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Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 juin 2013, 23:52

cher Vanleers

je lirai l' article ( si je peux l' atteindre )
( je suis ouvert à toutes les interprétations possibles )

mais à la lecture de votre résumé

sur le 1) rien à redire

sur le 2)
vous écrivez
]et invite à poser l’amour comme le premier des modes médiats dans l’attribut du penser.
Humm!! pourquoi pas , mais pourquoi ?
Que signifie être le premier ?
dans l'ordre de quoi ? Dans la succession de quoi ?
L' amour c'est bien vague ça comme idée. Voyons par exemple l'idée du corps . Est-ce que en premier j' aime mon corps ? L 'amour c'est une généralité et cela pose des problèmes au niveau modal ..



sur le 3) Le mode infini immédiat c'est l'entendement absolument infini . Que la volonté convienne je ne m'étals pas posé la question. La volonté chez Spinoza n'est ni absolue ni infinie .(contre Descartes )


sur le 4) sans avoir lu l'article je ne comprends sans doute pas bien.

Les "médiat" sont produits au moyen de ( au moyen d 'immédiats ). Je comprends que l 'esprit humain est médiat . Que l'amour intellectuel de l'esprit envers Dieu comme partie est médiat . Ce qui ne suffit pas à justifier que s'il y a parties (médiates ) elles sont parties d' un autre qui soit lui médiat. Après tout les mouvements singuliers sont parties médiates référées directement à un mode infini immédiat ( le mouvement et le repos ).
Mais ( apparemment ) J M Beyssade subdivisant la pensée ( comme le fait Spinoza ) entre amour, désir, intellect , il fait de ces subdivisons des médiats . C 'est comme si distinguant le mouvement du repos on en faisait par cette seule distinction des médiats.
Il y a là l utilisation abusive de généralités ( Amour, Désir, Intellect) lesquels sont substantifiés et acquièrent le statut de modes médiats de la pensée , fussent-t-il infinis.
L'amour étant le premier et je me demande pourquoi ? Pour moi un mode ce n'est pas "en général" Dieu ne pense pas par généralités.


( Le rechercher ce "mode infini médiat de la pensée" ne nécéssite pas qu'on le trouve . Et c'est là un véritable problème . On se met en devoir de chercher ce qui est peut être introuvable . Est -ce qu' expressément Spinoza dit que l 'amour intellectuel est LE mode infini médiat de la pensée ? S'il ne le dit pas pourquoi cherche -t- on à le lui faire dire ?)

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Messagepar hokousai » 11 juin 2013, 00:07

à Vanleers ( suite )

quand Sescho écrit cela, il a la même intuition que moi .

Sescho a écrit :]Mais l'Amour... Vous vous voyez passer de l'Entendement infini à l'Amour puis aux modes finis idées ? Et quel rapport avec la facies totius universi ? Et E1P28S ? Ou bien voyez-vous des "modes infinis médiats" multiples au même rang ?


Il semble bien que si on met l' amour intellectuel à ce rang de mode infini médiat de la pensée alors il faut y mettre le désir et l'intellect au même titre et distinct .
Et pourquoi pas une infinité de "genre" de pensées que nous n'avons pas mais susceptible d' exister ( la prémonition par exemple ) ou l'effet de déjà- vu...que sais-je ?

Défendez Beyssade .

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Messagepar Vanleers » 11 juin 2013, 10:43

A sescho

Vous utilisez un ton tellement condescendant que cela en devient comique.

Et, évidemment, sans répondre aux arguments avancés.

A propos d’éveil, je relis souvent les Entretiens de Lin Tsi, traduits par Demièville.

Heureuse époque où le maître ch’an répondait par des coups de bâton à l’adepte qui posait une question inappropriée.

Voilà des gens qui ne se prenaient pas tellement au sérieux.

