "". Il y a peut être en effet une ambigüité ( équivocité )sur "" commun "" .Ce qui est commun peut être ce qui n’est ni dans la partie ni le tout mais au sujet duquel on est en relation .

Malheureusement je ne trouve pas d’exemple pertinent ou l’être en relation ne soit pas de l’essence(le quid ) de la partie comme du tout . Donc commun ne peut être compris que comme étant dans la partie autant que dans le tout et la précision est redondante

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Messagepar Enegoid » 29 janv. 2008, 21:31

Eh bien, je suis bien embêté ! Je ne sais pas trop quoi dire...

Merci à Shbj et à Hokousai de s'intéresser à ce sujet très partiel, sur lequel je bute.

Je ne suis pas totalement convaincu par la position de Shbj, et je ne suis pas sûr de comprendre ce que veut dire Hokousai !

Spi avait une raison pour rajouter la mention "partie et tout", mais il est vrai que j'ai encore tendance à penser que c'est une précision pour ne pas oublier que les corps sont composés, la plupart du temps

Pour avancer un peu je propose de concentrer sur EII 39, en remarquant que :

1 il n'est pas question de la partie et du tout du corps humain mais du corps humain
2 il y a l'idée qu'on s'intéresse aux affections du corps très courantes ("...a coutume d'être affecté").

.
(Pour la prop 38, tous les corps et toutes les parties introduisent aux notions communes à tous les corps (dont le corps humain) et toutes les parties.)


Pour 39 : si je mange une cerise qui est molle en partie et dure en partie je suis bien affecté quand même et j'ai une idée aussi adéquate de la cerise que de n'importe quel autre aliment homogène. La propriété de la cerise qui m'affecte n’est pas dans la partie et dans le tout, sauf que le noyau me casse les dents ! (Donc m’affecte). Mon idée adéquate de la cerise est qu’elle comporte un noyau et de la chair. Mais si je suis Spinoza, il faut arriver à la chimie de la cerise (ses composants atomiques) dont il n’est pas vrai que j’ai une idée adéquate tout seul.

Je remarque que les exemples de propriétés communes donnés la plupart du temps (si vous avez le courage et le désir de le lire, j’ai eu quelques échanges sur le sujet en 2006, forum « lecture de l’éthique pas à pas » prop 38 et 39, et je découvre avec consternation que je n’ai pas beaucoup avancé depuis) se résument à quatre considérations :
1. Il y a les mouvements communs à mon corps et à d’autres corps : je nage dans l’océan, je monte à cheval, je porte un verre à ma bouche, etc.
2. Il y a les affects décrits dans ET III.
3. Il y a les similitudes de mon corps avec ceux des autres humains, telles que « la chair », « les sons », l’ADN, choses qui ne sont pas dans toute partie du corps (y compris l’adn, si l’on va jusqu’aux atomes, électrons et particules élémentaires)
4. Il y a les considérations provenant du fait que l’on peut aussi parler de corps à propos du collectif : l’humanité, les groupes sociaux etc. Les corps humains étant des parties de ce collectif.

NB Le « troisième corps » que tu cites, ShBj, comme résultant de la composition du corps avec celui qui l’affecte ne me paraît pas se déduire aussi évidemment que tu le dis de EII, 13 scolie du lemme 7, qui décrit la composition complexe d’un corps.

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Messagepar hokousai » 29 janv. 2008, 23:59

On pourrait comprendre commun comme une propriété commune , le commun des éléments appartenant à un ensemble ,ex toutes le cerises on quelque chose de commun. Mais la totalité des cerises n’a pas une queue et un noyau
. Donc il peut être utile de préciser puisque le tout là n’ a pas la propriété des parties .
.
Mais il y a l’énoncé qui parle de ce qui est commun à tout . Ce qui exclut d’emblée les cas où ce n’est pas commun à tout donc les cas justement où la propriété appartient aux parties mais pas au tout .

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Messagepar Enegoid » 31 janv. 2008, 19:17

1. Après avoir relu ou réécouté les commentaires sur Spinoza disponibles sur ce site, je n’ai trouvé aucun élément relatif à la précision « dans la partie et dans le tout » dans EII 37,38 et 39. Ca n’interpelle pas grand monde, donc, soit je me fourvoie dans un détail, soit les commentateurs ignorent quelque chose.

