La "transition" 2e-3e genres de connaissance

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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sescho
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Messagepar sescho » 26 sept. 2009, 17:33

hokousai a écrit :
ce qui implique qu’elle n’engage aucune chose singulière, en tant que singulière
.

je suis d'accord avec l'ensemble de ce que vous dîtes, sauf sur la fin .Vous semblez oublier que l'idée d'une chose singulière fut elle éternelle est une idée singulière .

Je ne suis pas sûr de la raison qui vous fait faire cette remarque.

"Chose singulière", à la différence de "chose particulière" implique l'existence (finie et) en acte (selon la définition même de Spinoza.) Il s'agit donc bien du point de vue de l'homme en acte et non du point de vue de Dieu. L'homme ne peut avoir d'idée adéquate de chose singulière, en tant que singulière (c'est-à-dire prise dans sa singularité, ce qui d'ailleurs ne veut rien dire, toute "chose singulière" changeant tant soit peu en permanence et étant - conjointement du fait du mouvement - en interdépendance continuelle avec d'autres choses singulières, outre qu'elle ne peut être distinguée de son attribut.)

En revanche, il peut rapporter toute chose singulière (en tant que mode fini en acte, plus quelques traits particuliers perçus plus ou moins confusément) à Dieu. Cela c'est adéquat.

Les notions communes naissent de la sensation, mais comme "extrait" (essence en parfumerie) : le commun entre le corps percevant et le corps perçu, auquel cas ce qui est extrait ne constitue l'essence d'aucune chose singulière (en fait, la seule notion commune clairement concernée dans ce cadre est Dieu, par ses attributs, et Spinoza dit par ailleurs que l'essence de Dieu n'appartient pas à l'essence des choses particulières.)


Serge
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Messagepar sescho » 26 sept. 2009, 18:59

Quelques réflexions en vrac (je me soulage pour respirer… ;-) ) :

- Je ne peux pas considérer (comme Miam, de mémoire ; je parle de la nature de la connaissance, pas de son objet) le deuxième genre comme voisin du premier. Même si les termes sont confondus par endroit par Spinoza (mais pas tout le temps), « adéquat » s’applique plutôt au deuxième genre, et « clair et distinct » au troisième.

Comme je l’ai dit n fois, dans le deuxième genre strict c’est la logique de la démonstration qui emporte l’adhésion, pas la conclusion (théorème) en elle-même (ce que la chose doit être, mais pas ce qu’elle est.) C’est beaucoup plus pauvre (et en reste quelque part à un plan verbal : j’associe plusieurs choses de façon non-contradictoire et même cohérente, mais je ne vois pas l’association en vérité.) Ce n’est qu’un doigt qui pointe, il reste encore à regarder ce que le doigt pointe, et pas le doigt lui-même (suivant l’adage universellement connu.) C’est d’ailleurs ce que Spinoza dit lui-même dans les extraits plus haut.

Dans ces conditions, je vois une nette différence de nature entre le doigt et ce qu’il pointe…

- Soit une connaissance claire (troisième genre) est déjà en nous, mais éventuellement enfumée par des idées confuses, soit elle n’y est pas et on se demande bien alors comment elle pourrait s’y « révéler » (je parle bien du troisième genre.) Dieu ne conçoit rien par raisonnement, et une idée claire en l’homme est telle en Dieu, soit instantanément. Comment dans ces conditions une connaissance claire pourrait-elle survenir ?

