Phobie sociale, autisme...et Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
Enegoid
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Messagepar Enegoid » 27 juil. 2007, 17:51

(Pas lu les deux précédents posts)

Cercle carré
Soit une idée vraie quelconque. Cette idée vraie a toutes les propriétés d’une idée vraie. (Si elle ne les avait pas toutes, il faudrait admette qu’il y a plusieurs catégories d’idées vraies, celles qui ont toutes les propriétés et celles qui n’en ont qu’une partie. Ce qui est exclu.)
Mais une idée qui a toutes les propriétés d’une idée vraie, c’est, par définition une idée adéquate.
Donc admettre, comme le fait Miam qu’une idée vraie peut être inadéquate, c’est admettre l’existence d’un cercle carré, c’est-à-dire l’existence d’une chose qui contredit à sa définition.

Et si il existait des idées ayant toutes les propriétés de l’idée vraie qui soient inadéquates, alors il faudrait admettre que la définition de Spinoza est imparfaite, car elle ne permet pas de distinguer une idée adéquate d’une idée non adéquate. Or c’est pratiquement ce qui se passe : la définition de Spinoza est imparfaite suivant ses propres critères, car elle ne se réfère pas à la cause efficiente de la chose.

Pauvre TRE
La seule solution pour y voir un peu plus clair est de faire ce que recommandent deux éditions de référence de Spinoza (Appuhn et La PléÏade) : se tourner vers le Court Traité ou le TRE ( §41 Appuhn), où l’on trouve des phrases très éclairantes telles que :
« La forme de la pensée vraie doit donc être contenue dans cette pensée, même sans relations à d’autres, et elle ne reconnaît pas comme cause un objet mais doit dépendre de la puissance même et de la nature de l’entendement ».

On trouve bien là une allusion à la cause efficiente.

Je trouve que Miam y perd à balayer ce TRE d’un revers de main.


Signes et dénominations :
Quelqu’un a-t-il une idée de ce que signifie « dénominations » ? Et de ce que sont les « dénominations » d’une idée vraie ?

Les mots et les choses
J’éprouve le sentiment que dans toute cette discussion (qui s’éloigne sérieusement du sujet initial, mais qui pourrait bien y revenir), il est possible que nous soyons un exemple de ce que veut dire Spinoza avec la phrase suivante :

« Et de là viennent la plupart des controverses, je veux dire de ce que les hommes n'expliquent pas bien leur pensée et interprètent mal celle d'autrui au plus fort de leurs querelles ; ou bien ils ont les mêmes sentiments, ou, s'ils en ont de différents, les erreurs et les absurdités qu'ils s'imputent les uns aux autres n'existent pas. »

La pierre est aussi dans mon jardin, certainement !

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Messagepar Louisa » 27 juil. 2007, 19:20

Enegoid a écrit :Mais une idée qui a toutes les propriétés d’une idée vraie, c’est, par définition une idée adéquate.


oui, c'est ce que je crois aussi. Je n'ai pas encore lu tous vos derniers messages (Miam abordant une question qui est au coeur de ce qui m'intéresse le plus, par manque de temps je m'occupe principalement de celle-là), mais pour l'instant je travaille également avec l'hypothèse que l'idée adéquate a comme propriétés intrinsèques d'être claire et distincte. Exemple: 2.38 cor: "perçues par tous de manière adéquate, autrement dit claire et distincte".
Or en II 43 Spinoza écrit qu'il est "nécessaire que les idées claires et distinctes de l'Esprit soient vraies". Conclusion: toute idée vraie est adéquate.
Je suis également d'accord avec vous quand vous dites que l'idée vraie doit avoir la certitude comme propriété. II 43 (même scolie): "l'idée vraie enveloppe la plus haute certitude".
Enfin prenons aussi la démo de cette même proposition: "Est idée vraie en nous celle qui, en Dieu, en tant qu'il s'explique par la nature de l'Esprit humain, est adéquate".

