L'Entendement

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 31 mai 2009, 13:37

à ALcore

Si Dieu n’est jamais présent , c’est quoi qui est présent ?

Vous admettez qu’il y a un point de vue fini.
Ai-je le même point de vue que vous ?A mon avis non, il faudrait que nous soyons le même (un seul individu)

D’autre part ce point de vue (le mien) est il fini ? A mon avis non, s’ il était fini je ne pourrais pas en sortit, le contenu du monde maintenant resterait identique à lui-même.
Il y a des ruptures dans la conscience que j’ai du monde mais si je me retrouve et retrouve toujours le monde ce n’est jamais le même monde .

La seule assertion constante (réitérable à l’identique ) est que moi et le monde existons maintenant.
C’est une assertion , c’est une idée positive , de plus adéquate(au sens de Spinoza ) en ce qu’ elle a intrinsèquement (sans relation à un objet) toute les propriétés de l’idée vraie .

Vous voudriez que la question de la cause de cette idée ne soit pas une question valide .
Non seulement l’ assertion est sensée mais la question de sa cause l’est aussi .
Voila un phénomène ( cette idée adéquate ) dont (en bon spinoziste) vous devriez vous inquiéter de la cause (puisque selon Spinoza il n’est rien sans cause )

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Messagepar Enegoid » 31 mai 2009, 20:09

Depuis qu'Alcore intervient, vous avez pris des ailes, cher Hokusai. On a (j'ai) l'impression que vous vous lâchez enfin (comme on dit maintenant et si je peux me permettre...).

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 21:46

hokousai a écrit :Il y a des ruptures dans la conscience que j’ai du monde mais si je me retrouve et retrouve toujours le monde ce n’est jamais le même monde .

)


Les ruptures ou coupures dont je parlais ne sont pas des coupures dans la conscience que j'ai du monde.
Par cette idée mathématique de coupure je traduisais le double sens de l'affection pour Spinoza.
L'affection est
a) une variation quantitative qui m'arrive de l'extérieur
b) le sujet même de ces variations qui est une affection de la substance

Le "sujet" que je suis est une essence qui dérive de l'attribut et qui n'est pas produite par des causes extérieures.
L'essence qui me constitue j'en prends conscience au gré des rencontres et des rapports avec les choses extérieures, mais ce ne sont pas ces choses qui me produisent; elles ne font que révéler ma propre existence, comme union d'un âme et d'un corps, union irréductible.
Cette union irréductible et indissoluble n'interdit pas mais au contraire implique que l'essence introduise une coupure dans le flux des variations.
Cette coupure qualitative délimite un corps parmi d'autres, c'est ce qui fait que ce corps est mien.
Ce corps mien n'est pas produit par des causes extérieures; ce qui est produit c'est ce corps en tant que corps parmi les corps, mais pas en tant que mon corps.
La coupure rend possible la conscience de soi et n interrompt pas la série des causes. L'ordre des causes extérieures demeure continu, ce pourquoi nous ne cessons pas d'être affecté durant toute notre vie.
On peut donc être affecté par des causes extérieures qui ne nous ont pas produit, et rapporter ces choses, et nos rapports à ces choses à l'essence qui en est le fondement. Ce fondement c'est la substance, et notre essence est une affection de la substance; c'est en ce sens que nous sommes éternels.

Je me retrouve dans et par les affections extérieures. Donc le monde peut varier je me retrouve toujours en lui, parce que ce qui ne bouge pas c'est l'union ame corps qui est au fondement de toute récéption.

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 21:49

hokousai a écrit :à ALcore

Si Dieu n’est jamais présent , c’est quoi qui est présent ?
)


Dieu constitue notre essence, il est donc impossible d'en être séparé d'aucune façon, alors qu'il est possible de percevoir une chose puis de ne plus la percevoir.
Pour percevoir quelque chose que je ne suis pas, on a besoin de le rencontrer.
Je ne rencontre pas mon corps, mais par contre je rencontre cette rose que je vois, etc.
Je perçois ce qui arrive dans mon corps et je l'imagine hors de moi en vertu d'une loi qui me contraint à objectiver ce que je perçois.
Ce que j'imagine c'est ce qui est présent, et cela est présent tant que dure la rencontre, cad l'affection.
Il est toutefois possible de retenir la présence même lorsque l'affection a disparu, c'est la mémoire, condition du temps cad de la mesure de la distance temporelle qui sépare une rencontre d'une autre.

