le don

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar hokousai » 07 nov. 2007, 13:48

""""l'idée qui s'en dégage est que c'est précisément en faisant don de l'argent aux peuples que les despotes primitifs, inventeurs de l'Etat, ........"""

ça donne pas envi de lire "Mille plateaux".

J'ai fais un gros effort cet été , lire (ou essayer ) "différence et répétition" de Deleuze .
Je n 'ai pas encore compris de quoi il voulait vraiment parler .

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Messagepar Faun » 07 nov. 2007, 16:26

hokousai a écrit :Je n 'ai pas encore compris de quoi il voulait vraiment parler .


Je me demande pourquoi cela ne m'étonne pas.

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Messagepar hokousai » 08 nov. 2007, 00:24

Cela ne vous étonne pas parce que vous me prenez pour un imbécile incapable de comprendre la grande pensée de notre Heidegger à nous , le confusianisme bavard , l 'esbroufe , mais à la française . Cette sorte d 'éclectisme littéraire national d'une nation qui révère avant tout ses romanciers et ses poètes .

Ecrire, disait-il, « n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir »

L'avenir est à vous avec une pensée déjà du passé ( de mon point de vue déjà dépassée ).

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Messagepar Faun » 08 nov. 2007, 06:37

Mais je n'ai pas dit que la pensée de Deleuze était facile, cependant nous avons la chance de pouvoir lire quelques cours de lui sur internet qui peuvent nous aider à mieux comprendre ses concepts, qui sont autant d'étoiles dans la nuit de la pensée dominante actuelle (je parle bien sûr de tous ces "nouveaux philosophes" qui parasitent les médias, les journaux, et même france culture, hélas).

hop : http://www.webdeleuze.com/php/sommaire.html !

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Messagepar Henrique » 08 nov. 2007, 09:59

Pff, j'avais écrit une réponse fondamentale à Hokousai sur le don qui aurait changé la face du monde, il ne me restait que deux lignes à écrire et le temps que j'aille faire un tour ma femme a trouvé le moyen de fermer par inadvertance le navigateur...

Oui sinon Deleuze est un grand commentateur de Spinoza mais je suis un peu d'accord avec Hokousai quand il dit qu'il ajoute des choses à Spinoza qui n'y sont pas. Rien qu'un petit détail mais au fond assez significatif comme le dit Macherey, Deleuze dit toujours "livre" à propos des divisions de l'Ethique alors qu'il s'agit de Parties, liées entre elles et non autonomes. Mais cette prééminence de la pensée personnelle sur l'exactitude historique est ce qui en fait selon moi un grand commentateur : il pense avec Spinoza, condition pour le comprendre. Certes un Pierre François Moreau sera beaucoup moins hasardeux dans ses explications mais aussi beaucoup moins jubilatoire et la distance qu'il affecte de prendre dans ses derniers commentaires, après la grande saillie de son livre sur l'expérience et l'éternité, me donne l'impression d'observer Spinoza comme un entomologiste observe une fourmi, de façon très détaillée et méthodique, mais toujours extérieurement, sans jamais la comprendre.

Cela dit, non seulement Deleuze n'est pas facile, mais je crois qu'il n'a pas échappé à une certaine fascination des années 70 pour une combinatoire structuraliste menant à des approximations parfois bien obscures. Deleuze et notamment son livre "Différence et répétition" figurent en bonne place dans le livre de Sokal et Bricmont sur les impostures intellectuelles. Certes, les critiques de ces deux derniers sont souvent à la limite de l'honnêteté intellectuelle, en coupant des citations de leur contexte mais tout de même, avec des formules comme "la notion mathématique de limite est égale au cardinal de l'ensemble des réels", il avait prêté le flanc pour se faire battre. J'ai d'ailleurs tenté de lire Différence et répétition il y a 10 ans, bon j'étais peut-être encore bien jeune, mais je me suis aussi demandé "de quoi parle-t-il au fond ?"...

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Messagepar hokousai » 08 nov. 2007, 14:26

Pff, j'avais écrit une réponse fondamentale à Hokousai sur le don qui aurait changé la face du monde


Allez savoir à l'avance ce qui en philosophie change la manière de voir . Certains aphorismes de Wittgenstein ont changé la face de mon monde et c'est celui là qui m'intéresse en première instance .

