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Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 03 juin 2013, 00:12

à Vanleers

Ici, il n’y a pas de différence entre « être conscient » et « connaître » ou « comprendre ».
Il me semble bien ne pas avoir dit autre chose .
Chez Spinoza la conscience est donc éminemment requise comme faculté de poser dans la présence.
Ce qui n'est pas posé dans la présence n'est ni connu ni compris. C' est pourquoi le corps existe tel que nous le sentons .

Ce qui est pour le coup tès contre intuitif. Pour Spinoza ce qui ne n'est pas posé dans la présence, ce qui est supposé affecter le corps humain mais que nous ne sentons pas, n'existe pas .
N 'existe pas en tant que notre corps. Notre corps n'est notre corps qu'en tant que nous le sentons dans la présence, c' est à dire qu'en tant que nous le connaissons, c'est à dire qu'en tant que nous en sommes conscient .
En tant que nous en sommes conscient nous sommes conscient de l'effort consistant à affirmer l'existence de notre corps .( prop 10/3)

L'importance de la conscience est si massive chez Spinoza qu'il n' y a effectivement pas de débat utile.

Ce qui me semble utile c'est de contredire ceux qui refuse un statut à la conscience chez Spinoza sous le prétexte fallacieux qu'il emploie peu le mot "conscience".

......
Maintenant je passe à Macherey

Je ne suis pas vraiment d'accord avec Macherey quand il écrit cette conscience, qui ne se distingue en rien d’une connaissance, ne prend en aucun cas la forme d’une conscience personnelle, repliant le sujet sur l’irréductible singularité de son être propre,

C 'est un peu décalé avec que que dit Spinoza dans la prop 10/3. Macherey vise une certaine conceptionde la conscience de soi etc... que bien évidemment il ne trouve pas chez Spinoza.

ce qu'il y a de fondamental et de constitutif dans l'essence de l'âme, c'est l'idée du corps pris comme existant en acte, il s'ensuit que l'affirmation de l'existence du corps est ce qu'il y a dans l'âme de fondamental et de principal (par la Propos. 7, partie 3), et par conséquent, une idée qui contient la négation de l'existence de notre corps est contraire à notre âme
trad Saisset

Que Macherey ait des comptes à regler avec la conscience comprise comme " la forme d’une conscience personnelle, repliant le sujet sur l’irréductible singularité de son être ", et ce comprise à la manière de je ne sais précisément quel philosophe auquel il pense ...c'est son problème.

Pour moi l'idée de conscience n'est déjà pas identifiable totalement à
"la forme d’une conscience personnelle, repliant le sujet sur l’irréductible singularité de son être"
Elle ne l'est pas chez Spinoza non plus. Il n' empêche que chez Spinoza s 'il n y a pas repli , il y a singularité du corps propre affirmé ( le sien pour lui, le mien pour moi )

"irréductible" le qualificatif semble chez Macherey polémique.
Pourtant je ne vois pas chez Spinoza à quoi mon corps affecté puise être réduit d'autre. Il y a donc irréductibilité du corps posé dans la présence. Son affirmation ne peut être réduite à une affirmation d' un autre genre.

cordialement
hokousai

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Messagepar Vanleers » 03 juin 2013, 10:15

A Hokousai

Quelques remarques à propos de votre avant-dernier message.

Vous citez E II 17. Dans la proposition comme dans la démonstration :
Pautrat traduit : « L’Esprit humain contemplera… »
Misrahi et Guérinot traduisent : « L’Esprit humain considérera… »

La démonstration est claire : contempler (ou considérer) une affection du corps, cela signifie, écrit Spinoza, avoir l’idée :
- d’une manière existant en acte (Pautrat)
- d’une modalité d’existence en acte (Misrahi)
- d’un mode existant en acte (Guérinot)

Mais « avoir une idée », c’est « connaître » et même « comprendre » si l’idée est adéquate.

Par ailleurs, cette idée n’est pas une « peinture muette sur un tableau » car « l’idée, en tant qu’elle est idée, enveloppe affirmation ou négation » (E II 49 sc.).

Il n’est donc pas nécessaire de parler de « sujet » qui poserait un mode existant en acte puisque l’idée qui se forme dans l’esprit le pose « toute seule ».

Exit le "sujet".

