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Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar Vanleers » 12 juin 2013, 15:16

A Hokousai

Les trois définitions des distinctions (réelle, modale, de raison) ne sont utiles, à mon avis, que pour comprendre quelques cas particuliers en nombre très limité :

- distinction réelle entre attributs
- distinction de raison entre attribut et substance
- distinction modale entre substance et mode

et aussi :

- distinction de raison entre mode et essence de ce mode
- distinction modale entre idée et autre manière de penser ( ?)
- … sans doute quelques autres cas rencontrés dans l’Ethique

Grâce à ces distinctions, nous entrons mieux dans la compréhension de l’architecture de Dieu-Nature.

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 12 juin 2013, 22:31

A Hokousai

Vous avez écrit, récemment : « Défendez Beyssade », c’est-à-dire défendez sa thèse selon laquelle l’Amour que Dieu se porte à lui-même constitue le mode infini médiat de l’attribut de la pensée.

Je viens de relire le commentaire de Macherey d’E V 35 et 36 (Introduction … cinquième).
A propos du « Dei natura gaudet infinita perfectione » de la démonstration d’E V 35 (« Dieu s’aime lui-même d’un Amour intellectuel infini »), il écrit :
« Le monde est en joie »

Ces cinq petits mots me parlent et m’éclairent bien davantage que la thèse de Beyssade. Ils constituent un support de réflexion et de méditation de ces deux propositions de l’Ethique, ce qui ne rend pas inutile, au contraire, la lecture de l’ensemble des quinze pages que Macherey leur consacre et que je trouve admirables.

A titre personnel, je ne vois donc qu’un intérêt éthique très faible à défendre ou attaquer la thèse de Beyssade.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 13 juin 2013, 00:12

à Vanleers

Sur Beyssade

Je voudrais revenir sur ce qu'il écrit en haut de la page 25 il se tréfère au court traité .

Spinoza parle expressément d'amour naturel qui est en chaque chose ...etc... modes médiats (evidemment )

De mon point de vue l'amour intellectuel de Dieu pour lui même ne relève pas de ces modes médiats.
Je ne dis pas que la thèse de Beyssade soit infondée, il a des arguments ) mais qu'intuitivement je ne vois pas l 'amour intellectuel de Dieu pour lui même succéder à...c'est à dire avoir besoin pour exister réellement d' un autre mode du même attribut (c'est à dire en l'occurrence la pensée )
C 'est à dire avoir besoin de la modification de la pensée en "amour" (amours qui seront nécessairement singuliers )
(Etre accompagné de l' idée de soi (sa cause) ! La conscience de soi ne me semble pas une modification du mode infini immédiat ).

Soit on fait de l'amour un autre attribut, soit l' Amour est immédiatement dans la pensée , dans le mode infini immédiat de la pensée , ie dans l'idée de Dieu .
Il y est ou il n'y est pas.
S'il n'y est pas, il ne peut exister que comme modes singuliers finis .
.............................
L 'amour infini c'est tirer contentement de sa perfection. Je ne dis pas que c'est antérieur à la pensée mais que ce n'est en tout cas pas postérieur ( comme médiat )
Tirer contentement de sa perfection ne peut être médiat . Cela voudrait dire qu'immédiatement Dieu ne tire pas contentement de sa perfection.

La thèse de Beysssade ne permet pas de distinguer l'amour de Dieu en tant qu 'il est infini et l 'amour de l'esprit humain envers Dieu. Si l'amour intellectuel de Dieu pour lui même se distingue c'est parce qu'il est immédiat . Il n'a pas besoin pour être conçu des modes médiats .
Même si la réalité et donc sa perfection les contient.

Je ne vous fais pas de demande expresse bien sûr ...
Et pourtant Je n'espère que ça ... qu'on m'éveille à ce que je ne comprends pas, ou mal. C est bien pour ça que je viens ici.


amicalement
hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 13 juin 2013, 22:43, modifié 2 fois.

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Messagepar Vanleers » 13 juin 2013, 14:47

A Hokousai

Vos réflexions ouvrent une perspective intéressante à explorer.

Vous revendiquez le caractère immédiat et non pas médiat de l’Amour que Dieu se porte à lui-même.
Il me paraît clair que l’idée ou entendement de Dieu constitue le mode infini immédiat de l’attribut de la pensée, ce que Spinoza exprime en E V 40 sc. en se référant à E I 21.
Si je vous suis, il faudrait considérer que l’Amour infini de Dieu (E V 35) constitue, lui aussi, ce mode infini immédiat. Donc qu’entre cet Amour de Dieu et son entendement, il n’y a qu’une distinction de raison.

Pouvons-nous trouver des arguments en faveur de cette thèse ?

