Moreau, le sens et la signification

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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bardamu
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Messagepar bardamu » 20 déc. 2005, 21:14

hokousai a écrit :Je comprends vos textes comme ils sont formulés et Bardamu avait dit """"""""""Comprendre l'eau telle qu'on la boit avant de parler de la physique de l'Ethique, comme Spinoza lui-même s'était sans doute efforcé de comprendre l'eau telle qu'il l'expérimentait plutôt que l'eau selon Aristote, qui lui-même etc."""""""""""""""
et n’avait pas parlé là de mécanique des fluides .

Vous ne réfléchissez jamais aux objets qui vous entourent, à l'eau que vous buvez, au fonctionnement de votre corps, au soleil qui se lève etc. ?
Je pense que Spinoza s'est interrogé sur ces choses et je pense que c'est pour cela qu'il a fait des expériences plus ou moins scientifiques. Sa philosophie me semble plus scientifique que littéraire. Tout ce qu'il a à dire des Ecritures, c'est qu'elles ne valent pas les lumières naturelles.
Je ne sais pas où les recherches de Miam le conduiront mais il y a sans doute des choses à voir sur la différence que pourrait faire Spinoza entre un langage théologique ou d'imagination et un langage naturaliste ou de raison.
hokousai a écrit :(...) Parler je vois assez bien de quoi il s’agit ,comprendre je vois déjà beaucoup moins bien .

Là, forcément...
hokousai a écrit :Nous sommes avec nos idées claires et distinctes dans un monde entre des mondes sans critères pour juger de la clarté relative à d’autres clarté et distinctions possibles .

Vous ne trouverez pas de critère externe à la clarté pour juger clairement de la clarté puisque ce critère n'étant pas la clarté sera obscur. 8-)

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hokousai
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Messagepar hokousai » 20 déc. 2005, 22:07

à Bardamu

Je ne trouverai pas de critère externe du tout . Un critère externe serait de facto interne .Je n'ai donc pas de critère à la clarté sauf internes à la pensée ..tout comme je ne juge pas de ma vison claire à l'aide de mon ouie .

Je ne crois pas pourtant que nous ayons de critères internes non plus .Je veux dire que la pensée claire et distincte quand elle est là ne peut être dans le même moment comparée à une pensée confuse ,les deux ne pouvant co- exister dans le même moment . J ai donc une pensée claire auto justifiée,. ce que Spinoza dit (me semble t -il ..maintenant je me méfie ) quand il parle de vérité norme d' elle même .

L’expérience de pensée qui me mène à imaginer que d’autres manières de pensée paridées claires et distinctes puissent exister n'est pas aberrante .Je ne peux à tout le moins pas montrer que seul l’esprit humain est capable d’idées claires et distinctes . Cela introduit le germe du relativisme. La maladie induite emporte- elle tout ou partie seulement ?

Avoir une idée vraie je sais ce que c'est , claire et distincte , d' accord
A vrai dire je n'en ai pas infiniment .C'est à dire de ces certitudes absolues que je ne remettrait pas en doute .J’en ai de naturelles, par ex :certitude d avoir un corps ,certitude de bien des choses sur le monde et son histoire passée …)

Mais à la base et au fondement, il y a cette idée d’idée claire et distincte (idée d’ ailleurs claire et distincte )que je ne pense pas porteuse de fausseté mais porteuse d’une vérité qui ne serait pas absolue .
Dans l’idée claire et distincte git un paradoxe(ou une inquiétude ) celui de sa certitude absolue coexistante avec un doute sur sa puissance . Je suis dans une machinerie parfaite mais je n’ai pas de renseignement sur sa puissance . J 'ai probablement l’idée de puissance infinie mais pas de critère de certitude pour me dire quand je suis dans la puissance infinie .

