Vieillesse

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Faun
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Messagepar Faun » 29 oct. 2007, 18:51

Ulis a écrit :Je crois moi, en bon matérialiste, que le génome est notre essence, car c'est lui qui me caractérise et qui fait que je suis différent de toi.
Il me préexistait. Il préexistait à mes parents et ainsi de suite jusqu'en la substance. Il est donc de l'ordre de l'essence et non de l'existence.
amitiés, ulis


En aucun cas le génome ne préexiste au corps qu'il code, puisque chaque génome est unique est différent de tous les autres. Le génome n'est qu'un assemblage de molécules.

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Henrique
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Re: Vieillesse

Messagepar Henrique » 29 oct. 2007, 19:23

Aurinko a écrit :Il semble qu'il y ait un mécanisme, présent en tous, qui fait que le corps, suite à son travail constant de renouvellement, vieillit. Le vieillissement semble bien être comme le dit Hokousai de l'essence de l'homme.


Pour ma part, je dirais que le travail de renouvèlement cellulaire, avec la possibilité de cancer que cela induit, peut déjà être compris comme une réponse du conatus à l'usure occasionnée par les corps extérieurs : donc si par miracle, il n'y avait pas de corps extérieurs, il n'y aurait pas d'usure et donc pas de renouvèlement cellulaire - mais en même temps, s'il n'y avait pas de conatus, il n'y aurait pas non plus de renouvèlement cellulaire : le vieillissement peut donc se comprendre comme une résultante du conatus, mais pas suffisante : le corps pluricellulaire n'est pas cause adéquate de ce renouvèlement, pas plus que du dérèglement de ce renouvèlement, tant dans le cancer que dans le vieillissement.

Etant à mes débuts dans la découverte de l'Ethique, je n'en maîtrise pas encore le vocabulaire et n'ai que des connaissances partielles de son contenu, aussi je ne me sens pas encore à la hauteur pour participer plus activement aux débats.


Au contraire, les questions et remarques "naïves" sont toujours une occasion pour les "experts" de renouveler et ainsi d'amplifier leur compréhension des sujets qu'ils s'efforcent de bien connaître. En l'occurrence, on oppose souvent à la théorie du conatus le fait suicidaire, mais le vieillissement beaucoup moins souvent alors que la question est tout à fait pertinente. Pour ma part, ta question m'aura permis de commencer à mettre un peu d'ordre dans ce que je pensais savoir de ce problème. Je ne suis pas pleinement satisfait des éléments de clarification qu'on a trouvé, si on approfondit un peu, mais le travail de formulation, de mise en forme des idées en jeu, est déjà une augmentation. C'est ainsi pour moi une façon de vérifier E5P38 et même E5P39 comme j'ai pu le suggérer tout à l'heure en parlant de béatitude.

Voilà ce qui me paraît clair : si les cellules de notre corps n'étaient pas complètement renouvelées tous les 7 ans environ, elles s'useraient très vite. Ce mécanisme de renouvèlement cependant finit par commencer à se dérégler vers 21 ans, c'est le vieillissement.

Les partisans du finalisme voient dans ce dérèglement programmé une sorte de garde-fou que la nature ou Dieu aurait conçu pour éviter que les organismes vivants ne s'autodétruisent par explosion démographique et pour permettre un renouvèlement, non plus des cellules d'un corps mais du génome d'une espèce, pour permettre l'évolution, donc. Mais on se demande alors à quoi "servent" les maladies génétiques ou touchant au génome et pourquoi une nature si humainement prévoyante n'aurait pas pu trouver des moyens moins brutaux de réguler la démographie et d'enrichir le génome des espèces...

