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Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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ECKHARTUS
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Messagepar ECKHARTUS » 30 mai 2013, 15:23

Bonjour, R. Misrahi ne cesse de parler de sujet chez Spinoza. Bien sûr, ce sujet n'est pas l'égo cartésien mais on voit qu'il semble impossible de penser sans cette catégorie. A mon avis, on est face à un problème car on saisit à quel point la philosophie spinoziste est contre intuitive.
Il y a de la pensée, à qui l'attribuer?
-Soit il n'y a qu'un seul sujet et c'est Dieu mais alors on ne comprend pas comment mes pensées et mon corps peuvent être miens
-Soit on part de la pensée qui est plurielle et on l'attribue à "des" sujets mais cela contredit la doctrine car il n'y a qu'une seule substance et une seule causalité.

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sescho
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Messagepar sescho » 30 mai 2013, 18:36

Pour moi, c'est très clair : Il n'y a que Dieu (qui n'est pas un sujet à proprement parler, puisqu'il n'y a pas d'objet pour Dieu, qui est tout ce qui est) chez Spinoza qui puisse se concevoir par soi, et en plus il pense comme il est, intégralement, toute pensée - inadéquate ou adéquate ; "tronquée" ou "entière", donc, du point de vue du mode - étant intégrée dans "son" Entendement infini.

Il n'y a donc aucun "je" substantiel, aucun sujet se comprenant par soi (que "sujet" soit apparié à "objet" nie d'ailleurs déjà d'emblée que cela puisse être le cas.) Tous les termes pouvant laisser penser l'inverse sont donc conventionnels et/ou relatifs ; bref relevant d'une vision partielle - modale -, subjective ou théorique, des choses.

Par ailleurs, suivant Spinoza, l'homme n'atteint la pleine puissance accessible à sa nature que quand il exprime purement sa nature propre. Cette nature propre et la pleine puissance qui va avec sont communes à tous les hommes, ce qui exclut clairement, essentiellement, un "je" individuel ; cela affirme a contrario qu'un tel "je" individuel est une idée inadéquate, fruit de l’imagination (et c'est ce qu'affirme toute forme aboutie de Spiritualité, à laquelle Spinoza ne peut qu'être rattaché aussi.)

En outre, la base de cette nature et puissance est de connaître (de voir, intuitivement, de vivre, pleinement) Dieu. La nature propre de l'homme n'est donc pas individuelle / personnelle.

Mais - comment faire autrement - Spinoza prend aussi acte des modes tels qu'ils se manifestent, n'étant pas déductibles de la seule considération de Dieu. Les individus humains qui réfléchissent à tout cela sont des modes, manières d'être de Dieu ne se concevant pas adéquatement en soi mais seulement en Dieu (d'où d'ailleurs un problème immédiat de principe au sujet de la connaissance du Tout et d'elle-même par la partie, etc.) Par ailleurs Spinoza, comme tous, concède forcément dans une démarche didactique des expressions collant à la vision standard, partielle.

En fait le véritable "Je" et "Dieu" ne font qu'un (avec la Conscience pure, si l'on veut ajouter cela), et ne sont rien de personnel : c'est la révélation de l'Être même, sous quelque forme qu'il se manifeste.

P.S. S'agissant de Descartes je ne saurais être catégorique, n'ayant pas tout examiné en détail, mais il y a eu de nombreux allers-retours d'objections et de réponses aux objections au sujet du fameux "cogito"(dans les Pensées Métaphysiques), entre autres, et il me semble que le côté "compliqué" de la phrase "je pense donc je suis" a été démonté par Descartes lui-même (sachant que pour Descartes il y a à la base distinction absolue de l'être-pensé et de l'être-étendu, et que donc "pensée" apparaît dès qu'il ne s'agit pas d'étendue, dans le sens le plus large possible du mot donc et pas forcément restreint comme souvent.) Par ailleurs "cogito" ne distingue pas explicitement le "je" du "suis". Donc "je pense, je suis, Dieu est" n'est pas nécessairement autre chose, au fond, que Je = Conscience = Être = Dieu.
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Messagepar ECKHARTUS » 30 mai 2013, 20:13

