La décision de philosopher et le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Laurence
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La décision de philosopher et le déterminisme

Messagepar Laurence » 05 oct. 2007, 21:34

Bonjours
Je suis nouveau sur ce site
J'ai une petite question...
c'est au sujet du déterminisme chez Spinoza.
Si tous mes actes et toutes mes pensées sont déterminées ou décrétées par Dieu et en Dieu, comment se peut-il que je puisse avoir une connaissance adéquate des choses...En effet, sans libre arbitre, comment est possible la voie du sage... Si je suis un petit rouage d'un grand engrenage, comment puis-je ou ne puis-je pas décider de prendre cette voie de la sagesse, de la béatitude.

Comment je peux utiliser ma raison pour avoir une connaissance adéquate de moi et des choses singulières si chacune de mes pensées est avant tout en Dieu et décréter par Dieu.

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claire-----
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Re: le déterministe de Spinoza

Messagepar claire----- » 05 oct. 2007, 23:25

Bonsoir Laurence,

En fait, je suis très nouvelle aussi alors ...Mais pour répondre à ta question "la cause première de l'homme...c'est Dieu"
C'est à dire qu'il y a une idée claire une idée en soi et l'idée en soi c'est Dieu.
Et SPINOZA procède par le raisonnement déductif. C'est à dire qu'il part des causes pour arriver aux effets.
La cause en soi, c'est Dieu...
Et puis il y a aussi la notion de perfection et seul Dieu est parfait.
Attention Dieu, c'est la réalité et non un Dieu tout-puissant.
Et donc l'homme tu es d'accord j'imagine ne représente pas toute la réalité, il est une infime partie de la réalité...
Tu peux raisonner ensuite un peu de la même manière pour l'idée adéquate et l'idée inadéquate.
Dieu est totalité et l'homme est une partie de la totalité. Et c'est en cela que Dieu ne manque de rien...et tu peux imaginer que ce n'est pas le cas de l'homme.

En fait je ne m'aventure pas plus loin dans la réponse car en fait tu poses là, des questions tellement complexes.
Essaie de lire l'Ethique, le plus difficile est le livre premier et peu à peu la lecture se simplifie et tu verras que peu à peu en effet....tes questions sont nettement plus compliquées qu'elles n'y paraissent.
Et plus on lit Spinoza, plus cela est compliqué...
Mais le chemin de la connaissance menant vers la béatitude et ce parcours est à vivre avec joie, car la connaissance intellectuelle délivre l'homme des passions. Il n'est pas libre de ce fait, ses passions l'asservissent ... C'est pourquoi d'ailleurs SPINOZA a conçu l'éthique..
Seul Dieu est "cause libre"

Bon j'espère que mes copains ne vont pas tomber à la renverse car en fait des pages et des pages pourraient être écrites sur les questions que tu poses.

Et je leur laisse le soin de venir corriger la réponse que je te fais car le lien avec Dieu et l'idée n'est pas claire pour moi non plus. Pour le moment c'est ainsi que je me formule la réponse pour moi-même.
Ah si, c'est l'idée claire le lien, l'idée la plus claire me paraît être Dieu, pour SPINOZA car la plus parfaite. CQFD.

Enfin, je crois.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 08 oct. 2007, 16:32

La question est, si j'ai bien compris : comment passer des idées inadéquates aux idées adéquates, de l'ignorance à la sagesse, si aucune volonté libre ne nous permet de nous extraire de la détermination naturelle ?

Il n'y a ici d'impossibilité que si vous confondez détermination et fatalité, c'est-à-dire un ordre fini auquel on ne pourrait nullement échapper. Dans le système déterministe de Spinoza, l'ordre des causes et des effets est infini, de sorte que tout ce qui est concevable sans contradiction avec l'ensemble de cet ordre y est possible et même nécessaire. Ainsi, dans certaines conditions, le passage des idées inadéquates aux adéquates n'est pas moins nécessaire que que le maintien des inadéquates dans d'autres conditions. C'est comme pour n'importe quel phénomène naturel en fait : le volume occupé par une barre de fer n'est pas fatalement limité à une seule mesure, définitive ; sous l'action de la chaleur, cette barre peut et doit nécessairement se dilater. Et ce qui nous intéresse ici est que ce phénomène s'explique autant par l'action d'une source de chaleur extérieure que par la nature matérielle de la barre de fer. Il en est de même en ce qui concerne les idées adéquates.