Nous avons donc envisagé l'hypothèse que le dérèglement de ce renouvèlement était programmé génétiquement, non en raison de considérations sur le bien final d'une espèce, mais comme résultante de la sélection des individus les plus aptes : les premiers organismes qui étaient "aptes" au vieillissement auraient été plus aptes à survivre durablement face au phénomène de division cellulaire anarchique que représente le cancer et auraient naturellement transmis leur génome sexuellement sans qu'il faille ici faire intervenir une providence transcendant les individus. Mais c'est un peu reculer pour mieux sauter : le cancer n'est-il pas lui-même une forme d'autodestruction ? J'ai essayé de donner quelques éléments d'explication pouvant permettre de maintenir cette hypothèse non-finaliste.

Mais ce dérèglement du renouvèlement cellulaire pourrait aussi bien valoir pour le vieillissement que pour le cancer. Il s'agirait alors de deux formes non opposées mais "soeurs" de ce dérèglement. Et ce dérèglement lui-même pourrait se comprendre comme résultant en général de l'usure et de l'intoxication occasionnée par la coexistence avec les autres corps, y compris ceux qui nous renforcent et nous alimentent, au cours de l'existence individuelle comme au cours de l'existence de l'espèce à laquelle il appartient génétiquement, à des degrés divers. En aucun cas par une sorte de mécanisme d'autodestruction préprogrammé comme dans Mission Impossible.

Encore un mot pour dire combien j'apprécie ce site de référence.
Amitiés.


Merci de tes encouragements et au fait, bienvenue à toi ici ! :D

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Messagepar hokousai » 29 oct. 2007, 19:32

moi qui ne suis pas un bon matérialiste je pense que Spinoza a beaucoup de difficultés à penser les transitions et globalement les métamorphoses .
Cela dit je pense que son propos est ailleurs à un autre niveau de rationalité que celui de la décroissance (ou déclin ) des organismes .

Les propositions sont apparemment contradictoires pour une raison assez simple à mes yeux :le sujet est compris comme suivant de sa définition .
Un homme c’est ce qui est défini comme un homme clairement et distinctement, voila l’essence d’un homme , il tend à perdurer dans son être, dans son être comme structure globalement inchangée .
Et puis il meurt
Mystère de la mort ! Si on en attribue la cause à une puissance d’agir extérieure , la médecine ne nous le dit pas ( elle dit même souvent le contraire )
Pour comprendre Spinoza il faut refuser l’existence substantielle de sujets , ce que fait Henrique quand il dit :

il n'y a plus les corps extérieurs qui me détruisent et mon corps qui résiste mais une seule nature en laquelle tout est parfait

Mais on ne le peut pas à tous les niveaux de raisonnement .
........................................

Je demandais où est le sujet ( la chose qui persiste en son être).
Chaque corps s’il est considéré comme sujet est (en dépit de l’unicité de sa définition ) divisible en une infinité de sous-sujet (organes , cellules , gènes molécules par exemple ) attaquées par des causes extérieures et causes elle mêmes d’ attaques extérieures mais qui pour leur copte persévèrent dans leur être – selon leur essence et leur définition )
Il est bien évident que le visage de la bataille change au cours du jour .Le matin de Waterloo ce n’est pas le soir de Waterloo et même si chaque soldat à persévéré dans son être ( ou tenté )

Le problème avec Spinoza est qu il ne nous dit pas (ou pas assez dans les propositions dont on parle ) qu 'à l’intérieur de chaque soldat il y a encore une armée et qu à l’intérieur de cette armée il y en encore et encore .

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Messagepar Henrique » 29 oct. 2007, 20:26

Faun a écrit :
Ulis a écrit :Je crois moi, en bon matérialiste, que le génome est notre essence, car c'est lui qui me caractérise et qui fait que je suis différent de toi.
Il me préexistait. Il préexistait à mes parents et ainsi de suite jusqu'en la substance. Il est donc de l'ordre de l'essence et non de l'existence.
amitiés, ulis


En aucun cas le génome ne préexiste au corps qu'il code, puisque chaque génome est unique est différent de tous les autres. Le génome n'est qu'un assemblage de molécules.