Enfin, et surtout, en raison du déterminisme, cette idée qui se forme dans l’esprit est nécessairement causée par une idée extérieure qui, elle-même, est causée par… etc. (E I 28)
Une idée qui se forme dans l’esprit, adéquate ou inadéquate, s’explique TOUJOURS par une cause extérieure. Dans le cas d’une idée adéquate, celle-ci s’explique AUSSI par l’esprit seul. On dira, dans ce cas, que l’esprit fait cause commune avec les causes extérieures qui le déterminent (Sévérac).
Nous dirons aussi, dans ce cas, que l’esprit est actif (E III déf. 2) ou libre (cf. un message antérieur).

Devrait-on dire qu’ici l’esprit est sujet de ses idées ?
Cela est inutile et risque de prêter à confusion car si « Devenir sujet de ses pensées et de ses actes » est peut-être l’objectif ce certaines éthiques, celui de l’éthique de Spinoza, à mon avis, ne peut pas se formuler de cette manière.

Derechef, exit le "sujet".

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 03 juin 2013, 12:28

A Hokousai

Je passe maintenant à quelques remarques à propos de votre dernier message.

Vous écrivez :
« En tant que nous en sommes conscient nous sommes conscient de l'effort consistant à affirmer l'existence de notre corps .( prop 10/3) »

Ce que vous écrivez ne se trouve pas dans E III 10, du moins pas explicitement.

Dans la démonstration, Spinoza écrit que « ce qui est le premier et le principal de notre esprit, c’est l’effort (selon la proposition 7) pour affirmer l’existence de notre corps » (traduction Guérinot)
Il ne dit pas que l’esprit est conscient de cet effort.

Il est question de conscience en E III 9 mais il s’agit de l’esprit conscient de son effort de persévérer dans son être et non pas de l’effort pour affirmer l’existence du corps.

De toutes façons, cette conscience me paraît accessoire comme à Macherey que je cite à nouveau (Introduction …III p. 96) :

« Le thème de la conscience, tel qu’il est ainsi introduit dans la proposition 9 du de Affectibus, l’est dans une perspective manifestement critique qui en relativise la portée : la conscience qui accompagne les manifestations mentales du conatus, n’en constitue en rien la condition, et elle ne les précède pas, puisque celui-ci a, dans l’âme comme en toute autre chose, la forme d’une impulsion et non celle d’une intention s’appuyant sur la représentation préalable de son but et se projetant en conscience, comme on dit, vers celui-ci : c’est l’élan spontané du conatus qui explique la conscience et non l’inverse. »

J’ajoute que dans la démonstration de E III 9, Spinoza, en se référant à E II 23, écrit que « l’Esprit est nécessairement conscient de soi par l’entremise des affections du Corps » .
Cette proposition E II 23 s’énonce :
« L’Esprit ne se connaît pas lui-même, si ce n’est en tant qu’il perçoit les idées des affections du Corps »
Ni dans cette proposition, ni dans sa démonstration, Spinoza n’utilise le mot conscience : dire que l’esprit est conscient c’est dire qu’il se connaît.
Qu’à la fin de E III 9, Spinoza précise que l’esprit est conscient de son effort, c’est-à-dire connaît son effort, est secondaire comme l’a expliqué Macherey ci-dessus.

Bien à vous

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Messagepar sescho » 03 juin 2013, 13:13

Je signale brièvement en passant un blog de très haute tenue, sur lequel je suis tombé en tentant de me remettre en esprit ce que Stephen Jourdain, déjà mentionné (éveillé jeune, l'évènement originel étant l'examen au tréfonds du cogito de Descartes, donc), voulait signifier exactement par ce "personnel" (pas le "petit moi" universellement répandu, c'est déjà certain) sur lequel il insiste en quelques passages, et qui semble se distinguer de la plupart des enseignements du même ordre :

http://marianus.blog.lemonde.fr/

Une série d'articles est intitulée "Deus sive personna..." (http://marianus.blog.lemonde.fr/2012/12/)

:D
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Messagepar hokousai » 03 juin 2013, 14:32

à Sescho

J 'avoue ne pas être du tout famillié de S Jourdain . J' ai lu Krishnamurti , il y a probablement une communauté de pensée entre les deux.