Comme vos réponses me font parfois rire et puisque vous ne souhaitez pas « que quoi que ce soit cesse par ailleurs », je prendrai sans doute encore la liberté d’abuser de votre patience.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 11 juin 2013, 10:50

cher Vanleers

j'ai lu cet article ( Que vous aviez très bien résumé. Je vous remercie vivement pour ce lien )

en 3 Beyssade écrit
"il faut que le mode immédiat ait assez de diférnence avec le mode médiat pour être un autre mode que celui ci "
.
Je dis que "Amour" est une distinction de raison. Amour est une idée générale qui n'a pas de répondant réel autre que modifications singulières . Je ne vois pas qu' "Amour" soit un mode médiat et ce parce que ce n'est pas un mode du tout.
Il ne semble y avoir (pour Spinoza) d' équivalent au mouvement, pour la pensée que l'entendement infini lequel est modifié en amour singulier désirs et idées singulières .
L 'ensemble infini de ces modification est la figure entière de l 'univers ( mode infini médiat )

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Messagepar Vanleers » 11 juin 2013, 11:33

A Hokousai

Je suis heureux que vous ayez pu accéder directement à l’article de Beyssade (merci également pour votre message personnel).

Vous vous posez des questions à propos de l’« Amour »

L’entendement de Dieu est le mode infini immédiat de l’attribut de la pensée.
Peut-on dire qu’il n’y a qu’une distinction de raison entre cet entendement et l’amour infini que Dieu se porte à lui-même ?
Rappelons la définition de la distinction de raison :
« Il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre »

A mon point de vue, on peut concevoir de façon claire et distincte l’entendement de Dieu sans penser à l’amour qu’il se porte.
Il n’y a donc pas seulement une distinction de raison entre les deux.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 11 juin 2013, 13:59

cher Vanleers

« Il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre »


Dans l'article 1 du chap 5 des pensées métaphysiques .
Une distinction de raison existe entre une substance et son attribut comme quand la durée est distinguée de l' étendue

Ce qui est du Descartes : la distinction de raison se fait quand nous pensons confusément des termes mais qu'il n' y a pas en vérité de différences entre eux.
Spinoza ajoute
et cette distinction se connait à ce que les substances ne peuvent être conçues sans tel attribut "
C' est parce qu'il y a une vérité plus profonde que la distinction de raison se connait comme telle.

En fait le définition de Séverac explique CETTE distinction de raison qui apparait comme de raison parce qu'il y a une vérité supérieure ( conception claire et distincte : à savoir "telle substance ne peut être conçue sans son attribut "). La def de Severac ne s'applique pas à la distinction entre durée et étendue exemple qui est donnée par Spinoza alors que Spinoza distingue par ailleurs de façon claire étendue et durée .


La page 46 du livre de Séverac ( union et désunion ) n'est pas très claire . Dans pensées métaphysiques ( que commente Séverac ) Spinoza reprend Descartes ! Certes. Mais Spinoza n'est pas cartésien et il est bancal dans le premier article du chapitre 5. Relisez svp cet article . Dîtes -moi si vous le trouvez clair. Séverac en tire une logique par A + B qui est étrange . En fait Spinoza se débarrassera ***de Descartes après l'avoir expliqué . Il ne l'endosse pas du tout tel que le prétend Séverac . désolé mais les A et B de Séverac ont du mal à passer chez moi .
……………………..

Alors pourquoi distinguer de raison ?.

Je m'en tiens donc au deuxième article ( Spinoza pensées métaphysiques( chap 5))
la troisième distinction(celle de raison ) enfin ne se forme pas mais est seulement conçue par la raison comme se formant pour faire mieux entendre les choses .



Je comprends une distinction de raison versus une distinction réelle.
On ne peux éviter de penser par universaux mais ces universaux ne sont que des béquilles .( il y a une sorte de nominalisme chez Spinoza me semble - t- il .
Par exemple
Nous au contraire , attribuons à Dieu la connaissance des choses singulières et lui dénions celle des choses universelles , sauf en tant qu'il connait les esprits des hommes ( pensées métaphysiques chap 7)

...........................