- Pourtant, on connaît bien une infinité de cas qui semblent tels : tant que je n’ai pas étudié le rebond des balles en caoutchouc, je n’en ai aucune idée ferme. Si je passe sérieusement à cette étude, je pourrais faire des prédictions assez précises, et même passer à ce que j’ai appelé (peut-être à tort au titre d’exemple du troisième genre) au « sens physique » à ce sujet : percevoir tout de suite ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, etc. J’aurais donc acquis une connaissance du troisième genre. On peut prendre l’exemple plus simple de la géométrie : tant que je ne me suis pas posé de questions au sujet des triangles, je n’ai pas de raison d’en voir les propriétés, mais si…

- On en vient à émettre l’hypothèse que le « troisième genre » c’est le deuxième (cumulé dans l’ordre, depuis Dieu) mais effectué à toute vitesse, sans gros effort… L’exemple des proportions tend à cela. Mais d’un autre côté aucun exemple n’est parfait (toujours le doigt) et une généralisation de ce point particulier à partir de lui me semble donc illégitime.

- Ceci pose plus généralement la question de savoir ce qui en Sciences est du troisième genre, et ce qui est en fait irréductiblement du deuxième et même du premier (beaucoup à mon avis, malgré des exposés récapitulatifs qui posent tout cela en termes de certitudes.)

- En parlant d’union immédiate avec la chose, Spinoza tend à écarter cette hypothèse cependant, et à réintroduire l’instantanéité de l’entendement divin (duquel le nôtre participe, lorsqu’il est clair, précisément.) Mais alors, à nouveau, s’il y a instantanéité, on ne voit pas ce qui le créerait…

- Il reste par ailleurs ce gros « problème » que j’ai souligné plusieurs fois : la connaissance du troisième genre c’est surtout sinon uniquement de connaître Dieu (comme cause de toute chose, qui est en lui) or Dieu est une prémisse – notion commune (mais Spinoza dit en même temps que l’existence de Dieu n’est pas aussi claire qu’une notion commune), laquelle est réputée être perçue clairement par tout le monde…

En fait si elle était perçue clairement par tout le monde, il n’y aurait aucun lieu d’écrire l’Éthique (et tout particulièrement les commentaires de Spinoza visant à conforter l’idée de Dieu, mais en fait c’est même toute l’œuvre qui est dirigée vers cela.) Les passions viennent essentiellement de la croyance au libre arbitre, qui est une négation de la claire connaissance de Dieu per se.

D’un autre côté, Spinoza confirme bien que nous avons une idée adéquate de Dieu, qui est immédiate (donc les notions communes, prémisses du raisonnement et donc du deuxième genre, appartiennent au troisième genre ; avec en passant un problème avec les notions universelles, qui elles pourraient avoir à faire avec le premier, quoique Spinoza distingue bien « l’essence de l’homme prise dans toute sa généralité » des idées confuses / incomplètes du type « animal bipède sans plume. »)

Il faut donc admettre, comme je l’ai déjà proposé, qu’il y a deux choses simultanément dans l’Éthique :

1) Un exposé linéaire hiérarchisé qui part de Dieu comme d’une notion effectivement commune (ce qu’elle n’est pas de fait dans la société, puisqu’elle heurte au contraire de pleine face la superstition si répandue ; encore que « chose étant en soi et conçue par soi ayant une essence présentant une infinité d'aspects » est susceptible de convenir à tout le monde dans un premier temps.)

2) Une voie d’amendement de l’homme réel standard (ou plutôt au-dessus du standard mais au-dessous du sage) visant à faire de Dieu (clairement perçu) une véritable notion claire.

Dans ces conditions, il convient de ne pas confondre les démarches, même si elles s’expriment d’une unique façon. Ou plutôt : savoir qu’on n’a compris l’Éthique que quand on a effectivement acquis une idée claire de Dieu (ce qui suppose en particulier la disparition de l’ego basé sur la croyance – de fait – dans le libre-arbitre ; rarissime de fait...)

Mon sentiment pour l’instant : Spinoza met (fermement) en avant la démarche discursive pour remplir son objectif premier, de loin le plus massivement justifié : dissoudre l’égotisme et la superstition. Cette démarche discursive tend donc essentiellement à mettre en lumière des mécanismes d’enfumage de quelque chose qui est déjà présent (ou ces mécanismes mêmes) : la vision de ce qui est, dont Dieu – Nature universel. C’est un pointage de doigt. Je ne vois pas que Spinoza ait exclu (et puisse exclure, puisque c’est une prémisse) par-là les très rares cas de sages précoces, ayant d’emblée la vision claire de Dieu – Nature.