Oui, l'idée qu'il n'y a qu'un seule substance et que cette substance est Dieu, Spinoza va la chercher directement chez Descartes car il dit quelque part qu'en fait, on ne peut parler de substance étendue et pensée que de manière "indirecte".
Par contre, je ne suis pas convaincu par votre argumentions. Dans mon esprit (et je pense qu'il en de même pour Descartes :lol: ), la notion de sujet n'est pas liée à celle d'objet mais à celle de pensée. Il y a de la pensée donc il y a un sujet qui la soutient.
Pour Spinoza, si je comprends bien, il n'y a que Dieu qui pense, le mode est un automaton spirituale qui pense selon les affections de son corps et ses idées s'enchainent selon la stricte causalité divine. Par la compréhension des choses et du mécanisme des affects, une libération s'ouvre cependant. On voit bien que c'est personnel et pas du tout impersonnel. C'est de mon être et de ma vie à moi qu'il s'agit et non d'un être ou d'une vie en général. C'est le concept de "personne" qui est manquant à moins qu'elle soit déjà en Dieu de toute éternité sous la forme de l'essence mais je ne vois pas bien ce que cela veut dire puisque la libération n'est pas donnée mais relève du "devenir actif".

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Messagepar cess » 30 mai 2013, 20:32

Bonjour, R. Misrahi ne cesse de parler de sujet chez Spinoza. Bien sûr, ce sujet n'est pas l'égo cartésien mais on voit qu'il semble impossible de penser sans cette catégorie. A mon avis, on est face à un problème car on saisit à quel point la philosophie spinoziste est contre intuitive.



Bonjour Eckartus

J'essaie de vous comprendre et j'ai du mal à saisir en quoi la philosophie spinoziste est contre intuitive Il me semble que c'est même l'inverse..

Penser, concevoir l'Essence , cultiver les idées vraies cheminent étroitement avec l’expérience ontologique pour reprendre une expression de Sylvain Zac.
Se comprendre sois-même, comme étant en Dieu, à ce stade implique une dissolution de l'ego de fait , un peu comme-ci la partie que nous sommes du tout prenait pleinement sa place mais rien d'autre que sa place. L'acceptation d'être cette partie infime, soumise aux aléas des lois de la Nature- qui a priori pourrait générer le manque, la négativité retrouve le positif, l'affirmation, car elle est accompagnée d'un sentiment d'appartenance profond à ce monde, cet univers infini , la Nature
Ce sentiment se cultive,s'apprivoise quotidiennement il ne se vit pas constamment non plus, loin s'en faut .
Et il est source de joie intense, dans la mesure où il nous permet de retrouver l'unité, nous tous qui avons tant donné dans les contradictions, les ambivalences, les luttes. Relayant l'absolu, il rend légitime aussi notre existence tout en faisant valoir l'idée de notre perfection. Toute relative certes mais notre perfection quand même parce que là, vivants, présents à ce monde.

Donc oui, il y a bien de la pensée. Elle est à attribuer à Dieu, dont - vous l'aurez compris- vous êtes,
Agi par le verbe ou votre dialogue intérieur dont vous êtes conscient depuis environ l'âge de 2 ans lorsque vous avez , on a tous commencé à parler.

bien à vous
Modifié en dernier par cess le 01 juin 2013, 07:04, modifié 7 fois.

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Messagepar Vanleers » 31 mai 2013, 12:20

A ECKHARTUS

Compte tenu du pseudo que vous avez choisi et de la question que vous posez, je signale un commentaire de Maître Eckhart, dont je cite un extrait ci-dessous.

Maître Eckhart a forgé un néologisme (abegescheidenheit) que l’on traduit habituellement en français par « détachement ».