Si je reprends votre formulation:
et bien justement Spinoza ne semble pas pouvoir concevoir l'amour ( intellectuel ) sans l 'idée de sa cause. Et il fait une distinction de raison entre l' amour et l'idée de sa cause . IL me semble que dans le contentement de soi de Dieu l' amour n'est pas médiat ni l'idée de sa cause non plus .

comme dit Séverac http://www.spinozaeopera.net/article-17346591.html à propos de l 'idée de l'idée, c'est automatique et la distinction n'est que de raison.
..............................

***
Je vais ajouter que pour Spinoza il n'y a ni distinctions réelles ni modales en fait , car les choses qui ne sont pas composées de l'une des deux premières façons doivent être dite simple .
Or ( article 3) Dieu est parfaitement simple .
Le plus paradoxal est que la distinction de raison ne se forme pas non plus .
Spinoza élimine toutes les distinctions . Après avoir expliqué Descartes il s' en éloigne absolument .

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Messagepar sescho » 11 juin 2013, 14:34

A Hokousai,


Il faut quand-même dire que nous avons là une conjonction (plus ou moins artificielle lorsque le lien n'est pas fait par Spinoza lui-même, même de loin...) de divers problèmes de précision posés par Spinoza... Et c'est évidemment là-dessus que les élucubrations se développent le plus rapidement. Reste à savoir s’il n’y a pas tout simplement en la matière des incohérences chez Spinoza même.

- E1P22 : cette proposition n'a pas réellement de démonstration. Spinoza renvoie sans plus de procès à un clone de celle de E1P21, qui est très longue, et - ce qui est déjà assez singulier - appuyée sur un exemple... qui ne concerne qu'elle... Bon, on comprend assez naturellement l'extension de la logique de E1P21 (qui, exprimée, vu la présence d'un intermédiaire supplémentaire, devrait être encore beaucoup plus longue et quasiment incompréhensible), mais qu'il ne dise rien sur un exemple associé est très gênant, et quelque peu cavalier vu la démonstration de E1P21 ; même si un exemple ne peut être considéré comme étant partie du cœur de la démonstration....

Pour moi, elle n'a pas d'exemple puisqu'il n'y en a pas, la proposition ne servant qu'à des fins de négation - "pas un mode éternel et infini découlant du mode infini ("immédiat")" -, pour une filiation courte se terminant avec E2P11. Une proposition qui n'est utilisée que négativement ne peut pas être positivée sans artifice (rapprochement non fait par Spinoza lui-même.)

- E1P31 : déjà, cette proposition n'a aucune filiation (mort immédiate, et on peut se demander pourquoi.) La précédente déjà en a une très brève (E2P4, celle-ci sans filiation.) Mais en outre, sa démonstration m'a toujours parue incongrue, et de mémoire, pas qu'à moi. Que vient donc faire le "désir" en rapport avec un entendement infini, qui ne convient qu'à Dieu... Je passe sur le "en acte" un peu bizarre (qui par la suite ne s'adresse qu'aux choses singulières, l'essence étant actuelle), puisque Spinoza dit en explication qu'il s'agit pour lui d'en appeler à une connaissance directe, concrète, bien connue.

Par cette proposition, sans descendance mais quand-même là, Spinoza laisse entendre qu'il y aurait en Dieu (par "infini"), au niveau des modes éternels et infinis découlant absolument de l'attribut Pensée (donc "immédiats") un mode infini "entendement", un autre "volonté" (bon, ensuite il identifie volonté et entendement, notions générales, ce qui déjà tend à détruire a posteriori cette démonstration), un autre "Amour", un autre "Désir", et encore d'autres par le "etc."

