Vieillesse

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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bardamu
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Messagepar bardamu » 01 nov. 2007, 20:47

Enegoid a écrit :Merci à Pat-dx pour l'apoptose (mécanisme de destruction interne d’une cellule). Je ne connaissais pas.

Je propose le raisonnement suivant :

1 D’abord on simplifie le problème en s’intéressant à la cellule, plus simple que le corps humain.

2 Ensuite on regarde si l’apoptose et son mode de déclenchement permettent de concevoir sans contradiction un « corps » (une « chose ») programmée pour la mort. Et en regardant, on s’aperçoit que l’on peut le faire : c’est une cellule telle que, arrivant en fin de séquence de duplication cellulaire, elle déclenche son apoptose.
(Je dis « on peut concevoir » parce que, apparemment, çà existe sous forme d’hypothèse avec les télomères ou quelque chose comme çà. Hypothèse vérifiée ou non, la question n’est pas là).
Donc l’essence d’un certain corps peut être conçue comme ne persévérant dans son être qu’un certain temps. Cessant de persévérer pour des raisons internes, contenues dans son essence.

3 À partir de là on peut étendre en droit à tout corps ce qui est concevable pour une cellule. Et on ne peut plus exclure la possibilité d’une base génétique au vieillissement. Base parmi d'autres bien sûr !

Salut,
je n'ai pas tout lu de la discussion mais j'évoquerais quelques points :

2d7 : Par choses singulières, j'entends les choses qui sont finies et ont une existence déterminée. Que si plusieurs individus concourent à une certaine action de telle façon qu'ils soient tous ensemble la cause d'un même effet, je les considère sous ce point de vue comme une chose singulière.

Dès lors qu'une cellule ne concourt plus au conatus de l'organisme, elle lui devient extérieure.
En biologie l'organisme humain ne peut pas se réduire au "tout génétique" (cf les émissions avec Henri Atlan). Par exemple, une cellule endommagée est normalement détectée par le système immunitaire qui la détruit, éventuellement par le déclenchement d'une apoptose. Si il y a programmation d'un soi et d'un non-soi génétique, il y a aussi évolution de cette reconnaissance, et une cellule qui est reconnue comme "soi" un jour, peut devenir "non-soi" le lendemain. L'apoptose peut aussi se déclencher lorsque les chromosomes sont "usés", usure dangereuse pouvant mener à des cancers.

Si on passe au niveau de l'espèce, pour reprendre la définition citée plus haut, chaque organisme devient une partie d'un tout (l'espèce).
A ce niveau, le vieillissement ou le non-vieillissement est quasiment neutre en terme de survie de l'espèce. Ce qui compte c'est le potentiel de reproduction et une fois qu'une génération a assuré sa reproduction, ce qui lui arrive n'a guère de conséquence. L'espérance de vie n'étant plus un facteur sélectif important au-delà des 30 ans (chez l'homme ), elle ne fait plus guère l'objet d'une adaptation biologique. Les espèces peuvent s'orienter vers plus ou moins de durée des individus selon leur mode de reproduction, leur écosystème etc.
Dès lors que le génétique s'est constitué selon les conditions de persévérance de l'espèce, il n'y a pas de nécessité à ce qu'elle suive celle de la persévérance ou de la non-persévérance de l'individu.

Résumé :
- la logique de Spinoza fait qu'une partie quittant le mouvement du tout ne constitue plus la chose dont on parle
- le génétique étant déterminé selon les nécessités de l'espèce, le vieillissement d'un individu n'a pas de raison particulière d'être "programmée" dès lors que c'est la reproduction qui compte
- les mécanismes de mort induite (apoptose) servent selon les nécessités de l'organisme (morphogénèse, protection anti-cancéreuse etc.) et pas celles de la cellule
- une cellule qui quitte le mouvement de l'organisme, n'en fait plus parti du point de vue logique (et si tout va bien, selon le point de vue du système immunitaire...), et celui-ci peut la tuer. L'apoptose, ce pourrait être une mécanique de la morale : prend la cigüe Socrate, c'est pour la Cité...

P.S. : j'ai écris ça un peu vite, pas sûr que tout soit clair...

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Faun
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Messagepar Faun » 01 nov. 2007, 21:19

Autant je partage votre analyse concernant le rapport des cellules avec le tout du corps, autant lorsque vous parlez des espèces, je ne peux plus vous suivre, dans une optique spinoziste. Relisez le paragraphe 7 du chapitre 6 de la première partie du court traité : " seules les choses particulières ont une cause et non les générales, car celles-ci ne sont rien." D'où il suit que l'espèce est un être d'imagination et non quelque chose de réel existant dans la Nature. Par suite une chose qui n'existe pas ne peut produire aucun effet, et donc dire que l'espèce déterminerait tel ou tel comportement chez les individus de la Nature, c'est rêver que la Nature crée des espèces, alors qu'elle ne produit que des individus singuliers. En revanche je suis d'accord avec vous lorsque vous comparez les cellules d'un corps avec les citoyens d'une cité, car celle-ci peut effectivement conduire certains de ses membres à se suicider si elle estime qu'ils nuisent à la conservation du tout. Cela se produit également dans les familles.