On pourrait dire que ce n'est pas encore parce que toute idée vraie est adéquate, que toute idée adéquate est vraie. Cela, c'est correct, je crois (une idée vraie a des propriétés extrinsèques (voir ci-dessous) qui ne sont plus présentes dans l'idée adéquate). Mais je ne vois pas en quoi on pourrait supposer qu'il y ait des idées vraies inadéquates (certes, nous avons une idée adéquate de l'ESSENCE de Dieu, mais nous n'avons qu'une idée inadéquate de DIEU, c'est-à-dire de la nature entière (pour avoir une idée adéquate de Dieu, il faudrait connaître TOUS les modes et leurs enchaînements causales, chose tout à fait impossible pour un entendement humain, tandis que comprendre l'essence de Dieu (donc de la nature en tant qu'elle est éternité/nécessité et infinité, pe), cela, c'est tout à fait possible.

Enegoid a écrit :La seule solution pour y voir un peu plus clair est de faire ce que recommandent deux éditions de référence de Spinoza (Appuhn et La PléÏade) : se tourner vers le Court Traité ou le TRE ( §41 Appuhn), où l’on trouve des phrases très éclairantes telles que :
« La forme de la pensée vraie doit donc être contenue dans cette pensée, même sans relations à d’autres, et elle ne reconnaît pas comme cause un objet mais doit dépendre de la puissance même et de la nature de l’entendement ».


même s'il faut faire attention avec ce genre de transpositions (il y a eu de toute façon des modifications du CT et TRE à l'Ethique), pour l'instant le fait que Spinoza décrit dans l'Ethique l'idée adéquate comme celle qui se trouve en Dieu en tant qu'il s'explique par notre Esprit seul, et non pas en tant qu'il est infini (donc en tant qu'il s'explique également par les idées d'autres choses que nous-même) confirme à mon sens le fait qu'en effet, l'adéquation doit être cherché dans l'idée adéquate singulière elle-même, et pas dans son rapport avec d'autres idées. Mais je n'en suis pas sûre. Miam a peut-être de bons arguments pour penser l'inverse.

Enegoid a écrit :Signes et dénominations :
Quelqu’un a-t-il une idée de ce que signifie « dénominations » ? Et de ce que sont les « dénominations » d’une idée vraie ?


je n'ai pas tout lu de vos discussions là-dessus, mais à première vue à ce sujet je suis plutôt Miam. Chez Spinoza, signe et dénomination ne sont pas synonymes. Les signes renvoient à quelque chose (une lettre écrite sur du papier, par exemple, renvoie à un son; un mot à une signification, etc), tandis qu'une dénomination n'est rien d'autre qu'une propriété, mais propriété en tant qu'on l'attribue à une chose. Une dénomination dit quelle propriété appartient à une chose. Si cette propriété constitue l'essence même de la chose, alors il s'agit d'une dénomination intrinsèque, si elle appartient à la chose sans faire partie de l'essence, il s'agit d'une dénomination extrinsèque.

Alors si Spinoza dit que nous n'avons pas besoin d'un AUTRE signe que l'idée vraie pour savoir qu'elle est vraie, je crois qu'ici il ne faut pas prendre le mot 'signe' dans le sens précis tel qu'il l'utilise avant, quand il définit le premier genre de connaissance. Il dit seulement qu'il ne faut pas chercher quelque chose qui RENVOIE à la vérité (ou quelque chose à laquelle renvoie l'idée, une référence de l'idée donc, voire l'objet de l'idée) avant de pouvoir dire d'une idée si elle est vraie ou non. Il suffit de l'avoir, cette idée, pour savoir immédiatement déjà aussi qu'elle est vraie (vu que l'essence d'une idée vraie n'est PAS défini par son rapport à l'objet, mais seulement par l'adéquation, qui en tant que telle enveloppe toutes les propriétés essentielles de l'idée vraie). On 'reconnaît' une idée vraie à la certitude qu'elle enveloppe. On pourrait donc dire, dans un langage ordinaire, que cette certitude est le 'signe' de la vérité de l'idée, ne fût-ce qu'en ayant cettre idée, nous en sommes déjà certain. Pas besoin donc d'aller chercher un signe pour le re-connaître. Qui connaît, sait déjà. La certitude que l'on éprouve pendant qu'on connaît suffit. Comme elle suffit, on pourrait dire que c'est elle, le 'signe' qu'il fallait chercher. Mais comme la certitude ne renvoie pas à l'idée vraie, mais est entièrement enveloppée dans l'idée vraie, en ce sens-là on ne peut pas dire qu'il s'agit réellement d'un signe.

