Le MOI

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar sescho » 08 juin 2013, 20:07

hokousai a écrit :Non non je ne parle pas d' escroquerie.
Je pense les commentateurs tous intègres , honnêtes, probes. Tous intelligents et ayant tous bien lu et attentivement... et puis des interprétations assez différentes néanmoins.

Je ne parlais nullement des commentateurs, mais de la dignité propre (théorie vs faits : contradiction vs cohérence performative.)

Ensuite, pour les commentateurs, tout dépend de ce qu'on entend par "honnêteté," mais travail attentif, intelligence technique, et, dans une certaine mesure, au moins au premier degré, sincérité, oui.
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Messagepar sescho » 08 juin 2013, 22:53

Vanleers a écrit :1) S’il y a bien une distinction réelle entre les attributs, il n’y a qu’une distinction de raison entre les attributs et la Substance.

Oui. Spinoza fait tout pour rétablir la vérité, mais cela ne suffit pas pour rétablir la cohérence. Il reprend quand-même de Descartes (et de la scholastique, de mémoire) la distinction absolue entre Pensée et Étendue (E2P5-7), et cela ne tient pas (discussion ici ; dès que l'on pose 2, du dénombrable, c'est foutu ; si les attributs sont absolument indépendants - ce que sont les attributs de Spinoza - il est impossible d'avoir une représentation de l'un dans l'autre. La réponse à la question / objection de Tschirnhaus fait s'effondrer l'équivalence des attributs, etc.) Je n'ai pas le moindre doute à ce sujet (et par ailleurs les contorsions de Spinoza par exemple pour passer de l'idée miroir du corps aux sensations comme base de la connaissance - comme l'indique le sens commun - en sont comme un symptôme), mais 1) Je n'ai pas d'exemple d'erreur faite par Spinoza sur la base de son modèle, incontestablement très supérieur à celui de Descartes ; surtout 2) Je ne connais pas d'alternative plus pertinente (il n'y en a très probablement pas : le mystère ne peut pas être dépassé là...)

En passant, je viens d'apprendre que deux petits jeunes qui débutent m'ont soufflé le scoop :

"La notion d'étendue soulève, chez Descartes, bien des problèmes d'ordre métaphysique, physique ou mathématique. Mais il en est un qui commande tous les autres, et qui pourtant n'a guère retenu l'attention des historiens, quoiqu'il ait été signalé par Gassendi et par Malebranche : comment peut-il y avoir une pensée de l'étendue ?"

http://www.jstor.org/discover/10.2307/41084322?uid=3738016&uid=2129&uid=2&uid=70&uid=4&sid=21102294414191

:D

Vanleers a écrit :2) A propos de la démonstration d’E II 47, je note :
a) Une difficulté car Spinoza écrit : « L’Esprit humain a des idées (par E II 22), à partir desquelles (par E II 23) il se perçoit lui-même »
Or E II 23 a montré que l’Esprit humain ne se perçoit pas lui-même mais qu’il n’a que les idées des idées des affections du corps.

Pas tout à fait : Spinoza dit dans E2P23 que l'esprit n'a pas de connaissance de lui-même autrement qu'en percevant les (en étant l'idée des) idées des affections du corps (fin de la démonstration.) Lui-même n'est en effet en première instance que l'idée d'une affection du corps (E2P19), ce qui est cohérent. Récapitulation avec E2P29C et S.

Vanleers a écrit :b) En supposant éclaircie cette question, nous constatons que la connaissance de l’essence éternelle et infinie de Dieu est adéquate en vertu de E II 46 qui elle-même fait référence à E II 38 et j’en déduis qu’il s’agit d’une connaissance de deuxième genre.

Je pose alors la question : n’y a-t-il pas une connaissance de troisième genre de l’essence éternelle et infinie de Dieu ?

Dieu est LA prémisse première, LA notion commune ; elle est intuitive et première. Elle est d'emblée dans le troisième genre...

