Phobie sociale, autisme...et Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 31 juil. 2007, 23:38

Miam a écrit :1° « Toutes les idées, en tant qu’elles sont rapportées à Dieu sont vraies » (II 32)
Et parmi celles-ci :
2° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue l’essence du Mental seul, sont adéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d)
3° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue non l’essence du Mental seul, mais aussi et simultanément les mentaux d’autres choses, sont inadéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d).
(il est évident que toutes les idées sont adéquates en Dieu.)

Par conséquent une idée vraie peut être adéquate ou non.


je tombe par hasard sur ce passage:

V 7: "Toutes les idées, en tant qu'elles se rapportent à Dieu, sont vraies, c'est-à-dire adéquates."

Disons qu'éventuellement je me suis trompée dans mon dernier message, et que pour vous, Dieu ne peut effectivement pas avoir d'idées inadéquates (ce que vous affirmez alors ci-dessus dans la phrase entre parenthèses).

Mais si toutes les idées, en tant qu'elles se rapportent à Dieu, sont adéquates, si l'on suit votre raisonnement (qu'une idée vraie peut être inadéquate), ne faudrait-il pas dire également qu'une idée inadéquate pourrait être adéquate (il suffirait également de la rapporter à Dieu, pour que la même idée, qui d'après vous devient du coup vraie, devienne également adéquate)?

Or une seule et même idée qui est simultanément inadéquate et adéquate, cela serait-il possible pour vous?

Si non: si ce n'est pas possible pour l'adéquation, cela devrait a fortiori être impossible pour la vérité. Et alors appeler l'idée inadéquate vraie en Dieu n'est pas possible non plus.

Si oui: comment concilier cela avec le fait que l'adéquation est définie comme ce qui constitue l'essence de l'idée vraie? Autrement dit, si l'adéquation est une propriété intrinsèque de l'idée, une idée adéquate qui serait en même temps une idée inadéquate, ce serait tout de même une contradiction, bref quelque chose qui ne peut exister dans une seule et même chose/idée?

C'est pourquoi à mon sens la seule façon de comprendre le fait qu'en Dieu toutes les idées sont adéquates, c'est de supposer que Dieu n'a jamais que des idées DE nos idées inadéquates, c'est-à-dire qu'il n'a des idées inadéquates qu'en tant qu'objets de ses idées. Et alors ce n'est pas la MÊME idée qui est inadéquate ou adéquate, en fonction du point de vue. L'idée inadéquate reste inadéquate, elle n'est jamais qu'un objet de l'entendement divin, pas plus. De même pour l'idée vraie: l'idée inadéquate n'est pas la même idée que l'idée vraie que Dieu en a. C'est pourquoi une idée vraie ne peut jamais être inadéquate.

Variante sur le même argument: l'idée adéquate constitue par définition l'essence même de l'idée vraie. Alors comment une idée vraie pourrait-elle en même temps être inadéquate? Ce serait tout de même entièrement en contradiction avec la 4e définition de la 2e partie?
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Messagepar Louisa » 01 août 2007, 22:28

Miam a écrit :Les idées composées, ce n'est pas du Spinoza mais du Descartes.


Ethique III 3, démo:
"Le premier à constituer l'essence de l'Esprit, ce n'est rien d'autre que l'idée du Corps existant en acte, laquelle se compose de beaucoup d'autres, dont certaines sont adéquates, et certaines inadéquates."

En latin: "idea Corporis (...) ex multis aliis componitur, quarum quaedam sunt adaequatae, quaedam autem inadaequatae".

Conclusion: chez Spinoza, il existe un tas d'idées composées. Toute idée qui constitue l'essence d'un Esprit humain, est composée. Composée d'idées adéquates, et d'idées inadéquates.