Quand en revanche Spinoza dit que la connaissance par signe appartient à la connaissance du premier genre, ont voit qu'en effet, la connaissance par signes, donc par mots, lettres, symboles etc, bel et bien semblable à la connaissance par ouï-dire, par exemple. Dans chaque cas, on n'a pas nous-même une idée adéquate de quelque chose, on se base sur quelque chose qui renvoie à autre chose pour en avoir une idée. C'est ce renvoi, ce détour, ce dédoublement, qui rend l'idée 'impure', si vous voulez, car elle enveloppe aussi bien la nature de mon corps que la nature du signe, et cela de manière confuse (c'est bien parce qu'on a tendance à l'oublier qu'on tombe dans le travers que vous venez de signaler: on prend les mots, donc les signes, pour les choses).
Enfin, je ne crois pas que je suis déjà capable de vraiment bien expliquer en quoi une connaissance par signes est une connaissance de premier genre, donc inadéquate, mais je suis tout à fait d'accord avec Miam quand il dit qu'il faut absolument distinguer, chez Spinoza, dénomination et signe. Ce sont bel et bien deux choses tout à fait différentes.
louisa

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Messagepar Enegoid » 27 juil. 2007, 21:21

Merci Louisa

1 Je perçois mieux les objections de Miam sur la question du signe

2 ainsi "dénomination" est une sorte de synonyme de "propriété"

3 il faudrait connaître les raisons des traducteurs pour introduire la notion de signe

4 reste pour moi à traiter la question du cheval ailé dont on dit qu'il s'agit d'une idée à la fois vraie et inadéquate. Mais, précisément, qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui est inadéquat dans cette "idée" ? Il y a des choses à dire la-dessus (plus tard)

5 La pensée de Spinoza a certainement évolué entre le TRE et l'Ethique, mais je ne suis pas sûr que l'Ethique contredise le TRE.

Cordialement

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Messagepar FabriceZ » 28 juil. 2007, 03:54

Louisa a écrit :Je ne peux m'empêcher de concevoir la philosophie de Spinoza comme une grande entreprise à vocation pédagogique.


Oui, car le salut de l’individu ne se réalise que par le salut de la communauté. Matheron explique cela très clairement :

Déploiement de la vie raisonnable individuelle : connaître adéquatement le plus de choses possible, et sans autre but que de les connaître. (P. 524)

Déploiement de la vie raisonnable interhumaine : faire connaître la vérité à nos semblables, afin de nous réjouir de la joie active qu’ils éprouveront quand ils comprendront ce que nous comprenons nous-mêmes. (P. 531)
bene agere et lætari (EIV73 scholium)

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Messagepar Miam » 28 juil. 2007, 09:27

Pour faire simple, Louisa, et surtout pour montrer qu’il suffit de lire pour comprendre, voici ce qui rendra mes dires aussi clairs que de l’eau de source.

II 32 : « TOUTES les idées, en tant qu’elle sont rapportées à Dieu sont vraies »

Et à partir de cela :

- du Corollaire de II 11 :

« quand nous disons que le Mental humain perçoit telle ou telle chose, nous ne disons rien d’autre sinon que Dieu, non en tant qu’il est infini, mais en tant qu’il est expliqué par la nature du Mental humain ou constitue l’essence du Mental humain, a telle ou telle idée, et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée, non en tant seulement qu’il constitue la nature du Mental humain, mais en tant qu’il a, outre cette idée, et conjointement à elle, l’idée d’autre chose, alors nous disons que le Mental humain perçoit une chose partiellement ou inadéquatement ».

