L'Entendement

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Durtal
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Messagepar Durtal » 20 mai 2009, 17:19

La discussion me semble glisser sur le terrain de l'ambiguïté.

J'ai moi aussi grande répugnance à dire que Dieu se pense, ou a conscience de soi parce que c'est une détermination anthropomorphique.

Avoir conscience c'est avoir les idées des affections d'un certain corps. Dieu n'a pas de corps, en ce sens Dieu n'a pas non plus d'esprit ou d'âme (Voyez le scolie de la proposition E1.XV première phrase).

Par contre si l'on veut dire par Dieu "se pense" qu'il forme nécessairement une idée de son essence, et que l'on appelle cela "être pour Dieu conscient de soi" il n'y a rien à y objecter pour autant que ce n'est que le choix d'une certaine manière de s'exprimer.

Spinoza en laisse lui même après tout la possibilité lorsqu'il cherche à établir que l'entendement de Dieu et l'entendement d'un homme n'ont rien de commun entre eux si ce n'est le nom, pourvu que l'on sache à chaque fois de quoi on parle, on peut dire que Dieu se pense et a conscience de lui même.

L'entendement de Dieu c'est quelque chose comme le "vrai" (il y a quelque chose= il y a une idée vrai de ce quelque chose), nous décrivons les lois de la psychologie divine quand nous démontrons des théorèmes de mécanique ou de politique. Notre pensée adopte alors, si j'ose dire l'idiome mental de Dieu.
Modifié en dernier par Durtal le 20 mai 2009, 18:10, modifié 1 fois.

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Messagepar alcore » 20 mai 2009, 17:23

Durtal a écrit :La discussion me semble glisser sur le terrain de l'ambiguïté.

J'ai moi aussi grande répugnance à dire que Dieu se pense, ou a conscience de soi parce que c'est une détermination anthropomorphique.

Avoir conscience c'est avoir les idées des affections d'un certain corps. Dieu n'a pas de corps, en ce sens Dieu n'a pas non plus d'esprit ou d'âme (Voyez le scolie de la proposition E1.XV première phrase).

Par contre si l'on veut dire par Dieu "se pense" qu'il forme nécessairement une idée de son essence, et que l'on appelle cela "être pour Dieu conscient de soi" il n'y a rien à y objecter pour autant que ce n'est que le choix d'une certaine manière de s'exprimer.

Spinoza en laisse lui même après tout la possibilité lorsqu'il cherche à établir que l'entendement de Dieu et l'entendement d'un homme n'ont rien de commun entre eux si ce n'est le nom, pourvu que l'on sache à chaque fois de quoi on parle, on peut dire que Dieu se pense et a conscience de lui même.

L'entendement de Dieu c'est quelque chose comme le "vrai" (il y a quelque chose= il y a une idée vrai de ce quelque chose), nous décrivons les lois de la psychologie divine quand nous démontrons des théorèmes de mécanique ou de politique. Notre pensée adopte alors, si j'ose dire d'idiome mental de Dieu.


Je n'ai rien à ajouter à ceci

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Messagepar hokousai » 20 mai 2009, 22:46

à Alcore

Dieu n'est pas essentiellement conscient de lui même.



Ecoutez ,franchement, s’ il est conscient je ne vois pas comment dans le spinozisme il ne serait pas absolument conscient de lui-même . Dans ce cas il est un sujet conscient de lui même .
Ne tournez pas autour du pot ,vous subjectivisez Dieu .Il se peut que Spinoza ait eu cette tentation et pourtant son système va contre cette subjectivisation .

Sur ce qu’ écrit Durtal "" Par contre si l'on veut dire par Dieu "se pense" qu'il forme nécessairement une idée de son essence, et que l'on appelle cela "être pour Dieu conscient de soi" il n'y a rien à y objecter pour autant que ce n'est que le choix d'une certaine manière de s'exprimer. """
Je suis assez d’accord , il y a en Dieu( ou dans la nature )une idée de Dieu et c’est bien simple :vous l’avez .Qui plus est il y a concurrence entre plusieurs idées de Dieu .

En disant que la nature a conscience de elle même , ce qui ne mange pas de pain , je me demande si on a une idée claire de ce que l’on dit .
Certaines pieuses formulations confinent à l’incantatoire .


J’aime bien la conclusion de Durtal "" Notre pensée adopte alors, si j'ose dire l'idiome mental de Dieu. """"

J’ ajouterais que de ces idiomes mentaux , il y en une infinité possible.

