le don

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Panache
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le don

Messagepar Panache » 21 juin 2007, 19:14

J aimerai avoir vos réflexions sur le don dans l'éthique.
Il me semble qu a la base, chaque mode cherchant avant tout à persister dans l'existence, le don est toujour altruisme illusoire, en fait attente intéressée de retour.

Disons absence de don lorsque je suis prisonnier de la connaissance du premier genre
Don intéressé lorsque je suis dans la connaissance du second genre

D un autre coté, il me semble que dans la connaissance du troisieme genre, je prends conscience que je suis partie du tout. Et aussi en tant que sage, je souhaite le meme bien a tous les hommes. Et alors il y a un "altruisme" véritable possible, sauf qu il ne s agit pas d altruisme puisque pour qui est dans la connaissance du troisieme genre il n y a pas de séparation.

Ceci rédigé tres vite, en écho a
http://frederic.lordon.perso.cegetel.ne ... %20don.pdf

C tout merci a vous meme si pas de réponse.
Il est bien ce forum et ce site

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Henrique
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Messagepar Henrique » 05 nov. 2007, 16:01

Je suis d'accord pour dire qu'il n'y a pas véritablement de don, dans une connaissance du premier genre, si par don on entend la capacité à céder un bien sans contrepartie. Encore qu'ici le bien est ce qu'on considère comme tel, ce dont il nous coûte de nous séparer. Comme on se considère effectivement comme séparés les uns des autres dans ce mode de connaissance mutilée de soi, du monde et de la vie, on imagine toute cession d'un bien comme une diminution de notre puissance d'agir qui ne peut être justifiée que si elle est compensée par un bien équivalent.

Dans la connaissance du second genre dont il est question avec l'homme libre de la quatrième partie de l'Ethique, il n'y a plus d'opposition entre mon utilité bien comprise et l'utilité de l'humanité en général. Je peux ainsi comprendre qu'en payant des impôts qui serviront à la collectivité, je me rend service à moi-même - de même qu'en cherchant à cultiver ce qui m'est véritablement utile (la connaissance des affects, les vertus qui s'ensuivent), je suis également beaucoup plus utile à l'humanité qu'en restant au niveau des passions qui finissent toujours plus ou moins en tristesse et en haine. Il me semble que déjà à ce niveau, on n'est certes pas dans un altruisme qui consisterait à sacrifier absolument son bien propre pour le bien d'autrui : le transfert de bien ne se fait pas de particulier à particulier, mais cela peut conduire tout de même à un sacrifice pour le bien de l'humanité, le transfert se faisant du particulier à l'universel. C'est que le sujet du second genre de connaissance s'universalise, il ne se réduit plus à un intérêt particulier : l'intérêt général est pour lui plus intéressant, plus porteur de puissance et de joie que l'intérêt particulier. On n'est donc ni dans l'altruisme, ni dans l'égoïsme si par égoïsme, on entend la préférence de son intérêt particulier par rapport à l'intérêt général, la tendance à ériger son intérêt individuel en absolu indépassable.

Dans le troisième genre, il n'y a certes plus de séparation entre le mien et le tien, mais il demeure à mon sens une distinction : l'infinie productivité de la nature ne produit pas un seul individu mais une infinité de modes, distincts entre eux en termes de puissance d'exister. Or ce n'est pas parce que je comprend que l'air que je respire est fait de la même substance fondamentale que celle de mon corps que je vais renoncer à le transformer après l'avoir expiré. Cette substance qui m'unit à toutes choses comme à tout homme est ce qui fait que je ne perds rien quand je donne quelque chose comme ce qui fait que je ne gagne rien si on me donne quelque chose, mais pour autant, je ne cesse pas de donner inconditionnellement, sans avoir besoin d'espoir de retour, comme je ne cesse pas de recevoir, en tant que mode singulier de la substance, dès que je respire, dès que je parle, dès que je vis.