- de la Démonstration de III 1 :

« Les idées qui sont adéquates dans le Mental de quelqu’un sont adéquates en Dieu en tant qu’il constitue l’essence de ce Mental (Coroll. de la Prop. 11, p. II) et celles qui sont inadéquates dans le Mental sont adéquates en Dieu (même Corollaire) non en tant qu’il constitue seulement l’essence de ce Mental, mais en tant qu’il contient aussi simultanément les mentaux d’autres choses »

qui, comme on le lit, se réfère expressément au Corollaire de II 11 ;

- et de la Démonstration de II 23 :

« L’idée du Mental ou sa connaissance suit en Dieu (Prop. 20) de la même manière et se rapporte à,Dieu de la même manière que l’idée ou la connaissance du Corps humain. Puisque maintenant (Prop. 19) le Mental humain ne connaît que le Corps humain lui-même ; c’est à dire puisque (Coroll. de la Prop. 11), la connaissance du Corps humain n’est pas rapportée pas à Dieu en tant qu’il constitue la nature du mental humain, la connaissance du mental ne se rapporte pas à Dieu en tant qu’il constitue l’essence du mental humain, et ainsi (Coroll. de la Prop. 11) en ce sens, le mental humain ne se connaît pas lui-même »,

qui, comme on le voit encore, se réfère également à ce même Corollaire de la Proposition 11 ;

je conclus que :

1° « Toutes les idées, en tant qu’elles sont rapportées à Dieu sont vraies » (II 32)
Et parmi celles-ci :
2° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue l’essence du Mental seul, sont adéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d)
3° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue non l’essence du Mental seul, mais aussi et simultanément les mentaux d’autres choses, sont inadéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d).
(il est évident que toutes les idées sont adéquates en Dieu.)

Par conséquent une idée vraie peut être adéquate ou non. C’est indiscutable pourvu que l’on sache lire. Pourvu que l’on ne soit pas formaté par le jargon traditionnel que Spinoza a le mérite de remettre en question en déplaçant totalement la notion de vérité.
Pourvu que l’on ne croit pas son esprit touché par la grâce alors qu’on ne sait pas se servir de ses dix doigts.
Pourvu que l’on ne soit pas l’un de ces intellectuels prétentieux enculés par l’obscurantisme criminel que développent les universités.
Bref : pourvu que l’on ne soit pas seulement un « intellectuel », c’est à dire un être châtré, un cul de plomb, avocat de ses propres névroses et dont les régurgitations qu’on ose nommer « pensées » évoluent à la manière d’un unijambiste.

Ai-je été assez clair ? Je ne reviendrai plus sur cette question. Evidemment, si vous restez enfermée dans une chambre sans fenêtre, vous pourrez toujours douter lorsque je vous dis du dehors que le ciel est bleu. Il ne tient qu’à vous de sortir. C’est de sa vie, de la pratique de sa vie que naissent les concepts et notions. Pas l’inverse. Il ne tient qu’à vous de vivre, de laisser ces idées morbides qui vous empêchent de vivre. Cela s’adresse à tous les morts-vivants. Il y va de votre éternité.

Miam.

PS : si vous comprenez cela, peut-être je vous dirai la différence entre « nature » et « essence ». Dans le cas contraire, ce serait mettre la charrue avant les bœufs : ce serait donc inadéquat.

PPS : « réformées » ou non, brûlons les universités !

PPPS: je n'ai pas dit que l'Ethique contredisait le TRE. J'ai dit que dans le TRE on assistait à la naissance de la notion spinozienne de l'idée adéquate. Pour le montrer, il faudrait exposer plusieurs pages du TRE ligne par ligne et j'ai autre chose à foutre de plus important que "philosopher".