La deuxième phrase d'Ulis est assez clairement réfutée il me semble. Et quand on parle d'essence d'un point de vue spinoziste, on ne parle pas premièrement de ce qui différencie une chose des autres mais d'abord de ce qui fait qu'elle est ce qu'elle est.

Mais Ulis pourrait justement faire remarquer que ce que tu dis du génome est conforme à la définition spinoziste de l'essence : ce qui une fois posé fait que la chose est nécessairement posée, ou ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue et inversement ce qui sans la chose ne peut ni être ni être conçu : pas de corps humain sans génome, mais pas de génome non plus sans corps humain. Mais à ce compte, on pourrait tout aussi bien dire "pas de corps humain sans coeur et pas de coeur sans corps humain". Le génome est une partie du corps humain au même titre que le coeur ou le cerveau.

L'essence d'un corps, c'est la totalité de ce corps en tant qu'il s'efforce de persévérer dans son être : E3P7 l'explique bien il me semble. Sans le coeur, le corps peut subsister quelques instants, et le génome est encore présent dans quelques cellules du corps alors que le reste est déjà mort ou encore dans un morceau d'ongle coupé quand le reste est encore vivant. Par contre, sans le conatus si par miracle c'était possible, le corps cesserait immédiatement de se tenir ensemble, et tout ce qui l'entoure prendrait immédiatement sa place et sans le corps, il n'y a aucun conatus.

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Messagepar Sirius » 29 oct. 2007, 20:35

Henrique je cois que je suis encore une fois d'accord avec toi.
La question du vieillissement dans l'essence de l'homme est délicate et il est plus simple de dire que celui-ci fait partie de la Nature, de Dieu et de l'accepter comme les autres choses qui nous sont exterieures.

Mais il est vrai que certains animaux ne vieillissent pas et donc que le vieillissement est une caratéristique de l'homme...

Si je comprends bien la proposition de Spinoza (ce qui a beaucoup d'importance pour moi), l'inexistence ne peut être entrainé par le vieillissement car il nous fait mourir mais ne nous empêche d'exister (ou d'avoir exister)

Pour ce qui du génome je ne l'est jamais considéré comme l'essence de l'homme. Le génome est un point de départ, les conditions initiales de notre existence. Personnellement je pense que l'essence de l'homme est la somme de son génome avec tout ce qu'il vécu, vit et vivra. Ell est donc liée directement à celle de la nature car c'est son contact avec elle qui définie comment il vit...
Cette vision est elle en accord avec les idées de Spinoza ?

Merci pour vous réponses éclairées

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Messagepar hokousai » 29 oct. 2007, 21:23

Bon ! je vais prendre l’affaire autrement

cher henrique

Vous parlez de cause extérieures et puis de causes intérieures ( le cancer par ex ),sur ces causes : il est bien vrai qu'on meurt rarement en bonne santé .

Mais est- ce là la question ?
Aussi intense que soit l’ effort pour persévérer dans son être l’homme meurt .
La médecine nous dit qu’il meurt ( au mieux ) de vieillissement . Le vieillissement entraînant la mort . (vous n’allez pas prétendre que les vieux ont moins de probabilités de mourir dans, l’année que les jeunes )

Pour être encore plus clair : au mieux nous avons quatre vingt dix ans à vivre .(plus ou moins ).
Quelles que soient les cause extérieures . Ou qu’importe les causes extérieures , celles ci seraient -elles très favorables nous ne pouvons espérer mieux .(et en fait c’ est sur les causes intérieure que la médecine cherche à agir )

Les causes extérieures étant à peu près les mêmes pour moi et ma petite fille j’ose espérer mourir avant elle .

