La "transition" 2e-3e genres de connaissance

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
PhiPhilo
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Messagepar PhiPhilo » 05 oct. 2009, 07:32

...
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hokousai
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Messagepar hokousai » 05 oct. 2009, 14:30

à PhiPhilo

Quant à considero, on n'en trouve que deux occurrences dans l'Ethique


considero peut- être! mais ce n'est pas la seule forme du verbe .
recherchez d'autres formes du verbe
..............................................................................

Si je comprends bien vous traduisez :
Contemplor par considérer
Considero par admettre (tenir pour )

Il y a dans considero une connotation d’examen actif (voire prudent, circonspect) ex ;on considère sous l’attribut de la pensée et cela s’ explique par lui ....

Qu’il y a peut être pas dans contemplor (plus passif )

C’est une petite nuance mais qui peut avoir son importance .

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 05 oct. 2009, 18:41

Bonsoir à tous,

" Il est pareillement vrai que, pour l'usage de la vie et le service des relations publiques, il peut y avoir de l'excès dans la pureté et la perspicacité de nos esprits ; cette clarté pénétrante a trop de subtilité et de curiosité. Il faut les appesantir et les émousser pour les rendre plus obéissants à l'exemple et à la pratique, et les épaissir et obscurcir pour les proportionner à cette vie ténébreuse et terrestre. Pour cette raison les esprits ordinaires et moins tendus se trouvent plus aptes à conduire les affaires et y ont plus de succès. Et les idées de la philosophie, éminentes et rares, se révèlent inaptes à la pratique. etc." - Montaigne : Les Essais, Livre II, chapitre XX.

En tant qu'esprit ordinaire, après consultation du Gaffiot, du Robert et du Quillet, et nonobstant le Savoir ici mis en avant comme Autorité, je ne vois pas qu'il faille déroger à un des principes de toute traduction, à savoir rester guidé par le contexte.

Appliquant ce principe, mon humble lecture me laisse entendre que, dans la mesure où Spinoza reste sur le plan interne de l'entendement (cf. les deux citations de Phiphilo), il emploie le verbe considero, en revanche quand il se place sur le plan externe de la prise en considération de corps
extérieurs, objets d'images et d'affections, il utilise le verbe contemplor.
Il n'y a donc pas lieu, de mon point de vue, de rejeter comme un non-sens l'utilisation du verbe contempler, au lieu de l'expression considérer attentivement, sous réserve, il est vrai, que le terme contempler, en langage courant, recèle une arrière-pensée admirative, que l'utilisation latine par Spinoza ne permet pas de retenir.
Dans ces conditions, il est légitime de dire que la traduction, en l'occurrence, de contemplor par contempler n'est pas heureuse ; il me paraît exagéré de dire qu'elle viole quatre maximes, dont il faudrait, au demeurant, plaider la pertinence, ce qui est loin d'être acquis.
Du danger comme toujours, des arguments et attitudes d'autorité.

Amicalement

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sescho
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Messagepar sescho » 05 oct. 2009, 20:43

Cher Hokousai,

hokousai a écrit :Je suis d'accord avec votre message jusqu à
alors même que la connaissance d'un mal est confuse du point de vue du troisième genre (ou plutôt : un mal cesse de l'être dès que sa racine est atteinte par le troisième genre.)


Pourriez- vous me donner un exemple ?

Il y en a une infinité. Dès que je vois vraiment l'insanité d'un mouvement égotique (ou égoïque), il disparaît. Il n'y a pas de connaissance du troisième genre d'un mal (E4P64) car, soit ce n'est pas du troisième genre, soit dès qu'elle s'exprime le mal disparaît (E5P18S.)

hokousai a écrit :Vous universalisez la connaissance du bien et du mal par le second genre(soit )

Je crois que c'est sans alternative : Spinoza parle bien dans plusieurs passages de plusieurs ouvrages de connaissance vraie du bien et du mal, et il me semble incontournable (en particulier du fait de E4P64 ; voir ici) qu'il s'agit du deuxième genre. Maintenant s'agissant du Bien seul, il est directement vécu par le Sage, donc au niveau du troisième genre.

hokousai a écrit :Considérons par exemple Auschwitz et les génocides qui hélas sont plus proches de nous dans le temps ...et d’autres qui précédèrent . En quoi un mal cesse de l'être dès que sa racine est atteinte par le troisième genre ?

Il me semble que hors de cadre de la connaissance du second genre ( et celle ci a déjà bien des difficultés à imposer sa raison à la question du mal ) , hors la raison , la question du mal subvertit tout ce qui peut être pensé sous une certaine éternité ceci accompagné de l’idée de Dieu .

D'abord, il ne s'agit pas d'un mal théorisé et extérieur, mais d'un mal intérieur : l'Ethique ne porte que sur l'amendement personnel (qui comprend le rapport au reste du Monde, c'est entendu, et au premier chef la générosité.) Il ne s'agit pas de le théoriser mais de le vaincre en soi.

Même la tristesse (mais certaines joies sont pires, prises avec leur à-côtés, comme l'orgueil), la souffrance, prise en soi n'est pas un mal, car rien n'est mal en soi (malgré E4P8, qui pour moi décrit par le deuxième genre une connaissance du premier genre.)

Ensuite, s'il s'agit de Dieu et de l'éternité, il n'y a ni bien ni mal : tout se produit en vertu de la puissance souveraine de Dieu - Nature, et par ses lois / décrets éternels. Dieu est parfait en tout, y compris dans les pires crimes (au sens vrai du deuxième genre) de l'humanité.


Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar Enegoid » 05 oct. 2009, 21:50

Trois remarques sur le 3ème genre, bien qu’un peu décalées par rapport aux échanges en cours, intéressants, sur le bien et le mal.