Qu'est-ce qui vous fait penser que les idées composées, 'ce n'est pas du Spinoza'?
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Messagepar Joie Naturelle » 23 août 2007, 13:47

Louisa a écrit : le sage est celui qui essaie de s'UNIR à la nature entière, et cela par la connaissance (connaissance de toutes les parties de la nature). C'est donc celui qui voit en quoi tout est en Dieu et TOUT EST DU DIEU, qui voit en quoi tout est nécessaire et entièrement déterminé par Dieu. Le sage est celui qui sait et qui sent qu'il n'y a pas de distinction réelle entre les modes, dans la nature. Qui sait que nous obéissons TOUS, sans exception, aux mêmes lois, et que l'on n'a pas le choix.


Le sage est-il quant à lui nécessairement sage, ou peut-on admettre une manifestation de la volonté pour devenir sage ? On devient par le travail. Le travail semble a priori dépendre, au moins en partie, de la volonté. Car rien n'empêche quelqu'un de décider de travailler, alors même qu'il sent que sa pente naturelle l'inciterait à ne rien faire.

Je me sens au fond de moi-même paresseux, mais je décide malgré tout de m'obliger à un travail régulier, ne serait-ce que pour prouver l'existence de ma liberté. Je peux le décréter, car même si je ne pense pas moi-même naturellement à le faire, un autre peut m'en soumettre l'idée. Et de fait alors, j'agis tel que j'ai dit.

La raison doit donc bien me permettre de lutter contre ma nature, mais ce travail par la raison doit au bout du compte se révéler pour moi épuisant, tant et si bien que je finis par retourner à ma pente naturelle dès que je suis vaincu par la fatigue, le découragement, ou même la simple inadvertance.

Point de sage qui se force trop, donc. Serait-il d'ailleurs bien sage que de s'y essayer ? L'obsession à vouloir devenir sage tounerait vite à la névrose ou à la caricature. La détermination paraît bien belle, mais lorsqu'elle éprouve trop durement les limites naturelles (bien réelles) d'un corps ou d'un esprit, elle n'aboutit qu'à l'épuisement.

Il y a donc toutes les chances pour que le sage, le vrai, n'ait fait que suivre sa pente naturelle, encouragée seulement par un effort raisonnable, et non point excessif. N'est pas sage qui veut, et l'on ne peut tout au plus que vouloir devenir ce que l'on n'est pas, sans jamais y réussir. Aspirer à devenir quelque chose ou quelqu'un est un sentiment qui fait vivre, et quand on y parvient, on ne fait que découvrir ce qu'on était dès le départ.

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Messagepar Louisa » 29 août 2007, 19:23

Bonjour Flumigel,

à mon (humble) avis, ce que tu écris est peu spinoziste. J'essayerai d'expliquer pourquoi.

Flumigel a écrit :Le sage est-il quant à lui nécessairement sage, ou peut-on admettre une manifestation de la volonté pour devenir sage ?


si chaque philosophe invente de nouvelles questions, de nouveaux problèmes, alors je crois qu'on peut dire que cette question n'est PAS une question spinoziste. Pourquoi? Parce que d'abord pour Spinoza tout est déterminé (la 'nécessité' est la seule modalité de l'être). Tout est nécessaire. Rien n'est contingent (voir l'E1P29). A partir de ce moment-là, ou bien il faut nier la volonté, ou bien il faut la redéfinir telle qu'elle ne s'oppose plus à la nécessité. C'est ce que fait Spinoza. La volonté n'est pour lui rien d'autre que l'affirmation enveloppée par l'idée. Ou comme il le dit en E1P32: "La volonté n'est qu'une certaine manière de penser précise", et cette volonté elle-même est toujours nécessaire ou 'forcée'. Ou comme il le dit dans le scolie de l'E3P2: "les décrets de l'Esprit ne sont rien d'autre que les appétits eux-mêmes".

Conclusion: le sage est nécessairement sage, ET le sage VEUT devenir sage.

Flumigel a écrit :On devient par le travail.


ou est-ce que Spinoza dirait cela?