S Jourdain a écrit :« Il est bien une chose telle qu'une ultime identité de l'individu humain... Mais cette identité tient tout entière dans l'acte par lequel l'individu humain se reconnaît comme irréductible à toute sienne identité, serait-elle ultime.»


Je comprends et ne comprends pas .. surtout le "serait-elle ultime".
Parce que si elle-est ultime alors elle y est réduite ( ou identifiée ).

Jourdain parle d'une identité dont le geste ultime est de se poser comme non identique à elle même. La perfection de l'identité est dans le ne pas l'être ( ne pas y être réduit ).

Ce qui sonne comme du Hegel plus que comme du Spinoza. Mais Jourdain n'est pas dialecticien... donc bref sur Hegel.

Je n'ai sans doute pas connu l'illumination car je doute que la conscience de l' identité de l'individu puisse se rapporter à autre chose.(elle me semble donc irréductible ).

Pour tout dire je doute que Dieu soit conscient tel que l'homme est conscient. Il y a une affirmation chez l' homme laquelle nécessité un effort. Même si l'effort n'est pas une volition consciente. Prendre conscience se fait au sein de l'inconscience et en sort. C est un acte.

Si Dieu affirme éternellement il ne fait pas d' "effort".Dieu n' a pas de conatus ( de mon point de vue )

Ce qui le gêne dans cette idée de conscience pure, c' est qu' à partir de la conscience humaine on infère une supposée compréhension de la conscience de Dieu.

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Messagepar sescho » 03 juin 2013, 17:14

A Hokousai,

D'abord, je voudrais dire que de mon point de vue vous montrez une profondeur qui s'approche de celle de l'essentiel, lui-même étant infiniment pur, et simple.

Note : Pour l'anecdote, ceci fait contraste avec les petites trivialités qui ont émaillé ce fil (et auxquelles j'ai participé...)

En la matière, j'ai tendance à ne pas intervenir avant de percevoir franchement le sens. Mais comme il s'agit de l'essentiel... je vais lâcher quelques "idées", dont je ne cherche pas l'ultime cohérence ici, ni une suite linéaire en un tout explicité (je pourrais donc avoir à les tempérer, voire les renier, le cas échéant...) :

Préliminaires :

- Je suis d'accord avec vous que le simple fait que Spinoza n'utilise pas le mot "conscience" n'autorise en aucune façon à en exclure le sens de son propos. Spinoza est très clairement dans le champ de la Spiritualité universelle, et celle-ci fait en général un usage intensif du mot "conscience." Cela mérite pour le moins un examen attentif et scrupuleux. Reste à savoir 1) si ce sens est effectivement présent chez Spinoza - Histoire de la Philosophie - (une définition explicite de "conscience" est peut-être déjà à avancer), et 2) si non, s'il s'agit d'une lacune ou non - Philosophie.

- Je suis aussi d'accord pour ne pas accorder aux commentateurs de Spinoza la même place qu'à Spinoza (traduire c'est trahir), même s'il me semble tout en même temps sain aussi de regarder ce qu'ils ont à en dire, du moins si un doute persiste. Certaines formules à base d'hyper-substantivation telles que "les ... du conatus" tendent à me hérisser le poil spontanément...

- Pour Jourdain, il n'est pas possible de s'en tenir à quelques phrases, car les mots n'étant pas la chose (et il en est très conscient et même prêt à tout jeter si ne serait-ce qu'un soupçon d'intellectualisme stérile pointe son nez), il peut contredire ensuite ce qu'on croit avoir compris... En passant, un entretien ancien (son premier livre, très bref et "aérien", datant des années 60 ; j'en ai un exemplaire dédicacé - mais pas pour moi... :) ) est disponible ici. Il a publié pas mal de livres ensuite, nettement plus tard pour l'essentiel, certains étant tout aussi "aériens" - comme seul auteur -, d'autres didactiques (avec un co-auteur interrogateur, ou tirés d'une conférence.)

