Ethique IV 67 bis

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 28 déc. 2007, 01:07

Pourquoipas a écrit :A te dire ce que je pense être le vrai, je ne crois pas que l'homme ait jamais d'idées réellement adéquates (...), puisque par définition nous ignorons l'ensemble de l'enchaînement causes-effets. Nos idées sont donc toutes mutilées


Une idée adéquate n'a rien à voir avec une connaissance absolue, une connaissance de la totalité du monde (voir la lettre 32 à Blyenbergh)!!

Je crains que tu confonds l'idée adéquate dans ce qui le caractérise essentiellement avec cette idée adéquate très précise (ayant un objet très précis) qui constitue l'esprit divin.

Cette idée adéquate qu'est l'esprit divin est infinie, c'est-à-dire est constituée d'une infinité d'idées adéquates qui ne sont PAS l'esprit de Dieu au sens stricte, mais qui sont des idées adéquates qu'ont les choses singulières, et qui COMPOSENT l'idée adéquate qu'est l'esprit divin. Sinon comment attribuer à Dieu une connaissance INFINIE, s'il n'aurait qu'une seule idée adéquate, et pas une infinité ... ?

Pour avoir une idée adéquate de TOUTES les relations de cause à effet, il faut avoir une idée adéquate singulière pour CHAQUE cause singulière, et une idée adéquate singulière pour CHAQUE effet singulier. Ce qui suppose un ensemble infinie d'idées adéquates. Cet ensemble ne peut jamais être contenu dans un esprit humain, limité par essence. Il ne peut que constituer l'idée adéquate qu'est l'esprit de Dieu. Mais le fait même que Dieu a une connaissance adéquate infini EXIGE l'existence d'idées adéquates singulières ... .

Puis être la SEULE CAUSE d'un effet ne signifie PAS que la cause en elle-même ne serait pas causée!! Cela signifie qu'au MOMENT même où la cause produit son effet, aucune autre cause n'est présente qui co-produit l'effet et qui n'a rien à voir avec ma nature à moi. A ce moment-là, il faut considérer ma nature comme un tout, et non pas comme une partie (comme Spinoza l'explique dans cette même lettre 32 à propos du sang).

Etre cause partielle ne signifie pas être cause causée (être une cause x causée par la cause z). Etre cause partielle signifie ne pas être la seule cause qui à un moment x produit l'effet y (au moment où x produit y, t (qui n'est pas x mais qui n'a pas non plus causé x) doit intervenir, sinon y ne peut pas exister).

C'est pourquoi il est PARFAITEMENT possible de rencontrer dans la nature des causes adéquates: un tas de choses ne se produisent qu'à partir d'une seule cause, et pas deux causes qui collaborent.

La question de la "solitude" de la cause n'est donc PAS une question de FILIATION de cette cause, c'est une question d'autonomie temporaire, autonomie entre la cause et son effet. C'est pourquoi il ne faut ni avoir comme nature une cause libre (non causée elle-même, un x sans un z), ni avoir une idée qui a comme objet TOUTE la chaîne causale (a à z, z étant dans ce cas un point infini), pour pouvoir avoir une idée adéquate.

Ainsi, quand on pose un acte libre, la question n'est pas de savoir QUEL est l'objet de l'idée qu'est cette cause (la totalité du monde, autre chose, ...). La question est uniquement de savoir quelle cause a non pas causé cette cause/idée mais causée l'EFFET de cette cause.


Bref ... j'ai un peu l'impression que tu as écrit ton dernier message sous l'effet d'un affect assez Triste, puisque en général tu m'impressionnes plutôt par ta perspicacité, et que c'est souvent toi qui m'apprends quelque chose ... . Si c'est le cas: ne te sens pas obligé de répondre à ce "bavardage" (qui alors en effet te sera peu utile je crains ... ), soigne-toi bien. Dans le cas inverse, je ne peux m'empêcher d'espérer que tu ailles m'expliquer où je me trompe dans ce que je viens d'écrire.
Amitiés,
louisa

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hokousai
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Messagepar hokousai » 28 déc. 2007, 01:13

(le suicide n'étant pas une exception sur la règle, car l'on ne se suicide jamais soi-même selon Spinoza, la cause du suicide elle aussi vient du dehors (on vit dans une situation désastreuse pour soi-même et on n'est pas assez puissant pour la changer ou pour aller vivre ailleurs).