Mais elle permet aussi de préciser certaines choses (élimination d’hypothèses ouvertes, expression de mécanismes) qui ne seraient pas perçues sans elle. Dans ce cas (et même dans le précédent : qu’est-ce qui fait qu’il y a bascule ? Je ne suis pas sûr qu’il y ait une réponse d’ailleurs), le « problème » de la transition avec le troisième genre se pose toujours…


Serge
Modifié en dernier par sescho le 26 sept. 2009, 19:34, modifié 1 fois.
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Messagepar hokousai » 26 sept. 2009, 19:14

Spinoza parle de toute la force de la connaissance des choses singulières qu'il a appelé intuitive ou du troisième genre .( scolie prop 36/5)

il y parle de "" l "essence même d 'une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu ;
il écrit (dem prop30/5) ""concevoir les choses comme des étants réels""

je me demande quelles chose alors il faut exclure de la connaissance du troisième genre .. à mon avis aucunes .

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Messagepar Sinusix » 26 sept. 2009, 19:16

Bonsoir à tous,

Merci à Sescho, dont j'approuve le raisonnement global.
Me reste donc à éclairer ce qui me pose problème dans le spinozisme, à savoir son implacable déterminisme.
En effet, la connaissance par les causes, à partir des attributs de Dieu (comme vous en reformulez fort bien les bases textuelles), implique bien un enchaînement causal exhaustif, à l'infini (puisque nous nous situons dans l'éternité) des essences (toutes les essences conviennent entre elles, et l'idée de l'une est l'expression causale d'une série des autres). Ce qui ne veut pas dire qu'une essence est cause d'une autre, puisque Dieu est leur seule cause commune, mais l'idée de chaque essence, en lui s'inscrit en relation causale avec les autres, ou d'autres.
Or, dans la durée, les relations entre les corps relèvent, selon E2-29Scolie, de leurs rencontres fortuites réciproques (ce qui ne veut pas dire contingentes).
Puisque, pour Spinoza, tout est nécessaire, cela revient à dire que, sur le temps infini de l'existence dans la durée, comme le fait remarquer Deleuze, l'ordre des rapports constitutifs (essence de chaque chose singulière) est le même que l'ordre des rencontres, c'est-à-dire que, "au final", bien que dans l'existence les enchaînements (donc les enchaînements d'idée) se fassent selon le caractère fortuit des rencontres, et non selon l'ordre de composition des rapports (ordre causal entre les essences), toutes les existences correspondant à toutes les essences en Dieu auront existé.
C'est là où je bute dans la mesure où je privilégie personnellement une vision d'optimum, à savoir que, du fait de l'ordre spécifiques des rencontres, toutes les essences ne passeront pas à l'existence, ce que recouvre à mon avis la notion de flèche du temps et ce que nous savons de l'irréversibilité des mutations génétiques.
Autrement dit encore, l'ensemble des essences en Dieu est plus grand que l'ensemble des essences qui seront passées à l'existence dans la durée au bout d'un temps infini.
Dans ces conditions, il y a pour moi (mais, je l'admets volontiers, pas pour Spinoza, des chemins interrompus dans l'enchaînement causal des idées des essences).
Autrement dit, le 3ème genre est rempli d'imapsses.