Je pense que vous confondez la chose avec le retour - c'est peut-être quelque part cavalier, mais bon - que Spinoza fait sur la genèse de cette notion dans le cours de l'Ethique, alors qu'il est parti à fond dans... le couple sujet-objet...

Vanleers a écrit :S’il fallait parler d’« éveil » (ou d’« illumination »), je le placerais ici : réaliser que Dieu est « Se réjouir ».
Tout ceci est immédiat, simple et, je dirais même, d’une grande banalité.

Dieu est Amour, d'accord. Mais vous voyez-vous partir de là pour engager les diverses propositions de l'Ethique ? De même - entre autres arguments, encore plus solides et évidents - que contre le prétendu "mystère miraculeux" du troisième genre de connaissance qui ferait voir les "essences singulières", j'avance que ce n'est pas du tout le genre de Spinoza de faire des "surprises", et qu'au contraire il va toujours droit au but, dans l'ordre, et insiste là où c'est crucial (même si vue sujet après sujet l'Ethique est assez brève, en fait.)

Par ailleurs, je suis d'accord que l'eudémonisme - indiscutable selon moi - implique que le chemin de la joie est un guide possible (mais il y a l'orgueil, la pire des passions, qui est une joie...) Toutefois Spinoza n'en fait pas état dans ses mécanismes de progrès (E5P20S.)

De la grande banalité qui fait le sage spinozien très rare (E5P42) alors...

Pour moi, ce n'est pas du Spinoza dans l'axe, cela.
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Messagepar hokousai » 08 juin 2013, 23:33

à Sescho

Poser que l'idée de l' affect est d 'une autre nature que l'affect conduit à demander pourquoi peut -on penser l'étendue. Ce qui peut être demandé à Descartes mais pas à Spinoza.
L' affect c' est un genre d' idée . C'est une idée étendue ( une idée corporelle ) . Il ya donc des idées qui ne peuvent exister hors de l'étendue . Si on demande pourquoi peut -on penser l'étendue autant demander pourquoi avons -nous un corps que nous sentons.

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Messagepar sescho » 09 juin 2013, 10:10

hokousai a écrit :Poser que l'idée de l' affect est d 'une autre nature que l'affect conduit à demander pourquoi peut -on penser l'étendue. Ce qui peut être demandé à Descartes mais pas à Spinoza.
L' affect c' est un genre d' idée . C'est une idée étendue ( une idée corporelle ) . Il ya donc des idées qui ne peuvent exister hors de l'étendue . Si on demande pourquoi peut -on penser l'étendue autant demander pourquoi avons -nous un corps que nous sentons.

Une nouvelle fois, je précise que le problème - de principe, sinon concrètement traduit - ne se tient exclusivement QUE quand on pose que la distinction (radicale, même en étant posée être un unique Être en juxtaposition) Pensée-Etendue se situe au niveau de la Nature naturante même. Rien d'autre n'est a priori nié, ou dit, par-là.

Dans ce cas, il faut expliquer comment, les deux attributs (connus) n'ayant absolument rien à voir l'un avec l'autre, l'un peut être représenté dans l'autre (c'est autre chose que le miroir modal - "parallélisme" - : il s'agit des attributs mêmes.) Le parallèle (des parallèles ne se rejoignant jamais) de l’Étendue c'est la Pensée, mais la Pensée se doit d'être considérée en elle-même sans référence aucune à l’Étendue. Autrement dit, la Pensée c'est la Pensée, et aucunement l’Étendue. L’Étendue, en tant qu'attribut de la substance, ne peut donc être saisie dans la Pensée...

Spinoza rattrape au maximum le dualisme cartésien, mais il ne l'annule pas totalement. Les juxtapositions (totalement distincts mais même Être en même temps, ou infini dénombrable assimilé à un infini indénombrable, etc.) ne rétablissent pas la cohérence globale. Et cela se voit, dans la question précédente, ou dans l'objection de Tschirnhaus, et dans la réponse à cette objection (qui détruit de fait l'équivalence des attributs, puis par conséquent la pertinence d'en poser une infinité.)

Je le répète : ce n'est qu'au niveau des attributs que le problème se situe. Si l'on sort de ce cadre strict c'est déjà hors-sujet sur le problème en question.

