L'Entendement

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Bruno31415
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L'Entendement

Messagepar Bruno31415 » 30 déc. 2008, 01:02

Bonjour,

Je souhaiterais poser une question au sujet de la notion d'entendement telle qu'elle apparaît dans E1D4 :

Par Attribut j'entends ce que l'entendement perçoit d'une substance comme constituant son essence.


J'avais beaucoup de mal avec cette définition car je pensais que le terme "entendement" ne renvoyait qu'à l'entendement humain : je ne comprenais donc pas pourquoi, par la suite, Spinoza nous disait que Dieu a une infinité d'attributs alors que l'entendement (humain) n'en perçoit que deux.

D'après ce que j'ai pu comprendre ici ou là, l'entendement ne renvoie pas qu'à l'entendement humain : il y a des entendements qui ne sont pas humains, par exemple l'entendement divin.

J'aimerais alors vous poser les deux questions suivantes :

- quelle définition donneriez-vous du mot entendement au sens le plus général possible ? (tel qu'il est utilisé dans la définition 4 que j'ai citée).

- Qu'est-ce que l'entendement divin ?

Merci par avance pour réponses.

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Re: L'Entendement

Messagepar sescho » 30 déc. 2008, 11:43

Bruno31415 a écrit :
Par Attribut j'entends ce que l'entendement perçoit d'une substance comme constituant son essence.


J'avais beaucoup de mal avec cette définition car je pensais que le terme "entendement" ne renvoyait qu'à l'entendement humain : je ne comprenais donc pas pourquoi, par la suite, Spinoza nous disait que Dieu a une infinité d'attributs alors que l'entendement (humain) n'en perçoit que deux.

Je ne vois pas de raison de douter, en ce tout début d'Ethique, que Spinoza fasse appel là chez le lecteur à autre chose que sa notion d'entendement, qui est humain. Ceci n'est pas contradictoire avec l'existence d'un entendement divin, puisque le premier fait partie du second, ceci avec la réserve que ce n'est à proprement parler véritablement le cas que pour une idée adéquate (sinon c'est une troncature d'entendement divin : idée inadéquate.)

Ceci nous oblige à mettre la notion d'entendement dans l'acception étendue de "notion commune" (en fait, c'est une notion générale, mais ce n'est certes pas la seule, loin s'en faut, à être utilisée par Spinoza comme suffisamment pertinente pour entrer dans sa démarche royale de raisonnement ; il précise la définition plus loin dans l'Ethique, à la fin de E2 : E2P49.)

Bruno31415 a écrit : quelle définition donneriez-vous du mot entendement au sens le plus général possible ? (tel qu'il est utilisé dans la définition 4 que j'ai citée).

- Qu'est-ce que l'entendement divin ?

Il ne me semble pas possible de donner une définition absolument générale de l'entendement, si ce n'est que dans tous les cas il recouvre toutes les idées, autrement dit E2D3 (qui introduit "concept", ce qui ne nous avance pas beaucoup, même si l'on comprend bien ce que cela dit : il s'agit d'une affirmation de l'âme en tant que représentation - car le désir et les émotions s'en distinguent par ailleurs.)

Dans le cas de l'entendement humain, il s'agit d'une notion générale qui recouvre tout ce qu'ont en commun les idées individuelles réelles, savoir l'affirmation de quelque chose.

L'introduction de l'entendement divin est très liée au parallélisme. Il s'agit d'une seule idée, l'Idée de Dieu, qui est la Nature même de Dieu modifié, selon la dimension de l'attribut Pensée. Il est le parallèle du Mouvement (qui inclut tout ce qui en découle) dans l'Etendue. Cela recouvre tous les modes (possibles si l'on se réfère à l'existence en acte.)

Le point le plus difficile à comprendre selon moi est que lorsqu'un corps vient à être en acte (ainsi que ses dépendances obligées avec d'autres corps dans le continuum de l'Etendue, selon l'existence qui est en l'occurrence temporelle) son idée vient à être en acte simultanément, alors même que cela ne change strictement rien à l'entendement divin, de même que l'apparition d'un corps (puis sa disparition, ce qui est continuel à quelque degré) ne change rien à la nature du Mouvement dans l'Etendue (qui englobe tous les corps possibles.) Une autre façon de le dire, puisque tous les corps sont interdépendants dans le continuum de l'Etendue, en en considérant l'ensemble (le "canevas" dans l'Etendue), est qu'à la face de l'univers étendu, qui change en permanence, correspond parfaitement la face de l'univers pensé.