Dans la démonstration d’E V 27, Spinoza écrit :
« qui connaît les choses par ce genre de connaissance [le troisième] passe à la souveraine perfection humaine, et par conséquent (par E III déf. 2) est affecté de la plus haute Joie »

La proposition E V 27 est reprise dans la démonstration d’E V 32, proposition qui s’énonce :
« Tout ce que nous comprenons par le troisième genre de connaissance nous délecte, et ce accompagné de l’idée de Dieu comme cause. »

Notons enfin qu’à la fin du scolie d’E V 33, Spinoza écrit :
« Que si la joie consiste dans le passage à une plus grande perfection, la béatitude doit à coup sûr consister en ce que l’Esprit est doté de la perfection même. »

Le rapprochement de ces trois textes ne suggère-t-il pas que, pour un mode fini et en ce qui concerne la connaissance du troisième genre, il n’y a qu’une distinction de raison entre cette connaissance et la joie (béatitude) qui lui correspond ?

Pourrait-on trouver d’autres arguments en faveur de cette thèse relative aux modes finis et pourrait-on en tirer une thèse s’appliquant à Dieu ?

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 13 juin 2013, 23:26

cher Vanleers

Je vous l'ai dit c 'est chez moi intuitif, ce qui peut choquer des partisans du rationalisme de Gueroult . Non que ma position ne soit pas intelligible.

Je pense le contentement de sa perfection comme immédiat . Dans le lettre sur l'infini Spinoza parle de la substance comme éternité ou Jouissance infinie de l'existence ou de l'être.
Dans le corollaire de la prop 32/5 Il parle aussi d'éternité , il se réfère à l'éternité, il réfère l'amour à l'éternité .
non pas que nous le considérons comme présent mais en tant que nous comprenons que Dieu est éternel
je ne suis même pas persuadé que "tirer un contentement de sa perfection" soit du mode infini immédiat de la pensée. Il est "accompagné "de l"idée de soi. Il n'est pas un mode de la pensée. Il est accompagné.
Mon intuition va à l'encontre de le subalternisation comme un mode médiat.

Ce qui implique une conséquence éthique pour l 'homme qui n'est pas jouissance de l'existence parce qu 'il pense , ou en conséquence de ce qu'il pense (sous un mode ou un autre et par exemple sous le mode privilégié de l' amour). L' accent est porté sur l'affirmation de l'existence et pas sur la pensée de l'existence ( position rationaliste ). C' est une position qui corporéise l' homme dans une nature dont les étants sont des corps réels et dont SA nature est celle d'être un corps affecté .

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Messagepar Vanleers » 14 juin 2013, 11:21

A Hokousai

Il est clair, tout d’abord, que l’amour dont Dieu s’aime lui-même que vise E V 35 est une réalité modale et non substantielle, ce qui élimine le rapprochement avec le « Dieu est amour » du Christianisme.
On le comprend encore mieux en considérant que cette proposition n’est clairement démontrée qu’en associant les démonstrations d’E V 35 et E V 36.
Dans cette dernière, Spinoza prend toutes les précautions nécessaires (il s’appuie sur 4 propositions) pour démontrer que l’amour intellectuel de l’Esprit envers Dieu est « une action par laquelle Dieu, en tant qu’il peut s’expliquer par l’Esprit humain, se contemple lui-même, et ce accompagné de l’idée de lui-même ».

La référence au si important corollaire d’E II 11 (le « Deus quatenus »), notamment, conduit à considérer que l’Amour dont Dieu s’aime lui-même est le tout constitué des parties que sont les Amours intellectuels de Dieu finis.

Ce tout est évidemment de nature modale et notre expérience vécue peut en effet conduire à envisager que ce mode soit premier.

En effet, notre sentiment d’exister, cette joie d’être ou de vivre, ne précède-t-il pas notre connaissance des choses ?

De l’Ethique monte un chant d’allégresse et, comprendre l’Ethique, c’est entendre ce chant qui est le chant du Monde : Dei natura gaudet infinita perfectione !

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 14 juin 2013, 18:45

cher Vanleers

Dans cette dernière, Spinoza prend toutes les précautions nécessaires (il s’appuie sur 4 propositions) pour démontrer que l’amour intellectuel de l’Esprit envers Dieu est « une action par laquelle Dieu, en tant qu’il peut s’expliquer par l’Esprit humain, se contemple lui-même, et ce accompagné de l’idée de lui-même ».


Vous semblez comprendre de telle manière que s' il n' y avait pas d'esprits humains Dieu ne se contemplerait pas lui même.

La référence au si important corollaire d’E II 11 (le « Deus quatenus »), notamment, conduit à considérer que l’Amour dont Dieu s’aime lui-même est le tout constitué des parties que sont les Amours intellectuels de Dieu finis.


Ainsi il y a quarante millions d'années l' amour de Dieu pour lui même était entre autre constitué d'une multitudes d' amours en tant qu'ils devaient s' expliquer par l'esprit des dinosaures. ! .

Dans le coroll de la prop 11/2 comme dans la prop 36/5 Spinoza précise non en tant qu'il est infini

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Messagepar Vanleers » 14 juin 2013, 18:55

A Hokousai

Je prolonge mon précédent message en disant que si l’intuition est utile à titre d’hypothèse pour initier une recherche, elle doit ensuite être critiquée et examinée rationnellement. Dans le cas présent, une telle démonstration doit se fonder sur l’Ethique, ou, tout au moins, être en accord avec elle.