Par ailleurs, de ce que j'ai compris, malgré ce problème - indéniable pour moi -, personne n'a (encore ?) dégagé d’alternative supérieure...
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Messagepar Vanleers » 09 juin 2013, 10:35

A sescho

Avant de répondre à votre message et ayant poursuivi ma réflexion, je pense maintenant que je me suis fourvoyé en écrivant que Dieu « est » Gaudium. Je « sentais » qu’il y avait un problème et j’en ai eu la conviction en relisant un passage du livre de Sévérac (op. cit.) qui m’était provisoirement sorti de l’esprit.

Sévérac argumente en faveur de la thèse selon laquelle l’amour que Dieu se porte à lui-même constitue le mode médiat, éternel et infini, de l’attribut de la pensée.
J’en cite le passage suivant :

« Cependant, il n’est pas impossible que Spinoza ait volontairement laissé comme en blanc la case correspondant au mode infini médiat de la pensée. Il attise ainsi la curiosité de chacun, sème quelques indices, mais ne souhaite peut-être pas trancher explicitement. Serait-ce parce qu’il se montre finalement assez indifférent à ce genre de problème un peu trop métaphysique ? Pas sûr ; surtout si l’on parvient à trouver une solution qui lui confère son poids éthique. Ne serait-ce pas plutôt afin de donner au lecteur la liberté d’enquêter pour lui-même ? Mais alors devons-nous donc nous-même lever le voile pour les autres ? Il existe en tout cas une interprétation tout à fait convaincante de ce mode médiat, éternel et infini, de l’attribut de la pensée, qui l’identifie à … l’amour que Dieu se porte à lui-même. La dernière partie de l’Ethique nous apprend en effet que Dieu, parce qu’il jouit de son infinie perfection, et que cette jouissance est accompagnée de l’idée de soi, s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini (E V 35 et dém.) : cet amour est intellectuel, car il naît de l’idée qu’a Dieu de lui-même, c’est-à-dire de son entendement ; il est éternel et infini car son entendement l’est aussi. Des questions sans doute ne manqueront pas de se poser : le Dieu de Spinoza, qui ne saurait être assimilé ni à un roi, ni à un juge, qui ne saurait éprouver de sentiment à l’égard de personne (E V 17 et cor.), s’aimerait-il donc lui-même ? Si telle est véritablement la solution de l’énigme du mode infini médiat de la pensée, on comprend que Spinoza ait voulu laissé la question en suspens : mieux vaudrait donner au lecteur le loisir de bien méditer la logique de l’être divin, et ses perspectives éthiques, plutôt que d’offrir matière au superstitieux…
Quoiqu’il en soit, en faisant de la volonté et de l’entendement divins un mode, le même mode, et non des attributs de la substance, et en faisant de l’amour intellectuel infini un autre mode qui en dérive, Spinoza, à travers ce qui peut apparaître pourtant, au premier abord, comme de simples ratiocinations métaphysiques, ouvre une double perspective de salut.
- La perspective de l’immanence, puisque le salut ne saurait s’accomplir que dans l’horizon d’une nécessité absolue, sans transcendance ni finalité, sans aucune béance entre une puissance créatrice et une puissance créée (on en finit avec le schéma créationniste d’une volonté divine faisant exister des possibles d'abord conçus).
- Et la perspective de la joie (entendue comme jouissance de sa propre perfection), puisque le salut, qui est union avec Dieu, se comprendrait comme la participation à un amour intellectuel qui est une modalité nécessaire de son action infinie (le mode éternel et infini médiat de la pensée). »

J’arrête ici la citation, déjà fort longue, mais ce qu’écrit Sévérac à la suite est également très éclairant.

Quoiqu’il en soit, et contrairement à ce que j’ai écrit, la connaissance du Gaudium divin n’est pas la connaissance de l’essence de Dieu mais, plus modestement, la connaissance de l’un de ses modes : le mode médiat, éternel et infini, de l’attribut de la pensée.