Amicalement

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Messagepar sescho » 26 sept. 2009, 20:09

hokousai a écrit :Spinoza parle de toute la force de la connaissance des choses singulières qu'il a appelé intuitive ou du troisième genre .( scolie prop 36/5)

Oui, nous avons déjà sué sang et eau sur ce passage ; c'est le seul et unique (avec à la rigueur aussi la combinaison E2P25-26) qui laisse imaginer que l'on pourrait avoir une idée adéquate de l'essence d'une chose singulière chez Spinoza. Je ne reprends pas les n extraits qui me font clairement considérer que Spinoza dit le contraire (voir ici, entre autres.) Pour moi, il dit par-là que toute essence de chose singulière doit être rapportée à Dieu, quelle qu'elle soit dans le détail. L'exemple qui suit (et qui exemplifie la chose pour la rendre plus claire : c'est donc encore plus parlant) est d'ailleurs parfaitement clair à cet égard.

hokousai a écrit :il y parle de "" l "essence même d 'une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu ;
il écrit (dem prop30/5) ""concevoir les choses comme des étants réels""

Oui, justement, ce "quelconque" laisse entendre que ce n'est pas une chose singulière prise dans sa singularité (ce serait alors "précise" et non pas "quelconque") ; autrement dit, il s'agit de n'importe quelle chose finie en acte (ce qui est perçu clairement, pour le coup ; je parle de "finie, en acte", point.)

hokousai a écrit :je me demande quelles chose alors il faut exclure de la connaissance du troisième genre .. à mon avis aucunes .

Toutes celles qui font que l'esprit humain est très limité (en regard de celui de Dieu.)


Serge
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Messagepar hokousai » 26 sept. 2009, 23:41

à Serge


L’idée que j’ai d 'une rose précise ou du verre de bon vin que je bois peut elle être adéquate ?
A mon avis oui .
Je peux donc avoir une connaissance du troisième genre des choses singulières .

Si vous conteste cela c’est tout le rapport au monde qui se trouve contredit ,le rapport spinoziste de réalité .
Et les choses alors ne sont plus réelles existantes , mais fantasme, imagination , illusions .(il est évident que de cela l’illusion sera infére à la nature toute entière c’est à dire à Dieu )

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Messagepar Durtal » 26 sept. 2009, 23:57

Aie... discussion "sur les essences des choses singulières"



Est-il possible (je vous le demande) non pas de laisser cette question de coté, (car cela me paraît impossible vu ce sur quoi vous avez entrepris d'échanger) mais du moins de tenir le « fil rouge » de la question de la médiation quitte ( et même ce serait le mieux) à ce que la décision concernant les "essences des choses singulières" ( que ce soit pour les admettre ou pour les exclure) se formule en référence à cette question du "passage" ( si jamais il y en a un...et si jamais même il est besoin qu'il y en ait un !!!!) entre "deuxième" et "troisième" genre de connaissance ?

Ma demande contient une certaine dose de perversité: si jamais il n'était pas possible d'y satisfaire (logiquement parlant), cela signifierait que le débat sur la médiation peut être mené sans référence à la question des essences des choses singulières. Donc, dans ce cas, qu'il le doit. Car le faire malgré tout, n'est ce pas? serait constitutif d'un « délit de digression » caractérisé. Vous êtes par conséquents TENUS de faire ce que je demande ou de vous abstenir de mettre ce débat sur le tapis...



( je préfère le dire: je suis bien entendu en train de plaisanter...même si le contenu de ma plaisanterie n'est pas forcément à négliger.... D'autant que ma véritable motivation est encore moins avouable: c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup mais sur lequel mes idées ne sont pas encore suffisamment nettes et j'ai peur si vous vous engagez là dedans, de ne pas pouvoir m'empêcher d'intervenir en produisant des contributions brouillonnes.... )

En résumé je voudrais vous voir continuer ( autant que possible) sur cette question de la médiation. Je suis intérressé de savoir ce que vous pensez de cela les uns comme les autres donc... gare aux digressions.

D.

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Messagepar hokousai » 27 sept. 2009, 01:02

à Sinusix

Il ne me semble pas que Spinoza laisse penser que toutes les existences correspondant à toutes les essences en Dieu auront existé.

Aussi longtemps que les choses singulières n existent pas leur idée n’existe pas .
Et cela sinon en tant qu’il existe une idée infinie de Dieu
or l’idée de Dieu est unique.