Je dirais plutôt: toute chose singulière est nécessairement déterminée à exister et à opérer de manière précise. Autrement dit, tout ce qui existe nécessairement produit des effets. Nous sommes productives par essence, pour Spinoza. Nous n'avons pas le choix.

Flumigel a écrit : Le travail semble a priori dépendre, au moins en partie, de la volonté.


pour Spinoza, on peut déterminer le corps à faire quelque chose. Mais la Détermination du corps n'est rien d'autre que le Decret de l'esprit. Il s'agit d'une seule et même chose (un acte que nous posons, pe), tantôt considérée sous l'attribut de la pensée (Decret ou volonté), tantôt sous l'attribut de l'étendue (Détermination du corps). Or jamais la volonté peut 'déterminer' le corps à faire quelque chose. Le corps y est toujours déterminé par un autre mode corporel. Tout comme la volonté elle-même est toujours uniquement causée par un autre mode de la pensée.

Nos actes dépendent donc toujours de causes, mais ces causes se situent toujours dans un seul et même attribut. La volonté ne peut causer QUE des idées, pas des mouvements corporels.

Car rien n'empêche quelqu'un de décider de travailler, alors même qu'il sent que sa pente naturelle l'inciterait à ne rien faire.


on peut dire cela, mais c'est l'inverse de ce que dit Spinoza. Voir ci-dessus: nos Decrets ou volontés ne sont rien d'autre que des Appétits ... . Et tout est naturel, chez lui. Aussi bien nos appétits que nos volontés (ce qui est logique, puisqu'il les identifie; et puisque hors de la Substance ou de la Nature, il n'y a rien).

Je me sens au fond de moi-même paresseux


pour Spinoza, il s'agit d'une idée inadéquate. Ton essence se définit par un effort. Et on est déterminé à faire ce que notre essence est.

Flumigel a écrit :mais je décide malgré tout de m'obliger à un travail régulier, ne serait-ce que pour prouver l'existence de ma liberté.


si c'est ce que tu décides, alors ce décret a toujours une cause, il n'arrive jamais 'malgré tout'. La cause, en plus, est toujours efficiente, pas 'finale'. Tu ne fais rien 'en vue de quelque chose' (même si en effet c'est comme ça que nous sentons spontanément notre vie humaine), tu fais toujours quelque chose parce qu'une cause antérieure te détermine à le faire. Si donc tu t'imposes un travail régulier, c'est parce que tu viens d'avoir compris que c'est mieux pour pouvoir augmenter ta puissance d'agir que de faire un travail irrégulier (ou parce qu'une cause extérieure t'en oblige).

Flumigel a écrit :Je peux le décréter, car même si je ne pense pas moi-même naturellement à le faire, un autre peut m'en soumettre l'idée. Et de fait alors, j'agis tel que j'ai dit.


en quel sens?

Flumigel a écrit :La raison doit donc bien me permettre de lutter contre ma nature


Pour Spinoza, rien ne peut aller contre une nature, sauf une nature extérieure plus forte que celle-là, et alors c'est pour la détruire. La raison permet de lutter contre les idées inadéquates, mais justement, ces idées sont définies par le fait qu'elles ne sont PAS causées par ma nature ... .

Flumigel a écrit : mais ce travail par la raison doit au bout du compte se révéler pour moi épuisant, tant et si bien que je finis par retourner à ma pente naturelle dès que je suis vaincu par la fatigue, le découragement, ou même la simple inadvertance.


oui, c'est en effet le prix de la sagesse telle que la conçoivent les non-spinozistes (une sagesse qui serait 'contre-nature'). Chez Spinoza, la sagesse demande l'inverse: essayer de maximalement conserver sa propre nature, au lieu de lutter contre elle.

Flumigel a écrit :Point de sage qui se force trop, donc. Serait-il d'ailleurs bien sage que de s'y essayer ? L'obsession à vouloir devenir sage tounerait vite à la névrose ou à la caricature. La détermination paraît bien belle, mais lorsqu'elle éprouve trop durement les limites naturelles (bien réelles) d'un corps ou d'un esprit, elle n'aboutit qu'à l'épuisement.