Cette connaissance vient parfaire la connaissance de l’essence éternelle et infinie de Dieu que vise E II 47, ce que j’appellerai aussi l’« architecture » de Dieu (nature naturante et nature naturée).

Considérer l’amour intellectuel que Dieu se porte à lui-même comme le mode médiat, infini et éternel de l’attribut de la pensée nous donne, à mon point de vue, une connaissance bien plus satisfaisante de cette architecture.

Je répondrai plus tard à votre dernier message.

Bien à vous

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Messagepar sescho » 09 juin 2013, 11:21

Pour moi les modes infinis "médiats" n'existent tout simplement pas chez Spinoza, et ne sont qu'une extrapolation de commentateur.

Ceci a été discuté en particulier ici et et encore et ; la "facies totius universi" - c'est la base de l'extrapolation à la proposition E1P22, qui n'y est pas du tout reliée par Spinoza lui-même, mais E2P13L7 - est abordée plus ou moins conjointement ici et .

Je ne reviens pas sur le sujet... :wink:

Cela dit, la seule chose qui me dérange vraiment là-dedans, c'est le bazar indescriptible que cela met dans la hiérarchie ontologique de base... si toutefois on le prend vraiment au sérieux. Mais ce n'est pas le cas de façon très générale (les prétendus modes infinis "médiats" sont rapidement passés par pertes et profits après avoir été inventés.) Dans ces conditions, c'est un moindre mal...

Je ne vois en particulier pas d'enjeu particulier dans un sens ou dans l'autre à passer l' "Amour de Dieu pour lui-même" dans ce cadre (et comme l'Entendement vient nécessairement avant l'Amour - pour les modes au moins, car pour Dieu c'est toujours plus ou moins "particulier" : essence =puissance = entendement (PM) - cela n'est pas impertinent, directement au moins.) Reste à savoir ce qu'il en est effectivement au niveau de l'Homme (Dieu se révélant intuitivement en lui, à la base la plus basique...)

Cela dit, dans une hiérarchie ontologique, il faut comprendre l'aval dans l'amont... Donc l'Amour dans l'Entendement même... Et là la démonstration de E1P31 me semble poser un gros problème (au niveau de l'entendement infini...)
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Messagepar hokousai » 09 juin 2013, 13:50

à Sescho
Je le répète : ce n'est qu'au niveau des attributs que le problème se situe. Si l'on sort de ce cadre strict c'est déjà hors-sujet sur le problème en question.


Parce que l 'esprit est l'idée du corps je pose le problème au niveau des affects. C 'est à ce niveau que nous pouvons penser l' union de l'esprit et du corps et pas dans la distinction entre deux attributs.

Si vous parlez de cette distinction la pensée ne pense que la pensée et jamais l' étendue.
Soit on tombe dans l'idéalisme ( il n'y a que de la pensée )
Soit si on veut sauver l 'étendue on a un parallélisme srict ( très discutable ...) et j'en ai discuté avec Vanleers. Voir ce qu'en dit Chantal Jaquet.

Pourquoi il y a t il une pensée de l 'étendue ?
L'idéalisme ne devrait trouver que de la pensée. Or ce n'est pas ce qu'il trouve. L'idéalisme est contre intuitif. Il lui faut un raisonnement pour penser qu' il n'y a que de la pensée.( et à la limite que la sienne )

Il est contre intuitif parce ce à quoi nous sommes confronté ce n'est pas à de la pensée mais à un coprs . Et qu'un corps ça souffre, ça sent, ça éprouve. Mon coprs a des éprouvé internes .
Tout cela est bien pensé et cependant pas pensé comme certaines autres pensées qui elles sont sans matière ( si j'ose dire ).
Le corps est même éprouvé antérieurement au monde extérieur . C'est à dire que l'étendue c'est mon corps d'abord et puis ( secondairement ) le monde extérieur des corps .

Ces pensées là ce sont les affects du corps et c'est pourquoi je dis que les affects sont des idées corporelles. Elles ne peuvent exister sans corps, c'est à dire sans étendue.
Voila pourquoi la pensée peut penser l 'étendue.

