E3 P4-5 Choses détruites par une cause extérieure...

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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LARRY
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Messagepar LARRY » 23 oct. 2012, 23:34

Vous avez raison, hokousai, de parler de métamorphose, c’est-à-dire d’un changement de formes d’un même individu, nullement détruit en passant d’un état ou d’une manière d’être, à l’autre.
En effet, de la chenille au papillon il y a comme l’accomplissement sans ruptures d’un projet d’adaptation au monde extérieur, propre au monde vivant…
La méthode scientifique, depuis Galilée et Descartes postule bien l’objectivité de la Nature, un refus systématique de projet et causes finales… mais le monde vivant au sein de cette Nature a paru toutefois faire exception aux yeux de nos savants contemporains qui lui ont trouvé un aspect projectif difficile à nier.
Notamment Jacques Monod, dans « le hasard et la nécessité » (1971)

Je le cite (Ch 1)

« Le postulat d’objectivité est consubstantiel à la science, il a guidé tout son prodigieux développement depuis trois siècles ; Il est impossible de s’en défaire, fût-ce provisoirement, ou dans un domaine limité, sans sortir de celui de la science elle-même.
L’objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et performances, ils réalisent et poursuivent un projet. Il y a donc là, au moins en apparence, une contradiction épistémologique profonde. Le problème central de la biologie c’est cette contradiction elle-même, qu’il s’agit de résoudre si elle n’est qu’apparente, ou de prouver radicalement insoluble si en vérité il en est bien ainsi. »
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Est ce que je me trompe si je retrouve cette idée dans ce que Moreau écrit ? :

"Le but de la physique spinoziste est de penser des individus que leurs variations/altérations ne détruisent pas : Lemmes IV, V, VI et VII, Théorie de la variation non essentielle, qui concerne tous les corps composés (et non seulement le corps humain)."

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Messagepar hokousai » 23 oct. 2012, 23:49

cher Larry et Stradivarius

Après tout Spinoza parle d 'essence actuelle . prop 7/3. Et finalement le papillon fait toujours l effort de persévérer dans son essence actuelle, du début à la fin de la métamorphose( sauf que l'essence actuelle n'est pas toujours la même)
Expliquer le passage ? Spinoza ne semble pas vouloir expliquer le passage puisqu'on est toujours dans l'acte ( pas avant l' acte ni après ).

Oui bon mais l'acte , il s'étend de où à où exactement ? A -t- il une étendue temporelle précise. Il semble que non.
Ce qui rend difficile l' appréciation du changement des choses dans la durée.

Je n'en fini pas de m'étonner de la complexité des positions paradoxales de Spinoza.

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Messagepar hokousai » 24 oct. 2012, 13:57

à Larry
excusez -moi
Hier soir je n'avais pas lu votre message avant de poster le mien.

Votre citation de Monod résume bien le problème.
.......................................
Est ce que je me trompe si je retrouve cette idée dans ce que Moreau écrit ? : "Le but de la physique spinoziste est de penser des individus que leurs variations/altérations ne détruisent pas : Lemmes IV, V, VI et VII, Théorie de la variation non essentielle, qui concerne tous les corps composés (et non seulement le corps humain)."

Vous n' y trouvez pas l'idée de Monod:L’objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et performances, ils réalisent et poursuivent un projet.
Justement PAS cette idée là). C est bien le fond d'un problème . Spinoza se refuse à penser une téléonomie.

Peut-être qu'il accepterait l'idée du point de vue de la durée mais pas du point de vue de l'éternité.
Dans les prop 4, 5, 6, 7 partie 3 il semble que Spinoza pense du point de vue de l' éternité.
L'essence actuelle est atemporelle elle est certes dans la durée, mais elle a( ou enveloppe ) une durée indéfini.( l'indéfini est une des expressions de l'infini dans la lettre sur l 'infini).
L'effort ( le conatus ) me semble être une catégorie ontologique chez Spinoza ce n'est pas un effet de l'imagination. Si l'effort est l'essence actuelle ce n' est pas un produit de l'imagination.