à mon sens, chez Spinoza on n'a pas le choix: on veut tous devenir plus heureux, c'est-à-dire plus puissants, c'est-à-dire plus sages ... . On peut l'appeler une obsession, si tu veux, mais c'est une obsession à laquelle nous sommes condamnés 'éternellement'.
La raison définit notre nature même. Faire dépendre davantage de nos actes de notre raison n'épuise pas notre énergie, au contraire, c'est précisément ce qui fait AUGMENTER le degré de notre puissance ... .

Flumigel a écrit :Il y a donc toutes les chances pour que le sage, le vrai, n'ait fait que suivre sa pente naturelle, encouragée seulement par un effort raisonnable, et non point excessif. N'est pas sage qui veut


je ne vois même pas QUI pourrait être 'sage', dans ta conception du sage? Il faudrait un sage inné, quelqu'un qui sait déjà tout sur le monde avant d'avoir été affecté par les choses du monde. C'est un peu absurde tout de même, non?

Flumigel a écrit : et l'on ne peut tout au plus que vouloir devenir ce que l'on n'est pas, sans jamais y réussir. Aspirer à devenir quelque chose ou quelqu'un est un sentiment qui fait vivre, et quand on y parvient, on ne fait que découvrir ce qu'on était dès le départ.


quel serait le sens de parler d'un 'devenir' si c'est pour être à la fin ce qu'on était toujours déjà ... ?
Cordialement,
Louisa

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Messagepar Joie Naturelle » 29 août 2007, 22:44

Louisa a écrit :je ne vois même pas QUI pourrait être 'sage', dans ta conception du sage? Il faudrait un sage inné, quelqu'un qui sait déjà tout sur le monde avant d'avoir été affecté par les choses du monde. C'est un peu absurde tout de même, non?


Bonjour Louisa,
Tu me pardonneras de ne répondre qu'au compte-gouttes à ton argumentation. Il me faut du temps pour conceptualiser et assimiler. Mon esprit n'est pas forcément des plus rapides ni des plus performants pour ce faire.

Pour moi, un homme reçoit en grande partie la sagesse de façon innée. Il ne la reçoit pas dans le sens où il sait déjà tout sur le monde en naissant, bien sûr. Il va devenir un sage parce que c'est suffisamment en lui (dans ses gènes), et qu'il suivra donc ainsi sa pente naturelle, son essence, ce qui le définit
.
Lorsqu'il naît, la nature a déjà fait de lui un sage, mais au départ personne ne le sait, de la même manière que la nature détermine le sexe d'un embryon avant que les humains ne puissent constater qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille.

Le sage n'est donc certes pas encore un sage lorsqu'il est enfant, car il est trop jeune pour cela. En revanche, je pense qu'il a déjà en lui, de façon latente, toutes les qualités pour le devenir.

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Messagepar Joie Naturelle » 29 août 2007, 22:58

Louisa a écrit :Parce que d'abord pour Spinoza tout est déterminé (la 'nécessité' est la seule modalité de l'être). Tout est nécessaire. Rien n'est contingent (voir l'E1P29). A partir de ce moment-là, ou bien il faut nier la volonté, ou bien il faut la redéfinir telle qu'elle ne s'oppose plus à la nécessité.


Oui, je sais cela. Mais j'ai lu dans un vieil ouvrage d'Henri Sérouya, ceci : "Dans un sens restreint, Spinoza admet l'homme libre quand celui-ci vit suivant le commandement de la raison ou est conduit par la seule raison"

Dans quel cas, alors, la raison s'exprime-t-elle librement ?