Donc une bonne partie de la cause vient du dedans.

C'est comme dans l'interaction des champignons et des hommes . Responsabilités partagées .

Le massacre des champignons par la médecine humaine ! Un beau thème "philosophique ".
(si ça tente ceux qui n'ont pas l'esprit de système)

Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 28 déc. 2007, 10:34

Louisa,

Sur l'idée et la cause adéquate, j'ai lu beaucoup de commentaires, ici compris - rien ne m'a satisfait. Je préfère attendre d'avoir le temps de revoir cette question à fond. (Et je ne te parle pas de la notion d'essence !!!) Mais je trouve que nous tous parlons et écrivons trop, et pensons trop peu.

J'aimerais autant que tu évites d'interpréter, d'imaginer ce que tu crois être les états d'âme (les "affects" si tu préfères) de ton interlocuteur. Et quand même il y aurait tristesse, en quoi celle-ci ne pourrait-elle être source de réflexion et de connaissance : Spinoza cite souvent la phrase célèbre de l'Ecclésiaste "Qui accroît sa science accroît sa douleur" ; en quoi l'inverse ne serait-il pas vrai ? A trop insister sur "Spinoza, philosophe de la joie", on oublie qu'il y a un Spinoza philosophe de la tristesse, et de la bonne (utile) tristesse... Spinoza n'est pas un hippie "peace and love" et autres niaiseries.

Louisa a écrit :soigne-toi bien.

Je ne suis pas malade. Quand cela m'arrive, je fais appel aux hommes (et femmes) dits "de l'art".

Porte-toi bien.

PS - La lettre 32 est adressée à Oldenburg. Et je suppose que tu faisais allusion à l'histoire du ver dans le sang ? (j'ai pas le texte sous la main).

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Messagepar Louisa » 28 déc. 2007, 12:13

Bonjour Pourquoipas,

Pourquoipas a écrit :
Sur l'idée et la cause adéquate, j'ai lu beaucoup de commentaires, ici compris - rien ne m'a satisfait. Je préfère attendre d'avoir le temps de revoir cette question à fond.


j'ai sans aucun doute lu moins de commentaires à ce sujet (et en général) que toi. Et ceux que j'ai lu proposaient souvent l'idée que ce qui rend une idée adéquate, ce ne serait pas quelque chose qui caractérise cette idée en tant que telle (malgré les définition II 4 et III 1), mais il faudrait aller voir du côté de la CAUSE de cette cause. Je n'ai jamais été convaincue par cette interprétation, pour moi elle est basée sur une erreur (on pense que Spinoza trouve que seules les idées adéquates s'enchaînent automatiquement/parfaitement/... tandis que dans l'Ethique (je devrais chercher la référénce) il dit littéralement l'inverse (que les idées inadéquates s'enchaînent avec la même nécessité que les idées adéquates)).

En tout cas, les commentaires que j'ai lu allaient quasiment tous dans ton sens (= il faut non pas regarder l'idée-cause pour savoir si l'idée est adéquate, mais ce qui a causé cette idée), tu me sembles juste faire un pas en plus, pas qui est tout à fait logique, en l'occurrence: car s'il faut regarder la cause de l'idée-cause, sachant que l'homme n'est pas une cause libre, rien n'empêche de devoir aller remonter toute la chaîne causale, et alors plus aucune idée adéquate n'est possible. Ce qui est entièrement en contradiction avec des dizaines de propositions de l'Ethique (hormis le fait qu'il faut se baser sur des interprétations de texte qui me semblent être peu crédibles, telles que je viens de l'indiquer).