Or, et cela peut paraître surprenant, ce terme est très proche de ce que Spinoza appelle acquiescentia, notion majeure de son Ethique, que commente ainsi Pierre Macherey :

« […] le problème éthique fondamental demeure jusqu’au bout de savoir comment vivre, au sens plein du terme, en se délivrant de toutes les figures possibles de la crainte (crainte d’agir, crainte de penser, crainte d’aimer…) ; ceci est le fond même de la notion d’acquiescentia que nous avons rencontrée à toutes les étapes du processus de libération. » (Commentaire partie V p. 195)

Voici l’extrait :

« Abgeschiedenheit - orthographié, au temps de Maître Eckhart, abegescheidenheit - est un mot de structure négative. Il est composé de la particule ab, qui marque la prise de distance, et du verbe scheiden qui exprime l’idée de « partir », « quitter », « se séparer ». Pour autant, l’emploi qu’en fait Maître Eckhart lui confère de façon prioritaire un poids positif, comme le note avec bonheur le linguiste Hoffmeister, dans son Dictionnaire des concepts philosophiques : « Abgeschiedenheit, moyen-haut allemand abegescheidenheit, terme forgé par Maître Eckhart pour le parfait reposer-dans-soi, être-un-avec-soi-même de l’âme, dans le retrait à l’égard de l’homme et du monde ». A y regarder de près, cette « présence à soi-même » est essentiellement une reconnaissance de soi, un laisser-être-soi-même sans ajout d’aucune sorte. C’est bien pourquoi il est heureux qu’en l’occurrence la qualification négative n’intervienne qu’en seconde instance, comme la condition d’un accomplissement intérieur/extérieur pensé tout entier sous la figure positive de « présence à soi-même/ être soi-même » ».
(Maître Eckhart Du détachement et autres textes - Traduit et présenté par G. Jarczyk et P.-J. Labarrière - Rivages poche 1995)

La suite du commentaire invite également à revisiter la notion d’acquiescentia chez Spinoza.

Bien à vous

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Messagepar ECKHARTUS » 31 mai 2013, 12:49

Bonjour, Cela me fait penser, pour mon compte, à la Gelassenheit heideggerienne.

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Messagepar sescho » 31 mai 2013, 20:02

ECKHARTUS a écrit :Oui, l'idée qu'il n'y a qu'un seule substance et que cette substance est Dieu, Spinoza va la chercher directement chez Descartes car il dit quelque part qu'en fait, on ne peut parler de substance étendue et pensée que de manière "indirecte".

Pas tout à fait, sauf erreur (ne connaissant pas parfaitement Descartes.) Pour Descartes, il y a en fait deux substances, Pensée et Etendue, mais Dieu n’est que la substance Pensée, transcendant totalement l’Etendue. Il y a donc quelque part de l’extérieur à Dieu (ce qui est inacceptable, niant l’absolue perfection de Dieu.) Pour Spinoza, au contraire, l’Etendue est un attribut de Dieu (c’est-à-dire Dieu même sous une certaine dimension d’être) exactement au même titre que la Pensée, et d’autres à l’infini ; c’est alors effectivement l’unique substance qui englobe tout être.

ECKHARTUS a écrit :Par contre, je ne suis pas convaincu par votre argumentions. Dans mon esprit (et je pense qu'il en de même pour Descartes :lol: ), la notion de sujet n'est pas liée à celle d'objet mais à celle de pensée.

D’une pensée sans objet, donc…

Tant que vous n’aurez pas défini clairement ce que vous entendez (et Descartes ?) par « sujet », il n’est pas utile pour moi d’en discuter.

Le terme de « sujet » n’apparaît pas dans l’Ethique de Spinoza, sauf dans E3P5 et E5A1, où son sens n’apparaît pas très précis, employé comme alternative à « chose », ou « individu, » outre les formules du type « au sujet de », etc., et « être sujet à », qui correspond grosso modo à la définition du dictionnaire : « individu soumis à expérience. »

J’ai pris pour ma part la définition classique inscrite dans le rapport sujet/objet (« L'objet est, en philosophie, un concept qui s'oppose au sujet. » « Pas de sujet sans objet, pas d’objet sans sujet », etc., etc.)

Dans le sommeil profond (sans rêve, ni autres pensées, notion de temps, etc.), le sujet existe-t-il toujours ?

ECKHARTUS a écrit :Pour Spinoza, si je comprends bien, il n'y a que Dieu qui pense, le mode est un automaton spirituale qui pense selon les affections de son corps et ses idées s'enchainent selon la stricte causalité divine.