PPPPS : Louisa : "Or en II 43 Spinoza écrit qu'il est "nécessaire que les idées claires et distinctes de l'Esprit soient vraies". Conclusion: toute idée vraie est adéquate."
Les idées claires et distinctes sont vraies : cela c'est la "règle générale" de Descartes (Méditations II et III) que reprend Spinoza. Mais une idée claire et distincte c'est encore autre chose qu'une idée adéquate. Quelle confusion ! Par ailleurs dire que les idées claires et distinctes sont vraies, ce n'est pas dire que toutes les idées vraies sont claires et distinctes (bis repetita cf. supra)

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Messagepar Louisa » 28 juil. 2007, 12:27

Miam a écrit :je conclus que :

1° « Toutes les idées, en tant qu’elles sont rapportées à Dieu sont vraies » (II 32)
Et parmi celles-ci :
2° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue l’essence du Mental seul, sont adéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d)
3° Les idées rapportées à Dieu en tant qu’il constitue non l’essence du Mental seul, mais aussi et simultanément les mentaux d’autres choses, sont inadéquates dans ce Mental (III 1d et II 23d).
(il est évident que toutes les idées sont adéquates en Dieu.)

Par conséquent une idée vraie peut être adéquate ou non.


Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec ce que tu conclus en 1-3. La discussion ne porte pas là-dessus. Elle porte sur ton 'par conséquent' qui suit ces trois conclusions. Il ne suffit pas d'écrire un 'par conséquent', pour déjà avoir explicité COMMENT tu en déduis cela.

Evidemment, EN DIEU toute idée est vraie, ce qui veut dire que Dieu a des idées vraies aussi de ce qui dans notre tête est une idée inadéquate. Mais comme tu le dis: il n'a ces idées vraies de nos idées inadéquates QUE dans la mesure où il constitue immédiatement l'essence de DEUX choses différentes. Mais dans la mesure où il constitue simultanément le Mental de mon Esprit et le Mental de l'Esprit du corps extérieur qui m'affecte, il a une idée non plus simple mais composée. L'idée vraie que Dieu a de mon idée inadéquate, est donc immédiatement une idée composée de trois idées:
1) l'idée inadéquate dans ma tête (idée que je forme de l'affection de mon Corps par un corps extérieur, et qui enveloppe confusément aussi bien ma nature que la nature du corps extérieur)
2) l'idée adéquate de ma nature
3) l'idée adéquate de la nature du corps extérieur.

C'est parce que mon affection ne s'explique pas par ma nature seule, mais ne peut s'expliquer que par elle ET la nature du corps extérieure, que l'idée que Dieu a de cette affection est d'office non mutilée. Lui, il a immédiatement une idée claire et distincte des deux natures. Il 'voit' les deux natures qui sont enveloppées confusément dans mon idée inadéquate, et cela non pas en regardant seulement ma nature, mais en regardant simultanément la nature du corps extérieur.

Conclusion: si Dieu a une idée vraie de ce qui est en moi idée inadéquate, ce n'est pas parce que cette idée inadéquate serait en même temps vraie en Dieu. C'est parce que Dieu ne peut s'empêcher d'avoir immédiatement aussi les deux autres idées (de ma nature et de la nature du corps extérieur), qu'il lui est impossible de ne voir que mon idée mutilée. Il complète immédiatement mon idée mutilée par ce qu'il lui faut pour être adéquate, donc vraie.