Mais ce n'est pas tout !
Pourquoi avons nous conscience de cette pensée de l' étendue . Et bien c' est parce que nous ne pensons pas QUE notre corps.

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Messagepar hokousai » 09 juin 2013, 14:00

suite

Spinoza rattrape au maximum le dualisme cartésien, mais il ne l'annule pas totalement.


Ça je vous l'accorde. Il reste sous l' influence des deux substances cartésiennes. Au niveau de l'ontologie il reste sous l'influence scolastique de l'attribution d' un attribut à la substance ( si UN pourquoi pas une infinité ( effectivement c'est plus parfait ) ..oui mais distincts et séparés ! (les atrributs forcement distincts et un en leur genre sur le modèle de la substance )

Et on tombe dans des problème inextricables.

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Messagepar sescho » 09 juin 2013, 15:00

hokousai a écrit :
Spinoza rattrape au maximum le dualisme cartésien, mais il ne l'annule pas totalement.


Ça je vous l'accorde. Il reste sous l' influence des deux substances cartésiennes. Au niveau de l'ontologie il reste sous l'influence scolastique de l'attribution d' un attribut à la substance ( si UN pourquoi pas une infinité ( effectivement c'est plus parfait ) ..oui mais distincts et séparés ! (les atrributs forcement distincts et un en leur genre sur le modèle de la substance )

Et on tombe dans des problème inextricables.

Nous sommes donc d'accord sur le problème ("circonscrit") que j'évoquais.

Mais pour le reste, je ne sais pas ce que vous avez de votre côté (vous avez mentionné un auteur un jour ; Berkeley ?) Personnellement, je n'ai pas encore fait de recherche à visée exhaustive là-dessus. Mon opinion, sous réserve d'information est que : aujourd'hui, personne n'a (encore ?) réglé la question du lien Pensée-Matière... En deuxième niveau, elle est que personne ne le pourra : c'est impossible...

Pour moi, comme déjà dit, tant le spiritualisme que le matérialisme (étroit, scientiste) sont des erreurs.

Je ne crois pas non plus qu'il puisse y avoir pensée sans traduction matérielle (corporelle.) Chez Spinoza, dès lors que l'on est passé à l'entendement clair et distinct, à base de notions communes, raisonnement, sublimation en intuition, et non plus à la sensation et à la mémoire, on peut se poser la question... Du moins, il est possible que Spinoza considère qu'alors on n'est plus lié au corps, mais uniquement à l'essence du Mouvement dans l’Étendue (ce qui est matériel, mais plus individuellement corporel...)

Que penseriez-vous d'ouvrir un fil là-dessus (ici c'est "Le "moi"", et même si tout se tient...) ? Il pourrait être un fil rouge, en parallèle avec d'autres (car s'agissant, sauf contradiction absolument fondée, d'une des grandes énigmes de la Philosophie, et aussi de la Science - de toute évidence fondamentale dans son objet ; sinon, et heureusement, dans les conséquences de cette ignorance), il n'est pas près de se clore...

Si oui, je vous propose de l'ouvrir avec une redite (agrémentée de quelques extensions) de votre avant-dernier message, ce à quoi je me ferai un devoir et un plaisir de répondre plus longuement.
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Messagepar Vanleers » 09 juin 2013, 15:12

A sescho

1) Vous écrivez :

« Il reprend quand-même de Descartes (et de la scholastique, de mémoire) la distinction absolue entre Pensée et Étendue (E2P5-7) »

Que signifie « distinction absolue » ? A mon point de vue, cela signifie distinction réelle au sens qu’explicite Sévérac (op. cit. p. 46) :

« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre »

N’est-il pas indiscutable que nous pouvons concevoir de façon claire et distincte la pensée sans penser à l’étendue et réciproquement ?
Si c’est indiscutable, alors il y a une différence réelle (absolue) entre la pensée et l’étendue.