( peut être que la perdurenceest un effet de l'imagination.
Voir l'interprétation de Maxime Rovere que j 'ai encore du mal à comprendre. M Rovère:"Exister méthodes de Spinoza "page 132, ouvrage très stimulant par ailleurs )

Finalement on ne peut comprendre la métamorphose à partir de ces propositions.
.................................................................
Le problème ( grave) est de savoir si comprendre ( ou essayer ) les choses dans la temporalité relève entièrement de l'imagination.
Et Monod semble dire que non .
Il est grave mais pas gravissime , il introduit cependant un coin dans l'affirmation mécaniste des causes extérieures comme seules cause de la destruction essentielle d 'un organisme vivant. Si celui ci est programmé il y a quelque chose qui est de l'ordre de l'acte (actuel ) mais limité dans la durée ( un début et une fin sont programmés dans l'essence de la chose singulière ).

Mias si l' actuel est étendu, l' acte est étendu, il n'est pas l'acte ici et maintenant. comme on a tendance à le penser .mais là je m'avance
L' essence actuelle du papillon c'est l' acte entier de sa métamorphose y compris sa destruction. L' effort lui est constant et sans durée. Spinoza ne découple pas l 'effort de l'essence actuelle il les identifie, il stabilise , il introduit du discontinu dans le continu.
Là on est dans l'imagination et plus on isole les individus plus on y est.
.................................
Ce que j essaie de comprendre c'est l' actuel ( essence donnée autrement dit actuelle )
Si actuel signifie ici et maintenant dans le temps, alors je ne comprends pas la métamorphose d 'un organisme tel que le papillon.
Si actuel signifie en acte ici et maintenant mais pas nécessairement réduit à cet hic et nunc alors je peux comprendre mieux l' effort pour persévérer dans son être de choses qui durent mais se transforment de l'intérieur.
L' effort de persévérer dans une essence variable, par nature.

Tout ça est bien compliqué !!! Mais on est entre nous je peux bien risquer quelques extras .

Bien à vous
hokousai

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Messagepar LARRY » 24 oct. 2012, 16:29

Citation :
« Si actuel signifie en acte ici et maintenant mais pas nécessairement réduit à cet hic et nunc alors je peux comprendre mieux l' effort pour persévérer dans son être de choses qui durent mais se transforment de l'intérieur.
L' effort de persévérer dans une essence variable, par nature. »

Oui, hokousai, dans ce cas ça devient plus compréhensible pour moi également…

Déformation d’angliciste, J’ai tendance à comprendre « réel » , (sens du mot anglais « actual ») dans le français : « actuel » mais ça revient au même, je suppose.

Il me faut un « certain » temps pour méditer votre post entièrement mais aujourd’hui je pose la question :
-Spinoza pouvait-il en son temps avoir l’idée d’une téléonomie ?
Je pressens que ma question est stupide…

Bien à vous,
Larry

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Messagepar hokousai » 24 oct. 2012, 17:49

cher Larry

l'idée d'une téléonomie ?

Et comment donc ! Toute la scolastique est comme Aristote FINALISTE. Spinoza sait bien ce que c'est et il n' en veux pas.

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Messagepar LARRY » 25 oct. 2012, 10:02

J’avais cru comprendre, avec Monod, qu’une éventuelle finalité biologique, à ne pas confondre avec finalisme, existe de fait, sans nécessité d'invoquer une action transcendante…
Ce que Spinoza ne pouvait concevoir, sans doute, vu le niveau bien moindre qu’aujourd’hui des connaissances du monde vivant au 17ième siècle.
Mais, il est vrai que son approche est plutôt mathématique que biologique...