C'est donc parce que Dieu ne peut avoir que des idées adéquates de nos idées inadéquates, qu'il peut avoir seulement des idées vraies de tout. Mais l'idée adéquate qu'il a de notre idée inadéquate, ce n'est plus du tout la même chose que simplement prendre la forme de mon idée inadéquate, ou de simplement constituer une idée qui a cette idée inadéquate comme seul objet (au sens où nous-mêmes, quand nous avons une idée adéquate, celle-ci est immédiatement l'objet d'une deuxième idée, adéquate elle aussi (les deux idées finalement n'étant qu'une seule chose)). Ici, il s'agit d'une idée COMPOSÉE, et cela non seulement composée de mon idée inadéquate comme objet, mais composée également de l'idée adéquate de ma nature et de l'idée adéquate de la nature du corps extérieur. C'est bien pourquoi l'idée vraie que Dieu a de notre idée inadéquate, n'est PAS LA MEME IDEE que notre idée inadéquate. En revanche, dans l'adéquation, l'idée que Dieu a d'une idée adéquate en nous est EXACTEMENT la même que celle que nous avons dans notre tête (voir la démo de II 43).

Donc: oui, Dieu a des idées vraies de nos idées inadéquates. Mais il ne s'agit plus de la même idée. Dieu n'a une idée vraie de mon idée inadéquate uniquement dans la mesure où il combine automatiquement cette idée inadéquate à d'autres idées. C'est cette combinaison qui rend son idée de mon idée inadéquate vraie. C'est pourquoi Dieu n'a PAS une idée vraie de mon idée inadéquate considérée isolément. Et c'est pourquoi il n'existe donc pas des idées vraies qui elles-mêmes, en tant qu'idées, seraient néanmoins inadéquates.

Mais tu as peut-être une autre raison pour expliquer ton 'par conséquent', qui fait que cela devient concevable d'avoir une idée inadéquate qui en même temps, en tant que telle (donc sans prendre en compte d'autres idées), serait déjà vraie en Dieu?
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Messagepar Louisa » 28 juil. 2007, 14:15

PS à Miam

comme 'en guise de scolie' tu reviens régulièrement sur le sujet de l'université et de la pensée unique: il est clair que beaucoup de départements de philo sont des hauts lieux de la pensée unique, où l'on s'amuse à seulement proférer sa propre petite idée, pour ensuite non pas réfuter celles des autres, mais seulement croire qu'on peut s'en débarrasser en disant que ceux qui y adhèrent ne pensent pas. C'est tout à fait révoltant, bien sûr. Si donc on a eu le malheur de se retrouver dans une telle université et d'avoir une autre idée que le(s) prof(s), il va de soi qu'on va commencer à le(s) détester, voire à détester tout ce qui va avec. C'est Spinoza lui-même qui nous explique la mécanique derrière tout cela. Et cela me semble être très logique, ne fût-ce que parce que ce malheur m'est tombée sur la tête moi-même, il y a quelques années. C'est bien pourquoi je t'ai dit que je n'aime pas les 'maîtres d'école'.

Or quoi faire avec tout ça? Pour moi, la façon dont indymedia s'y prend pour 'subvertir les institutions' pourrait être assez efficace. Leur slogan: don't HATE the media, BE the media (chose que d'ailleurs Sarkozy semble avoir compris aussi).

Traduit dans un spinozisme: si l'on n'est pas capable de voir que les unifs, comme tout autre chose, sont parfaites, et si on les appelle imparfaites parce qu'elles ne répondent pas à notre modèle de ce que l'enseignement et la philo devraient être, il n'y a qu'un seul moyen de les changer: y travailler soi-même et essayer de faire mieux que tous ceux qu'on déteste. La seule alternative, c'est de rester dans son coin et de nourrir sa Haine, avec comme seul effet une diminution de sa propre puissance d'agir et donc de penser (avec comme risque d'arriver à un degré aussi bas que ces profs qu'on déteste). Ce qui serait dommage, car c'est donner deux fois raison au mauvais profs: d'abord ils diminuent ta puissance d'agir par leur façon de concevoir l'enseignement et la philo, puis ils la diminuent une deuxième fois quand ils réussissent à chasser tous ceux qui pensent autrement de l'unif. Pure perte d'énergie donc, pour les 'victimes'. Or comme tu le dis toi-même (corollaire du scolie): il ne tient qu'à nous de sortir!
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Messagepar Miam » 28 juil. 2007, 17:48

"Dieu a de mon idée inadéquate, est donc immédiatement une idée composée de trois idées:
1) l'idée inadéquate dans ma tête (idée que je forme de l'affection de mon Corps par un corps extérieur, et qui enveloppe confusément aussi bien ma nature que la nature du corps extérieur) 2) l'idée adéquate de ma nature
3) l'idée adéquate de la nature du corps extérieur."