Voir ci-dessus pour les attributs. Pour Spinoza il n'y a fondamentalement que Dieu-Nature et ce que nous appelons "choses singulières" sont des manières d'être de Dieu-Nature, qui ne peuvent pas être adéquatement conçues par elles-mêmes mais uniquement par Lui, qui vient donc avant et non après. Les corps sont des manières d'être étendu, les idées sont des manières d'être pensé. Ces deux dimensions de l'être (attributs) n'ont rien de commun l'une avec l'autre (en tant que dimensions donc), mais il y a en même temps une parfaite correspondance (« en miroir ») au niveau modal (c’est ce qu’on a parfois appelé après Spinoza « le parallélisme. ») Ce qui constitue en premier lieu la forme de l’Homme c’est l’idée ("parallèle") d’un certain corps, mais la façon dont elle perçoit ce corps, et en même temps les corps extérieurs, est inadéquate...

ECKHARTUS a écrit :Par la compréhension des choses et du mécanisme des affects, une libération s'ouvre cependant. On voit bien que c'est personnel et pas du tout impersonnel.

« Individuel » à la rigueur, chez Spinoza, mais il n’y a aucune entité claire et stable signifiée par-là (sauf, relativement, par référence à l’essence de genre, mais il est évident que celle-ci n’est pas « personnelle », comme déjà dit.)

Sinon, il faudrait aussi que vous définissiez ce que vous entendez par « personnel. »

J’ai donné les principaux éléments montrant qu’il n’y a aucune entité par soi autre que Dieu-Nature, qui est tout, et donc toute vie. Steve Jourdain (qui a été éveillé jeune en fouillant jusqu’au tréfonds le sens du cogito de Descartes) dit « Je = conscience. » La conscience existe sans idées (modes de la pensée : « pensées ») ; il y a par exemple manifestement des intervalles entre deux pensées. La conscience pure peut peut-être être dite ne pas avoir d’objet, mais dans ce cas, cela n’a absolument rien de personnel, puisqu’il y a là... conscience de rien à part elle-même…

ECKHARTUS a écrit :C'est de mon être et de ma vie à moi qu'il s'agit et non d'un être ou d'une vie en général.

Absolument pas (quoique Steve Jourdain dit en même temps que c’est personnel - c’est le seul -, mais je ne me souviens plus quelle nuance il voulait exactement signifier par là) : il n’y a pas de « moi » qui préexiste, il n’y a pas de « ma », encore moins de « ma vie » (la vie est éternelle, c’est l’éternel Mouvement.) Mais ce n’est même pas « mon existence » : aucun mode ne comprend l’existence dans sa nature ; il appartient à Dieu seul d’exister.

Quoique infiniment répandu, le « moi » individuel est un produit inadéquat de la pensée, de l’imagination, qui vient donc bien après la conscience pure qui dit par elle-même – admettons-le ici – « Je suis ». S’il y a un sujet à la base, il est forcément premier ; or la conscience pure n’est pas soumise au temps – donc éternelle - et est impersonnelle (de fait, perçu : elle n’inclut aucune limite, pas de « je suis ceci » ou « je suis cela », juste « je suis ».) Cela n’exclut pas pour autant l’existence modale, individuelle, dans l’espace et le temps, mais il n’y a pas d’entité propre derrière… sauf la conscience pure et impersonnelle précédente, dans laquelle tout se manifeste (pensées, ou sans pensées) mais qui n’y est pas réductible, ce qui est aussi l’idée de Dieu...

Comme je l'ai déjà esquissé, l'usage de deux mots n'est pas forcément pertinent : il n'y a pas de différence entre "je" et "suis" en fait ; c'est je-suis...

Sinon pouvez-vous définir ce que vous entendez par « moi », qui se définit avant « être » et « vie » (donc sans y faire appel ; nécessaire pour justifier l’usage du « mon » et « ma » devant…)
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Messagepar Vanleers » 31 mai 2013, 20:51

A ECKHARTUS

Suite à votre remarque, je donne un nouvel extrait du commentaire indiqué dans mon précédent message :

« Pour rester au plus près des formulations de Maître Eckhart, il faudrait encore illustrer la notion de « détachement » par une autre qui lui est familière, la fameuse gelâzenheit qui, sous la traduction convenue d’« abandon », marqua aussi bien la tradition spirituelle de l’Occident, dix-neuvième siècle compris, que certaine pensée philosophique de notre temps, celle de Heidegger en l’occurrence. La gelâzenheit, c’est l’attitude de qui, sans rien ajouter aux choses, les « laisse être » selon leur vérité, dans le dynamisme de leur origine. N’est-ce pas là la forme dernière d’une liberté qui se refuse à toute manipulation ou recréation démiurgique ? Tel est le « limpide détachement » dont l’une des formes - la plus sublime - s’annonce, en reprise évangélique, comme la « pauvreté en esprit » ».