J’ai cité Adam Smith parce que :
1) il y a souvent méprise sur sa philosophie ( à travers une citation de Marx sur la main invisible )
2) parce que sa théorie de la sympathie me parait fondamentale en éthique .
.....................


sur la difficulté (des philosophes )

Ce qui pourrait être un thème commun de réflexion . Je vois plusieurs pistes

1) Difficultés techniques ie je n'ai pas toutes les définitions en tête .Ce qui peut par le travail trouver remède .( ex la scolastique médiévale et l'aristotélisme )

2) Je n'ai pas la problématique en tête , elle a une histoire , le philosophe en question ne ré- explique pas , il ne refait pas l 'historique et parle donc sur des pré- requis supposées acquis .( ce qui est le cas le plus fréquent )

3) Je ne parviens pas du tout à accorder du crédit à la thèse générale de l'auteur ( ex pour moi avec Hegel ) je ne m’investis pas , je n’ai pas la sympathie et j’ai du mal à comprendre .

3) L 'auteur est d'une grande originalité, ses remarques et questions sont inédites ( cas de Wittgenstein ou de Whitehead )

4) Les explications /démonstration de l’auteur sont tout simplement trop intelligentes pour moi .(hélas ! )

5) L'auteur est confus .( pas nécessairement toujours mais parfois , et sans prévenir, bien sûr )

6) Plus grave ! L'auteur écrit dans une époque qui est trop éloignée de la mienne .Mais là je ne suis pas certain de ne pas comprendre. Je crois comprendre.

Je veux bien que Deleuze participe un peu (pour moi ) de tous ces registres (sauf le 6) .

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Messagepar Henrique » 08 nov. 2007, 18:16

hokousai a écrit :Allez savoir à l'avance ce qui en philosophie change la manière de voir . Certains aphorismes de Wittgenstein ont changé la face de mon monde et c'est celui là qui m'intéresse en première instance .

Ah oui non mais moi c'était pas seulement de votre vision du monde que je parlais mais du monde, le seul, l'unique, que dis-je de l'univers...

J’ai cité Adam Smith parce que :
1) il y a souvent méprise sur sa philosophie ( à travers une citation de Marx sur la main invisible )
2) parce que sa théorie de la sympathie me parait fondamentale en éthique .


J'avais bien compris.


sur la difficulté (des philosophes )


Je pense qu'on pourrait ajouter une septième raison, mais qui serait une des premières, c'est lorsqu'on croit comprendre au départ parce qu'on projette ses propres définitions, voire ses propres attentes et qu'alors on ne comprend plus les conséquences qui sont tirées des principes. Ce qui revient d'une façon générale, à lire de façon précipitée et avec des préjugés.

Allons, essayons de revenir à nos moutons...

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Messagepar Faun » 14 nov. 2007, 20:04

Henrique a écrit :
Allons, essayons de revenir à nos moutons...


J'aimerais en effet essayer de clarifier un peu ce difficile problème du don.
A mon sens il faudrait distinguer au moins deux types de dons, le don qui consiste à donner sans perdre, et le don qui consiste au contraire à perdre en donnant. La générosité selon Spinoza me paraît se rattacher au premier type, tandis que le second n'est qu'une appropriation, c'est à dire tout le contraire de la générosité. Par exemple si je donne des fruits qui sont dans mon jardin, parce que j'en possède trop pour moi seul, je ne les perd pas. Au contraire je les aurais perdu si je ne les avais pas donné car je n'aurais pas pu tous les manger, et ils auraient pourri avant que j'ai pu les manger.
Ou bien si je vais à la chasse et que je ramène un poisson trop grand pour être mangé rapidement, j'en perdrais aussi une partie, tandis que si je le mange avec un ami, je ne perd pas le poisson.
De même si je fais don à quelqu'un d'une idée, je la possède toujours, et l'autre peut la donner à son tour. Nous sommes ici dans la véritable générosité, celle qui ne demande rien en retour, et qui consiste donc en un don qui peut être accepté sans risque.
Dans l'autre cas, si je donne par exemple de l'argent à mon enfant, je le perd et ne peux pas le retrouver. Je crée de fait une relation de dette avec mon enfant (je n'ai pas d'enfants, c'est un exemple). Je m'attend donc à ce que mon enfant me rembourse d'une manière ou d'une autre, et pourtant mon enfant n'a aucun moyen de refuser ce don, puisque la joie qu'il éprouve à l'idée de pouvoir se procurer quelque chose avec l'argent n'est pas troublée par la crainte de contracter une dette avec moi. Il en va de même lorsque les anciens rois firent don de l'argent à leurs peuples, en créant du même coup le système de l'impôt comme moyen de récupérer, tôt ou tard, ce don. Nous sommes là dans l'appropriation d'autrui et non dans son enrichissement gratuit, comme dans les exemples du premier cas. C'est à mon sens pourquoi Jésus, le plus grand des philosophes selon Spinoza, expliqua qu'il fallait "rendre à césar ce qui appartient à césar"