Et plus loin :

"C'est bien pourquoi l'idée vraie que Dieu a de notre idée inadéquate, n'est PAS LA MEME IDEE que notre idée inadéquate."

Faudrait savoir. J'appelle cela incohérence et contradiction. Le tout enveloppé de nuées pour dissimuler la contradiction. C'est exactement ce que font les profs. Il n'y a pas de bons profs. Il faut lècher le cul d'un supérieur pendant des années et faire partie d'une chappelle officielle pour être accepté par la corporation. Il n'y a de profs d'unifs que châtrés. J'en sais quelque chose, moi qui ai heureusement refusé toute carrière universitaire. Je préfère donner des cours à des mécanos. Au moins on me fout la paix et je ne suis pas obligé d'affirmer des conneries pour être payé (trop bien d'ailleurs par rapport à un travailleur manuel). Là, j'ai l'impression de servir à quelque chose parce qu'on y accepte plus facilement les profs atypiques. Que savez-vous des universités et du professorat ? Que dalle ! Si vous viviez sdurant la Renaissance, vous continueriez à défendre la scolastique.Vous trouvez cela utile ? Cela fait avancer le schmilblik peut-être ? Non! Spinoza aussi a refusé une carrière universitaire à Heidelberg ! Et épargnez moi votre moraline. Mais qu'avez-vous à perdre pour être si bouchée ?

Miam

PS : j'emmerde Indypedia (wikipedia aussi d'ailleurs). J'ai mes medias qui sont, elles, réellement révolutionnaires. Et je suis sûr d'avoir plus d'auditeurs et de lecteurs que les écrivaillons d'Indypedia.

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Messagepar Louisa » 29 juil. 2007, 02:18

Miam a écrit :louisa:
"Dieu a de mon idée inadéquate, est donc immédiatement une idée composée de trois idées:
1) l'idée inadéquate dans ma tête (idée que je forme de l'affection de mon Corps par un corps extérieur, et qui enveloppe confusément aussi bien ma nature que la nature du corps extérieur) 2) l'idée adéquate de ma nature
3) l'idée adéquate de la nature du corps extérieur."

Et plus loin :

"C'est bien pourquoi l'idée vraie que Dieu a de notre idée inadéquate, n'est PAS LA MEME IDEE que notre idée inadéquate."

Miam:
Faudrait savoir. J'appelle cela incohérence et contradiction.


c'est bien possible, mais on peut appeler tout ce qu'on ne comprend pas 'incohérence'. Pour comprendre QUELLE incohérence vous y voyez, je crains qu'il va falloir l'expliciter.
En attendant, voici l'essentiel de ce que je voulais dire, et qui est repris dans la citation ci-dessus: l'idée inadéquate que j'ai dans ma tête, n'existe pas telle quelle en Dieu, contrairement à l'idée adéquate. L'idée inadéquate n'existe en Dieu que dans la mesure où il a simultanément, à part cette idée inadéquate, l'idée adéquate de ma nature, et l'idée adéquate de la nature du corps extérieur. Ainsi l'idée que Dieu a de mon idée inadéquate, est une idée composée. Elle a comme objet TROIS idées. L'idée inadéquate dans ma tête a comme objet une affection de mon Corps. Trois idées comme objet, une affection de mon Corps comme objet, c'est deux objet différent. Du coup, les idées qui ont ces objets comme objet, sont également différentes. L'idée vraie en Dieu de mon idée inadéquate, est donc un AUTRE idée que cette idée inadéquate. Leur objets sont différent.
Enfin bon, je ne sais pas comment le dire encore autrement, mais pour moi il n'y a aucune contradiction là-dedans. Alors ou bien je ne tiens pas compte d'un élément crucial que j'ignore et qui rend le tout contradictoire, ou bien vous comprenez autre chose par ce que je veux dire ici, mais sans savoir quelle contradiction vous voyez, je ne pourrai ni la voir ni la résoudre ... .

