Vieillesse

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar pat-dx » 31 oct. 2007, 15:03

hokousai a écrit :Patrick Demaraix


"Patrice Deramaix" serait plus juste... :-)

Je ne pense pas que ce genre de compréhension naturaliste( ou matérialiste pour parler comme Ulis ) soit conforme au niveau de rationalité où se place Spinoza .
Observez comment il parle de la mort ( sans la nommer ) à la fin de la prop 11 partie 3.


je me suis élevé plusieurs fois sur ce fil contre cette compréhension biologisante de Spinoza. Compréhension moderne certes mais qui réduit le spinozisme à un physicalisme assez plat à mes yeux de celui qui apparaît au 18 em siècle et prolongé ensuite .


Mon commentaire et mes remarques rapides étaient sans doute trop superficielles et surdéterminées par mes orientations philosophiques personnelles. Votre remarque est pertinente : la pensée de Spinoza ne relève pas d'un physicalisme naturaliste et il est de bonne méthode que de cerner au plus près le texte pour éviter les més-interprétations anachroniques.

très cordialement,

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Messagepar hokousai » 31 oct. 2007, 18:48

oui :""Deramaix""
Excusez moi .
Lapsus d'autant plus incongru que je vous connais .J' ai lu avec intérêt un de vos textes sur la guerre , il y a quelques années déjà . J' en avais gardé le souvenir .

Je dirais ; il n 'est pas d'autres bonnes méthodes que de cerner au plus près le texte .

Chacun d'entre nous peut exprimer ce qu'il pense de la vieillesse et de ses causes, mais vous entamiez sur le conatus comme ..... ce qui est entrer directement dans le spinozisme .

Cela dit je ne prétends pas moi à une lecture du texte plus intelligente qu'une autre .
je participe .

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Messagepar hokousai » 31 oct. 2007, 22:58

Cher Henrique


aucun corps ne s'autodétruit par lui-même : c'est donc les autres corps qui le détruisent ou amenuisent sa puissance d'exister.


C’est une thèse qu’intuitivement je ne partage pas .
( Ni par expérience )
Je plante une gland .On connais la suite. Un jour le chêne meurt .Le chêne a eu sa vie de chêne , son évolution naturelle de chêne et quelles que soient les conditions extérieures les mêmes que celle du rosiers ou des poireaux sous lui , les conditions extérieures n’ égaliseront pas l’évolution de chacun selon son espèces .
Spinoza ne semble pas envisager à la possibilité d horloges biologiques.

Prop 4 partie 4

Si l'homme ne pouvait souffrir d'autres changements que ceux qui se peuvent concevoir par la nature même de l'homme, il s'ensuivrait (par les Propos. 4 et 6, part. 3) qu'il ne pourrait périr et qu'il devrait exister toujours ; » »

Toute la question est là , dans la nature même de l’ homme .
Or la nature même de l’homme( à mes yeux ) [n]est de naître ,de devenir adulte, de vieillir puis de mourir[/b] et c’est la nature de tous les animaux et des plantes .

Sans cela je comprends avec Spinoza que l’homme serait infini, ce qui est absurde ( je ne vous le fait pas dire )

Nous sommes en présence de deux compréhensions de la nature humaine ( quid de l’homme ? ) deux compréhensions confuses dont on pourrait espérer qu'elles deviennent claires quand issues du dedans ( lorsque l’esprit contemple du dedans )

N’y a-t-il pas contemplation qui soit plus « du dedans » que celle d' éprouver son propre vieillissement . Je vous le demande ?

Spinoza n’a pas éprouvé du dedans ce que c’était que vieillir .

hokousai

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Messagepar hokousai » 01 nov. 2007, 00:59

(je poursuis )


faisant qu'il parviendrait à vivre aussi longtemps qu'une tortue.


On a pas avancé d’un pouce dans la compréhension du vieillissement et de la mort (et je lie les deux ) en les renvoyant plus loin dans la durée . .

La vie dont on se prends à dire qu’elle a des stratégies de survie à donc préféré le vieillissement et la mort .Il faut inclure dans l’intelligence du conatus ( tel que vous le comprenez ) son déclin inéluctable.