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Messagepar hokousai » 01 nov. 2007, 23:56

cher Faun

" seules les choses particulières ont une cause et non les générales, car celles-ci ne sont rien."


Je veux bien que l’espèce des chiens ne soit pas crée d’une seule pièce et soi identifiable individuée dans la nature, il n’existe pas un organisme individué qui soi l’espèce canine .
Ce n’est pas vraiment la question .

Est ce que mon chien et celui du voisin sont formés par des causes assez similaires ou non ? Suffisamment similaires pour que je puise moi les rassembler ( par raison ) dans un même groupe .
Si oui il faut concevoir des chaînes de causalité suffisamment ressemblantes .
On ne tirerait aucune lois physiques et aucune science du tout de rien s’il n’y avait pas objectivement des similitudes suffisantes .

Je prétends donc qu’il y a des programmes de développement des organismes animaux ( et végétaux ) qui les conduisent de la naissance à la mort .
(ci qui n’est avouons le pas très original comme idée…..mais de bon sens )
....................................
Les mouvements dont parle bardamu (suivant en cela Spinoza) ne sont pas identiques de l’embryon à l’organisme proche de sa mort .
Les organisation des mouvements diffèrent mais sont légitimes à n’importe quel âge .

Peut on distinguer l’essence du gland de celle du chêne ? Certes on le peux maison s’ aveugle alors sur l évolution d’un organisme , on isole les différentes phases en compartiments clos . c’est ce qu’on fait pour l’homme si on ne voulais pas voir sa métamorphose et les variations dans l’organisation des mouvements entre un embryon humain et un homme âgé .
Variation qui font que l’organisme ne persiste pas dans son organisation mais en change .

Son conatus comme effort pour agir persiste jusqu à la mort , mais là il faut reconnaître qu il disparaît ..

Les mouvements de l’organisme sont intérieurs au corps et non extérieurs .
Les causes sont intérieure et non extérieures .

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Messagepar bardamu » 02 nov. 2007, 11:59

Faun a écrit :Autant je partage votre analyse concernant le rapport des cellules avec le tout du corps, autant lorsque vous parlez des espèces, je ne peux plus vous suivre, dans une optique spinoziste. Relisez le paragraphe 7 du chapitre 6 de la première partie du court traité : " seules les choses particulières ont une cause et non les générales, car celles-ci ne sont rien." D'où il suit que l'espèce est un être d'imagination et non quelque chose de réel existant dans la Nature. Par suite une chose qui n'existe pas ne peut produire aucun effet, et donc dire que l'espèce déterminerait tel ou tel comportement chez les individus de la Nature, c'est rêver que la Nature crée des espèces, alors qu'elle ne produit que des individus singuliers. En revanche je suis d'accord avec vous lorsque vous comparez les cellules d'un corps avec les citoyens d'une cité, car celle-ci peut effectivement conduire certains de ses membres à se suicider si elle estime qu'ils nuisent à la conservation du tout. Cela se produit également dans les familles.

Bonjour,
comment la logique du tout et de la partie pourrait-elle s'appliquer à l'organisme humain et pas à une entité à laquelle appartiendrait l'humain ? L'espèce en tant que classification taxonomique peut être abstraite mais l'espèce en tant que succession de générations humaines l'est-elle ? Qu'y a-t-il d'abstrait dans une population de néanderthaliens ?
C'est toute l'histoire de l'Evolution qui nous montre comment des populations se reproduisent, s'étendent, évoluent et se séparent.
La Nature crée des espèces (E3p57 scolie) : "Le cheval et l'homme obéissent tous deux à l'appétit de la génération, mais chez celui-là, l'appétit est tout animal ; chez celui-ci, il a le caractère d'un penchant humain. De même, il doit y avoir de la différence entre les penchants et les appétits des insectes, et ceux des poissons, des oiseaux".
N'y a-t-il pas une espèce équine et une espèce humaine, chacune mue par des affects liés à la nature de leur corps (herbivore-omnivore, galopant-marchant etc.) ?

Petite remarque supplémentaire par rapport à la vieillesse :
E4p39 scolie : Je n'ai en effet aucune raison qui me force à établir que le corps ne meurt pas s'il n'est changé en cadavre, l'expérience paraissant même nous persuader le contraire. Il arrive quelquefois à un homme de subir de tels changements qu'on ne peut guère dire qu'il soit le même homme. (...) Un homme d'un âge avancé n'a-t-il pas une nature si différente de celle de l'enfant qu'il ne pourrait se persuader qu'il a été enfant, si l'expérience et l'induction ne lui en donnaient l'assurance ?