Précisons pour commencer d'expliquer ce passage de quoi il s'agit exactement, du moins d'après ma compréhension de l'Ethique. Chaque homme naît avec certaines idées adéquates relevant du troisième genre de connaissance, appelé ainsi à mon sens non parce que ce serait le mode de connaissance le plus tardif mais parce que c'est le plus élevé. En effet, tout être humain a dès la naissance une idée obscure et confuse de son corps et de son environnement (premier genre de connaissance, naturellement inadéquat parce que partiel, mutilé et donc obscur et confus) mais en même temps "Toute idée d'un corps ou d'une chose particulière quelconque existant en acte enveloppe nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu." (E2P45 ) et cette idée est adéquate (P46). Concrètement, cette première idée adéquate, c'est l'idée d'étendue dynamique, éternelle et infinie, qu'enveloppe l'idée de mon corps.

Mais aussitôt, la somme des idées inadéquates l'emporte sur cette idée fondamentale qui va cependant subsister confusément à travers la conviction d'être immortel - se penser mort, autrement dit penser ne pas penser (c'est-à-dire être sans être, la pensée étant (re)présentation de l'étendue) étant impossible. Ce qui apparaît ensuite et plus ou moins selon les conditions extérieures dans lesquelles un individu est placé, ce sont les idées adéquates du second genre de connaissance, les notions communes : ce qui est effectivement commun à plusieurs corps ne donne plus lieu à des représentations partielles, puisqu'il ne s'agit plus ici de penser le singulier dans toute sa complexité causale et sa diversité d'essences, mais seulement le général, au sens de ce qui est concrètement commun à plusieurs corps. Selon qu'on rencontre plus ou moins de corps avec lesquels on a des points communs, on sera alors déterminé à forger plus ou moins d'idées adéquates générales : étant donné que le corps d'une pierre est très simple par rapport à celui d'un animal, son pouvoir d'être affecté par son environnement sera très limité et il lui sera ainsi impossible de s'élever à la moindre notion commune. Pour un enfant normalement constitué, à qui l'on parle régulièrement et affectueusement, à qui l'on ne fait pas mystère de ses points communs avec lui, les idées adéquates seront nécessairement beaucoup plus nombreuses. Il y a ici deux paramètres à prendre en compte : le hasard heureux d'un développement plus ou moins important de l'affectivité de l'individu et celui de ses rencontres plus ou moins heureuses par rapport à l'élévation aux notions communes. C'est ce qui fait qu'à affectivité égale, deux individus placés dans des conditions différentes développeront plus ou moins les idées adéquates ou qu'à affectivité différente, il y aura plus ou moins d'idées adéquates même si les conditions d'existence sont les mêmes.

C'est ainsi par des hasards, qui ne sont pas des défauts de causalité (il n'y a aucune magie dans la position des dès après qu'ils aient été lancés, il y a seulement une rencontre de deux séries causales sans interaction possible : celle qui me conduit à jouer à ce jeu et celle qui conduit les dès à tomber de telle ou telle façon, imprévisible si les dès ne sont pas pipés), qu'il y a passage des idées inadéquates aux adéquates, des préjugés à la rationalité : ainsi "Les hommes ont donc tenu pour certain que les pensées des dieux surpassent de beaucoup la portée de leur intelligence, et cela eût suffi pour que la vérité restât cachée au genre humain, si la science mathématique n'eût appris aux hommes un autre chemin pour découvrir la vérité ; car on sait qu'elle ne procède point par la considération des causes finales, mais qu'elle s'attache uniquement à l'essence et aux propriétés des figures" (Ethique I, App).

C'est ce qui fait que la décision résolue de s'orienter rationnellement vers la sagesse ne relève pas d'une volonté libre mais de la puissance effective (d'être affecté, puis de s'auto-affecter) de chacun, par une nécessité intérieure liée au nombre d'idées adéquates que l'on a pu forger au cours de son existence. De même, ce n'est pas parce que je le veux que je cherche le soleil en été, mais parce que je le peux : parce que ma peau n'y est pas trop sensible autant que parce qu'elle y est suffisamment sensible pour pouvoir être favorablement affecté par les rayons de cet astre (et aussi un certain nombre d'autres conditions comme le temps de se livrer à une telle activité).

Mais à aucun moment, on ne sort dans ce système de la nécessité de chaque changement ou affection comme de chaque non-changement. De même qu'à aucun moment, on n'est enfermé dans un ordre fini, cloisonné sur lui-même et fatal.


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