Si les forces extérieures étaient contraires , l’ infinité de leur puissance serait telle qu’aucune chose ne pourrait seulement apparaitre comme organisme individué . Ce qui est contredit par l’expérience .C’est donc que les forces extérieures ne sont pas contraires mais plutôt favorables et bienfaisantes .
La mort de l’organisme ne provient pas ( sauf accident et prédation )des forces extérieures mais de programmes d’évolution interne .

PS

( Je garde ma compréhension du conatus à un niveau de rationalité supérieur au naturalisme , ce dernier est je le reconnais souvent apparent chez Spinoza , il est repris par Nietzsche dans une vision du polémos généralisé .C est une interprétation d’ homme jeune et Spinoza comme Nietzsche sont morts jeunes .
Je ne partage pas cette vision cosmique du polémos généralisé, j inclinerais plus vers une vison harmonique du cosmos

( C’est Bach versus Beethoven )

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Messagepar Henrique » 01 nov. 2007, 01:36

Cher ami,

Le gland ne s'autodétruit pas, il augmente sa puissance d'exister grâce au contact avec la terre nourricière. De même l'homme qui passe d'une vie mentale dominée par l'imagination et les passions à une vie où la raison et les affects actifs prennent le dessus ne s'autodétruit pas, il augmente simplement sa puissance d'exister.

L'idée d'horloge biologique est complètement téléologique, le temps des horloges étant un auxiliaire de notre imagination, auxiliaire utile pour nous repérer dans l'organisation de notre existence mais n'ayant pas de valeur ontologique pour comprendre la nature (Lettre 12). C'est le genre d'hypothèse anthropomorphique passant pour évidence scientifique auprès du public que Spinoza aurait bien sûr récusé : "L'effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n'enveloppe aucun temps fini, mais un temps indéfini." E3P8. Car, quelle est votre intuition ou votre expérience ? Que chacun aurait un plan de vie intérieurement déterminé, avec un temps limite de cuisson comme pour les fours à micro-ondes qui eux, ont juste une horloge bien mécanique intégrées dans leur fonctionnement ?

Vous dites pour finir, si j'ai bien compris, qu'il y aurait deux conceptions également confuses de la nature humaine : l'une, qui vous semble de bons sens, qui dit que le vieillissement et la mort en fait partie, l'autre qui dirait avec Spinoza que non. Ces deux conceptions seraient également confuses parce qu'elles s'appuieraient toutes deux sur une observation extrinsèque de ces phénomènes. Mais quand même vous dites finalement que vous éprouvez votre propre vieillissement du dedans.

Alors Hokousai, dites moi, qu'observez vous en vous-même qui vous conduit à trouver que c'est vous-mêmes qui vous faites vieillir ? Car si nous employons bien les mêmes concepts et pas des homonymes, dire que le vieillissement relève de ma propre nature, c'est dire que j'en suis la cause adéquate.

C'est Freud qu'il vous faut, pour qui il y aurait en l'homme et je suppose au moins chez tous les animaux à un certain degré, deux pulsions fondamentales, l'éros et le thanatos, la première étant centrifuge et créative, l'autre étant centripète et destructive. Si nous nous rongeons les ongles, si nous nous mettons en état de dépression et finalement si nous mourons, ce serait au fond parce que la nature aurait mis en nous, à côté de l'éros, le principe de notre propre autodestruction - pour laisser la place aux générations suivantes on suppose - ce serait donc parce que nous y sommes poussés par notre propre nature, c'est-à-dire par nous-mêmes. Le finalisme est décidément une croyance ancrée à la racine de nos mentalités, comme l'explique bien Spinoza dans l'appendice d'Ethique I.