L'auteur cite ensuite Delbos : "La liberté véritable n'est originairement que la puissance naturelle de l'individu comprise dans la puissance totale de l'univers; et comme la puissance de l'individu n'est autre chose que son essence actuelle, que le développement réel de cette puissance est identique au développement géométrique de cette essence, on peut dire que pour tout individu, comme pour Dieu, la liberté est au fond la nécessité d'agir selon ce qu'il est. Seulement, la liberté des individus dans l'univers est une liberté naturée, tandis que la liberté de Dieu est une liberté naturante."

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Messagepar Joie Naturelle » 29 août 2007, 23:30

Louisa a écrit :
à mon sens, chez Spinoza on n'a pas le choix: on veut tous devenir plus heureux, c'est-à-dire plus puissants, c'est-à-dire plus sages ... . On peut l'appeler une obsession, si tu veux, mais c'est une obsession à laquelle nous sommes condamnés 'éternellement'.
La raison définit notre nature même. Faire dépendre davantage de nos actes de notre raison n'épuise pas notre énergie, au contraire, c'est précisément ce qui fait AUGMENTER le degré de notre puissance ... .


Pourquoi dis-tu qu'on veut tous devenir plus sages ? Qu'est-ce qu'un sage pour toi ? N'est-ce pas une personne qui "choisit" d'être conduite par la raison, plutôt que par ses passions ? Pourquoi tout le monde aspirerait-il à devenir plus sage ? N'y a-t-il pas des êtres qui trouvent un malin plaisir à ne pas l'être ?

D'accord pour dire qu'on augmente notre degré de puissance en faisant dépendre nos actes de notre raison. Mais en même temps, pourquoi le fait de faire systématiquement dépendre nos actes de notre raison ne pourrait-il pas nous épuiser, lorsqu'on est naturellement peu enclin à suivre sa raison ? Aller à contre courant (pour suivre notre raison) demande des efforts, et les efforts coûtent de l'énergie, donc fatiguent.

Aspirer à la sagesse, c'est une chose, mais faire en sorte de s'en approcher en est une autre, et cette dernière épuise lorsqu'on se sent devoir accomplir trop d'efforts de façon trop répétée.

Je ne sais si je déraisonne. Je sens que tu vas me contredire...

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Messagepar Joie Naturelle » 30 août 2007, 08:36

Louisa a écrit :
Flumigel a écrit : mais ce travail par la raison doit au bout du compte se révéler pour moi épuisant, tant et si bien que je finis par retourner à ma pente naturelle dès que je suis vaincu par la fatigue, le découragement, ou même la simple inadvertance.


oui, c'est en effet le prix de la sagesse telle que la conçoivent les non-spinozistes (une sagesse qui serait 'contre-nature'). Chez Spinoza, la sagesse demande l'inverse: essayer de maximalement conserver sa propre nature, au lieu de lutter contre elle.


Spinoza pense donc que tous les êtres naissent utiles pour l'espèce, et qu'une nature "nuisible" n'existe pas ? Je laisse un peu de côté les termes de bon et de mauvais, puisque ceux-ci ne sont que des concepts humains qui n'existent pas dans la nature.

Un être nuisible doit-il suivre sa nature sans jamais chercher à l'entraver ? Si la science découvre un jour des origines génétiques à certaines pathologies (comme la pédophilie par exemple), que faudra-t-il faire ?

Excuse-moi par avance si mes raisonnements te paraissent primaires. Je suis conscient que la pensée de Spinoza ne doit pas se résumer à si peu de choses. Mais je n'ai aucune formation de philosophie. Je n'ai fait de la philo que l'année de mon bac, en 1989, et rien depuis. Je n'ai commencé à m'intéresser à Spinoza qu'en 2006, et en autodidacte complet. Il est donc normal que certaines choses m'échappent encore.

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Messagepar Louisa » 30 août 2007, 10:46

Bonjour Flumigel!