Dieu pourrait donc en particulier être dit "désirer", sans identification de cela à son essence même, qui se confond avec sa puissance, et son… entendement. C’est contredit – évidemment – ailleurs. Il ne manque plus que la tristesse au trio, finalement (dans le etc. ?)…

J'insiste : ce stade est celui de l'immédiateté de la Pensée (et l'entendement s'y trouve bien, en parallèle avec d'autres), et il n'est pas possible de le modifier ensuite, car si l'entendement est cause de tout le reste, la démonstration tombe tout simplement.

Et sont contredites par-là toutes les affirmations de Spinoza disant que le mode infini ("immédiat") de la Pensée est (uniquement) l'entendement infini...

C’est comme si Spinoza voulait à la base faire référence seulement au mode humain (comme E2A3), et avait ensuite déplacé la proposition pour l’étendre en supplément à l’entendement infini… pour finalement n’en rien tirer…

C'est fou ce que cette E1P31 a vocation à disparaître... Mais elle est là... En revanche on ne peut à la fois la reprendre (ce que Spinoza, lui, ne fait pas) et la démentir, autrement dit considérer ensuite qu'il y a une hiérarchie entre l'entendement infini et "le reste"...

- E2P13L7S (déjà dans la "verrue de Physique / Mécanique" mise en introduction de E2P14, et en plus dans un scolie...) - qui a donc été associée par les commentateurs (car Spinoza ne le fait nullement, même indirectement) à E1P22 prise positivement (étant par ailleurs prolongée - de fait cette fois - par la Lettre 64 à Schuller) :

Sa "démonstration" est assez "bizarre", et de mémoire fait aussi partie des plus critiquées (il y a des choses là-dessus sur le site)... En particulier, autant la notion particulière d'individu est bien compréhensible au niveau du mode fini, autant son extension progressive à la Nature entière en détruit quasiment la teneur (même si l'interdépendance générale l'autorise parfaitement en général, et donc ne saurait admettre d'objection "ferme." La conclusion n’est pas contestable non plus.)

Quant à la lettre 64, elle associe avec la facies totius universi "changer" avec "toujours la même..." J'ai donné plus haut la seule interprétation qui me semble viable - et nie qu'il puisse s'agir d'un mode infini et éternel dans le premier cas, évidemment, et d'autre chose que le mode infini ("immédiat") dans le second.

- E2A3 : place l'idée (mais plus question d'infini, donc de Dieu : c'est l'individu qui est au centre ; et on admet par ailleurs qu'au niveau de Dieu, les mots changent de sens, comme la situation) en quelque sorte en amont du reste.

L’extrapolation à Dieu est a priori risquée sur cette seule base.

- E5P35-37 : surprise quand on a oublié, comme Spinoza, depuis bien longtemps, E1P22 (utilisation négative) et E1P31 (pas d’utilisation) : Dieu s’aime (joie) lui-même. La cause extérieure est devenue cause intérieure ; Dieu qui pense comme il est, en tant simplement qu’il est, dont pensant, et qui existe sans cause, fait malgré tout un retour sur soi…

Pourquoi Spinoza fait-il sortir ceci – au niveau de Dieu –, et si tard ? Parce que, comme je l’ai esquissé précédemment, la béatitude accompagne la connaissance du troisième genre, et que celle-ci est proprement divine et éternelle, directement Dieu ? Pour introduire l’Amour de Dieu (qui a proprement parle n’aime ni ne hait personne) pour les hommes (qui est dans le même mouvement l’Amour des hommes pour Dieu, et aussi pour eux-mêmes) ? Les deux probablement.

Bref…

Il faut bien admettre que, même à ce stade tardif, Spinoza distingue bien l’Amour de l’Entendement en Dieu. Comme l’Amour arrive après l’idée (de soi comme cause), et que d’un autre côté ce qui caractérise Dieu est nécessairement éternel et infini, et bien de l’ordre de la Pensée, il ne reste en ne prenant en compte que ce seul point, et donc en occultant tout le reste du texte de Spinoza, dont certaines propositions de l’Ethique même, qu’à faire un soi-disant « mode infini « médiat » » de l’Amour après l’Entendement infini.