Pour tout dire et pour reprendre la citations de F.Zourabichvili ,Je n’ai pas de critères d’ appréciation pour """"la pratique de décentrement qu’est l’idiome de l’entendement infini, parce que les phrases s’y forment enfin selon l’ordre des choses et non l’inverse. """"
Allons donc l’ordre des choses!! Mais comment saurai- je si je suis bien dans l’ordre des choses .Suffit il que l’idée soit claire et distincte ? Voilà l’optimisme et cela plus que l’argument ontologique fut reproché à Spinoza.( D'où la necessité de la reforme de l'entendemnt ) .

Il y a une profonde ambiguïté dans ce socle du spinozisme qu’est la vérité norme d’elle même . Les humains ont des idées claires et distinctes parfois contradictoires, sujets de discordes et de conflits .

Vous me parlez d’un discours naturaliste, mais il s’agit bien de l’absence de fondement externe à ce discours .Je n’ai aucuns critères autres que l’ auto justification à ce discours naturaliste . Un grand nombre de discours naturalistes peuvent émerger et ce sont les discours de la science sinon alors de la paraphrase de la science que risque à ce jeu la de devenir la philosophie


bien à vous
Hokousai

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Messagepar bardamu » 24 déc. 2005, 00:10

Je viens de tomber sur une étude de la sémantique de Spinoza par Gerrit H. Jongeneelen : http://home.wanadoo.nl/vvdghj/KV/ar01s332.html

Je n'ai pas bien compris si c'était son site ( http://home.wanadoo.nl/vvdghj/KV/index.html ) mais il semble traiter notamment du Court Traité à partir de la version néerlandaise et ça doit être intéressant pour qui comprend cette langue.

L'étude sur la sémantique me semble assez bien synthétiser les quelques analyses que fait Spinoza sur le langage et relie sa position à un langage "scientifique".

Extrait
Jongeneelen a écrit :In Spinoza's theory on the history of language the scientific language of the philosopher has been developed relatively late, starting from the significations words had in ordinary language. Discussing the concepts 'true' and 'false' in the Cogitata metaphysica Spinoza proposes to study the relation between these scientific concepts and the original significations of the words used for them.

"To perceive these two, the true and the false rightly, we shall begin with the meaning of words, from which it will be plain that these are only extrinsic denominations of things and are not attributed to things except metaphorically. But since ordinary people first invent words, which afterwards are used by the Philosophers, it seems desirable for one seeking the original meaning of a term to ask what it first denoted among ordinary people -particularly where we lack other causes that could be used to investigate that [meaning], causes drawn from the nature of language." Cogitata metaphysica 6/12

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Messagepar alpetragius » 11 mars 2006, 10:01

la philosophie spinozienne est-elle le pure resultat d'une spéculation métaphysique détachée? la reponse chez tous est non. la question s'attachera alors à la source d'inspiration de ce philosophe en matière d'ontologie ou de morale: peut-on subordonner le système de ce philosophe au cadre philosophico-culturel de son époque? de quelle manière? faut il chercher les antipodes de ses idées dans Descartes ou dans Hobbes; et quelle role joua la physique mécanique ou mieux le modèle scientifique galileo-cartésien dans la directive choisie par ce penseur en menant sa démarche philosophique?
voilà la question qui a mon avis demande à être re-traitée dans la reflexion sur Spinoza.
Chercher les apparentés arbitraires entre la physique quantique et l'ontologie de Spinoza ne serait que d'une utilité interpretative secondaire...

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Messagepar Miam » 13 mars 2006, 12:20

Cher Alpetragius

A mon sens, tu as raison de vouloir relier Spinoza au seul contexte philosophique de son temps. Toutefois Bardamu a lui aussi raison de vouloir évaluer la capacité de la pensée spinoziste de répondre à nos interrogations contemporaines. Et accessoirement, j’ai aussi raison, même si je n’ai encore rien dit.

Tu as raison parce que, comme l’écrit Spinoza lui-même dans le TTP, tout texte doit être situé dans son contexte historique selon le lieu et le temps. Mais cela s’applique-t-il aisément à Spinoza ? Tu aurais absolument raison s’il s’agissait de Descartes. Mais je crois que la pensée spinozienne est assez spéciale dans la mesure où elle élargit de façon explicite et considérable ce même contexte.