22.19
Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut. Et ils lui présentèrent un denier.
22.20
Il leur demanda: De qui sont cette effigie et cette inscription?
22.21
De César, lui répondirent-ils. Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui est à César.

Evangile de Matthieu.

Et il en va de même lorqu'on donne de l'argent à un misérable, cela n'est pas un don, c'est tout le contraire, c'est une appropriation, c'est dire à l'autre qui réclame un don, un vrai, c'est à dire quelque chose de vital : "je te possède, comme le tyran me possède". Et donc le don, le plus souvent, n'est que l'exercice d'un pouvoir sur autrui, et non une preuve de générosité.

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Messagepar pi » 02 déc. 2007, 23:28

Henrique a écrit :Certes un Pierre François Moreau sera beaucoup moins hasardeux dans ses explications mais aussi beaucoup moins jubilatoire et la distance qu'il affecte de prendre dans ses derniers commentaires, après la grande saillie de son livre sur l'expérience et l'éternité, me donne l'impression d'observer Spinoza comme un entomologiste observe une fourmi, de façon très détaillée et méthodique, mais toujours extérieurement, sans jamais la comprendre.


Pourquoi dis-tu que Moreau te donne l'impression de ne pas comprendre Spinoza? Qu'est-ce qui manque?

Je pose la question car je suis en train de lire son livre sur l'expérience et l'éternité et j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt ses derniers commentaires filmés.

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Messagepar Henrique » 04 déc. 2007, 18:54

Pourquoi dis-tu que Moreau te donne l'impression de ne pas comprendre Spinoza? Qu'est-ce qui manque?

Je pensais à son dernier ouvrage "Problèmes du spinozisme", notamment au texte "qu'est-ce que la philosophie ? La pratique de la démarcation". Moreau s'y livre à une analyse du vocabulaire employé par Spinoza dans le contexte des occurrences du terme de philosophie ou de philosophe et en tire des conclusions générales sur la la définition qu'en aurait Spinoza : une pratique de la démarcation, de la division entre les idées qui relèvent de l'imagination et de l'entendement et ainsi entre une vaine philosophie et une philosophie vraie. En soi, ce n'est pas faux bien sûr, mais pour comprendre ce que peut être la philosophie chez Spinoza comme n'importe quel concept, une analyse lexicale me semble revenir à passer à côté du contenu proprement conceptuel que vise cet auteur qui considérait que "Il est nécessaire de faire distinction entre les idées et les mots par lesquels nous exprimons les réalités." En l'occurrence, faute d'avoir étudié cette question en partant des idées plutôt que des mots, Moreau me semble passer à côté de ce qui unit éthique et philosophie : comme il s'agit de mots différents, que la pratique lexicale de Spinoza tend à opposer, ce qui conduit à passer sous silence toute la portée d'un passage comme E3P57S qui dit : "la différence n'est pas médiocre entre le bonheur que peut ressentir un ivrogne et celui qui est goûté par un philosophe et c'est une remarque que j'ai tenu à faire ici en passant."

Ce que je reproche donc un peu à Moreau, c'est d'aborder Spinoza extérieurement, notamment à travers l'étude de son vocabulaire, ce qui le conduit à une distanciation qui sous couvert d'objectivité universitaire fait de sa philosophie une chose relative qu'on pourrait observer sans être engagé personnellement dans son étude. Or comprendre quelque chose, en un sens spinoziste du moins tel que je l'envisage, c'est en saisir l'essence de l'intérieur, saisir et/ou être saisi par ce qui m'unit à cette chose de telle sorte qu'il n'y a plus, dans la substance unique, d'opposition réelle du sujet et de l'objet - ces fictions de l'imagination des philosophes.

Mais je parlais d'une certaine tendance de ses derniers ouvrages, pas forcément de tous ni en particulier de son livre sur l'éternité...


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