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Messagepar Faun » 06 nov. 2007, 07:48

Le thème du don est bien présent dans l'oeuvre de Spinoza et sous plusieurs aspects.
Premièrement la Générosité qui consiste à s'efforcer d'aider tous les autres hommes et à se les lier d'amitié (scolie de la proposition 59 de la partie 3).
Cette Générosité n'est en fait rien d'autre que l'Amour, comme on le voit dans la proposition 46 de la partie 4. Et cet Amour n'est pas une passion mais une action de l'esprit qui naît de l'intelligence.
Ensuite la Reconnaissance que l'on voit apparaître dans la proposition 71 de la partie 4 : "seuls les hommes libres sont très utiles les uns aux autres, et se joignent les uns aux autres par un très grand lien d'amitié, et, d'un égal zèle d'amour, s'efforcent de se faire mutuellement du bien ; et par suite seuls les hommes libres sont très reconnaissants les uns envers les autres."
Dans le traité de l'amendement de l'intellect, Spinoza dit bien qu'il recherche "un bien vrai, et qui pût se partager".
D'autre part Spinoza précise dans le chapitre 17 de l'appendice de la quatrième partie que : "le soin des pauvres incombe à la société tout entière, et concerne seulement l'utilité commune."
Mais j'éviterais comme Henrique de prétendre que l'impôt soit la meilleure manière d'aboutir à ce résultat. Bien plus, il me paraît que c'est l'argent qui est la première cause de l'inégalité et donc de la pauvreté. Par suite le partage des biens matériels entre tous les membres d'une communauté humaine peut tout à fait se concevoir sans nécessairement passer par l'argent ni par les impôts. Mais il ne peut en revanche pas se passer de lois ou de règles de vie qui imposent d'une manière ou d'une autre le partage et la générosité, puisque rares sont les hommes libres qui désirent réellement pour autrui ce qu'ils désirent pour eux mêmes.

PS : le lien ne fonctionne pas.

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Messagepar hokousai » 06 nov. 2007, 16:20

cher Henrique

Vous dîtes que dans une connaissance du premier genre ""on imagine toute cession d'un bien comme une diminution de notre puissance d'agir qui ne peut être justifiée que si elle est compensée par un bien équivalent."""
Nous aurions donc bien dans une "connaissance du premier genre'" un savoir de ce que c'est qu'une augmentation et une diminution de notre puissance d'agir .
J’avoue avoir du mal sur ce sujet du don à distinguer ce qui est du premier genre et du second genre .

Serait- ce dans la justification du don ? Et dans le second genre vous posez un équivalent (un bien équivalent ) lequel est l'utilité de l'humanité en général.
Est- ce que c'est là l'apport d 'une connaissance du second genre ?

Mais s’il réside dans le savoir de relations de causes à effets , dans le premier genre de connaissance nous avons déjà un savoir assez précis des effets .

Je vous fais remarquer que ce savoir n’induit absolument pas de se déterminer à donner pour le bien de l’ humanité quand la raison vous dit que vous allez tirer bien plus d’avantage à donner avec compensation personnalisé .
Le savoir rationnel des causes et des effets n’implique pas la générosité .On a pu lire bien des discours libéraux montrant que la prodigalité était nuisible à chacun et à tous et même que de ne pas être généreux et de faire égoïstement profiter son capital cela finirait par enrichir tous le monde (car il faut bien cette justification là aussi….cerise sur le gâteau )

Position contraire à celle que vous exprimez "l'intérêt général est pour lui plus intéressant, plus porteur de puissance et de joie que l'intérêt particulier. "

Dans la position libérale l’intérêt particulier est porteur et conséquemment ( mécaniquement ) induit un avantage général ,celui ci dépendant causalement de l’intérêt particulier bien géré .
La thèse libérale est rationnelle et bien argumentée ( Adam Smith )
……………………….

En revanche on observe des générosités non raisonnées , elles ne demandent aucune compensation d’aucun ordre .

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Messagepar Henrique » 06 nov. 2007, 18:37

A Faun,
Il y a bien pour l'homme conduit par la raison, i.e. le second genre, une capacité à céder certains biens sans contrepartie équivalente : par générosité, un homme libre sera ainsi capable de dépenser de l'énergie, du temps ou de l'argent (qui n'est qu'un symbole des deux précédents) pour permettre à un autre de vivre mieux, qu'il s'agisse d'un homme en train de se noyer ou d'un homme qui n'a pas mangé depuis 3 jours (sachant que si la compréhension de Dieu ou de la Nature est le bien suprême, respirer de l'air plutôt que de l'eau ou avoir le ventre à peu près rempli est nécessaire pour que ce bien suprême soit possible chez nos semblables).