J’ajouterai deux remarques.

La première, c’est que si le « détachement » eckhartien est une notion qui peut nous inviter à approfondir l’acquiescentia spinoziste, il n’en est pas de même de l’« abandon » qui me paraît très loin de l’Ethique.
De toute façon, il s’agira d’essayer d’éclairer Spinoza par Spinoza lui-même et non par la pensée d’un autre auteur dont l’intérêt aura été simplement de stimuler la recherche.

La seconde, c’est que vous êtes référé à Robert Misrahi dont on peut dire que son interprétation de la pensée de Spinoza est particulière.
Je note, par exemple, que dans son très utile « 100 mots sur l’Ethique de Spinoza », à l’article « conscience », il donne à celle-ci une importance qu’elle ne revêt pas, à mon avis, dans la philosophie de Spinoza.
Ceci se voit encore mieux en examinant l’éthique originale qu’a construite R. Misrahi (par exemple dans « Le travail de la liberté » -Editions Le bord de l’eau 2008). Elle s’inspire fortement de Spinoza mais s’en distingue également très nettement.

Bien à vous

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Messagepar ECKHARTUS » 31 mai 2013, 23:06

cess a écrit :J'essaie de vous comprendre et j'ai du mal à saisir en quoi la philosophie spinoziste est contre intuitive Il me semble que c'est même l'inverse.

La réponse était dans la question
Misrahi est spinoziste
or il utilise la notion de sujet au niveau des individus
or pour Spinoza seul dieu est sujet-substance
donc la philosophie spinoziste est contre intuitive

C'est la méthode géométrique, je vous serai reconnaissant de l'utiliser si vous voulez discuter avec moi.
Je précise, au cas où, que le syllogisme ci dessus n'a aucunement prétention à la vérité, il était juste là pour illustrer un problème.

sescho a écrit :Pas tout à fait, sauf erreur

Par le nom de Dieu j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites. Descartes , méditation 3
À rigoureusement parler, Dieu seul est substance, puisque lui seul accomplit, par son indépendance, la perséité définitionnelle de la substance : « Et quidem substantia quae plane re indigeat, unica tantum potest intelligi, nempe Deus» (VIII,24,23-25).
Les autres substances n'existent qu'en référence à dieu, par le concours ordinaire de Dieu.
Vous trouverez cela partout dans les principes de la philosophie de Descartes.

Voici le §51 des principes
51. Ce que c’est que la substance; et que c’est un nom qu’on ne peut attribuer à Dieu et aux créatures en même sens.
Pour ce qui est des choses que nous considérons comme ayant quelque existence, il est besoin que nous les examinions ici l’une après l’autre, afin de distinguer ce qui est obscur d’avec ce qui est évident en la notion que nous avons de chacune. Lorsque nous concevons la substance,nous concevons seulement une chose qui existe en telle façon qu’elle n’a besoin que de soi-même pour exister. En quoi il peut y avoir de l’obscurité touchant l’explication de ce mot, n’avoir besoin que de soi-même; car, à proprement parler, il n’y a que Dieu qui soit tel, et il n’y a aucune chose créée qui puisse exister un seul moment sans être soutenue et conservée par sa puissance. C’est pourquoi on a raison dans l’École de dire que le nom de substance n’est pas univoque au regard de Dieu et des créatures, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune signification de ce mot que nous concevions distinctement, laquelle convienne à lui et à elles: mais parce qu’entre les choses créées quelques-unes sont de telle nature qu’elles ne peuvent exister sans quelques autres, nous les distinguons d’avec celles qui n’ont besoin que du concours ordinaire de Dieu, en nommant celles-ci des substances, et celles-là des qualités ou des attributs de ces substances;

sescho a écrit :D’une pensée sans objet, donc…

Donc?
comment tirez vous une telle conclusion? Où sont les prémisses? Où est la démonstration?
Du fait que le pensée induise un sujet qui pense, vous concluez qu'il n'y pas d'objet?
sescho a écrit :J’ai pris pour ma part la définition classique inscrite dans le rapport sujet/objet (« L'objet est, en philosophie, un concept qui s'oppose au sujet. » « Pas de sujet sans objet, pas d’objet sans sujet », etc., etc.)