Votre intuition, puisque c’est ainsi que vous l’appelez, m’a amené à lire les chapitres que Bernard Rousset consacre à l’amour intellectuel pour et de Dieu (La perspective finale de l’« Ethique »… - Vrin 1968)

1) Une première remarque à propos de ce que j’ai écrit : « […] l’Amour dont Dieu s’aime lui-même est le tout constitué des parties que sont les Amours intellectuels de Dieu finis. »

Bernard Rousset écrit (p. 158 – je ne cite pas les références) :

« […] le tout n’est, en effet, jamais qu’un « être de raison » relatif aux parties qui lui sont intérieures. Mais nous ne devons pas en conclure qu’il n’est qu’un universel abstrait, la simple somme ou la seule juxtaposition des êtres finis : la substance est indivisible et toutes les choses sont liées ; le tout est précisément cette liaison réciproque des parties ; tel qu’il se manifeste spécialement dans l’amour intellectuel, Dieu est ainsi la Nature, en tant qu’elle contient l’unité purement immanente et la richesse infinie des relations internes entre l’être et les manières d’être : l’amour infini n’est pas l’addition des amours finis, mais leur unité vivante, leur détermination réciproque et leur devenir commun. »

Pascal Sévérac (Spinoza Union et Désunion) développe cela au paragraphe « ces modes éternels qu’on dit finis » (pp. 72-75)

2) Plus en rapport avec votre intuition, B. Rousset montre que, chez Spinoza, la connaissance adéquate est joie et amour. Il écrit (p. 136) :

« Connaître, être joyeux, aimer, ce n’est plus se représenter, s’unir à, participer de : c’est tout simplement être, être actif, être soi-même : le savoir et le sentiment ne sont plus des états distincts contenus dans l’esprit, mais l’être même de cet esprit en tant qu’idée qui s’affirme : définis par l’être d’une activité immanente ayant son corps ou soi-même pour objet, la connaissance, la joie et l’amour sont compris à la lumière d’un ontologisme, d’un dynamisme et d’un immanentisme achevés, qui permettent leur identification immédiate ; car, s’il est vrai que connaître, être joyeux et aimer, c’est également être actif, toute connaissance adéquate est analytiquement joie et amour, la connaissance de soi amour de soi et la connaissance de Dieu amour de Dieu |…]. »

Voilà de quoi nous mettre davantage sur le chemin de trouver dans l’Ethique, une démonstration rationnelle de la « non subalternisation » de l’Amour de Dieu pour lui-même.

Bien à vous

PS Je viens de voir que vous aviez envoyé un message; je ne l'ai pas encore lu

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Messagepar Vanleers » 14 juin 2013, 19:54

A Hokousai

Vous écrivez :
« Ainsi il y a quarante millions d'années l' amour de Dieu pour lui même était entre autre constitué d'une multitudes d' amours en tant qu'ils devaient s' expliquer par l'esprit des dinosaures. ! »

Erreur évidemment fatale : les amours intellectuels pour et de Dieu sont des amours considérés sub specie aeternitatis.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 15 juin 2013, 00:35

cher Vanleers

Erreur évidemment fatale : les amours intellectuels pour et de Dieu sont des amours considérés sub specie aeternitatis.

J'insiste
Privé de cet amour intellectuel de l'esprit humain pour Dieu cet amour de Dieu pour lui même existe- t -il ou pas ?
La question me semble simple. Mais il faut en passer par là . La nature n'a pas nécessairement à disposition des esprits humains. En l'occurrence pas du temps des dinosaures.

Je n'assimile pas l' amour de Dieu pour lui même à la somme des" amours singulières". Tout comme je ne confonds pas la cause transitive confusément comprise au niveau des choses singulières et la causa essendi.

il est clair, tout d’abord, que l’amour dont Dieu s’aime lui-même que vise E V 35 est une réalité modale et non substantielle,

Mais modification de quel attribut? Je ne vois vraiment pas où il est clair que ... Si peu clair que Beyssade soit obligé de déployer un large faisceaux d'arguments inusités avant lui .
Je ne vois pas où la jouisssace absolue d' exister ou le tirer contentement de son infinie perfection soit modification de la substance .

Est-ce que la visée de Spinoza est celle d'un mode? Qui plus est d'un mode médiat ? Car si l' amour intellectuel de Dieu est un mode infini médiat c'est un mode que nous aimons.

La question est
Est -ce nous pouvons penser plus que de la pensée ? Plus exactement il y a t -il une conscience qui ne soit pas exclusivement de l'ordre de la pensée ?
Parce qui nous ne pouvons que penser (et l'amour est un mode de la pensée ) alors nous ne pouvons viser Dieu qu'en tant qu'il pense . C 'est peut-être en cela que l 'amour de l'esprit envers Dieu n'est qu'une partie ...certes
Mais nous le savons. Ce qui suppose que nous avons conscience aussi autre chose qui ne relève plus des parties et qui relève infiniment plus que de la pensée, exclusivement .

( ce qui ramène à une discussion que nous avions eu sur la mystique ... )


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