C'est que ce qui le motive, ce n'est pas l'espoir d'être payé en retour d'un bien équivalent dans un avenir plus ou moins proche, espoir supposant la médiation d'un calcul : une vie contre une vie, de quoi manger contre un peu de travail. Ce qui le motive, ce n'est aucune idée touchant à ce qui pourrait arriver dans un avenir toujours fort incertain, mais c'est la conscience que ce qui est utile à un semblable lui est utile aussi, mais immédiatement : permettre à d'autres hommes de comprendre, c'est rendre à chacun ce qui lui est dû, la raison conduisant l'homme libre à vouloir que tout homme comprenne davantage (E4P37 ), c'est-à-dire à faire du pouvoir de comprendre un droit pour chacun. C'est donc l'idée de justice présente qui motive l'homme libre, non l'espoir d'un bien avenir.

Mais s'il n'obtient pas de bien médiat équivalent en échange de son apport, il obtient un bien immédiat : l'accord avec soi-même, en tant qu'homme raisonnable, qui consiste ici à être juste et la joie de renforcer la jouissance de ce qu'il aime en apportant aux autres de quoi en jouir également (2nde démonstration d'E4P37). Nous n'avons donc pas cession d'un bien sans aucun bien en retour, mais il est vrai que pour l'imagination, cette capacité à céder des biens sans espoir ou besoin de retour équivalent en termes de valeur marchande pourra passer pour un don inconditionnel. Et à cet égard, le 3ème genre n'apporte qu'un peu plus d'immédiateté encore par rapport au second qui suppose encore un raisonnement.

Notons toutefois que si l'homme libre est capable d'aider un autre sans contrepartie matériellement équivalente dans une situation d'urgence notamment, il est clair comme tu le rappelles avec E4C17 que cela ne peut être accompli au delà des forces individuelles d'un seul et que par ailleurs, si une société raisonnable se doit d'apporter aux plus faibles les moyens d'entrer dans le jeu social, sans contrepartie matérielle, ce ne serait pas rendre service à cette société comme à ces plus faibles que de les dispenser de tout travail et donc de toute capacité d'échange pour s'assurer de quoi bien vivre. Produire soi-même les moyens de sa propre subsistance est un bien supérieur à dépendre pour d'autrui pour vivre.

Sinon, Faun, que proposes-tu concrètement d'autre que l'argent et le fisc pour permettre aux plus faibles de subsister et de trouver le temps d'accroître leurs capacités intellectuelles ? N'oublions pas le premier chapitre du TP : utopie n'est pas philosophie politique sérieuse.

Ensuite, l'inégalité en termes de moyens de subsistance n'est pas en soi la cause de la pauvreté : si un homme possède assez pour s'assurer de vivre dignement et qu'un autre possède énormément, cela ne fera pas du premier un pauvre : il aura les moyens de ne pas accepter n'importe quel contrat en faveur inéquitable du plus riche, bien qu'il demeure une inégalité entre eux. J'appelle aisé celui qui possède de quoi préserver une vie décente sans dépendre du seul bon vouloir d'autrui, ne pas devoir être conduit à accepter des conditions indécentes de vie. Riche celui qui possède de quoi vivre aisément tout en possédant en plus de quoi acheter la dignité d'autrui. Pauvre, celui qui ne possède que le nécessaire pour assurer sa subsistance, son travail servant uniquement à l'assurer et non à s'épanouir matériellement et mentalement. Misérable celui qui ne possède même pas le nécessaire pour s'assurer une vie décente.

Aussi, relisons un peu Rousseau, ce n'est pas l'argent qui est cause première de l'inégalité, c'est la fortune et la propriété (au sens des biens obtenus par hasard). L'argent n'est venu que plus tard pour permettre une meilleure équivalence entre les biens échangés - ce qui a pu à la limite accroître les inégalités mais aussi parfois les diminuer (notamment en évitant que le fruit d'un travail personnel - des peaux de bêtes ou des sacs de fruits - ne perde sa valeur d'usage avant d'avoir pu être échangé). Ainsi, un premier homme trouve dans la nature par chance de quoi manger pour deux, par exemple un endroit où se trouve tout un champ de pommiers : il peut alors demander à un autre de travailler pour lui, en échange de la moitié de ses pommes, en allant cueillir d'autres pommes avec lui. Ce travail effectué et en supposant qu'il a continué de travailler un peu, le premier possède à nouveau de quoi manger pour deux, voire un peu plus, tandis que l'employé ne possède toujours aucun "capital". Comme le second s'est fatigué pour payer sa dette, il est maintenant devenu dépendant de son employeur pour obtenir de quoi vivre, employeur qui ne tardera pas à devenir son maître : plus ce dernier s'enrichira, plus il possèdera les moyens d'employer d'autres hommes pour l'enrichir, plus les employés devront se soumettre à lui. Mais bien sûr tout cela ne fonctionne que parce qu'à l'origine celui qui deviendra l'employé reconnaît la légitimité de la possession de l'employeur. La propriété en effet est la reconnaissance par celui ou ceux avec qui on fait société de la légitimité d'une possession (E2P37S2), sachant qu'à l'état de nature, on peut posséder tout, tout en étant menacé en permanence d'être dépossédé de tout. Mais si l'employable avait dit à l'employeur "ce verger, tu l'as trouvé par chance, il ne t'appartient donc pas plus qu'à moi", l'inégalité de l'employeur et de l'employé n'aurait pas eu lieu.