En ce qui concerne la notion de sujet, il faut prendre les mots comme ils viennent, sujet c'est subjectum, ce qui se tient dessous, ce qui fait tenir les attributs, conformément à son sens original d'hypokeimenon chez Aristote.

sescho a écrit :
ECKHARTUS a écrit :C'est de mon être et de ma vie à moi qu'il s'agit et non d'un être ou d'une vie en général.

Absolument pas (quoique Steve Jourdain dit en même temps que c’est personnel - c’est le seul -, mais je ne me souviens plus quelle nuance il voulait exactement signifier par là) : il n’y a pas de « moi » qui préexiste, il n’y a pas de « ma », encore moins de « ma vie » (la vie est éternelle, c’est l’éternel Mouvement.) Mais ce n’est même pas « mon existence » : aucun mode ne comprend l’existence dans sa nature ; il appartient à Dieu seul d’exister.

Ah? heureux d'entendre que ma vie n'est pas la mienne. Mes idées inadéquates sont à attribuer à qui? A Dieu? Dieu se trompe lui-même dans une tromperie infinie? (boutade)
Mais, je ne vois pas l'ombre d'une démonstration dans votre argumentaire!

En gros, vous me dites que nous sommes Dieu, et que ma vie n'est pas la mienne, mon corps et mes affects ne sont pas les miens, que vous êtes des spinozistes et que tout ceci est très intuitif.

a Vanleers
Excellentes remarques. oui sur Misrahi, je suis tout à fait d'accord. Il fait du Misrahi, en fait. C'est sympa, je ne dis pas le contraire mais il tronque le texte quand même.
C'est l'esprit contre la lettre, je suppose, donc c'est très honorable au fond. Mais le fait qu'il utilise la catégorie de sujet est tout sauf anodin, à mon avis...
En ce qui concerne le laisser être et la béatitude du sage spinoziste, je ne suis pas sûr qu'il y ait une opposition. C'est à creuser.
Pour le coup je suis sûr que Sescho ne les opposerait pas puisqu'il semble avoir une lecture impersonnelle de la vie.
Je sais que que J.M Vaysse a écrit un livre sur le rapport souci et joie chez Heidegger et Spinoza donc je supopose que des rapprochements sont possibles mais dans la différence radicale, cela va de soit.
Modifié en dernier par ECKHARTUS le 02 juin 2013, 15:30, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 01 juin 2013, 14:06

A ECKHARTUS

Si vous continuez sur ce ton prétentieux (sauf bien sûr pour quelques-uns auxquels vous répondez sur le ton du courtois, pour laisser entendre que vous ne faites que sélectionner entre la pertinence qui mérite une réponse, et le reste que vous rembarrez sèchement), j'ai "peur" que cela ne dure pas longtemps... (et ce sera tant mieux ; de toute façon l'orgueil, la pire des passions selon Spinoza et de fait, ne veut pas discuter : uniquement affirmer au Monde - imaginaire - la supériorité de son petit moi imaginaire sur les autres moi imaginaires et imaginés...)

Vous demandez des arguments... mais vous n'en produisez absolument aucun... Que des citations partielles sans analyse, des associations vagues, des affirmations péremptoires (vous prenez manifestement vos préjugés pour des vérités universelles), surtout, et finalement de l' ad hominem. Rien ! De l'orgueil et rien d'autre.

Total, vous n'avez toujours pas produit la base même de l'utile dans la discussion que vous avez voulu lancer : votre définition explicite de ce que vous (et peut-être d'autres, mais au fond on s'en fout : la seule constante de ce point de vue ici, par l'objet même du site, c'est Spinoza, qui n'utilise pas ce concept) entendez par "sujet" :

Définition : par sujet, j'entends ...


P.S. Je vous répondrai néanmoins sur le détail sur vos "productions"...
Connais-toi toi-même.


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