- Pour Spinoza, il ne faut pas oublier – j’ose le dire comme cela – que certaines de ses démonstrations sont sévèrement alourdies par la gestion du « parallélisme » : une idée, rappelons-le, n’est pas produite par un corps, mais le parallèle d’un corps et de ses affections, englobant les corps affectant. Plus justement, la « facies totius universi » pensée est en premier lieu le miroir de l’ensemble des corps ET de leurs interactions sur l’infinité de l’étendue (« facies totius universi » étendue.) En particulier, l’application de E1P28 (qui affirme l’interdépendance, le Mouvement étant posé pour ce qui concerne l’Etendue) aux idées c’est E2P9, … qui n’est pas d’une évidence immédiate à mon goût (j’en ai déjà fait état plusieurs fois)… Quand deux corps s’entrechoquent, « leurs » idées ne s’entrechoquent pas – à proprement parler, car il y a forcément quand-même de cela – : il y a une idée en Dieu du choc, qui englobe les idées des deux corps dans un même ensemble indissociable. L’idée du choc « vue par un seul corps » est inadéquate par nature, de ce fait…

- Spinoza dit lui-même que Dieu n’a pas du tout le même Entendement que les hommes (c'est pour Dieu lui-même "en un seul bloc" vs inadéquation, ou adéquation par notions communes (intuition) + démonstrations (logique, aux règles intuitives) + sublimation par l'intuition.)

Sur le fond :

- Il est très clair qu’à partir du moment où Dieu-Nature est mis en amont de tout (et pour cause…) toute conception du « sujet », ou autre mot mais équivalent, qui engloberait une notion « d’être en soi », de « forme substantielle », de « libre-arbitre », etc. pour un mode est totalement exclue chez Spinoza (outre d’être indéfendable). Je pense que tout le monde en est d’accord ici.

- Nous semblons quand-même oublier l'essentiel, qui est l'alpha (principale prémisse de tout l'édifice, E1) et l'omega (la puissance ultime accessible à l'homme qui exprime purement son essence propre, E5) – et qui comme prémisse première n’entre qu’à la marge dans le « more geometrico » : l'idée (connaissance) de Dieu. Nous pouvons concéder a priori, comme une hypothèse comme une autre, pourquoi pas, que « tout le monde a l’idée de l’être parfait », puis passer au reste en oubliant qu’il ne s’agit pas du tout d’une hypothèse dans l’esprit de Spinoza, mais d’une réalité absolue.

En passant, que des « petits moi » hypertrophiés se manifestent de temps en temps ne nous exonère de rien d’essentiel : la quasi-totalité de l’humanité se comporte de même à un degré ou à un autre…

- Qu’elle ajoute « personnel » comme avec Jourdain – et il y a d’autres nuances, comme la conscience réflexive qui n’est pas première mais seconde, etc. –, ou non, la Spiritualité dit que la réalité suprême est JE = CONSCIENCE = DIEU. Bien évidemment le JE en question, le seul véritable, n’a rien à voir avec le « petit moi. »

Je passe brièvement dessus ici, mais il y a quand-même quelques précisions à apporter à cela : ceci est la vision ultime, mais il reste quand-même que la réalité humaine est au croisement de cette vision ultime et de l’existence modale, dans le temps et l’espace (et c’est de là que vient le « personnel » - qui n’est ni ceci ni cela pour autant - de Jourdain, sauf erreur.) Et Spinoza le dit bien comme cela (E5P29S p.ex. Il me semble qu’il le dit ailleurs – communauté avec les autres modes vs communauté en Dieu –, mais je ne remets pas le doigt dessus.) Simplement, au lieu d’obnubiler la conscience standard (identification aux pensées) cette seconde façon se ramène à celle de simple manière d’être de Dieu (ou en équivalent qu'une pensée n'est qu'une "bulle", forme émanée de et dans la conscience pure et sans forme qui "se tient derrière", qui est silence, vide plein de tout, impersonnelle et non soumise au temps - éternelle, donc. Dieu, quoi...)

- Donc distinguer le « sujet » de la « conscience » et de « Dieu » cela n’a pas de sens, en fait, si ce n’est que l’existence modale m’indique, par la conscience de la distinction entre modes - venant évidemment du point de vue de mode -, de l’altérité, que Dieu est plus grand que Je, tout en étant Je… (cela rejoint la possibilité de la conscience du Tout par la partie ; sinon il n’y aurait rien de tel.)