Flumigel a écrit :Tu me pardonneras de ne répondre qu'au compte-gouttes à ton argumentation. Il me faut du temps pour conceptualiser et assimiler. Mon esprit n'est pas forcément des plus rapides ni des plus performants pour ce faire.


comme je crois qu'en philosophie, le plus difficile c'est plutôt de 'ralentir' la pensée, afin de prendre le temps d'expliciter tout ce qu'on supposait être évident sans l'avoir déjà bien examiné, 'se faire ralentir' par quelqu'un est toujours un plaisir ... :D. Merci déjà donc de tes commentaires!

Flumigel a écrit :Pour moi, un homme reçoit en grande partie la sagesse de façon innée. Il ne la reçoit pas dans le sens où il sait déjà tout sur le monde en naissant, bien sûr. Il va devenir un sage parce que c'est suffisamment en lui (dans ses gènes), et qu'il suivra donc ainsi sa pente naturelle, son essence, ce qui le définit
.
Lorsqu'il naît, la nature a déjà fait de lui un sage, mais au départ personne ne le sait, de la même manière que la nature détermine le sexe d'un embryon avant que les humains ne puissent constater qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille.

Le sage n'est donc certes pas encore un sage lorsqu'il est enfant, car il est trop jeune pour cela. En revanche, je pense qu'il a déjà en lui, de façon latente, toutes les qualités pour le devenir.


comme tu sembles ici parler de ta propre opinion, et non plus de la pensée de Spinoza, je laisse un instant celui-ci de côté pour te donner la mienne.

Ce que je crois qu'on 'sait' pour l'instant, c'est que le QI serait lié à un facteur par nécessairement inné, mais bel et bien 'héréditable' (ce qui signifie que cela peut aussi bien être transmis par l'éducation, mais ce n'est pas certain, on n'en a pas encore de preuves scientifiques). Et alors en principe ceux qui ont un QI au-dessus de 130 sont ceux qui se trouvent au-dessus de 98% de la population dans laquelle ils vivent, lors d'un test standardisé (comme ceux de Wechsler), la moyenne étant de 100. Quelques examens de cerveau de ces 'surdoués' montreraient que les axones et dendrites des neurones (donc ce qui lie les neurones entre eux) seraient protégés par une couche de myéline beaucoup plus épaisse que chez les 'normalement doués', ce qui faciliterait la transmission de l'information et donc la vitesse de pensée. Les gènes étant principalement des 'codes' pour la production de certaines protéines, rien n'exclut que cette couche isolatrice de myéline soit en partie régulée par un ou plusieurs gènes.

Or il se fait que seulement une minorité de ces surdoués n'est pas en décrochage ou échec scolaire. La raison: ce type de cerveau se caractériserait également par un aspect 'sur-' dans tous les domaines de l'activité cérébrale. Ainsi les surdoués souvent sont-ils hypersensibles, perçoivent-ils davantage de choses, mais sont-ils également plus susceptibles, très perfectionnistes (souvent trop pour pouvoir être vraiment efficaces), ayant des difficultés de concentration à cause d'une pensée peu séquentielle mais surtout en arborescence, etc.

Si donc Einstein avait un QI qui dépassait les 160, le fait qu'il ait pu réellement se servir d'un tel cerveau fait de lui un surdoué qui a pu apprendre comment gérer sa 'douance', chose qui dépendrait avant tout d'un milieu éducatif très particulier. Car cette 'aptitude à être affecté', pour le dire en des termes spinozistes, peut donner lieu à une réelle puissance d'agir et de penser très grande, mais elle peut également être un handicap de telle sorte que la personne va apprendre à se protéger contre cette sensibilité, se créer un 'faux self', et passer à la 'inhibition intellectuelle', c'est-à-dire entrer dans un cercle infernal de souffrance, plutôt que de développer ce 'potentiel'.