Aujourd'hui encore, les inégalités se maintiennent et peuvent s'accroître parce certains naissent par chance dans une famille riche, ayant obtenu par héritage un capital permettant au jeune riche d'être du côté des employeurs plutôt que des employés dès son entrée dans la vie active, tandis que d'autres naissent dans des familles qui leur donneront au mieux les moyens d'être du côté des employés les moins mal payés. On n'a jamais vu un prolétaire, c'est-à-dire celui qui ne possède que sa force de travail pour subsister, devenir un capitaliste à la seule force de son travail : seule la chance, voire la malhonnêteté (qui revient à la chance de ne pas s'être fait prendre trop tôt) peut lui permettre de s'élever au dessus de sa naissance. Et tout cela n'est possible et ne s'accroît que parce que ces possessions privées obtenues par chance sont considérées comme légitimes en soi. Ces possessions ne relèvent pas d'abord de l'argent le plus souvent : l'argent ne vient pas de rien à la base, qu'il s'agisse d'une mine d'or ou d'un patrimoine immobilier. Et le seul moyen de faire en sorte que les inégalités ne s'accroissent pas au point de créer de la misère et de la dépendance, c'est de remettre en cause l'absolue légitimité des possessions de l'employeur, en redistribuant notamment sous forme d'argent, beaucoup plus pratique tout de même que redistribuer sous forme d'or ou de morceaux de pierre.

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Messagepar Henrique » 06 nov. 2007, 19:44

hokousai a écrit :Vous dîtes que dans une connaissance du premier genre ""on imagine toute cession d'un bien comme une diminution de notre puissance d'agir qui ne peut être justifiée que si elle est compensée par un bien équivalent."""
Nous aurions donc bien dans une "connaissance du premier genre'" un savoir de ce que c'est qu'une augmentation et une diminution de notre puissance d'agir .
J’avoue avoir du mal sur ce sujet du don à distinguer ce qui est du premier genre et du second genre .


Avoir conscience que ma puissance d'exister augmente ne signifie pas nécessairement comprendre clairement et distinctement les causes de cette augmentation.

Dans le premier genre, l'individu se croyant séparé des autres - principe imaginaire ici - considère que se départir d'un bien en sa possession - énergie, temps, fruits de son travail etc. - est une diminution de sa puissance d'exister qui ne peut valoir que parce qu'il espère un plus grand bien en retour - ici toutefois se mêle en partie un principe rationnel facile à comprendre : E4P65. Et pour cause, en ignorant les véritables causes de la joie, l'opiniâtre s'imagine qu'elle vient exclusivement de biens équivalents matériellement.

Dans le second genre, l'homme de raison sait entre autres que la joie vient d'appartenir à une société forte et de la joie partagée, mutuellement renforcée - parce que la joie est une augmentation de ma puissance de comprendre/éprouver qui augmente à mesure qu'augmente celle d'autrui. Dès lors il peut céder un bien sans avoir besoin d'espérer être payé en retour d'une joie plus grande que celle qu'il avait auparavant : donner est déjà pour lui une plus grande joie que recevoir (cf. ma réponse à Faun).

Mais s’il réside dans le savoir de relations de causes à effets , dans le premier genre de connaissance nous avons déjà un savoir assez précis des effets .

Mais connaître les effets ne suffit pas immédiatement à comprendre les causes.

Je vous fais remarquer que ce savoir n’induit absolument pas de se déterminer à donner pour le bien de l’ humanité quand la raison vous dit que vous allez tirer bien plus d’avantage à donner avec compensation personnalisé .