2. C’est, bien sûr, la question des affects qui nous intéresse, du point de vue de l’éthique. Et Spinoza nous propose une connaissance adéquate des affects.

3. Mais le passage de la physique à l’éthique se fonde quasi exclusivement sur cette possibilité de connaissance adéquate de « propriétés communes »

4. Je trouve que ces propriétés communes, on ne peut clairement les identifier sauf à entrer dans une conception de la physique qui date un peu :

5. Spinoza conçoit les corps comme rapports de parties en mouvement ou en repos. C’est totalement contre intuitif pour ce qui concerne les corps les plus courants, que nous avons l’habitude de percevoir par leur forme, couleur etc. Pour arriver au mouvement, il faut imaginer les parties, les atomes les électrons etc. Et on ne sait plus s’il faut raisonner avec la physique actuelle ou avec la physique (supposée) dans l’esprit de Spinoza. Et j'ai cru comprendre (1er genre) qu'il s'est planté dans ses discussions avec Boyle sur la question du nitre : idées inadéquates...

6. Les philosophes ont, selon moi, dit beaucoup de bêtises, depuis Platon et Socrate. Spi, moins que d'autres, sans doute, mais va savoir...

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Messagepar Enegoid » 01 févr. 2008, 19:20

Je communique ici quelques réflexions issues de mon intérêt obsessionnel pour ce petit sujet. Ma démarche est, je l'avoue, quelque peu autiste vis à vis de ce qui se passe sur le forum.

Les aliments
1. Pour comprendre comment les aliments affectent mon corps par ce qu’ils ont en commun avec lui, le mieux, à notre époque, est sans doute de passer par la chimie. Ainsi on comprend, par exemple, que si je mange du yaourt, c’est le calcium contenu dans le yaourt et le calcium contenu dans les os qui constituent la propriété commune. Et l’affection de mon corps consiste à assimiler le calcium. Cette affection est perçue essentiellement du point de vue gustatif.
2. On est alors assez loin du repos et du mouvement.
3. D’autre part le calcium n’est pas « dans la partie et dans le tout », c’est une partie du yaourt ou de mon corps.

Les autres corps humains
1. Les corps humains ont en commun d’être identiques dans leurs structures, aussi bien dans les parties que dans le tout du corps. « Dans la partie et dans le tout », dans le cas des corps humains pourrait signifier que aussi bien les parties que le tout sont communs, et non que quelque chose est commun à la partie et au tout.
2. On peut comprendre alors que les idées des corps par rapport à ce qui les affecte soient communes, bien que la plupart du temps inadéquates, puisque les idées de ce qui nous affecte sont, dans la perception, confuses et mutilées. (Le sucre paraît sucré à tous). On a des « notions » communes, mais inadéquates par rapport à la chose.
3. C’est plutôt par nos différences que nous arrivons aux idées adéquates : en effet deux perceptions différentes d’une même chose indiquent bien que la chose n’est pas perçue adéquatement.
4. Il faut distinguer les affections communes de nos corps vis à vis de quelque chose d’extérieur aux corps, des affections que les corps des autres déclenchent en nous. Ce qui pourrait nous amener à l’affect sexuel, et à des réflexions sur l’impact des différences de structures des corps sexués sur les affects de ces corps.
5. L’attirance sexuelle est une attirance pour quelque chose qui est différent. D’où une question : comment pouvons nous être affecté par quelque chose en ce que, justement, ce quelque chose est différent et non commun ?

Les mouvements des corps
1. Quand je nage, mon idée du mouvement de la vague est adéquate par le fait que le mouvement de la vague et de ses parties, de mon corps et de ses parties, est le même.
2. Mais il m’est difficile d’admettre que cette idée adéquate est très différente de celle que je pourrais avoir en ne nageant pas (par exemple en me tenant à un point fixe, et donc en n’ayant pas du tout le même mouvement, et donc en ayant une idée inadéquate).

Idées adéquates
1. Les idées adéquates « naturelles » que nous avons tous sont les idées de nos perceptions à partir du moment où nous savons que ces idées concernent d’abord les modifications de notre corps.
2. Pour avoir des idées adéquates des choses extérieures, il faut parcourir un long chemin, soit au niveau de l’homme en général, et c’est la science (penser à l’exemple du soleil), mais aussi au niveau de chaque homme. Il n’y a pas d’idée adéquate « facile » des choses.


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