Je suis parfois tenté de penser que l'identité au sens commun, n'est pour Spinoza qu'une abstraction nominale. En fixant une identité selon une mémoire, des papiers d'identité etc., on ne s'attacherait pas à l'essentiel : le mode d'être. "J'ai changé" vient toujours a posteriori, on a manqué le mouvement parce que la connaissance du premier genre qui l'accompagne est inadéquate. On revient parfois sur son passé pour se redéfinir adéquatement, on constate qu'on n'est plus le même, on refait des liens causaux, et on se dit qu'on est vieux par comparaison à ces états antérieurs. Il me semble que l'essentiel est de se demander ce que signifie "vivre en vieil homme" ou "vivre en jeune homme", pourquoi on juge que certains ont su "rester jeune" et que des jeunes sont "déjà vieux".

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Messagepar Enegoid » 02 nov. 2007, 16:26

Faun a écrit :Mais justement l'apoptose a toutes les chances d'être causée par un signal extérieur à la cellule, puisque c'est c'est le corps tout entier qui utilise les cellules qui le compose afin de persévérer, lui, au détriment de ses parties.


Mais non, justement. Dans l'exemple pris, il n'y a pas de signal.

Je précise ma pensée, en utilisant un autre exemple, celui d'une bombe à retardement.
(Cet autre exemple a, de plus, l'avantage d'éviter les imaginations anthropomorphiques).
Je peux concevoir et fabriquer (c'est une image, pour ce qui me concerne) une bombe à retardement. Cette "chose" est conçue, dans son essence pour ne pas persévérer dans son être. Si je peux concevoir une telle "chose", il est évident que Dieu (sive natura) le peut aussi. Donc, c'est gênant, parce que tout d'un coup j'ai un doute sur le caractère absolu de la persévérance dans l'être, exprimé par ET III, 4,5,6,7. Merci à toute contradiction convaincante !


Sur "espèce". Il y a une subtilité, à mon sens :

D'une part, et d'accord avec Faun, l'espèce est un être de raison, une catégorie, et à ce titre, elle n'a pas d'existence.

D'autre part, l'ensemble des hommes vivants est un corps (composé d'hommes individuels en interaction), au même titre que le corps humain est un corps composé d'organes ou de cellules, au même titre qu'une cellule est un corps composé de molécules puis d'atomes puis d'électrons etc.

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Messagepar Faun » 02 nov. 2007, 18:56

Enegoid a écrit :
Mais non, justement. Dans l'exemple pris, il n'y a pas de signal.


Dans les explications que j'ai glané ici ou là sur internet, il semble bien que l'apoptose soit déclenchée par l'usure des extrémités des rubans d'ADN, usure due à la réplication des cellules du corps. Et donc il ne s'agit en aucun cas d'une mort programmée, mais bien d'une diminution de la puissance d'exister (ou d'agir, ou de vivre) de la cellule.

Nous ne sommes pas, ni nous, ni nos cellules, programmés à mort.

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Messagepar hokousai » 02 nov. 2007, 19:42

Nous ne sommes pas, ni nous, ni nos cellules, programmés à mort.


Et bien disons que nous sommes programmé à l’usure si ça vous va comme ça .

La répétition est nombrée. L ADN accepte un certain nombre de répétition sans faillir et puis au dela il faillit ( et je défaille ) .Quelles que soient les circonstances extérieures .

Les bactéries ,elles , se divisent sans faillir .

Usures des brins d’ ADN ça ne veut pas dire qu’ils s’effilochent comme un vêtement usé . Ca veut dire qu’ils fonctionnent avec erreur dans la duplication .

Quand je lis dans un texte savant :« « Les mitochondries s'usent avec l'âge et sous l'action des radicaux libres externes et internes, les « terroristes » des cellules, et les mutations de l'ADN mt s'accumulent. C'est d'ailleurs une des théories du vieillissement et de certaines maladies dégénératives (Alzheimer, cancers). » »

Je demande comment il se fait que les mitochondries s'usent avec l âge ?.

J’ai peut être une réponse dans ceci :
Les mitochondries ont leur propre ADN (l'ADN mt) qui se réplique plus souvent que l'ADN du noyau (10 à 20 fois plus, donc plus de risques de mutations).

Ce qui me fait penser que pour les mitochondries après un certains nombres de tour d' horloge elles commencent à avoir des problèmes .( un certain nombre !)

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Messagepar Enegoid » 03 nov. 2007, 13:33

Faun a écrit :Nous ne sommes pas, ni nous, ni nos cellules, programmés à mort.


Au fond, je ne sais pas. D'où mon passage par la bombe à retardement. Trouvez-vous cet exemple de bombe non pertinent ?


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