Spinoza illustre par l’idée de cercle ( voir scolie prop 8/2) De la nature du cercle il est possible que des rectangles existent , mais leur idée n’existe pas tant qu’ils n’existent pas .(sinon en tant qu’elle est comprise dans l’idée de cercle )
Ce qui n’implique pas un passage nécessaire et obligé de tous les rectangles possibles à l’existence . Il me semble que chez Spinoza s’il y a une infinité de monde possible mais qu’ il n’y a pas en acte une infinité de monde réels . d ‘où la non incongruité des idées de 1) possible
et 2) celle de flèche du temps .

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Messagepar Louisa » 27 sept. 2009, 02:10

Hokousai a écrit :Aussi longtemps que les choses singulières n existent pas leur idée n’existe pas .
Et cela sinon en tant qu’il existe une idée infinie de Dieu
or l’idée de Dieu est unique.

Spinoza illustre par l’idée de cercle ( voir scolie prop 8/2) De la nature du cercle il est possible que des rectangles existent , mais leur idée n’existe pas tant qu’ils n’existent pas .(sinon en tant qu’elle est comprise dans l’idée de cercle )
Ce qui n’implique pas un passage nécessaire et obligé de tous les rectangles possibles à l’existence . Il me semble que chez Spinoza s’il y a une infinité de monde possible mais qu’ il n’y a pas en acte une infinité de monde réels . d ‘où la non incongruité des idées de 1) possible
et 2) celle de flèche du temps .


Bonjour Hokousai,

8/2 dit plus précisément que lorsqu'une chose n'existe pas dans le temps (au sens où elle est dite "durer"), son essence objective (ou idée, comme le dit le TIE) et son essence formelle existent néanmoins de toute éternité.

Je ne crois pas qu'on peut en déduire ce que vous en déduisez, et qui est que:
1) seules les essences "générales" seraient vraies de toute éternité, et non pas les essences singulières
2) il y aurait un possible ontologique dans le spinozisme.

Bien sûr, une fois qu'on admet 1), on passe facilement à 2). Mais 8/2 ne dit pas 1. Le scholie dit que l'idée qu'est la chose existe de toute éternité, aussi lorsque la chose n'existe pas au sens ordinaire du mot (c'est-à-dire dans le temps). Le TIE parle explicitement de l'essence objective de Paul comme étant différente de celle de Pierre, donc il est clair que lorsque Spinoza parle d'essence objective, il est en train de parler de modes donc de choses singulières (puis ailleurs il dit bien que les choses générales n'existent que dans l'entendement humain et nulle part ailleurs).

Ainsi, comme il le répètera souvent par après, est-ce bel et bien l'idée (et l'objet de l'idée singulières (tous les deux constituant l'homme "Pierre", par exemple, en ce qu'il a de différent de Paul (en vertu de la définition de l'essence, au début de l'E2))) qui existent de toute éternité, c'est-à-dire aussi avant la naissance et la mort (deux phénomènes purement temporels). C'est ce qui fait qu'on a pu dire que chez Spinoza tout ce qui est possible, est. Et est de toute éternité. Donc ... n'est jamais "en puissance". Mais là il me semble qu'on touche à une sorte de "tabou" sur ce forum ... :-) .

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Messagepar sescho » 27 sept. 2009, 10:34

Sinusix a écrit :Me reste donc à éclairer ce qui me pose problème dans le spinozisme, à savoir son implacable déterminisme.

Parfaitement exact au demeurant…

Sinusix a écrit :En effet, la connaissance par les causes, à partir des attributs de Dieu (comme vous en reformulez fort bien les bases textuelles), implique bien un enchaînement causal exhaustif, à l'infini (puisque nous nous situons dans l'éternité) des essences (toutes les essences conviennent entre elles, et l'idée de l'une est l'expression causale d'une série des autres). Ce qui ne veut pas dire qu'une essence est cause d'une autre, puisque Dieu est leur seule cause commune, mais l'idée de chaque essence, en lui s'inscrit en relation causale avec les autres, ou d'autres.