"Donner avec compensation personnalisée", c'est je suppose échanger.

Ce n'est pas la raison au sens spinoziste qui nous fait préférer l'échange de bons procédés au don sans contrepartie médiate (bien qu'il y ait comme je l'ai montré au dessus une contrepartie immédiate) pour celui à qui est en situation de péril imminent. C'est l'imagination qui jouit de l'image future d'un bien obtenu en profitant d'une situation donnée. Pour la raison, il ne saurait y avoir d'avantage à ajouter de la misère à la misère, de la servitude à la servitude.

Le savoir rationnel des causes et des effets n’implique pas la générosité .On a pu lire bien des discours libéraux montrant que la prodigalité était nuisible à chacun et à tous et même que de ne pas être généreux et de faire égoïstement profiter son capital cela finirait par enrichir tous le monde (car il faut bien cette justification là aussi….cerise sur le gâteau )

Mais les discours libéraux, avec pour tête de gondole le sceptique David Hume, maître de David Smith, confondent en permanence calcul mêlé d'imagination et raison. Le libéralisme n'est à la base qu'un empirisme sceptique, une absence d'amendement de l'intellect, conduisant à croire qu'en dehors des impressions vives de la perception et des impressions affaiblies dites de l'entendement (dont Spinoza montre bien justement qu'elles relèvent encore de l'imagination), il n'y a rien, faute d'avoir pu y réfléchir correctement.

Sans tomber ici dans l'argumentum ad hitlerum, ce n'est pas parce qu'on a parlé de la rationalisation du massacre des juifs avec la "solution finale" que cette solution était effectivement rationnelle : intégrer du calcul à une injustice ne suffit pas à la rendre conforme à la raison. De même, laisser se perpétuer et s'accroître une situation où certains hommes (prolétaires) sont en situation de dépendance vis-à-vis du bon vouloir d'autres hommes (détenteurs de capital et ainsi d'emploi), sous prétexte que ce serait conforme aux calculs de maximisation des profits de certains économistes ne suffit pas à faire un projet rationnel de vie en société. L'augmentation des richesses globalement produites ne signifie nullement la nécessité de l'augmentation du bien-être et de la liberté de tous dans une société, comme l'a amplement montré l'expérience du libéralisme d'avant la guerre de 39-45, puis celle du néo-libéralisme thatchero-reaganien.


En revanche on observe des générosités non raisonnées , elles ne demandent aucune compensation d’aucun ordre .


Ce sont soit des générosités supposant un calcul mi-conscient, du type "je passe les plus belles années de ma jeunesse à m'occuper de ce gentil vieillard très riche, mais tout de même il serait alors parfaitement injuste que je ne sois pas particulièrement privilégié le jour de la lecture du testament", donc de fausses générosités. Soit des générosités relevant non plus de la raison mais de l'intuition intellectuelle qui voit en un seul coup d'oeil que dépenser de l'énergie à renforcer l'humanité dans telle situation est plus grand et plus joyeux que se refermer sur son individualité finie. Pour être clair, un même acte, par exemple s'occuper d'un vieillard mourant, peut aussi bien être généreux qu'égoïste : tout dépend de ce qui le motive, l'imagination où interviennent certaines abstractions ou la raison suffisamment développée. Ce n'est donc pas l'acte qui est en soi généreux ou pas, mais l'affect qui le suscite, passif ou actif.

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Messagepar Enegoid » 06 nov. 2007, 21:42

(Grain de sel)
henrique a écrit :Mais connaître les effets ne suffit pas immédiatement à comprendre les causes.


"La connaissance de l'effet dépends de la connaissance de la cause et l'enveloppe"ETI axiome 4

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Messagepar Henrique » 06 nov. 2007, 23:34

Enegoid a écrit :(Grain de sel)
henrique a écrit :Mais connaître les effets ne suffit pas immédiatement à comprendre les causes.