Situer le contexte du cartésianisme est aujourd’hui chose facile. C’est même par sa situation dans l’histoire de la pensée moderne qu’il a été tout d’abord défini : Descartes initierait notre modernité en tirant toutes les conséquences de la révolution galiléenne (cf. Cassirer). En nuançant ce dernier point de vue, les dernières recherches historiques (Marion, Robinet, etc…), continuent à le situer dans le contexte de son époque, à la charnière d’un courant augustinien et d’une relecture des « Topiques » d’Aristote initié au siècle précédant (La Ramée). Bref : Descartes est fort bien situé dans l’aire de la pensée occidentale, suite au renouveau scientifique qui y a lieu.

Faire de même avec Spinoza est bien plus malaisé.
D’une part, il se réfère lui même à une aire culturelle plus large : « les anciens Hébreux », Crescas, Maïmonide, Ibn Ezra, etc…
D’autre part, s’il utilise bien les termes et notions glanés sur le vocabulaire de son époque (en particulier des vocables cartésiens et scolastico-thomistes), il les déplace tellement qu’il semble plus se dégager de l’époque, que de subir une influence de celle-ci. Peut-être est-ce là une illusion qui tient à notre perspective sur l’époque, lorsqu’elle est lue à partir de Descartes comme pionnier de la modernité.

Quoi qu’il en soit, Spinoza critique profondément tous les courants philosophiques de son temps, si bien qu’alors il n’y avait pas de spinoziste, pas même Meijer, sinon Spinoza. On peut bien lire Spinoza en montrant qu’il use de phrases entières issues des Ecoles, qu’elles soient grandes ou petites (i.e. proprement scolastiques ou celles, augustino-cartésiennes, de Port-Royal), on voit bien qu’il ne suit cependant pas la même logique que ces deux écoles. Je ne parle pas de la corporéïté d’un attribut de Dieu. Cela, c’est seulement ce qu’il y a de plus apparent dans une perspective moderne. Je veux plutôt parler de sa définition de l’essence, de son usage de l’ « exprimer », du « constituer », de l’ « envelopper », de l’ « être » ; en bref : de la façon dont les attributs et les modes sont les affections « de » la substance. Car cela ne ressemble à rien de ce qui avait été vu jusqu’à lui.

C’est pourquoi, s’il peut paraître vain de se demander ce que Descartes peut nous apporter face aux apories contemporaines, il n’en va pas de même pour Spinoza. C’est qu’on ne voit pas pourquoi la modernité, telle qu’elle a été initiée par Descartes, serait la seule interprétation valable de la révolution copernico-galliléenne. Spinoza n’est pas moins copernico-galliléen que Descartes. Il l’est même plus. Aussi n’est-il pas stérile, à partir de là, de se demander par exemple si l’étendue spinozienne n’est pas capable d’intégrer les nouveaux espaces contemporains (riemanien, lobatschewskien, voire hilbertien même si ce dernier est mathématique) ; ce que n’est visiblement pas l’étendue cartésienne. De même, dans la mesure où les «paradoxes » quantiques concernent la localisation du « sujet » auquel doivent appartenir certaines propriétés, on peut fort bien se demander si la pensée spinozienne, qui est toute entière une critique de la teneur ontologique (mais non épistémique) de ce « sujet », n’a rien à nous apporter.

Donc : tu as raison. Il faut commencer par le (con)texte de Spinoza. Mais Bardamu a aussi raison : il convient de chercher ce qui, chez Spinoza, peut enseigner à résoudre nos interrogations contemporaines, sans quoi les études spinoziennes ne servent à rien. Enfin, j’ai aussi raison, parce que, comme je l’ai déjà dit à Bardamu, il faut se faire à partir du (con)texte de Spinoza et non pas y aboutir.

A bientôt.
Miam.


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