Il y a deux formes de causalité : l’immanente et la transitive. Les essences et leurs affections ne relèvent que de la première, et n’ont aucun lien avec le temps (c’est l’essence de Dieu modifié même) : il n’y a pas de différence entre l’ensemble des « essences particulières » et l’essence du Mouvement (et il n’y a donc en fait qu’un seul saut ontologique : entre la substance et ses modes infinis ; en passant, l’Idée de Dieu et l’Entendement infini, c’est la même chose.) Vue comme cela, la chaîne est très courte…

La causalité transitive est largement imaginaire (il s’agit d’un enchaînement de phénomènes liés, mais la seule véritable cause sont les lois de la Nature, soit ici du Mouvement) et ne régit que l’existence des choses singulières (qui n’est pas une vérité éternelle.)

Ajoutons une nouvelle fois que la pertinence même de « chose singulière » est sujette à discussion, du fait de l’interdépendance générale des modes finis dans l’Etendue : il ne s’agit que d’une vue partielle, comme de considérer un engrenage particulier dans tout un mécanisme horloger auquel il appartient.

Sinusix a écrit :Or, dans la durée, les relations entre les corps relèvent, selon E2-29Scolie, de leurs rencontres fortuites réciproques (ce qui ne veut pas dire contingentes).

Puisque, pour Spinoza, tout est nécessaire, cela revient à dire que, sur le temps infini de l'existence dans la durée, comme le fait remarquer Deleuze, l'ordre des rapports constitutifs (essence de chaque chose singulière) est le même que l'ordre des rencontres, c'est-à-dire que, "au final", bien que dans l'existence les enchaînements (donc les enchaînements d'idée) se fassent selon le caractère fortuit des rencontres, et non selon l'ordre de composition des rapports (ordre causal entre les essences), toutes les existences correspondant à toutes les essences en Dieu auront existé.

Spinoza dit bien que toute chose singulière « possible » (soit inscrite de toute éternité dans l’essence du Mouvement) existera en acte dans l’infinité du temps. Dieu n’étant pas soumis au temps, sa puissance égale bien son essence.

Sinusix a écrit :C'est là où je bute dans la mesure où je privilégie personnellement une vision d'optimum, à savoir que, du fait de l'ordre spécifique des rencontres, toutes les essences ne passeront pas à l'existence, ce que recouvre à mon avis la notion de flèche du temps et ce que nous savons de l'irréversibilité des mutations génétiques.

Autrement dit encore, l'ensemble des essences en Dieu est plus grand que l'ensemble des essences qui seront passées à l'existence dans la durée au bout d'un temps infini.
Dans ces conditions, il y a pour moi (mais, je l'admets volontiers, pas pour Spinoza) des chemins interrompus dans l'enchaînement causal des idées des essences.
Autrement dit, le 3ème genre est rempli d'impasses.

Hum ! Je ne vois pas bien ce qui permettrait de prouver qu’une part de l’essence de Dieu ne viendra jamais à l’existence… (étant entendu que c’est déjà récusé par principe par Spinoza.) Par ailleurs, Dieu n’ayant ni début ni fin, quand bien même devra être atteint ce que nous croyons être le maximum entropique du Monde, il restera encore le mystère du « capital entropique de départ. »

Notre Physique ne peut atteindre la Nature absolument (et n’est donc pas de taille, à mon avis, à contredire les visions universelles de Spinoza), et, par exemple, l’hypothèse de l’Univers cyclique (pas forcément de cycles identiques sur le plan modal), comprenant, dans des circonstances très particulières qui nous échappent totalement ici, un renversement entropique, ne me semble pas ridicule d’emblée.


Serge

P.S. : autre passage sur la connaissance de l’essence des choses particulières ici.
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