Je vois une "explication" dans le fait que le temps est introduit par le Mouvement, mais le Mouvement n'est pas lui-même soumis au temps. Cela reste cependant de mon point de vue assez difficile à percevoir pour un mode lui-même soumis au temps et je suggère de laisser ce dernier point de côté pour l'instant...


Serge
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Re: L'Entendement

Messagepar Bruno31415 » 02 janv. 2009, 01:31

Bonjour et bonne année à tous,

Merci beaucoup pour ta réponse, Serge.

Quelques points sur lesquels je voudrais revenir :

sescho a écrit :
Bruno31415 a écrit :
Par Attribut j'entends ce que l'entendement perçoit d'une substance comme constituant son essence.


J'avais beaucoup de mal avec cette définition car je pensais que le terme "entendement" ne renvoyait qu'à l'entendement humain : je ne comprenais donc pas pourquoi, par la suite, Spinoza nous disait que Dieu a une infinité d'attributs alors que l'entendement (humain) n'en perçoit que deux.

Je ne vois pas de raison de douter, en ce tout début d'Ethique, que Spinoza fasse appel là chez le lecteur à autre chose que sa notion d'entendement, qui est humain.


Pourtant, cela me semble contradictoire avec la définition E1D6 :

J'entends par Dieu un être absolument infini, c'est-à-dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.


Puisque Dieu possède une infinité d'attributs et qu'un attribut est ce que l'entendement perçoit de la substance, si l'entendement de E1D4 est humain, alors nous devrions percevoir une infinité d'attribut. Or, nous n'en connaissons que deux : pensée et étendue.

D'autre part, je lis, à propos de E1D4, dans le cours de Y Dorion, disponible en téléchargement sur le site :

Quod intellectus percipit : si la proposition peut paraître équivoque dans la mesure où elle n'est pas incompatible avec l'idée qu'un certain entendement est supérieur à un autre, il ne faut cependant pas y voir l'expression du subjectivisme. Ce n'est pas de l'entendement humain que parle la définition, c'est de tout entendement, fini ou infini. Ce que l'entendement perçoit c'est l'essence même de la chose. Il n'y a pas d'inconnaissable. L'Ethique part de l'être, sa philosophie est une ontologie. Elle ne part pas du cogito.



---

Je crois, d'autre part, que certains de mes problèmes viennent du fait que je ne saisis pas bien, au fond, ce que signifie le mot "entendement" chez Spinoza.

Pourrais-tu me donner une définition du mot entendement tel que l'utilise Spinoza ? (Une définition assez simple - même si elle n'est pas très correcte -, je ne m'y connais pas assez pour entrer dans les subtilités, il me faudrait juste un point de départ).

Bruno.

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Re: L'Entendement

Messagepar sescho » 02 janv. 2009, 10:18

Bruno31415 a écrit :Puisque Dieu possède une infinité d'attributs et qu'un attribut est ce que l'entendement perçoit de la substance, si l'entendement de E1D4 est humain, alors nous devrions percevoir une infinité d'attribut. Or, nous n'en connaissons que deux : pensée et étendue.

Dans ces conditions (mais il n'y a aucune contradiction, en fait : nous pouvons très bien saisir un attribut - deux au moins, en fait, sinon "attribut" ne se distingue pas de "substance" -, et donc sa définition, sans pour autant les saisir tous), le problème serait insoluble, car quoi que constitue l'entendement infini nous ne pouvons de toute façon concevoir que selon le nôtre, qui est fini...

L'infinité d'attributs est une induction à partir des deux attributs connus. La raison selon moi est que le nombre de 2 ne convient pas à la nature divine (c'est soit 1, soit l'infini.) Parler d'une infinité d'attributs n'a aucune autre raison d'être (nous ne pouvons pas en traiter de toute façon.)