- Certes chez Spinoza en premier lieu l’esprit est la sensation (pour faire court, ou la perception de la sensation), mais ce n’est qu’en premier lieu. En second lieu (mais immédiatement toujours ; Spinoza utilise même le terme d’ « inné » en quelques endroits) le commun entre « mon » corps et les corps extérieurs, etc. (parallélisme) me fait percevoir l’unité de tout (quelle que soit la nature exacte de la qualité des idées liées aux modes interagissant dans la sensation pris en particulier, en l’occurrence inadéquates : ce n’est pas du tout important - en totale opposition avec de ce que voudraient les tenants de l’ « essence singulière » - ; ce qui est important c’est la perception de la chose en acte, donc de la perception de l’être en général – ce qui ne veut pas dire que c'est une simple généralité.)

- Il y a autre chose que les sensations, ou la pensée discursive (elle aussi plus ou moins basée sur la mémoire, les mots étant des auxiliaires de l’imagination) : l’idée de Dieu, ou… conscience, ou… véritable Je, impersonnel en tant que Dieu, personnel en tant que mode, et seulement en tant que cela.

- Il y a déjà tout le temps des intervalles entre deux pensées discursives sans perte de la conscience de Dieu, de soi et des choses. Je passe ici sur l’examen du cas où il n’y aurait en outre aucune sensation et sur le sommeil profond (ou l’anesthésie générale sans assistance respiratoire, qui y ressemble fort…), etc.

- Si l’on regarde bien de toute façon : rien de ce qui est identifié comme être ne se situe en dehors de l’esprit, de la conscience. Tout est dans la conscience… au moins. Comment dans ces conditions différencier Dieu, l’Être, de la conscience ? C’est seulement la relation entre modes qui fonde la conscience et la distinction sujet-objet (dans cette acception réduite, on peut très bien accepter la notion de « sujet »), ce truc bizarre qui fait que tout est dans la conscience, et qu’il y aurait pourtant du vu hors de la conscience…

- Cela rejoint quelque chose que j’ai déjà dit (au sujet du parallélisme et du concept d’attribut, non défendable selon moi) et transparaît dans ce que dit Vanleers : il n’y a pas la pensée d’un côté et la matière de l’autre ; cela se sont des pensées (forcément) que je qualifie donc d’inadéquates : il y a pensée-de-la-matière à la base… Et Dieu pour tous… :)

P.S. La connaissance du troisième genre est essentiellement de tout voir, "soi-même" inclus bien-sûr, quoi que cela soit comme forme, intuitivement, directement, en Dieu-Nature (qui se place irréductiblement avant, par nature, et donc pas après, par l'imagination.)

Concernant le cogito : le "je" est évidemment un "mot pour rien" ; si "je" était déjà posé comme prémisse (de surcroît avant "pensée" et "être"...) le cogito serait purement superflu. Le cogito dit donc "conscience" (l'être-pensé, indépendamment de la particularité de ses manifestations) = "être" (et finalement quand-même, en intégrant secondairement la nature modale de l'individu humain = Je d'un côté, et = Dieu de l'autre.)
Modifié en dernier par sescho le 03 juin 2013, 18:48, modifié 3 fois.
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Messagepar Vanleers » 03 juin 2013, 17:40

A Hokousai

Je prolonge mes précédentes réflexions.

Selon Spinoza, l’esprit humain est une idée (E II 11)
L’objet de cette idée est le corps (E II 13)

1) Comme toute idée, l’esprit humain n’est pas une « peinture muette sur un tableau » (E II 49 sc.)
De quel tableau s’agirait-il d’ailleurs ? S’il y en avait un, l’appellerait-on « sujet » ? Sujet - support - de cette idée qu’est l’esprit humain ?
Mais il n’y a pas de tableau, en tout cas pas chez Spinoza.

Comme toute idée, l’esprit humain « enveloppe affirmation ou négation » (idem).
L’esprit humain étant une idée et son objet étant le corps, on comprend donc clairement que « ce qui est le premier et le principal de notre esprit, c’est l’effort (selon la proposition 7) pour affirmer l’existence de notre corps » (E III 10 - traduction Guérinot)

2) D’autre part, Spinoza écrit, dans la démonstration d’E III 9 que :
« L’Esprit (par la prop. II 23) est nécessairement conscient de soi »

Comment comprendre cette « conscience » ?