2) Vous écrivez :

« dès que l'on pose 2, du dénombrable, c’est foutu »

Ma première intervention sur le site spinozaetnous (en Novembre 2012) a été de faire la remarque suivante :
Dans la définition 6 d’ E I, Spinoza parle, à propos de Dieu, d’« une infinité d’attributs » (traduction Pautrat), expression qu’il reprend dans l’explication qui suit la définition.
Il me semble que l’on comprend mieux cette expression si on entend, non pas « des attributs en nombre infini » mais « tous les attributs possibles ». Cela évite de faire appel à la notion de nombre et puis Spinoza écrit, au début de la démonstration d’E I 14, que, de Dieu » « nul attribut exprimant l’essence de la substance ne peut être nié ».

Ce mot « infinité » me posait problème car si on le comprend comme nombre infini, alors on peut se demander s’il s’agit d’une infinité dénombrable (dont la puissance est celle de l’ensemble des nombres entiers) ou non dénombrable.

Revenant à votre message, que nous ne puissions parler de l’étendue et de la pensée qu’en ayant recours au nombre 2, auxiliaire de l’imagination, c’est évident, mais cela ne révèle-t-il pas plutôt les limites de l’expression de la pensée humaine sans remettre en cause l’architecture de la substance exposée par Spinoza ?

3) Sur E II 47

Je n’ai pas d’objections à formuler à ce que vous écrivez dans votre dernier message.
Par contre, vous avez écrit précédemment :

« Tant qu’on n’a pas vu directement sans conceptualisation (il s’agit d’une notion commune purement intuitive et PREMIERE) ce que désigne E2P47, et qui fonde toute l’Ethique, on ne peut pas avoir compris l’Ethique. »

Ici, je ne suis pas d’accord.
D’abord, cette proposition, aussi importante soit-elle, a une portée moins grande qu’E I 15 à laquelle fait implicitement référence le scolie d’E II 47 :
« Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut sans Dieu ni être ni se concevoir »

En effet, si E II 47 précise le volet « concevoir » d’E I 15, c’est là son intérêt, elle ne concerne pas le volet « être ».

D’autre part, je suis très réservé sur la question d’une « vision directe sans conceptualisation ».
J’ai suivi, de très loin, vos récents dialogues avec Hokousai et vos allusions aux « éveillés ».
L’expérience m’a montré, jusqu’à ce jour, que des pensées étrangères à Spinoza pouvaient stimuler la réflexion et m’encourager à approfondir sa philosophie. Mais que cette dernière était non miscible avec des démarches spirituelles de tous ordres (occidentales ou orientales) et qu’à vouloir tenter des rapprochements, je m’étais toujours égaré.

4) Sur la banalité (j’avais ajouté : « Mais, à mon point de vue, Spinoza a dit ici l’essentiel. »

J’entends cette banalité au sens où serait banal (banal et essentiel) le constat que ferait un poisson intelligent prenant conscience qu’il vit dans l’eau.

5) Sur la difficulté de l’Ethique

Je cite la fin de « Spinoza pas à pas » d’Ariel Suhamy (Ellipses 2011) :

« Le dernier pas de l’Ethique peut sembler décourageant : le chemin qui s’annonçait, quelques scolies auparavant, comme facile et rapide, devient difficile et rare, difficile « autant que rare ». La difficulté est à la mesure de la rareté. Il faut oser prendre ses distances à l’égard de la conception commune et servile de la religion et de la vertu ; il faut oser se démarquer des ignorants, qui ne savent exister qu’en pâtissant. En même temps, le chemin sera d’autant plus difficile que les autres, qui peuvent nous aider et conduire, sont plus rares – la difficulté est de parvenir à se laisser affecter et déterminer par eux. Cela, néanmoins, le moindre éclair de vérité en donne occasion, car en chaque fragment de lumière déjà tout le soleil luit. »

6) Sur la joie comme guide possible

Toute la fin du scolie d’E V 20 développe le remède « magistral » aux affects qu’est l’amour envers Dieu. Une joie donc.

Au passage et de façon accessoire, les manifestations d’orgueil me laissent complètement froid. Je dirai même qu’elles me font rire.

Bien à vous


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