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Messagepar alcore » 20 mai 2009, 23:36

La propo 3, Eth 2, établit l'identité de l'entendement et de la puissance divins. Ce que Dieu pense, il en produit l'essence et l'être) non antérieurement ni postérieurement, mais simultanément. C'est l'idée d'un entendement intuitif, mais qui ne serait pas créateur au sens chrétien du terme. Dieu n'a pas la possibilité de penser ou de faire plus que ce qu'il peut effectivement penser et faire, et il peut tout penser et tout faire.
seulement ce qu'il pense et fait, il le pense selon certaines lois et non arbitrairement. Ces lois, toutefois, ne sont rien d'autres à leur tour que les lois de son agir, ce qui signifie qu'elles ne préexistent pas à son agir. Il n'existe donc aucun décalage entre ce que Dieu pose dans l'être et pense; c'est pour cela qu'il n'y a rien qu'il pose qu'il ne pense actuellement.
Ou encore: ce qui existe est entièrement pensé actuellement par Dieu; rien ne subsiste comme fond obscur sous les choses; contre Platon qui posait des choses dont aucune Idée n'était en Dieu: le négatif, le mal.
La suppression de l'idée d'un entendement créateur au sens habituel anéantit toute conception métaphysique du mal.
Mais en même temps, rien n empêche de retrouver l'idée de création: un entendement intuitif, ou une intuition intellectuelle n'est ce pas la définition que Kant donne de l'entendement divin, créateur ? Et l on sait que Kant rejetait l'idée que Dieu ait pu créer le monde.
Il y a ici un gap entre deux visions de la création.

Par ailleurs, c est parce que Dieu est cause de l'essence et de l'être de tout qu'il est fatalement idée de tout ce qu'il cause: en tout ce qui existe, même à titre de mode, il ne fait rien d'autre qu'intuitionner son propre agir.
a) Dieu créé l'essence et l'être de toute chose, selon des lois
b) La pensée est en Dieu un attribut, donc Dieu pense tout ce qu'il crée: tout ce qui est, est posé (rien n'est donné qui ne soit posé), et tout ce qui est posé, est réfléchi, car ce que Dieu pose (comme Autre, comme mode) il le pose à partir d'une loi de son agir de sorte que le mode repose intégralement dans cet agir et hors de cet agir il n'est rien du tout
c) donc Dieu ne réfléchit pas SUR ce qu'il fait. Mieux vaut dire: ce qui est, étant posé (dérivé, déduit, créé), et ce qui est posé, étant pensé, Dieu a une pensée infiniment concrète de lui même, infiniment singularisée; singularisation qui confine au moindre détail de ce qui est positif en chacun de nous, et de chaque chose.
Ici se trouve l'idée: Dieu se moque de la méchanceté, il ne sait même pas ce que c'est ! Il ne pense que ce qui est positif en chacun, affirmatif.

Bien entendu, Dieu n'est rien de personnel, car de toute façon, le mot "personne' n' a pas beaucoup de sens (hors du contexte moralisateur ou juridique)

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Messagepar hokousai » 21 mai 2009, 00:07

cher Alcore

excusez- moi mais vous finissez par me donner le tournis

Vous avez l' esprit théologique , pas moi . L' esprit théologique conduit à écrire chez d' autres bien des pages complexes et magnifiques sur la trinité.... qui me tombent des yeux .

Ne plus rien penser de Dieu...(en tout cas pas ce soir ) ce serait parfois la béatitude !

bien à vous
hokousai

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Messagepar hokousai » 21 mai 2009, 01:02


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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 10:21

Dans le texte auquel vous renvoyez on peut lire ceci :


Spinoza rejette le Dieu des religions et même des philo-sophies. C'est le passage d'un Dieu Seigneur comme le Dieucartésien à un Dieu qui n'est que Nature, qui est tout entierNature et qui est toute la Nature en tant que naturante.
_________

Le fait que Spinoza soit rationaliste, c'est certain. Le fait que son Dieu n'est pas un Seigneur, également (quoique dans le CT Spinoza dise que nous les esclaves de Dieu).

Mais que signifie la suite ?
On se donne beaucoup de facilités on prélevant dans le naturalisme ambiant, le thème de la Nature (qui fascine tant depuis le 18e et surtout le 19ème) pour ensuite nous expliquer que le Dieu de SPinoza n'est QUE cela; bref une chimère scientiste.

Spinoza à ma connaissance ne dit qu'une fois, en Eth4,préf:

Deus SEU Natura.

Je trouve ça un peu léger comme preuve du naturalisme intégral de Spinoza et de son prétendu immanentisme. (plof, un pavé dans la mare!)

La nature de Dieu ce sont ses attributs; la nature EN Dieu, ce sont les modes.
Les attributs ne sont pas des choses naturelles, ce sont les formes absolues de la créativité divine.

Spinoza en effet ne cesse d'insister sur un point qui lui tient à coeur: Dieu est cause de l'essence et de l'être de toutes les choses. C'est dire que non seulement ce que nous voyons "être" ici et là sous forme de choses n'est qu'un être posé, créé par Dieu, et rien n'est plus absurde que d'identifier Dieu au tout des choses existantes, comme si en mettant les modes bout à bout on pouvait obtenir la substance ! Autant vouloir retrouver le mouvement en le composant de points indivisibles !