L’esprit humain est une idée complexe composée d’une multitude d’idées car son objet est une chose elle-même complexe (cf. la « Petite physique »).
Dire que l’esprit humain est conscient de soi, c’est-à-dire qu’il se connaît (E II 23), c’est dire que ce complexe d’idées qu’il constitue comporte une idée particulière : l’idée de lui-même.
Il faut lire l’ensemble des propositions 19 à 23 de la partie II pour voir comment Spinoza arrive à ce résultat, en ayant recours à Dieu (nécessairement car l’esprit humain est un mode de Dieu, considéré sous l’attribut Pensée).
Ajoutons que cette idée de lui-même est très imparfaite, ce que résume E II 23 :
« L’Esprit ne se connaît pas lui-même, si ce n’est en tant qu’il perçoit les idées des affections du Corps »

Bien à vous

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Messagepar sescho » 03 juin 2013, 20:20

Puisque nous en sommes à poser des briques (plus ou moins empilées, ou bien empilées) j’ajoute :

- Si l’on s’en tient au texte de Spinoza, je pense qu’on peut conclure qu’il n’y a pas d’esprit sans sensation (ou perception, mais il y a souvent une nuance de taille, quoique des auteurs utilisent indifféremment les deux termes.) Sachant qu’on peut mettre au rang des sensations, la sensation du corps par lui-même (picotements, chaleur, etc.) et même y associer toute forme d’activité (« modale ») mentale. La mémoire – ersatz de sensations à effet différé – et donc l’imagination, ainsi que la pensée discursive, doivent y être associées.

L’avis est partagé entre les auteurs que j’ai consultés :

Certains (dont Ramana Maharshi) disent que la conscience véritablement première est présente y compris dans le sommeil profond (sans rêve, en particulier, donc sans pensée discursive), quoiqu’elle n’ait pas conscience d’elle-même (et encore moins d’un quelconque temps, etc.) Certes la respiration (qui nécessite un mouvement de la cage thoracique, les poumons n’ayant aucune force motrice) se poursuit quoique étant contrôlable à l’état de veille, au contraire des battements du cœur, par exemple (quoique pour certains yogis…) ; on tombe rarement du lit dans ce cas, etc.

On peut se demander, cela dit : pas de pensée discursive, d’accord, mais de sensations ?

D’un autre côté, déjà, comment en dire quelque chose – de « rien » : pas de sujet percevant –, en fait ? Les seules fonctions végétatives, reptiliennes, ou semi-, ne suffisent pas à faire un homme. Cela ressemble par ailleurs à une anesthésie générale, comme déjà dit. Qu’il s’agisse en fait d’un « état de torpeur » comme il a été répondu au Maharshi par une Maharani ne me choque pas spécialement. Que dans le monde modal l’homme soit une machine (« automate spirituel » … et corporel) qui ne fonctionne que par intermittence à sa pleine puissance, tout en restant potentiellement, mais seulement potentiellement (concept) en capacité de le faire, ne me choque pas plus que cela, etc.

Cela est confirmé par les auteurs qui indiquent le côté incontournable (pas seulement au titre de plaisir commun, donc) de la « nourriture d’impression », que l’existence humaine n’est pleine, laissant de côté les nécessités de la conservation, qu’en relation avec le monde (modal.) Je vois mal ce que donnerait (de bon) une existence de fait dépourvue de toute sensation sous quelque forme que ce soit (aucun sens ne fonctionnant, par exemple.) Personne, même un sage accompli, n’a jamais fait cela durablement (encore que certain sage ait été connu pour dormir « tout le temps. ») Etc.

Les philosophes des derniers siècles, plus ou moins dans la poursuite de la Physique (avec des succès dans ce domaine, et des grands esprits qui ont surnagé, quand-même), me semblent évidemment à plein dans cette optique, et la distinction sujet-objet ne veut pour eux rien dire de plus que cette relation au sein de la Nature entre un mode (pensant en tant que sujet) au monde modal « extérieur » (étendu en tant qu’objet) dans la sensation (je laisse ici de côté le statut exact de la pensée discursive rationnelle.)

Dans ce cadre, il n’y a pas de conscience continue qui aille de la naissance à la mort (ce qui ne veut pas dire pour autant que la conscience est forcément « temporalisée » : la « conscience pure » - que j’ai identifiée à l’idée de Dieu chez Spinoza -, le pur « Je suis », ne comprend (de fait, expérimentable, mais certains disent que ce terme déjà montre non du premier mais du second, donc) aucun attribut (impersonnel, donc) et aucune notion de temps (mais de mouvement avec un avant et un après sur courte durée, oui), ce qui est la définition vraie de l’éternité.

