Miam a écrit :Soit Dieu a la même idée inadéquate que moi, quand bien même elle serait "composée" (????) avec d'autres, soit il ne l'a pas. Vous ne voyez pas où est l'incohérence?
Bon, voici donc où se trouverait selon vous l'incohérence, si je l'ai bien compris:
- soit Dieu a exactement la même idée inadéquate que moi, mais alors, vu qu'en lui toute idée est vraie, cette même idée inadéquate doit être néanmoins vraie en Dieu. Et donc il existe des idées vraies et inadéquates, au moins en Dieu. C'est votre point de vue, si je l'ai bien compris.
- soit Dieu n'a pas exactement la même idée inadéquate que moi, mais alors on ne peut pas dire que cette même idée en lui est inadéquate, puisqu'il n'a même pas cette idée, tout court. Autrement dit: l'inverse de votre point de vue est absurde.
Alors comme vous constatez que je ne suis pas d'accord avec votre conclusion (car je dis qu'il n'y a pas d'idées vraies et inadéquates), vous supposez que je me situe dans la deuxième partie de l'alternative, celle qui est absurde.
Mais c'est là que vous vous trompez (ou que je me suis mal exprimée, peu importe). Les deux alternatives ci-dessus contiennent un seul et même présupposé: Dieu PEUT avoir des idées inadéquates. Et c'est LÀ qu'on n'est pas d'accord, pour l'instant. Votre présupposé, c'est que Dieu peut avoir des idées inadéquates, mon présupposé, c'est que Dieu ne peut PAS avoir des idées inadéquates.
A partir de ce moment-là, on voit que l'idée que je défends n'est pas celle qui coïncide avec la deuxième partie de votre alternative. C'est l'alternative en tant que telle qui a mon sens n'est pas valide, car elle repose sur un présupposé auquel pour l'instant je ne crois pas. Et alors il s'agit d'essayer de tester/fonder ensemble les deux présupposés différents, le vôtre (Dieu peut avoir des idées inadéquates) et le mien (il ne peut pas en avoir). But de l'opération: très simple, juste mieux comprendre Spinoza.
Dans ce cas, pour d'abord essayer de mieux comprendre en quoi consistent ces présupposés, la première question à se poser est à mon sens la suivante: que voulons-nous dire par 'avoir des idées inadéquates'?
Voici ce que cela signifie pour ma part. J'ai l'impression que chez Spinoza Dieu n'a PAS d'idées inadéquates. AUCUNE. Pourquoi? Une idée inadéquate est une idée mutilée. Or seuls les modes peuvent avoir des idées mutilées. Dieu pas, puisque par définition, il com-prend tout. Il faut un point de vue local pour pouvoir arriver à une idée mutilée. Dieu n'a qu'un point de vue d'ensemble. Vous pourriez objecter qu'il est immanent, et donc qu'il n'a pas un point de vue SUR cet ensemble. C'est vrai, bien sûr, mais cela n'empêche qu'en lui, une idée ne peut être partielle, vu qu'immédiatement, elle est complétée par ce qu'il faut pour lui restituer son unité réelle. L'idée complète, ce n'est pas cette même idée mutilée qui s'est transformée. C'est une nouvelle idée, qui a l'idée inadéquate et les idées qui la complètent comme objet. On pourrait donc dire que les idées inadéquates sont des OBJETS de l'entendement divin, mais cet entendement lui-même n'est constitué que par des idées adéquates. Que Dieu a une idée de tout signifie que toute chose et toutes les idées sont les objets de son entendement. Dieu 'a' des idées adéquates au sens où celles-ci forment son entendement. Mais Dieu 'a' des idées inadéquates seulement dans la mesure où celles-ci sont des objets de son entendement, donc objet d'idées adéquates.
Pour le dire encore autrement: avoir une idée inadéquate (non pas comme objet mais dans son Esprit), c'est pâtir. Dieu ne pâtit pas, il ne peut qu'agir. Il ne peut donc avoir des idées inadéquates. Puis une partie des idées inadéquates sont des imaginations. Dieu a-t-il la capacité d'imaginer? Non, imaginer est une faculté purement modale.
Inversement, quelles seraient pour vous les raisons qui permettent de supposer que Dieu est capable d'avoir une ideé inadéquate (donc pas en tant qu'objet de ses idées, mais en tant qu'une de ses idées à lui)? Et qu'est-ce qui vous semble éventuellement être peu spinoziste dans ce que je viens d'écrire?
Pour le reste de votre message: je vois qu'entre-temps Flumigel a ci-dessous déjà résumé l'essentiel de ce qu'on peut en dire, donc je viens de modifier ce message-ci pour essayer de mieux expliciter mon idée cc le sujet en discussion tout en laissant tomber mes autres remarques. Je tenais juste encore à rectifier ceci: dans les pages précédentes de ce fil de discussion et dans celui sur les paresseux, en ce qui concerne l'hermitage je défends systématiquement la même idée que vous, c'est-à-dire que chez Spinoza, le sage ne peut être un solitaire. Si vous croyez que je pensais l'inverse, il s'agit simplement d'une erreur.
louisa