Je précise en outre qu'il est clairement dit par Spinoza qu'il ne faut pas confondre l'entendement humain et l'entendement divin, qui n'ont entre eux qu'une convergence toute nominale (dans une certaine mesure.)

Voir par exemple les extraits sur la connaissance.

Bruno31415 a écrit :D'autre part, je lis, à propos de E1D4, dans le cours de Y Dorion, disponible en téléchargement sur le site...

Comme je l'ai dit, pour moi, s'agissant du début de l'Ethique il s'adresse à ce que le lecteur connaît, savoir son propre entendement, qui est fini (encore qu'il s'adresse à des doctes, c'est vrai.) mais l'entendement fini étant une partie de l'entendement infini et Dieu ayant par cet entendement idée de lui-même et donc connaissance de tout, le point est assez trivial en fait.

La formulation cependant : "ce que l'intellect perçoit d'une substance comme constituant son essence" correspond mieux à un intellect humain à mon goût, car Dieu a tout simplement l'idée de lui-même.

Bruno31415 a écrit :Pourrais-tu me donner une définition du mot entendement tel que l'utilise Spinoza ? (Une définition assez simple - même si elle n'est pas très correcte -, je ne m'y connais pas assez pour entrer dans les subtilités, il me faudrait juste un point de départ).

Puisque tu insistes, nous pouvons considérer E1P31S : "[L'intellect (en acte) :] je n'ai voulu parler que de la chose perçue par nous le plus clairement du monde, je veux dire l'intellection elle-même, que nous percevons plus clairement que tout. Car il n'est rien que nous puissions comprendre par l'intellect qui ne contribue à une plus parfaite connaissance de l'intellection."

Il n'y a pas, ainsi que pour l'idée, de définition parfaitement descriptive, parce qu'une définition suppose que les mots utilisés ont eux-même un sens clair (aucun sens ne venant des mots eux-mêmes.) Or ici il s'agit du sens même : comprendre, connaître, c'est porter du sens (ceci rejoint le fait que la vérité est à elle-même sa norme.) Autrement dit, comme Spinoza le dit en substance par ailleurs : c'est en connaissant qu'on sait ce que connaître veut dire.

Disons que l'entendement recouvre toutes les représentations (mentales) ou idées, soit tout ce qui dans le Mental relève de la connaissance (et pas les désirs et les émotions.)

Pour un entendement fini, c'est une notion générale : il n'y a que des idées individuelles en réalité (qui n'en ont pas moins une essence commune, savoir l'affirmation de quelque chose.)

Pour l'entendement infini, c'est une unique idée qui couvre tout.

L'entendement fini est une fraction, une discrétisation de l'entendement infini : soit tronquée (idées inadéquates), soit intègre (idées adéquates.)


Serge

P.S. Je précise que Spinoza utilise le terme "entendement" (humain) sous deux acceptions : 1) Une générale qui recouvre toutes les idées, comme dit. 2) Une restreinte qui ne recouvre que les idées adéquates, voire éventuellement que les intuitions du troisième genre. Le contexte indique en général sans trop d'ambiguïté de laquelle il s'agit.
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Messagepar alcore » 28 avr. 2009, 00:24

secsho dit
L'infinité d'attributs est une induction à partir des deux attributs connus. La raison selon moi est que le nombre de 2 ne convient pas à la nature divine (c'est soit 1, soit l'infini.)

alors là non !
a) ni 1 ni 2 ne conviennent à l'infini puisque l'infini selon SPinoza est au delà de tout nombre, c est d 'ailleurs qu il lui refuse le terme d unité, préférant celui d'unicité; le nombre en effet est extérieur à ce qu'il dénote: une chose peut etre numériquement une et réellement multiple
b) les attributs sont des substances qui apportent leur essence à Dieu et Dieu est constituée d'une infinité d'infinis, par delà tout nombre; de cette déduction on conclue que Dieu a d'autres attributs inconnus; il ne s'agit dc pas d'une induction, ms bien d'une déduction
en fait le principe est le suivant: chaque substance est infinie, mais il peut exister une pluralité d'infinis; or rien ne limite a priori cette multplicité étant par delà tt nombre, donc elle est infinie; il existe une multitude infinie d"infinis; donc il faut un principe de cette multiplicité, et ce principe sera en meme temps principe de leur unification; Dieu, n est pas cause de l'unité ni de la multiplicité des attributs, mais le fait qu'on puisse dire qu'il y en a une infinité suppose un point de vue exterieur à chacun; donc le fait meme de savoir qu'il y en a 2 implique qu'il y en ait une infinité, et une substance unique