En faire un mode infini de même rang ne fonctionne pas, du fait de la primauté de l’idée.

Mais…

- « Médiat » (intermédiaire, transition) entre l’Entendement et quoi ? L’amour particulier associé à l’idée particulière ? Mais l’idée particulière n’est pas encore apparue là, puisqu’on est passé à l’Amour…

- Quel rapport à la facies totius universi, qui change tout le temps tout en restant la même, et qui fait manifestement référence non du tout à la nature de modes infinis de second niveau, mais au temps et donc au canevas (facies = apparence) de modes finis, sur l’étendue infinie de chaque attribut (par exemple, le canevas de corps et mouvement de corps en interaction présents dans l’infinité de l’Etendue, à un instant donné.)

- Quelle compatibilité avec E1P31 ?

- Etc.

Bref, en premier examen, c’est incohérent… Je crois que Spinoza n’a pas du tout considéré l’impact rétrospectif de E5P35-37, alors qu’il concluait l’Ethique dans la haute élévation… Et surtout je ne crois ni que Dieu pense à proprement parler, ni qu’il s’aime…
Connais-toi toi-même.

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Messagepar Vanleers » 11 juin 2013, 17:14

A Hokousai

Je rappelle les définitions que Sévérac donne à la page 46 du livre que vous citez :

« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre »

Qui est ce « on » qui peut concevoir ? Je supposerai qu’il s’agit de l’esprit humain et je mettrai, par exemple, la distinction réelle sous forme d’une proposition :

Proposition P : « Il y a entre les choses A et B une distinction réelle si l’esprit humain peut former une idée claire et distincte de la chose A sans former une idée de la chose B, et si… etc. »

Ce qui me pose problème, c’est la validité de cette proposition.
Pourquoi suffit-il que l’esprit humain forme une idée claire et distincte de la chose A sans former une idée de la chose B, et… etc. pour que, entre les choses A et B il y ait une distinction réelle ?

Je ne vois pas comment prouver cette proposition sans tomber dans un cercle : la proposition P est vraie en vertu du « parallélisme » mais le « parallélisme » n’est vrai qu’en vertu de la proposition P

Et vous ?

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Messagepar hokousai » 12 juin 2013, 00:01

cher Vanleers


Le chapitre 5 des pensées métaphysiques me semble assez difficile à comprendre ( et je peux faire erreur ) Puisque Sévérac s' appuie sur ce chapitre, je vais tenter un résumé .

Pour Descartes les distinctions sont définies par le comment c'est conçu

Distinction réelle: si chaque partie peut être conçues (et donc exister) l'une sans le secours de l'autre. Spinoza s'il rapporte Descartes ne parle là que de distinction entre deux substances ( pas plus ) .

Distinctions modales
1) entre un mode et sa substance
2)entre deux modes d'une même substance
C'est une compréhension de ce que c'est que "mode" pour Descatres ; Pour le 2)Spinoza semble rajouter que les deux modes peuvent certes se concevoir sans le secours l'un de l'autre mais pas sans le secours de la substance.
pour le 1) le mode ne peut être conçu conçu sans la substance non plus .

.. enfin la distinction de raison est de raison parce que en vérité telle substance ne peut être conçue sans tel attribut.

Par la distinction de raison on distingue la substance de son attribut comme on le fait quand la durée est distinguée de l'étendue On voit que pour substance et attribut c' est pour faire comprendre une chose . Car en vérité telle substance ne peut être conçue sans son attribut . On fait banalement comme pour la durée et l'étendue et on ne devrait pas le faire . On le fait pour faire comprendre .
...........................................

De distinction réelle ( entre deux substances) Spinoza ne peut que la refuser puisqu' il n y a pas pour lui deux ou plusieurs substances.