La connaissance du 3ème genre a deux caractéristiques :
    o Elle implique Dieu, soit en tant qu’objet direct de la connaissance, soit en tant que cause de l’objet à connaître : je ne connais pas une chose par le 3ème genre sans « percevoir » le lien de causalité entre Dieu et la chose.
    o Elle présente un caractère d’accès direct à la chose. C’est l’équivalent d’une vision.

L’exemple de la proportionnalité donné par Spinoza m’inspire ces observations :
    o Si l’on prend des nombres importants (par exemple 927, 6489, et 4791) on peut calculer le résultat, mais on ne peut accéder à la connaissance du 3ème genre du quatrième terme (33537) que si l’on est un calculateur prodige. On peut donc par le 2ème genre, qui permet de calculer le résultat, avoir une idée adéquate, sans qu’elle puisse être obtenue par le 3ème genre. Le troisième genre est rare (dit Spinoza lui-même).
    o (pour ceux qui ont une culture mathématique) 3+2 =5 est une connaissance du 3ème genre, intuitive, mais si l’on est en base 2, 11+10 = 101 l’est beaucoup moins. Elle ne devient intuitive qu’après une pratique de la base 2. A verser au dossier du lien entre 2ème genre et 3ème genre.
    o Dans l’exemple de Spinoza, on trouve le résultat intuitif. Et on le trouve sans avoir besoin de l’idée de Dieu. Ne trichez pas ! Par contre, du fait que l’on trouve le résultat intuitif, on peut accéder à la question de Dieu : comment se fait-il que je trouve le résultat intuitif ? Donc on peut avoir une idée intuitive sans Dieu, mais on peut en déduire (2ème genre) qu’il y a une question de Dieu.

Dieu est une substance pensante et étendue (je passe sur les modes infinis et l’infinité d’attributs). C’est ce que déduit Spinoza par l’exercice de sa raison (2ème genre). Et cette chose, Dieu, à la fois tout le monde la connaît et elle n’est pas si évidente (notion commune) que çà.
Mais, quelque soit la solution à ce problème (comment Dieu peut-il être connu par certains et pas par d’autres ?) il reste qu’il y a deux voies vers le 3ème genre :
    1. Je connais Dieu directement, et toutes les choses que je connais sont en quelque sorte imprégnées de cette connaissance.
    2. Je connais les choses, et par cette connaissance des choses, j’accède à la connaissance de Dieu, ou je développe ma connaissance de Dieu, qui en retour, etc.


Enegoid

PS. Exercice, pour sortir des éternels exemples philosophiques insipides de "choses" : comment le dialogue de sourds, qui est une chose singulière, entre Louisa et Durtal, peut-il augmenter ma connaissance de Dieu ? (Je ne dis pas qu’il ne peut pas le faire…d’autre part, moi aussi, j’ai joué le sourd dans certains dialogues, donc je ne suis pas agressif)
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Messagepar Enegoid » 05 oct. 2009, 22:04

Sescho a écrit :Dieu est parfait en tout, y compris dans les pires crimes (au sens vrai du deuxième genre) de l'humanité.


Que signifie parfait, dans ce cas ?
Dieu est absolu, omnipotent, infini, etc., tout ce qu'on veut, mais ...parfait ?

On peut dire "c'est comme çà. Point", et on fait avec, mais dire en plus "parfait"...pourquoi ?

Nous comprenons parfaitement les crimes car nous sommes faits de la farine qui commet des crimes. Nous savons que nous sommes des choses de Dieu, et nous sommes comme Dieu, c'est la seule raison que je vois de le trouver "parfait".
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Messagepar hokousai » 06 oct. 2009, 00:54

Cher Serge

je vois comme une contradiction entre

"""" D'abord, il ne s'agit pas d'un mal théorisé et extérieur, mais d'un mal intérieur"""

Et """""la souffrance, prise en soi n'est pas un mal, car rien n'est mal en soi """""

Car » rien n'est mal en soi » ne répond justement pas à un mal intérieur


Vous écriviez le: 06/11/2004 22:48 """ il n’y a pas de connaissance du troisième genre d’un mal, parce que vivre un mal est être par là-même dans un état passif qui est contraire à la connaissance du troisième genre)"""""".

Je vous demande par quel genre de connaissance est- ce que je connais Auschwitz qui ne soit pas bien entendu une connaissance purement factuelle .
Il est bien évident que je ( ni vous ) n’en ai pas une connaissance purement factuelle ( objective, froide et dépouillée de tout affect ).

Excusez- moi mais je ne suis pas près d’ avaler cette couleuvre là :Ensuite, s'il s'agit de Dieu et de l'éternité, il n'y a ni bien ni mal

Et je ne suis pas bien certain que Spinoza confronté à une connaissance non purement factuelle d’ Auschwitz n ait pas eu à réviser son jugement .

hokousai

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Messagepar PhiPhilo » 06 oct. 2009, 07:24

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Messagepar Durtal » 06 oct. 2009, 13:40

Il est quand même d'une scusceptibilité ce Jovi! :D

Il en deviendrait presque rigolo.

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Messagepar Enegoid » 06 oct. 2009, 17:10

Merci Phiphilo.

Donc :

"Dieu est parfait en tout, y compris dans les pires crimes (au sens vrai du deuxième genre) de l'humanité."

a le même sens que :

"Dieu est réel en tout, y compris dans les pires crimes (au sens vrai du deuxième genre) de l'humanité."

Mais je trouve que la deuxième formulation a un peu plus de poids, et ne résonne pas de la même manière dans notre esprit :
Alors que "parfait" invite au respect, voire à la prosternation, "réel" demande plutôt à être regardé en face attentivement (contemplé? ou considéré?).
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