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Messagepar sescho » 28 avr. 2009, 14:46

alcore a écrit :alors là non !
a) ni 1 ni 2 ne conviennent à l'infini puisque l'infini selon SPinoza est au delà de tout nombre, c est d 'ailleurs qu il lui refuse le terme d unité, préférant celui d'unicité; le nombre en effet est extérieur à ce qu'il dénote: une chose peut etre numériquement une et réellement multiple

Votre objection ne tient pas : comme je le précise en général, dire qu'il n'y a qu'un attribut c'est dire qu'il n'y en a pas (la notion n'a alors plus aucune pertinence.)

alcore a écrit :b) les attributs sont des substances qui apportent leur essence à Dieu et Dieu est constituée d'une infinité d'infinis, par delà tout nombre; de cette déduction on conclue que Dieu a d'autres attributs inconnus; il ne s'agit dc pas d'une induction, ms bien d'une déduction
en fait le principe est le suivant: chaque substance est infinie, mais il peut exister une pluralité d'infinis; or rien ne limite a priori cette multplicité étant par delà tt nombre, donc elle est infinie; il existe une multitude infinie d"infinis; donc il faut un principe de cette multiplicité, et ce principe sera en meme temps principe de leur unification; Dieu, n est pas cause de l'unité ni de la multiplicité des attributs, mais le fait qu'on puisse dire qu'il y en a une infinité suppose un point de vue exterieur à chacun; donc le fait meme de savoir qu'il y en a 2 implique qu'il y en ait une infinité, et une substance unique

C'est aussi ce que je dis sur l'autre option qui est l'infinité d'attributs... Personne ne percevant d'autres attributs que les deux connus, c'est nécessairement le fait d'en poser (deux) qui implique d'en poser l'infinité (je ne cherchais pas à restituer l'ordre de l'Ethique en l'occurrence mais l'ordre de la pensée qui conduit à introduire d'emblée - sans démonstration, donc - une infinité d'attributs dans la définition de la substance Dieu.) Ce qui me pose problème c'est précisément qu'il s'agit d'un infini dénombrable (discret, donc), qui me semble quand-même associer à l'infinité en son genre une "finitude hors son genre", ce qui correspond mal à la substance (non modifiée.) Ceci même si le parallélisme pose qu'il s'agit de "la même chose vue suivant des dimensions de l'être différentes" (d'où les "âmes multiples" correspondant aux attributs inconnus dans les lettres.) On peut peut-être avancer que ce n'est discret qu'au regard de notre entendement, mais cela ne déplace pas le problème d'un millimètre. Car je dis que c'est précisément la limite de notre propre entendement qui nous fait en poser deux là où en fait il n'y en a qu'un, c'est à dire que la substance.

Ceci rejoint la question de savoir de quel entendement il s'agit dans la définition de l'attribut...

Ce problème se répercute sur la définition de Dieu (car on ne peut pas par définition distinguer un attribut d'une substance), qui devient compliquée alors que l'unicité de la substance, Dieu - la Nature, est directement admissible, et entraîne l'introduction du parallélisme, dont la gestion est lourde. Une origine de cela est le postulat du fondement de la vérité en Dieu en tant que pensant : ce qui est clair et distinct est absolument vrai. On peut en voir une autre dans le rejet d'une régression des causes à l'infini (E1A1) - je suis d'accord avec les deux, en passant.

Note : la clarté de la distinction de deux dimensions de l'existence, Pensée et Etendue, justifient que ce sont des réalités et donc la notion d'attribut. Spinoza est bien cohérent.