Pour les distinctions modales elles peuvent être admises car les modes ne sont pas en Dieu mais sont des altération de la substance . On peut distinguer les modes entre eux et distinguer les modes de la substance sauf qu'il faut bien comprendre ce que c'est que les modes . Et comprendre qu'il y a une sorte de distinction( dite modale ) Distinction qui ne peut se faire sur rien d'autre . Distinction unique en son genre . La distinction modale est une distinction si l'on veut et pas vraiment .C' est une distinction sous réserves.

Les distinctions de raisons ( qui existent comme modes de la pensée ) peuvent être admises à titre d' utilité pour faire comprendre une chose .
......................................
Spinoza termine par cela :nous n'avons cure du fatras des distinctions des péripatéticiens;passons donc à la vie de Dieu.
......................................

Alors ... que deviennent ces définitions dans l"oeuvre de Spinoza nous demande Sévérac ? et il énonce donc ce que vous citez.

il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A
Chez Spinoza il n'y a rien hors la substance qui puisse se concevoir sans le secours d' autres choses. Pour Descartes la distinction réelle est possible puisqu'il ya deux substances. Si je prends Séverac au pied de la lettre il ny a aucune distinction réelle de possible . Seule la substance est réélle et ne se distingue de ses modifications que par distinction modale .

Ce qu'il dit sur la distinction modale est juste mais quand même partiel et trop résumé pour qu' on comprenne.

Ce qu'il dit sur la distinction de raison
qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre
Ce n'est pas faux. Puisque je ne peux concevoir substance et attribut l'un sans l'autre( par exemple ) alors ma distinction n'est que de raison. De même pour esprit humain et corps.

Mais pour moi c'est partiel . Je peux faire des distinctions de raisons alors que je conçois l'un sans l'autre . Par exemple le genre des invertébrés avec telle ou telles espèce mais qui persiste sans telles ou telles espèces . J'utilise des êtres de raison .( et Spinoza critique: Les êtres de raisons sont des non êtres ). Je confonds des êtres réels avec des êtres de raison. On voit que la distinction de raison peut recouvrir un vaste champ.

Quand on parle de distinction de raison on ne peut pas ( me semble- t-il ) ne pas penser aussi aux êtres de raison .
Distinction de raison ça peut renvoyer
à pour faire comprendre mieux
à des distinctions entre "êtres de raisons"
et puis aussi au travail de la Raison .

Ce que je reproche à Sévérac c'est d'avoir réduit "distinction de raison" à UN exemple et puis de sembler pouvoir appliquer en général à n' importe quoi d 'un peu "pas vraiment réel "

bien à vous
hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 12 juin 2013, 18:53, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 12 juin 2013, 10:57

(Compléments apportés à mon message précédent à Hokousai) :

- E1P31 : bon, finalement, je comprends cette proposition / démonstration : Spinoza affirme que nous savons assurément qu'il y a au sein de la Pensée des modes (du penser, donc), qu'ils soient finis ou infinis peu importe, qui se distinguent en nature. Précisées par la suite ces "manières du penser" sont : 1) l'idée, qui est affirmation ; 2) le désir, qui est effort... et conscience d'effort... ; 3) l'émotion, joie / tristesse, qui est... "ressenti d'évolution de valeur intrinsèque." Par conséquent il est impossible d'assimiler l'Entendement (idées seules), fut-il infini, à l'attribut Pensée.

(Une discussion avait déjà été amorcée ici sur ce sujet.)

- Cela n'est cependant pas sans poser de délicats problèmes...

- Sauf erreur, Spinoza ne traite tout simplement pas du désir et de l'émotion - ou Joie-Tristesse - (qu'il qualifie de notions générales, mais il le fait aussi pour l'entendement humain) en tant que "modes infinis en leur genre" (traduction des différentes "natures du penser" précédentes) - si toutefois cela, qui n'existe pas chez Spinoza, du moins explicitement, a un sens. De fait, il zappe la chose (traduction en Dieu de ces "modes du penser différents en nature de l'idée" ?) intégralement, sauf omission de ma part (des extraits sont donnés dans Désir, joie et amour, tristesse, béatitude.)