Sur base de cela, on dirait que si la 'sagesse' était 'innée', comme tu le dis, cela ne peut pas être correlé au QI, puisqu'avoir un QI élevé dans beaucoup de cas est plutôt un désavantage qu'un avantage, et ne donne lieu à de vrais 'sages' que dans certaines circonstances très spécifiques, plutôt rares. Et pourtant, le QI est quelque chose que l'on peut déjà mesurer chez des enfants de 6 ans, et qui est censé rester stable pendant toute sa vie. S'il fallait donc chercher un facteur inné, ce serait un bon candidat.

Or comme tu dis aussi: pour devenir véritablement un sage, il faut bien acquérir un savoir très spécifique, qu'un enfant n'a pas encore. C'est pourquoi j'ai l'impression - provisoire - qu'il est difficile de lier la sagesse à une quelconque 'prédestination'. Certes, on parle actuellement des surdoués comme étant des gens à 'haut potentiel', mais cela précisément parce que dans beaucoup de cas, ce potentiel ne se réalise jamais, à cause de l'absence d'un environnement adapté à leur mode de fonctionnement. Mais cela ne fait que renforcer l'idée que devenir sage est un réel processus, non seulement parce qu'il faut effectivement acquérir un certain type de savoir (lequel, d'ailleurs?), mais aussi parce que celui qui a a priori potentiellement davantage de capacités de sentir et de penser, doit encore apprendre à maîtriser ces capacités au lieu d'en être la première victime.

Dans ce cas, un 'sage futur' aurait déjà un tas de qualités 'innées' dès avant la naissance, mais ces mêmes qualités peuvent tout aussi bien devenir de grands défauts (littéralement: les troubles psychosomatiques et psychiatriques sont assez fréquents), en fonction de l'environnement dans lequel un tel enfant est mis (exemple: étant hypersensibles ils sont souvent plus angoissés, car ils perçoivent plus de dangers etc, c'est pourquoi ils ont davantage que d'autres enfants besoin d'un environnement affectivement très très stable, un peu comme les autistes, etc).

Mais tu pensais peut-être à un autre type de 'qualités innées'?

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Messagepar Louisa » 30 août 2007, 10:59

Flumigel a écrit :Oui, je sais cela. Mais j'ai lu dans un vieil ouvrage d'Henri Sérouya, ceci : "Dans un sens restreint, Spinoza admet l'homme libre quand celui-ci vit suivant le commandement de la raison ou est conduit par la seule raison"

Dans quel cas, alors, la raison s'exprime-t-elle librement ?


je ne sais pas si l'on peut dire que la raison s'exprime librement ... (chez Spinoza, bien sûr). Il y a des actes qui suivent de la raison seule. Ces actes sont dits 'libres'. D'autres actes suivent de notre nature ET de la nature d'un corps extérieur au nôtre. Ils ne sont donc pas libres. Mais dans les deux cas, les actes sont 'contraints', au sens où ils sont déterminés. Spinoza n'oppose pas la liberté à la contrainte, il oppose la liberté à la passion, tandis que l'action n'est pas dépourvue de sentiments, elle se caractérise simplement par un autre type de sentiments. C'est dire qu'il faut laisser tomber quelques dualismes habituels (liberté <-> détermination; sentiment/appétit <-> raison, etc) pour les remplacer par une liberté qui s'exerce au sein même d'un monde entièrement déterminé, et par une raison capable de produire des affects.

Flumigel a écrit :L'auteur cite ensuite Delbos : "La liberté véritable n'est originairement que la puissance naturelle de l'individu comprise dans la puissance totale de l'univers; et comme la puissance de l'individu n'est autre chose que son essence actuelle, que le développement réel de cette puissance est identique au développement géométrique de cette essence, on peut dire que pour tout individu, comme pour Dieu, la liberté est au fond la nécessité d'agir selon ce qu'il est. Seulement, la liberté des individus dans l'univers est une liberté naturée, tandis que la liberté de Dieu est une liberté naturante."


il faudrait peut-être dire comment tu interprètes ce passage pour savoir en quoi cela te semble être contradictoire avec ce que j'ai écris?


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