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Messagepar Ulis » 29 oct. 2007, 21:50

En effet, je me suis mal exprimé. Génotype est un terme trop général, simplifions avec l' ADN. Ce que je veux dire est que l'ADN qui caractérise mon existence - donc les composants de mon ADN - sont partie intégrante de mes ascendants, jusqu'à la substance.
Cet ADN exprime ainsi "matériellement" et éternellement mon essence, encore qu'il fonde temporairement mon existence.
ulis

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Messagepar Ulis » 29 oct. 2007, 22:05

Henrique,
Je ne partage pas ta définition de l'essence. Je pense que, pour Spinoza , l'essence, le corps et le conatus sont des notions distinctes. Je pense aussi, mais c'est très personnel, que Spi était un "matérialiste absolu" et que pour lui, l'âme est un corps... l'essence est un corps...
ulis

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Messagepar Henrique » 30 oct. 2007, 01:44

Ulis a écrit :Henrique,
Je ne partage pas ta définition de l'essence. Je pense que, pour Spinoza , l'essence, le corps et le conatus sont des notions distinctes. Je pense aussi, mais c'est très personnel, que Spi était un "matérialiste absolu" et que pour lui, l'âme est un corps... l'essence est un corps...
ulis


Hello Ulis,
Ce serait intéressant que tu développes ta lecture matérialiste absolue du spinozisme dans un post spécifique. Il me semble difficile en effet de nier que Spinoza confère à la pensée le statut d'attribut de la substance, au même titre que l'étendue, ce qui l'amène à E2P7, E3P2 et surtout E5P1 et non à réduire la pensée à l'étendue, comme si la première n'était qu'un mode de la seconde.

Mais pour ce qui est "ma" définition de l'essence, je ne pense pas faire très original, puisque je n'ai fait que reprendre ce qu'en dit Spinoza : Ethique II, définition II. Quant à l'identité de l'essence actuelle, du corps et du conatus, c'est comme je l'avais rappelé E3P7 qui en parle. Mais tu préciseras sûrement ton propos et/ou mon erreur si tu en as le temps.

Hokousai a écrit :Pour être encore plus clair : au mieux nous avons quatre vingt dix ans à vivre .(plus ou moins ).
Quelles que soient les cause extérieures . Ou qu’importe les causes extérieures , celles ci seraient -elles très favorables nous ne pouvons espérer mieux .(et en fait c’ est sur les causes intérieure que la médecine cherche à agir )

Les causes extérieures étant à peu près les mêmes pour moi et ma petite fille j’ose espérer mourir avant elle .


Cher Hokousai, et sauf votre respect, vous êtes fondé à espérer que les choses se passent ainsi simplement parce que vous êtes plus usé, par les causes extérieures, que votre petite fille : votre système de renouvèlement cellulaire a largement commencé à se dérégler tandis que celui de votre petite fille commence juste à se mettre en place.

D'autre part, les causes extérieures importent ici au plus au point, puisque nous dépendons du corps de nos parents puis de tout ce qui peut nous alimenter pour subsister. C'est pour cela qu'avec une alimentation convenant à notre corps et une amélioration générale des conditions de vie (hygiène, habitat, congés payés, médecine etc.), on passe en deux siècles d'une espérance de vie moyenne de 40 ans à 80 ans. Comme je l'ai assez pas mal dit, à la suite de Faun, dès lors que nous absorbons des éléments extérieurs pour nous maintenir en vie, nous absorbons aussi ce qui nous intoxique et nous use : l'oxygène en est un exemple évident.

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Messagepar Ulis » 30 oct. 2007, 08:17

Henrique,
Je crains n'avoir ni le temps, ni les moyens de défendre sérieusement ma conception du spinozisme. J'ai simplement fait un petit signe aux "matérialistes" qui semblent avoir malheureusement déserté le site.
Je m'intéresse à Spinoza depuis une vingtaine d'années et, bien que retraité, mes activités ne me laissent que peu de temps de concentration.
Je ne suis pas philosophe, mais tu sais bien que l'amour de Spinoza est partagé par tout homme de bonne foi, même de ceux qui en ont une lecture "rustique" comme l'homme de Kiev!
ulis


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