- L'idée précède forcément le désir et l'émotion (E2A3) MAIS (même axiome) il peut y avoir idée sans désir ni émotion. Ceci 1) oblige à mettre l'idée en précédence. Et Spinoza dit bien en plusieurs lieux que le mode infini de la Pensée est l'Entendement absolument infini, point (Idée de Dieu dans la Pensée que nous connaissons) ; 2) interdit en même temps de faire du Désir et de l’Émotion des "modes infinis en leur genre" parallèles à l'Entendement (et même remarque) ; 3) interdit de faire du désir et de l'émotion des "modes infinis en leur genre" parallèles entre eux dans l'Entendement, parce que cela mettrait au même niveau les modes finis de l'Entendement (idées) et ces supposés modes infinis en leur genre. En outre, il conviendrait de s'interroger sur l'implication mutuelle du désir et de l'émotion.

Cela interdit d'en faire des prétendus "modes infinis médiats", qui n'en devraient pas moins découler de l'attribut de manière absolue (E1P22), autrement dit en hériter infinité (absolue) et éternité (automaticité.) De fait, E1P31, loin de la conforter, coule cette option... Ceci est en fait déjà impliqué par ce qui précède. Cela n'a en outre aucun rapport à la facies totius universi.

Quant à la facies totius universi ("face de l'univers entier" : canevas de modes finis sur tout l'attribut infini à un instant donné), dite changer par Spinoza, elle ne peut être éternelle, outre d'être évidemment liée aux modes finis. En tant que "toujours la même" il s'agit de l'attribut équipé de son mode infini ("immédiat") - c'est probablement la même chose, en fait, mais passons ici - qui en effet ne se distingue que par une distinction de Raison, et donc pas réellement, de "l'infinité des facies totius universi changeantes réunies". Exit donc aussi la facies totius universi comme prétendu "mode infini médiat" (et donc de tout "mode infini médiat", puisque la phrase de la lettre 64 est bien là, et bien de Spinoza...)

En bref, il y a un problème à subordonner le désir et l'émotion à l'idée - l'Entendement étant bien dit mode infini ("immédiat") de la Pensée -, tout en disant qu'ils sont de natures différentes (au sein de la Pensée) de cette idée, et entre eux.

Si l'on se réfère maintenant à l'Amour intellectuel de Dieu pour lui-même, il faut convenir que l'Amour vrai (vraie joie, ou béatitude, qu'accompagne, etc.) accompagne automatiquement l'idée vraie (et Dieu n'a que des idées vraies), la joie ordinaire et la tristesse n'accompagnant - ou n'accompagnant pas : neutre - que les idées inadéquates. Mais comment peut-on dire alors qu'Entendement et Amour se distinguent ? Le désir à l'avenant... Ce dernier pourrait aussi être dit - Spinoza dit bien que ce n'est pas à proprement parler - être en Dieu en tant qu'expression / affirmation de sa puissance, ne se distinguant pas de celle-ci, laquelle ne se distingue pas de son Entendement. Lequel ne se distingue pas de l'Amour qu'il se porte ?

Ceci est clairement l'option de loin la plus économique, vu le bazar précédent. Mais ne colle pas à E1P31 et E2A3 ; au moins à E1P31 pour la partie "infini." Et si l'on veut éliminer cela (donc supprimer au moins E1P31, qui ne coûte rien de plus à l'Ethique), il va falloir travailler plus avant sur le désir et l'émotion en tant que modes différents en nature de l'idée, tout en étant subordonnés à l'idée mais non automatiques... On pourrait par exemple considérer le désir et l'émotion plutôt comme des propriétés intrinsèques de l'idée, qui peuvent prendre la valeur "zéro", etc. Mais j'arrête là n'ayant aucune intention de, ni prétention à, plier le sujet ici...
Connais-toi toi-même.


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