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 21:53

hokousai a écrit :
La seule assertion constante (réitérable à l’identique ) est que moi et le monde existons maintenant.
)


Spinoza dirait plutot que ce qui existe c'est l'âme en tant qu unie à un corps. c est le fait primitif qui rend possible la révélation des attributs et de la substance.
A partir de cette révélation, nous déduisons la nature; puis dans un second temps, le monde comme objectivation des affections dans et par l'imagination; le monde enveloppe aussi une essentialité en plus de son caractère imaginaire.
Remarquez que Spinoza ne parle que rarement du monde et ne dit jamais que nous percevons les choses hors de nous, mais seulement que nous percevons ce qui arrive à notre corps et dans notre corps, bref des événements.
Le monde c'est l"ensemble des événements qui se fondent dans le creuset de l union âmecorps par où ils deviennent sensibles pour nous.

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 21:58

hokousai a écrit :Vous voudriez que la question de la cause de cette idée ne soit pas une question valide .
Non seulement l’ assertion est sensée mais la question de sa cause l’est aussi .
Voila un phénomène ( cette idée adéquate ) dont (en bon spinoziste) vous devriez vous inquiéter de la cause (puisque selon Spinoza il n’est rien sans cause )


Ce qui est sans cause EXTERIEURE c'est notre essence: elle est directement produite dans et par l'attribut; c'est d'ailleurs pour cela que nous pouvons "avoir'" l'idée de Dieu.
En fait, l âme n'A PAS l'idée de son corps, puisqu'elle EST l'idée de son corps; et c'est comme telle qu'elle EST l'idée de Dieu.
Nous ne pouvons conclure d'aucune idée que nous avons, que Dieu existe.
Le point de départ c'est le fait primitif qui nous révéle l'indissolubilité de la substance divine : l union.

Spinoza dans le CT dit très justement qu'aucun objet ne produit réellement en nous l'idée de Dieu. Il s'agit d'une causalité idéale.
Spinoza dit que le corps propre est comme une fenêtre qui laisse entrer dans l'âme la lumiere divine !
Bien sur notre ame et notre corps sont des effets, mais des attributs, pas seulement des causes extérieures. Et cette révélation de l'existence de Dieu dans l'expérience de l'union est immédiate.

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 22:22

hokousai a écrit :C’est une assertion , c’est une idée positive , de plus adéquate(au sens de Spinoza ) en ce qu’ elle a intrinsèquement (sans relation à un objet) toute les propriétés de l’idée vraie .

Vous voudriez que la question de la cause de cette idée ne soit pas une question valide .
Non seulement l’ assertion est sensée mais la question de sa cause l’est aussi .
Voila un phénomène ( cette idée adéquate ) dont (en bon spinoziste) vous devriez vous inquiéter de la cause (puisque selon Spinoza il n’est rien sans cause )


L'idée vraie a une cause, mais justement parce qu'elle vraie en elle même, son rapport à sa cause n'est pas de même nature que le rapport entre un corps et un autre.
Quand je sens quelque chose, à la fois je sens mon corps et un corps et je me sens sentir : l'union indivisible enveloppe l'expérience d'une dualité qui est tout aussi irréductible que l'union.
Telle est la nature paradoxale du "sentir".
Je ne peux pas dire que l'objet est cause du sentir, ni que je suis moi meme cause de la sensation.

Il se produit une expérience de sentir qui enveloppe distinction et union.
Ces deux critères se retrouvent dans l'idée vraie. L'idée vraie comprend en elle ce qui permet d'affirmer, de poser l'objet hors d'elle.
Cela ne veut pas dire qu'elle a besoin de l'objet pour être vraie, mais que, du fait qu'elle est vraie, elle s'accorde aussi avec l'objet.

La cause du fait primitif est à la fois l'indivisibilité de la substance, et la distinction des attributs.
Mais cette causalité n'est pas extérieure: la même indivisibilité qui est dans la substance se retrouve dans l'union; la même distinction des attributs se retrouve dans la dualité de la sensation et du senti.
De sorte qu'entre le percevant et le perçu le rapport n'est jamais réel, mais toujours idéal. Personne ne produit les objets qu'il perçoit, et aucun objet ne produit aucune perception.

D'où la nécessité 2 types de conditions: les conditions d'une production effective, les conditions de possibilité d'une production. Quand je prends conscience de mon corps, celui ci me révèle immédiatement l'attribut qui l'enveloppe et qu'il affirme. Je prends conscience de quelque chose dont en même temps je reconnais que je ne l'ai pas posé, et que donc il est posé par autre chose, l'attribut.

Il est clair que notre corps est à la fois "nôtre" et en même temps s'éprouve dans une consistance ontologique, une épaisseur d'existence qui par contagion gagne le monde.
C'est parce que mon corps est aussi DANS l'attribut que, de proche en proche, toutes nos affections gagnent en épaisseur ontologique et font un monde "extérieur".

En fait, les conditions de cette conscience d'extériorité sont dans les attributs et non dans les choses perçues.
L'attribut est ce qui pose objectivement l'âme comme chose percevante, le corps, comme chose perçue.
MAis la substance pose l'indivisibilité de l'union où s'éprouvent les rencontres; ces rencontres mettent en marche le processus d'objectivation des affections, via les attributs.