Mais pour autant, il n'y a pas pour l'essentiel, pour moi, de solution qui tienne mieux la route que celle-là. Les limites de l'esprit humain sont indépassables ; elles sont d'abord indéniables (l'homme n'est qu'une partie de la Nature.) C'est pourquoi aussi je n'oppose pas artificiellement (dogmatisme / scepticisme) une vérité et une conviction pesée en profondeur, éprouvée et qui n'est ébranlée par rien. Je ne pense pas qu'en réécrivant l'Ethique sans les attributs on change grand chose : il faudra nécessairement distinguer rapidement les pensées des corps, introduire les notions communes d'un côté, les sensations de l'autre, etc.


Serge
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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 16:38

sescho a écrit :
alcore a écrit :alors là non !
a) ni 1 ni 2 ne conviennent à l'infini puisque l'infini selon SPinoza est au delà de tout nombre, c est d 'ailleurs qu il lui refuse le terme d unité, préférant celui d'unicité; le nombre en effet est extérieur à ce qu'il dénote: une chose peut etre numériquement une et réellement multiple

Votre objection ne tient pas : comme je le précise en général, dire qu'il n'y a qu'un attribut c'est dire qu'il n'y en a pas (la notion n'a alors plus aucune pertinence.)


c est précisément ce que je dis: un et 2 ne peuvent se dire des attributs que de façon toute humaine.
je vois pas où est votre objection.

[/quote]
alcore a écrit :C'est aussi ce que je dis sur l'autre option qui est l'infinité d'attributs... Personne ne percevant d'autres attributs que les deux connus, c'est nécessairement le fait d'en poser (deux) qui implique d'en poser l'infinité (je ne cherchais pas à restituer l'ordre de l'Ethique en l'occurrence mais l'ordre de la pensée qui conduit à introduire d'emblée - sans démonstration, donc - une infinité d'attributs dans la définition de la substance Dieu.) Ce qui me pose problème c'est précisément qu'il s'agit d'un infini dénombrable (discret, donc), qui me semble quand-même associer à l'infinité en son genre une "finitude hors son genre", ce qui correspond mal à la substance (non modifiée.) Ceci même si le parallélisme pose qu'il s'agit de "la même chose vue suivant des dimensions de l'être différentes" (d'où les "âmes multiples" correspondant aux attributs inconnus dans les lettres.) On peut peut-être avancer que ce n'est discret qu'au regard de notre entendement, mais cela ne déplace pas le problème d'un millimètre. Car je dis que c'est précisément la limite de notre propre entendement qui nous fait en poser deux là où en fait il n'y en a qu'un, c'est à dire que la substance.


je ne pense pas que ce soit une considération empirique qui conduise à poser une infinité d'attributs parce que rien de fini ne peut conduire à l'infini. L'infini est une multiplicité par soi et la substance étant par soi, il est nécessaire qu'elle soit infinie et qu'il y en ait une infinité.
L'entendement qui perçoit l'essence de la substance est celui de Dieu; nos perceptions sont les siennes. Mais notre entendement est aussi fini et il ne perçoit que 2 essences.
L'existence de lhomme n 'est pas attestée en Ethique 1.
Pourquoi dites vous qu'il n'y en a qu'un, cad la substance ?
Delbos et Gueroult ont fait leur choux gras de la substance à un attribut. Mais où est il question d'une substance à un unique attrbut ?
vous voulez dire que nous croyons à une infinité d'attributs en raison de la finitude de la nature de notre entendement et qu'en vérité il n'y en a qu'un ? Ce serait admettre que notre entendement, parce que fini, serait faux ? Rien n'autorise à interpréter ainsi la finitude chez SPinoza, cela nécessiterait la réintroduction du péché originel !