Mais moi, quand je vois quelqu'un se ronger les ongles, je vois clairement qu'il n'agit pas ainsi par désir de s'autodétruire mais pour faire passer un état d'anxiété ou de malaise diffus : ramener la conscience physique à une petite douleur localisée est encore une façon de préférer un moindre mal à un plus grand mal, façon de préférer inadéquate mais faute de mieux... Mais supprimez l'environnement anxiogène, et mieux encore les modes de pensées inadéquats, les passions qui rendent impuissant à faire face à une situation difficile que d'autres pourtant peuvent très bien supporter, alors la personne ne se ronge plus les ongles : ce n'est donc pas par elle-même que la personne se mutile, mais en raison de conditions extérieures qui nous vainquent - le plus souvent parce que nous ne sommes pas mentalement préparés à y faire face - de même d'ailleurs, que nous n'avons l'idée d'accepter de prendre un médicament amer que parce que nous pensons ainsi mieux lutter contre une maladie qui perturbe le fonctionnement normal de notre corps.

De même, si vous sentez moins d'entrain le matin en vous réveillant qu'il y a 10 ans, vous pouvez penser que c'est la nature qui a fixé pour vous un temps où vous devriez vivre moins intensément, puis dire "j'ai fait l'expérience du fait que j'arrive à l'heure biologique du soir de ma vie". Spinoza nous avait pourtant prévenu avec son analyse des causes de la croyance quasi-unanime au libre-arbitre : quand les hommes constatent en eux un effet dont ils ignorent la cause, ils se l'attribuent à eux-mêmes. Mais faites boire 50 cl de whisky à un jeune homme de 20 ans, le lendemain matin et comme il est encore naïf et mal réveillé, il vous dira aussi des choses comme "ah ben tiens, ce matin, j'ai moins d'entrain que d'habitude pour me lever, je suis fatigué de vivre, j'ai envie de rester au lit, z'êtes encore là, foutez moi la paix..." tout cela, comme s'il était la cause de cette baisse de moral. Mais enlevez les causes qui l'ont affaibli, il retrouvera soudain beaucoup d'entrain à se lever le matin. Relire E4P20 et scolie.

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Messagepar Ulis » 01 nov. 2007, 08:17

Hokousai,
Une météroïde erre dans l'espace depuis des temps immémoriaux sans être altérée. Lorsqu'elle pénètre dans l'atmosphère (météorite) elle se désagrège. Elle ne porte pas en elle son vieillessement, il vient du dehors.
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Messagepar Faun » 01 nov. 2007, 08:35

En somme, nous pouvons définir la vieillesse comme suit :

La vieillesse est la diminution de la puissance d'agir du corps, sous l'effet des causes extérieures.

Et cela n'enlève en aucune façon son caractère inéluctable, car la puissance native du corps est nécessairement limitée, et n'a donc pas la puissance de croître et de se développer à l'infini. Maintenant il est clair que chaque corps humain possède une puissance définie et différente des autres corps humains, ce qui fait que nous sommes bien sûr inégaux devant la vieillesse. Certains vieillissent plus rapidement que d'autres, d'autres atteignent un âge avancé sans subir trop les effets néfastes des corps extérieurs. Tous les organes possèdent une puissance déterminée, qui diminue progressivement sous l'effet des corps extérieurs. Par exemple la peau subit continuellement les effets de l'air et du soleil, et on voit bien que les vieillards ont les mains et le visage plus agés que d'autres parties de leur corps, protégées par les vêtements durant la majeure partie de leur vie. De même les poumons des fumeurs vieillissent plus vite que ceux des non fumeurs, les foies des alcooliques perdent plus vite leur puissance de filtrage que ceux des buveurs d'eau, les muscles, les tendons et les articulations des athlètes perdent plus rapidement leur souplesse et leur force que ceux des intellectuels, etc. etc.

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Messagepar hokousai » 01 nov. 2007, 12:50

Il me semble qu’il y a deux niveaux de lecture du conatus
Un niveau énergétique traduit part puissance plus ou moins grande d’agir
Et un niveau ontologique où là toutes ( les choses ) sont égales (cf les dernier mots de la préface à la partie 4)
Spinoza parle rarement de la transformation du corps humain .
Cf prop 39 partrie 4 ( scolie du poète espagnol aveugle ) il est conscient de la question mais n’en parle pas plus que ça . Pour ne pas donner aux superstitieux matières à de nouvelles questions il préfère laisser en suspens .
……………..
Spinoza insiste sur l’environnement de l 'homme peut être pour s’opposer à la vision religieuse chrétienne de l 'homme comme empire dans un empire (sujet libre et distinct ontologiquement de la nature .
Pour la raison( aussi )que pour lui la cause de la tristesse est liée au désir et que l’objet du désir est extérieur , c’est donc de l’extérieur qu il faut s’ occuper .(quitte à ne plus par la suite trop s’en préoccuper )
Je ne conteste pas que Spinoza ait de bonnes raisons .
.........................................................;;;;;