Pour l'unif: je crois qu'Einstein a bien compris ce qu'est un bon prof quand il disait que "C'est le rôle essentiel du professeur d'éveiller la joie de travailler et de connaître". Alors si je n'avais jamais changé d'unif, sans doute je ne croirais pas non plus qu'ils existent, ces profs. Entre-temps, il se fait que par hasard j'en ai rencontré deux. Et ils sont bel et bien atypiques. Et minoritaires, bien sûr. Seulement, ils ont su utiliser le système, au lieu de se laisser détruire à moitié par lui. Je donne moi-même des cours à des ouvriers immigrants (dans leur asbl de foot). Si vous vous investissez réellement dans votre boulot, sans doute vous avez déjà eu la même expérience que moi: il y a des cours qu'on donne et où on se rend compte par après qu'en fait, on n'a parlé que pour les murs, on n'a pas du tout réussi à toucher l'auditoire. Il y en a d'autres où en allant boire un verre après, un de vos élèves vous dit en passant que depuis qu'il suit votre cours, un nouveau monde s'est ouvert à lui, qu'il a l'impression de commencer une deuxième vie. Sur base de cela, il me semble qu'il est tout aussi possible de donner un bon cours que de donner un mauvais cours. Un bon prof, c'est simplement quelqu'un qui s'engage réellement et qui a pu comprendre comment donner quasiment à chaque fois un bon cours. Il ne faut pas être un saint pour y arriver. Il suffit d'être passionné par la pédagogie (donc par le fait de voir évoluer ses élèves et par le fait de sentir que dans leur vie de tous les jours, ça leur sert à quelque chose) et par le contenu du cours, puis de faire ce que fait également tout bon plombier: apprendre de ses erreurs. A mon sens, il existe donc autant de bons profs qu'il existe de bons plombiers. Je ne vois pas en quoi être un bon prof serait plus difficile que d'être un bon plombier. Sans doute les bons sont minoritaires, partout. Mais cela n'empêche qu'ils existent.
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Miam
participe avec force d'âme et générosité
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Messagepar Miam » 29 juil. 2007, 12:49

Vous vous lisez écrire comme d'autres s'écoutent parler, de sorte à sortir d'immenses tartines indigestes sans même lire le contenu des textes des autres, sans quoi je ne devrait pas me répéter. Soit Dieu a la même idée inadéquate que moi, quand bien même elle serait "composée" (????) avec d'autres, soit il ne l'a pas. Vous ne voyez pas où est l'incohérence? Tant pis pour vous.
Les idées composées, ce n'est pas du Spinoza mais du Descartes. Rabattre Spinoza sur Descartes (pour d'autres sur la scolastique), voilà une bonne façon de le désamorcer.

Spinoza en sage dans sa maison de campagne ? D'où tirez vous cela ? Spinoza n'est pas Heidegger. Il est mort jeune et a travaillait de ses mains. Votre idéal du sage philosophe isolé du monde dans son pré carré est d'une naïveté à faire plier de rire ! Non seulement vous n'avez pas lu Spinoza mais de plus vous ne connaissez pas sa biographie.

Votre rapport à la philo n'est rien d'autre que snobisme et remplissage d'une vie oisive. Vous usez de la philosophie comme d'une parure, je l'emploie comme une arme. Nous n'avons pas les mêmes valeurs. Aussi bien : allez au diable. Auprès de lui, peut-être vous aurez quelque chance de rattrapper la vie que vous n'avez pas vécue.


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