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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 16:44

sesho dit
Ce problème se répercute sur la définition de Dieu (car on ne peut pas par définition distinguer un attribut d'une substance), qui devient compliquée alors que l'unicité de la substance, Dieu - la Nature, est directement admissible, et entraîne l'introduction du parallélisme, dont la gestion est lourde. Une origine de cela est le postulat du fondement de la vérité en Dieu en tant que pensant : ce qui est clair et distinct est absolument vrai. On peut en voir une autre dans le rejet d'une régression des causes à l'infini (E1A1) - je suis d'accord avec les deux, en passant.

a) à mes yeux le Deus sive natura n a rien d'évident. Où Spinoza dit il cela ? En Eth IV, il parle d'un Deus seu natura, car à ce niveau la nature est impérieuse et contraignante absolument. On ne sait rien de la nature tant qu'on n'a pas défini Dieu; la nature est intégrée en Dieu et Dieu est dans cette nature, mais rien n'identique que SPinoza les confonde purement et simplement, dans la platitude d'une identité vide.

b) l'image de la parallèle me semble introduire des difficultés supplémentaires. une parallèle c'est une droite identique à une autre et simplement distante dans l'espace. L'image ne convient pas aux attributs qui sont réellement distincts et pas du tout différents spatialement.
l'image de la projection serait meilleure. Mais a t on besoin d'image .?SPinoza ne parle en tout cas jamais de parallélisme.
On pourrait imaginer aussi une infinité de cercles superposés de couleurs différentes. Ce serait bien le même cercle avec une différence. Mais l'image est elle aussi défectueuse.

c) à mes yeux il n'y a pas de définition de Dieu, je veux dire autre que nominale. En plus Dieu c'est un problème puisqu'il est source d'un infini d'infinis et unique, mais non numériquement.

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Messagepar sescho » 02 mai 2009, 21:32

alcore a écrit :c est précisément ce que je dis: un et 2 ne peuvent se dire des attributs que de façon toute humaine.
je vois pas où est votre objection.

???

Je dis simplement que la notion d’attribut n’a de sens que s’il y en a plusieurs. Sinon il suffit de parler de la substance, la notion d’attribut étant sans utilité ni fondement (maintenant si l’on veut ajouter un seul attribut à la substance, cela n’empêche pas d’en discuter.)

alcore a écrit :je ne pense pas que ce soit une considération empirique qui conduise à poser une infinité d'attributs parce que rien de fini ne peut conduire à l'infini. L'infini est une multiplicité par soi et la substance étant par soi, il est nécessaire qu'elle soit infinie et qu'il y en ait une infinité.

Voire…

Spinoza a écrit :E2P1 : La pensée est un attribut de Dieu ; en d’autres termes, Dieu est chose pensante.

Démonstration : Les pensées particulières, je veux dire telle ou telle pensée, sont autant de modes qui expriment la nature de Dieu d’une certaine façon déterminée (par le Coroll. de la Propos. 25, part. l). Il faut donc que cet attribut dont toutes les pensées particulières enveloppent le concept, et par lequel toutes sont conçues, convienne nécessairement à Dieu (par la Déf. 5. Part. 1). La pensée est donc un des attributs infinis de Dieu, lequel exprime son infinie et éternelle essence (voyez la Déf. 6 part. 1) ; en d’autres termes, Dieu est chose pensante. C. Q. F. D.

Scholie : Cette proposition est également évidente par cela seul qu’un être pensant peut être conçu comme infini. Nous concevons en effet qu’un être pensant, plus il pense de choses, plus il contient de réalité ou de perfection ; par conséquent, un être qui pense une infinité de choses infiniment modifiées est infini par la vertu pensante qui est en lui. Puis donc qu’à ne considérer que la seule pensée, nous concevons un être comme infini, il faut nécessairement (par les Déf. 4 et 6, part. 1) que la pensée soit un des attributs infinis de Dieu, comme nous voulions l’établir.

E2P2 : L’étendue est un attribut de Dieu, en d’autres termes, Dieu est chose étendue.

Démonstration : La démonstration de cette proposition se fait de la même façon que celle de la Proposition précédente.



alcore a écrit :L'entendement qui perçoit l'essence de la substance est celui de Dieu; …

Au départ de l’Ethique, introduire l’entendement divin ?… C’est très peu vraisemblable. Et je ne pense pas qu’un seul lecteur ait d’emblée pensé à cela, mais au sien, d’entendement. Maintenant sous l’hypothèse que ce qui est clair et distinct est entier dans l’entendement divin et donc vrai, la distinction entre les deux entendements n’a plus lieu d’être soulevée. Spinoza dit en plusieurs endroits que la distinction de la pensée et de l’étendue est admise par tous, et en perception claire c’est vrai.