"La connaissance de l'effet dépends de la connaissance de la cause et l'enveloppe"ETI axiome 4


Oui cet axiome signifie que pour connaître correctement un effet, il faut connaître la cause : je ne sais pas ce qu'est une éclipse du soleil si j'ignore que c'est en fait la lune qui passe entre cet astre et l'observateur. On ne connaît vraiment un effet qu'en connaissant sa cause, d'où le fait que la connaissance de l'effet implique celle de la cause. En aucun cas la connaissance de l'effet ne suffit à connaître la cause : ce n'est pas notamment parce que les hommes ont conscience de leurs désirs qu'ils connaissent la cause de ces désirs, c'est précisément pour cela que le préjugé du libre arbitre est si répandu. On peut à la limite remonter de l'effet à la cause, mais cela demande un travail de raisonnement et de méthode, c'est pourquoi j'avais en plus précisé "ne suffit pas immédiatement" et en plus, une fois qu'on a induit une cause possible à partir d'un effet, il faut vérifier l'hypothèse au moyen d'un protocole qui consiste justement à supposer les conséquences prévisibles à partir de la cause du phénomène et non de l'effet.

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Messagepar hokousai » 06 nov. 2007, 23:34

cher Henrique

Si je comprends bien la distinction des genres est dans la compréhension de ma situation essentiellement rapportée à la joie laquelle est symptôme d’ augmentation de ma puissance d’agir (ou corrélative de ma puissance d’agir ) .
Dans le second genre la compréhension change quand au statut de l'autre (autrui ) Ce que doit comprendre le sujet ( moi ) est que la joie d’ autrui est cause de l’augmentation de la mienne . Je dois donc contribuer à la joie d’ autrui . Et ma générosité ( le don ) à son égard contribue à sa joie ( à son augmentation de puissance d’agir )

Je veux bien être d’accord avec cette analyse ( supposons qu’ elle ne soit pas éloignée de ce que vous dîtes ) ,le problème est que pour moi tout cela se fait aussi sans le raisonner du tout . D’ où ma remarque "" En revanche on observe des générosités non raisonnées , elles ne demandent aucune compensation d’aucun ordre "".
………………………………….

Je comprends votre critique du libéralisme , disons que ce n’est pas le problème politique qui m’intéresse là mais l’ethique .

Je pensais en fait à Adam Smith à sa "Théorie des sentiments moraux",où est développé le thème dela sympathie .

dans la richesses des nations A Smith dit :

"En cela comme en beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir des fins qui n'entrent nullement dans ses intentions.,
Dans la theorie des sentiments moraux :

il dit"l’ homme qui ne peut subsister qu'en société, a été adapté par la Nature à cette situation pour laquelle il a été fait" ; et plutôt que de compter sur les "lentes et incertaines déterminations de notre raison", l'Auteur de la Nature a sagement doté l'homme du désir immédiat et instinctif de servir les intérêts de la société, puisque ceux-ci sont "le soin particulier et chéri de la Nature"

et encore

.Quand par des principes naturels nous sommes conduits à servir des fins qu'une raison raffinée et éclairée nous recommande, nous sommes très enclins à imputer à cette raison, comme à leur cause efficiente, les sentiments et les actions par lesquels nous parvenons à ces fins. Nous imaginons que c'est là l'effet de la sagesse de l'homme, alors qu'il s'agit en réalité de la sagesse de Dieu. Pour un regard superficiel, cette cause semble suffisante pour produire les effets qui lui sont attribués" "

Voila des propos qui contredisent ceux de Spinoza .L’ éthique chez Smith semble naturelle ,innée et inconsciente de son fondement .

Qu’en pensez vous ?
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Messagepar Faun » 07 nov. 2007, 04:40

Henrique a écrit :Aussi, relisons un peu Rousseau, ce n'est pas l'argent qui est cause première de l'inégalité, c'est la fortune et la propriété (au sens des biens obtenus par hasard). L'argent n'est venu que plus tard pour permettre une meilleure équivalence entre les biens échangés - ce qui a pu à la limite accroître les inégalités mais aussi parfois les diminuer (notamment en évitant que le fruit d'un travail personnel - des peaux de bêtes ou des sacs de fruits - ne perde sa valeur d'usage avant d'avoir pu être échangé).


Rousseau était un homme charmant, mais sa vision angélique de l'humanité ne tenait évidemment pas compte des travaux des archéologues et des ethnologues, qui n'existaient pas encore.
Combien plus intéressante est la lecture du chapitre "Appareil de capture" du livre de Deleuze et Guatarri qui constitue le second tome de "Capitalisme et schizophrénie" : Mille plateaux.

l'idée qui s'en dégage est que c'est précisément en faisant don de l'argent aux peuples que les despotes primitifs, inventeurs de l'Etat, se sont approprié d'un seul coup les territoires, les activités et les échanges, pour en faire des monopoles afin de mettre en esclavage l'humanité tout entière.


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