"Dieu est cause de l'être des choses" EthI,24, cor
"Dieu n'est pas seulement cause efficiente de l'existence des choses, mais encore de leur essence" I,25
"par corps nous entendons toute quantité longue, large et profonde, limitée par une certaine figure, et on ne peut rien dire de plus absurde sur Dieu"

Dieu est donc cause EFFICIENTE de l'être, de l'essence et de l'existence de toute chose. C'est d'ailleurs comme tel que Dieu est ANTERIEUR par nature à ses affections.

Les modes sont a) en Dieu b) produits par Dieu; en tant qu'effets produits par Dieu, ils sont infiniment distincts de Dieu; mais ils restent cependant en Dieu, ainsi que le dit la définition du mode

"Par mode j'entends les affections de la substance, autrement dit ce qui est en autre chose, par quoi il est aussi conçu" I,def 5

Cette définition énonce bien que le mode est non seulemen relatif à d'autres modes (horizontalement), mais aussi et surtout relatif à la substance qui est, pour lui, AUTRE CHOSE.
On peut donc concevoir l'altérité sous deux formes: de mode à mode, et de mode à substance.

La substance cause l'être de relations extérieures et exprime une essence (qualité) dans ces relations. Tout mode est une affection susceptible de multiples affections. L'altérité des modes ne signifie donc pas leur extériorité. Ce qui est infiniment autre que la substance (les modes) n'est pas pour autant extérieur à elle.

L'altérité des modes est donc parfaitement compatible avec l'intériorité d'un rapport de l'affection à ce qui la produit. Il y a en chaque chose, une part d'extériorité: toute chose résulte de causes extérieures. Soit. Mais QUE la série indéfinie des causes soit, ne résulte pas de causes extérieures, et que, dans le réseau des causes, chaque chose affirme une essence, n'est l'effet d'aucune cause extérieure. Ce que chaque chose affirme dérive de l'attribut. L'altérité de l'affection se combine alors avec l'inhérence du mode et la dérivation intérieure de l'affection de la substance.

Dans les modes, on trouve donc
a) de l'extériorité pure et simple, ce que la substance n'est pas du tout, ce qui n'est rien de positif: les limitations, le mal, le négatif; mais cette extériorité n'est pas celle d'une chose extérieure; c'est l'extériorité de l'imagination. L'imagination investit le néant de la finitude et lui donne une extension source de tous nos maux

b) une altérité relative, constitutive de la réalité modale: chaque chose est prise dans un réseau de causes sources de variations quantitatives infinies.

c) une altérité absolue : les affections sont des effets de la substance

d) un rapport intérieur de l'affection à ce qui lui est absolument Autre. Les modes sont dans la substance et persistent en elle alors même qu'ils ne sont rien de substantiel. C'est en ce sens que les modes sont modes DE la substance. La substance pose l'être de l'affection, ainsi que son essence et le tout des relations extérieures qui pose l'existence de ce mode.


Faute de faire cette distinction, on en vient à confondre l'inhérence des modes à la substance avec une quelconque divinisation de la nature, ce dont Spinoza est fort éloigné.

Si Spinoza dit que Dieu est Nature, cela peut s'entendre

a) soit comme nature de Dieu: les attributs, formes de la créativité divine. L'Etendue, la Pensée ne sont pas des choses mais des actes libres et nécessaires de Dieu. Ce que Spinoza rejette c'est l'idée d'acte volontaire, et le primat de l'entendement sur la production. Dieu n'est assujeti à rien.

b) soit comme nature EN Dieu: les modes. En ce sens, Dieu est tout ce qui est positif, affirmatif, non imaginaire dans les affections

Ce que Dieu n'est pas: l'extériorité pure, le néant pur du temps, de la dispersion, de la division, de la haine, de la méchanceté, du faux, etc. C'est dans cette extérorité-néant que l'imagination travaille à briser la substance unique en plusieurs substances, à discourir sur le mal comme s'il était quelque chose en Dieu, avait sa racine en Dieu, etc.

Les naturalistes, quant à eux, prennent justement ce qui n'est rien du tout pour ce qui est absolument et vraiment, puis ils disent: Dieu ce n'est que cela, toutes ces choses imaginaires !

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Messagepar hokousai » 21 mai 2009, 15:07

cher Alcore

question simple

Puisqu'il y a apparition ..il y a t il disparition ?

Au cas où il n y aurait pas disparition... pourquoi il y a t -il apparition (phénomènes) ?

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 16:44

????

Est-ce une question sur Spinoza ?
ou d'intérêt général ?

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Messagepar hokousai » 21 mai 2009, 18:58

c 'est une question sur Spinoza .


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