La nature exacte du perçu n’a pas d’importance, c’est l’activation de la relation sujet-objet qui contient, de manière adéquate, et seule adéquate, la conscience de l’être impersonnel, intemporel et donc éternel, qui « englobe » l’être-ceci et l’être-cela, changeant, etc. – ou dans lequel tout cela se produit – et donc de Dieu…

P.S. Je ne peux que reproduire ici, au sujet de la révélation de Dieu, de soi et des choses par la relation sujet-objet, en pensant à un de mes bons maîtres, Paul Diel, et la "sagesse du langage" : "connaissance = co-naissance..."
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Messagepar hokousai » 03 juin 2013, 23:38

à Vanleers


il faut lire l’ensemble des propositions 19 à 23 de la partie II pour voir comment Spinoza arrive à ce résultat, en ayant recours à Dieu (nécessairement car l’esprit humain est un mode de Dieu, considéré sous l’attribut Pensée).

Et bien non . Désolé mais la connaissance de l'esprit humain ne se rapporte pas à Dieu en tant que mode ( prop 23/2)

.........

L' esprit perçoit ( coll prop 11/2.. la prop 23/2 y renvoie)
Dieu en tant qu'il constitue l' esprit humain a telle ou telle idée .
Mais ( bien que percevant ) d 'un point de vue l' esprit humain ne se connait pas lui même ( tjs coroll prop 11/2) et ce parce que Dieu a en même temps que l'esprit humain l'idée d'une autre chose. Donc l'esprit humain perçoit une chose en partie seulement . C 'est ainsi que je comprends le coroll prop 11/2 ce qui est repris dans prop 23/2
l'esprit humain ne se connait pas lui même.
Mais néanmoins dans une certaine mesure l'esprit humain se connait lui même.(toujours prop 23/2)
...............

Ce n'est pas à ce niveau que je pose la question de la conscience . Mais antérieurement
prop 13/2
Spinoza a écrit :En outre, si l'esprit avait, outre le corps, un autre objet, comme rien n'existe (par la Propos. 36, part. 1) d'où ne résulte quelque effet, il devrait se trouver nécessairement dans notre âme (par la Propos. 11, part. 2) l'idée de quelque effet résultant de cet objet. Or, notre esprit ne possède point cette idée (par l'Ax. 5, part. 2). Donc l'objet de notre esprit c'est le corps, le corps comme existant en acte, et rien de plus.( trad saisset )


Il faut donc que nous sachions ce qui existe et ce qui n'existe pas. Spinoza dit qu'il faut posséder l'idée. la posseder ce n'est pa n'en rien faire c'est l affirmer.
Mais affirmer quoi exactement ? Et bien affirmer qu'elle est bien là qu' elle existe présentement. Si je la possède je ne peux d'ailleurs faire autrement .
Savoir ce qui existe c'est le poser dans la présence.
Ce dont je suis conscient c'est de la présence de l'existence hic et nunc .
Il faut "contempler" cela.

Nous ne pouvons pas avoir d' idée actuelle de ce qui n' existe pas.
Pour que cela existe il faut une faculté* de poser comme présent
Si je n'ai pas conscience je peux avoir certes toutes sortes de mouvements, mais je ne saurais pas là devant moi que c'est présent. Je ne serai pas actif au sens de l'actif chez Spinoza. Je serai un corps mu passivement.

Savoir que telle chose existe c' est affirmer son existence. Mais cette affirmation ce n'est pas une idée comme les autres car l'affirmation existe sans avoir à être posée elle comme existante .Pour moi c'est ça la question.
Ce n'est que là, à ce niveau qu'on retrouve Dieu comme cause immanente .
....................

* je dis une "faculté" parce que Spinoza emploie ce terme . Ce n'est pas une faculté au sens scolastique , c'est le possible être conscient ... ce possible dont je ne sais pas si les animaux l' ont .

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hokousai
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Messagepar hokousai » 04 juin 2013, 00:37

Cher Sescho

Vous soulevez tant de questions! Je suis un peu pris de vertige.

J' ai trouvé la citation de S Jourdain sur wikipédia ; elle m'a fort intéressé .


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