Je perçois X, cela signifie: l'idée qu'est mon âme étant unie à tel corps, perçoit ce qui se passe en lui ( et il n'y a qu'en lui qu'elle puisse le percevoir); notre âme éprouve dans la proximité même de son propre corps, qu'il existe une "corporéité" de ce corps, une épaisseur ontologique qui excède le phénomène du corps. Le corps propre, c'est le phénomène qui révèle l'attribut, cad ce dans quoi mon corps est, est dérivé, son essence; ce qui fait de lui autre chose qu'une apparence ou un être d'imagination si vous voulez.
Le même raisonnement vaut de l'âme.
Nous pensons, et découvrons en même temps que nos pensées ne sont pas de nous: de fait, nos sensations physiquement réelles.

Bref, il y a une portée métaphysique de la sensation et du sensible; c'est la sensibilité (terme non spinoziste) qui s'éprouve dans l'union qui nous révèle les dimensions ontologiques de l'âme et du corps, à savoir la pensée et l'étendue.

Mais il faut bien voir que c'est dans l'épaisseur de notre corps que nous lions le phénomène corps propre à l'attribut. Il n'y a ici aucun raisonnement. Je perçois, et en même temps, nous posons nécessairement les attributs: la pensée en soi, l'étendue en soi, et fatalement aussi, une substance en soi, correspondant à l'expérience de l'union.

Est ce plus clair ?

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Messagepar hokousai » 31 mai 2009, 23:45

à Alcore

Est-ce plus clair ? Si vous parlez de la façon dont vous comprenez les choses , que vous vous éclaircissiez à chaque fois je l’espère, mais c’est à vous de me le dire .

Je ne peux pas dire que l'objet est cause du sentir, ni que je suis moi même cause de la sensation.


C’est pourtant ce que tout le monde dit quand il commence à s’intéresser aux causes .Tout le monde fait un raisonnement du genre : pas d’objet= pas de sensation, pas d’ organe de la vue= pas de vision .
Sinon nous voyons des arbres sans poser aucun attribut .
Vous avez un sorte de position para-kantienne qui nous placerait dans les attributs, mais inconsciemment .

Je sais (par expérience maintenant très ancienne ) que mes premières réflexions philosophiques ne portaient ni sur l’ étendue ni sur la pensée, mais sur le temps ( ce qui n’a pas vraiment changé d’ailleurs )
Cela pour vous dire que la question de l’étendue et de la pensée comme attribut me semble des questions construites.

La pensée de l’étendue infinie n’est pas si évidente à tout le monde, et souvent par force puisque penser l’infini n’est pas véritablement possible bien des humains pris de vertige lui supposent des bornes .(cf la première antinomie de la raison pure )

L’ idée d’une infinité de la pensée est encore moins évidente, en général les hommes estiment la pensée limitée à la leur et en coexistence avec des pensées (déduites ) chez autrui , voire chez Dieu s’ils sont croyant .

Voila l’état des lieux .

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Messagepar alcore » 31 mai 2009, 23:58

hokousai a écrit :à Alcore

Est-ce plus clair ? Si vous parlez de la façon dont vous comprenez les choses , que vous vous éclaircissiez à chaque fois je l’espère, mais c’est à vous de me le dire .

.


Il s'agit de Spinoza, non de moi ou de vous.

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Messagepar alcore » 01 juin 2009, 00:06

hokousai a écrit :C’est pourtant ce que tout le monde dit quand il commence à s’intéresser aux causes .Tout le monde fait un raisonnement du genre : pas d’objet= pas de sensation, pas d’ organe de la vue= pas de vision .
Sinon nous voyons des arbres sans poser aucun attribut .

.


Oui, bien sûr: pas d'objet qui ne soit perçu et pas de perception qui ne soit perception d'objet.
Mais cela ne signifie pas que le rapport de la perception à son objet soit réel.
En tout cas, pour Spinoza ce n'est pas le cas.
L'objet que je perçois n'est pas dans l'âme, et unobjet ne peut produire d'effet que sur un objet. Inversement, comment l'âmepourrait elle être cause de ses sensations ? Spinoza évoque cette hypothèse dans le TRE pour la rejeter aussitôt: seuls des fous peuvent la soutenir.

Reste donc comme possibilité que le rapport perception perçu soit idéal. La perception est manifestation et la manifestation a sa source dans l'attribut. L'attribut se manifeste lui meme par lui même.
L'âme qui perçoit est un effet de la pensée, le corps un effet de l "étendue.
Mais l'articulation de l'idée et de son objet au sein de leurunité indivisible est la manifestation immédiate dela façon dont la substance unifie de l'intérieur ses attributs qui cependant restent différents.

Toute perception est un acte qui distingue ce qui est uni, sans rompre l'unité de ce qui est distingué.

Je parle ici au nom de Spinoza.


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