hokousai a écrit :
de fait .... non, je ne pense pas qu'immédiatement nous ayons tout ce que vous dites et même pas l 'expérience de la durée avant celle du temps . Une éducation nous donnera sans doute une intellection de tout cela et selon l' éducation une intellection particulière .
Vous me décrivez comme étant de l'immédiat ce qu 'on vous a appris à reconnaitre médiatement .
On m'expliqua enfant le temps avant la durée et je crois bien avoir eu conscience du temps (des horloges) avant celle de la durée .
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Si telle est votre conviction !
Je me permettrais toutefois les remarques suivantes en reprenant votre exemple des horloges.
Les horloges sont des ARTEFACTS à la fois humains et naturels, comme tout ce qui est artificiel.
Le rapport que nous avons à ces artefacts est complexe puisqu'il suppose
a) l'idée de quelque chose à mesurer: le temps, donc la supposition que le temps est mesurable, donc aussi l'idée de mesure en général
b) un dispositif symbolique: les chiffres marquant des heures, des minutes, bref tout un ensemble de conventions plus ou moins arbitraires (question difficile que je laisse en suspens)
c) des ouvriers pour les fabriquer, donc toute une organisation sociale de la production
d) un apprentissage de la lecture de l'heure.
Tout ceci, vous me dites, que c'est une expérience immédiate antérieure à l'expérience de votre propre corps.
Il me semble qu'il faut combiner de nombreuses idées pour apprendre à lire l'heure.
Je me souviens pour mapart avoir mis plusieurs mois à lire une montre.
Bref, rien d'immédiat.
La notion du temps est liée justement à une façon d'organiser nos perceptions selon l'avant et l'après qui ne va pas de soi, qui dépend du mouvement des astres symboliquement contemplés. LEs animaux n'ont pour cette raison aucune conscience du temps: leur vie se passe entièrement dans le présent, même s'ils sont pourvus de mémoire.
Par contre, les animaux tout comme nous ont le sentiment de leur durée, sans convention, sans artifice, sans méthode.
La durée c'est l'expérience même du corps propre.
Bien sur, cette expérience impliquant une coupure dans le flux des variations, on peut avec Piaget, si vous voulez, faire la genèse de la distinction moi-objet. Car la coupure qualtiative doit s'installer dans le flux une premiere fois, ce qui s'appelle naître, une deuxième fois, ce qui s'appelle percevoir, ensuite connaître et enfin mourir.
Il arrive même que certains ne parviennent plus à se maitenir comme sujet dans le flux, ce sont les déments.
Mais, ce que je vois très clairement, c'est que personne n'assiste à sa propre naissance; nul n'a la moindre idée de sa naissance (en tout cas pas moi).
Ce qui signifie que la coupure a toujours déjà eu lieu et que nous sommes conscients exactement dans la mesure où nous connaissons le corps auquel nous sommes lié. D'abord très confusément, ensuite moins.
Notre âme, notre corps, leur unité, tout cela nous le recevons, et je ne vois pas trop quelle éducation pourrait m'apprendre que j'ai un corps et que je pense.
L'"ducation peut au mieux nous apprendre à nommer, désigner des expériences.
On peut mettre l'accent sur tel détail de l'expérience, par ex, pour vous le temps. Ce n'est qu'un aspect, indissociable de l'espace, comme votre ex des horloges le suggère déjà.