à Henrique

Sur l’horloge biologique
Henrique glisse d un conatus sur l’autre.
Le conatus ontologique est l’effort où toutes les choses sont égales c’est u effort abstrait de la durée qui correspond à une chose abstraite ou générale ,une chose en général son essence n’enveloppe aucun temps d’exister précis et déterminé .

Concrètement l’homme son existence d’ homme concret enveloppe une durée déterminée .
On peut définir l’ homme comme rationalité , ce n’est pas de rationalité qu’il périt, voila une définition qui ne prend aucun risque , on m’accuse de téléologie alors qu’on est dans l’idéalisme (voire l’idéalisation ).
Quelle est donc le statut d’une définition de l’homme qui n enveloppe ni sa naissance ni sa croissance ni sa mort ?. Je dis que c’est une définition plaisante .

On doit définir l’ homme comme organisme en mutation constante et c’est de cela qu’il périt .Cette forme de métamorphose est hors du temps, il n’est pas de temps (dans la durée ) où l homme tel que nous le connaissons bien puisse ne pas naître vivre et mourir . Cette essence est de toute éternité.
Et voila une pendule (biologique ) accrochée fermement hors du temps .
………………………………
Ce que j’observe mon cher Henrique ce n’est pas ma responsabilité dans mon vieillissement mais plutôt que ce ne sont pas les causes extérieures qui …..
Voila la question ! dans un environnement qui peu ou prou ne change guère , moi je change .

Mais lorsque je me déplace ( je marche ) vais-je donc attribuer mon déplacement aux causes extérieures quand rien ne bouge autour de moi ..Mais je ne pense pas néanmoins être responsable de mon vieillissement tel que responsable de mes mouvements

………………………………….
Vous avez une vision négative de la vieillesse et de la mort. A l’instar de Freud qui distinguait mythiquement éros de thanatos.
Ma mort n’est pas plus une fin que le second jour de ma naissance n’était la fin de ces deux jours écoulés . (pas plus pas moins ).On voit des fins partout ou alors on ne voit que des métamorphoses .(modifications )

Voyant la mort comme une fin c’est vous qui mettez de la finalité dans mes questions .
Moi je n’en mets pas .

Bien à vous

Hokousai

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Messagepar Enegoid » 01 nov. 2007, 18:26

Merci à Pat-dx pour l'apoptose (mécanisme de destruction interne d’une cellule). Je ne connaissais pas.

Je propose le raisonnement suivant :

1 D’abord on simplifie le problème en s’intéressant à la cellule, plus simple que le corps humain.

2 Ensuite on regarde si l’apoptose et son mode de déclenchement permettent de concevoir sans contradiction un « corps » (une « chose ») programmée pour la mort. Et en regardant, on s’aperçoit que l’on peut le faire : c’est une cellule telle que, arrivant en fin de séquence de duplication cellulaire, elle déclenche son apoptose.
(Je dis « on peut concevoir » parce que, apparemment, çà existe sous forme d’hypothèse avec les télomères ou quelque chose comme çà. Hypothèse vérifiée ou non, la question n’est pas là).
Donc l’essence d’un certain corps peut être conçue comme ne persévérant dans son être qu’un certain temps. Cessant de persévérer pour des raisons internes, contenues dans son essence.

3 À partir de là on peut étendre en droit à tout corps ce qui est concevable pour une cellule. Et on ne peut plus exclure la possibilité d’une base génétique au vieillissement. Base parmi d'autres bien sûr !

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Faun
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Messagepar Faun » 01 nov. 2007, 20:02

Mais justement l'apoptose a toutes les chances d'être causée par un signal extérieur à la cellule, puisque c'est c'est le corps tout entier qui utilise les cellules qui le compose afin de persévérer, lui, au détriment de ses parties.


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