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Messagepar hokousai » 25 oct. 2012, 15:02

Cher Larry

"Jan Swammerdam ( le Galilée de l'infiniment petit (1637)) [...]1637-1680), dont les travaux portent sur l'anatomie des insectes qu'il étudie à l'aide d'un micro-matériel de dissection fabriqué par ses soins, fait paraître, en 1669, une Histoire générale des insectes où il les classe d’après leur type de métamorphose. Swammerdam distingue les insectes à métamorphoses complètes et incomplètes et décrit avec soin ces transformations."(wikipedia)

Jan Swammerdam et Spinoza sont exactement contemporain et de la même ville . Jan Swammerdam est cité par Meinsma mais il n'est pas précisé qu'ils se connaissaient. Il semble que l'oeuvre de Jan Swammerdam ait du attendre avant d 'être rendu publique.

Mais la métamorphose des papillons était connue de toute antiquité, Aristote en décrit les trois états. Aristote a du mal avec l'identité de ces trois états.
La même difficulté que peut être Spinoza a. Est-ce un même individu qui se transforme ou trois individus?
Aristote a de mal avec l'idée de changement continu, c'est l'individuation des substances (voire des espèces) qui prévaut.

Le scolie sur le poète espagnol (prop39/4) est cependant toujours à méditer.
.............................................................
Quelques renseignements sur la question ici
http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=4056

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Messagepar LARRY » 25 oct. 2012, 16:58

L’aspect projectif de la vie c’est sans doute d’aller vers, et atteindre, peu à peu la forme la plus adaptée à l’environnement afin d’exister…

Pourquoi l'idée de changement continu était-elle difficile à concevoir pour des grands esprits comme Aristote et Spinoza ? Ce n’était pas faute d’observer la Nature… Il y donc des raisons que vous connaissez mieux que moi, hokousai…
Le papillon était indéniablement en formation et donc déjà présent dans la chrysalide, et celle-ci de même dans la chenille…
Trois manières d’êtres, ou formes différentes, indéniablement, mais un seul individu !
Songeons aux phases successives de l’embryon…(seulement observables de nos jours, il est vrai)
Et si je tue les têtards de la rivière je n’y trouverai jamais de grenouilles…

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Messagepar LARRY » 26 oct. 2012, 11:44

Hokousai, veuillez pardonner mes pensées en zigzag, s’il vous plait…
J’aurais dû suivre votre conseil et méditer Le scolie sur le poète espagnol (prop39/4)

Extrait :

…" nulle raison en effet ne m’oblige à admettre qu’un Corps ne meurt que s’il est changé en cadavre, l’expérience elle-même semble nous persuader du contraire; Car il arrive parfois qu’un individu subisse de tels changements qu’il serait difficile de dire qu’il est resté le même homme…"

Un corps donc peut bien mourir sans être « changé en cadavre », c’est-à-dire annihilé.
Le corps meurt, un autre naît c’est son apparence qui change, sa façon d’être, mais l’identité de l’individu ne meurt pas….

Ceci expliquerait le phénomène de la métamorphose…
L’idée de changement continu sans perte d’identité n’était donc pas si étrangère à la pensée de Spinoza

Voir aussi la note 56 de Misrahi sur ce scolie :
"C’est l’identité personnelle et la mémoire qui expriment l’identité et la vie d’un corps. Sans cette identité (permanence des relations entre les parties et le tout) on est en droit de parler de la mort effective du corps individuel…"

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Messagepar gnayoke » 29 oct. 2012, 13:47

A LARRY :

Pourquoi l'idée de changement continu était-elle difficile à concevoir pour des grands esprits comme Aristote et Spinoza ?
.

La réponse est dans la question.
Notre capacité à observer et comprendre la nature change( évolue) également. Ces "évolutions" prennent du temps à s'installer.

- L'idée de changement à l'échelle des étapes de la vie d'un organisme est courante et évidente ( bébé, enfant adolescent , adulte)
- L'idée qu'un organisme soit en constante interaction avec son environnement et qu'en un temps infinitésimal il subisse des transformations infinitésimales est moins évidente
- L'idée que ces transformations infinitésimales aient une incidence sur les générations futures est encore moins évidentes.

Les "anciens" n'avaient pas à leur portée certaines des information dont on dispose maintenant, il est normal de trouver dans leur discours des thèses qui soient incohérentes avec notre temps


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