Sinon, je répète qu’en l’espèce je ne cherche pas à restituer ce que dit Spinoza (que je connais), mais je juge que la notion d’attribut est liée aux limites de notre entendement ; je juge aussi que ces limites sont indépassables et donc que Spinoza est au plus près de l’accessible. La gestion des attributs et du parallélisme qui va avec (Spinoza est très conséquent d’ailleurs : il « rétablit » par le parallélisme l’unicité de la substance au maximum) me semble lourde, cependant.

En passant, notre entendement étant fini, il y a nécessairement des limites indépassables à son pouvoir. Il est absolument inévitable qu’il y ait des « mystères » irréductibles. Comme je l’ai déjà dit, on peut le mettre en particulier (car il y en a d’autres) dans le fait que nous ne percevions que deux attributs parmi une infinité ; je le mets dans le fait que nous ayons nécessité de distinguer la pensée de l’étendue.

Mais ce n’est pas très important, finalement.


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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 22:12

Sesho

La citation de Ethique II, 1 est intéressante.
Si j'ai bien compris vous soulignez le fait que c est le fait de la multiplicité des pensées qui conduit Spinoza à conclure à l'attribut Pensée si bien que l on pourrait conclure du fini à l infini.

Je réponds ceci:

La démonstration Eth II,1 a pour objet de démontrer, entre autre, que la pensée n'est pas un phénomène, un épiphénomène de la matière, mais une forme absolue, une dimension de l'Etre.
En fait Spinoza a déjà fait usage du concept de Pensée et d'Etendue comme Attributs. Par ex EthI,14, cor2
"lachose étendue et la chose pensante sont ou des attributs de Dieu, ou des affections des attributs de Dieu"

On est donc en droit de s'étonner de lanécessité de revenir sur un acquis.

Ensuite, la preuve expérimentale que Spinoza donne n'est possible ( et tout Ethique II aussi bien) que parce qu'il a été démontré que tout est en Dieu en Ethique I et par conséquent que l'expérience n'est pas trompeuse, et qu'il est possible de remonter des modes à l'attribut. Sans cette justification a priori de l'expérience, les définitions et axiomes de Ethique II sont inintelligibles. Spinoza introduit des éléments expérimentaux parce que l'expérience est en partie fondée par Ethique I.

Il n'en reste pas moins que la preuve ne repose pas sur une inférence de l"infini à partir du fini, mais sur le fait que toute pensée finie, déterminée enveloppe comme sa condition de possibilité, en tant que cette pensée CI, une forme capable de produire non seulement la forme générale de la pensée, mais sa détermination, son contenu concret, et c'est proprement cela qui intéresse Spinoza dans cette preuve.

Donc, Spinoza ne veut pas vraiment prouver que la pensée est un attribut, il le sait déjà; ce qu'il veut c'est montrer comment nos pensées, dans ce qu'elles ont de déterminé, sont des modes de la Pensée divine. Idem pour les corps.

Il n'est question de l'homme que maintenant, pas dans Ethique I. Je ne vois pas de raison d'introduire l'homme en Ethique 1.
Au contraire, toute la doctrine de Spinoza de la perception comme expression vise à arracher le percevoir au subjectif et à l'humain. Le percevoir est immanent à toute la nature ! Il y a des âmes de tout et ces âmes perçoivent, expriment Dieu à leur façon. Il se trouve que nous avons un entendement, mais nous ne sommes pas les seuls. Dieu aussi a un entendement qui est d'ailleurs produit. C'est l idée de Dieu dont il est question par la suite.
je dirais donc que le "percevoir" est expressif de la substance en elle même, indépendamment de nous; quand nous percevons qq chose en réalité c'est la substance qui se perçoit elle-même. Il se trouve que nous existons et que nous avons conscience de ce "percevoir", mais en voulant introduire le percevoir humain dès Ethique I, vous anthropologisez et affadissez une doctrine qui conduit en fait à élargir le concept de perception à l'ensemble des modes.


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