Bref, à mon humble avis, ceux qui croient qu'une cause adéquate chez Spinoza est la même chose qu'une cause libre, se trompent sérieusement. Il s'agit de deux types de causes très différents. La seule chose qui les lie, c'est la notion de liberté. Or dès qu'on fait d'une cause adéquate une cause libre, il n'y a plus de liberté humaine possible, comme tu viens de le dire.

Mais je trouve que nous tous parlons et écrivons trop, et pensons trop peu.


chacun travaille à sa façon ... étant assez visuelle, j'ai besoin de voir pour penser. Ecrire m'aide à penser, discuter avec quelqu'un qui a envie de penser également. Mais je ne prétends pas du tout que les résultats de tout cela aient un intérêt qui va plus loin que ça (que mon propre sentiment d'avoir parfois compris quelque chose, ne fût-ce d'avoir compris où je me trompe)... puis personne n'est obligée de lire ce genre de petits exercices ... .
Sinon chacun pense de toute façon selon sa puissance de penser ... . Si d'autres mondes étaient possibles, sans doute il en aurait un dans lesquels nous tous nous aurions une pensée plus puissante ... .

J'aimerais autant que tu évites d'interpréter, d'imaginer ce que tu crois être les états d'âme (les "affects" si tu préfères) de ton interlocuteur.


tu as raison.

Et quand même il y aurait tristesse, en quoi celle-ci ne pourrait-elle être source de réflexion et de connaissance : Spinoza cite souvent la phrase célèbre de l'Ecclésiaste "Qui accroît sa science accroît sa douleur" ; en quoi l'inverse ne serait-il pas vrai ? A trop insister sur "Spinoza, philosophe de la joie", on oublie qu'il y a un Spinoza philosophe de la tristesse, et de la bonne (utile) tristesse... Spinoza n'est pas un hippie "peace and love" et autres niaiseries.


Spinoza cite souvent cette phrase ... ? Je croyais qu'il ne la cite qu'une seule fois, dans le TTP (et dans un contexte très spécifique)... ?

Sinon la seule Tristesse bonne/utile que je vois chez Spinoza, c'est celle qui vient modérer l'EXCES d'une Joie (encore faut-il qu'il s'agisse d'une Tristesse dont la Joie opposée existe). Or justement, si l'on ne croit pas trop en un monde 'peace and love', on ne voit pas trop de ces états d'excès non plus je crains ... .

Donc bon, il est vrai que je ne vois pas en quoi, chez Spinoza, une Tristesse pourrait être une "source" de connaissance, à moins que tu prends ici les idées du premier genre de connaissance avec. Mais alors TOUT ce qui nous affecte peut être transformé, en théorie, en une Joie ou un affect-Action. Une passion Triste aussi bien qu'une passion Joyeuse. Nul besoin des passions Tristes pour augmenter notre puissance ... on peut tout aussi bien le faire avec une passion Joyeuse, qui a déjà comme avantage d'augmenter la puissance, ne fût-ce de façon peu stable.

Tandis que de toute façon, toute passion Triste en tant que passion DIMINUE la puissance, et donc aussi la puissance de penser. C'est pourquoi il est assez ambigue de dire qu'une Tristesse est "source" de connaissance adéquate chez Spinoza: en tant que telle, elle ne fait que DIMINUER cette connaissance.

Il faut bel et bien s'appuyer sur ce qui reste, une fois que cette puissance a été diminuée, pour essayer de comprendre cette Tristesse et donc en faire quelque chose d'actif, capable de RENVERSER le premier effet, et donc par là d'annuler la Tristesse.

Pour appeler toute Tristesse 'bonne', il faudrait que systématiquement 1) la puissance qui reste arrive à la comprendre (ce qui n'est point garanti) ET 2) que cette compréhension augmente la puissance à un degré PLUS élevé qu'elle ne l'était avant que la Tristesse affectait la personne (sinon on a littéralement souffert pour "rien", car on retrouve le niveau de puissance qu'on avait juste avant la Tristesse).

Or on ne voit RIEN chez Spinoza qui indique que ce serait le cas (que ces deux conditions seraient en principe satisfaites). Au contraire, il explique plutôt en quoi la majorité des gens sont peu actifs, ce qui se voit notamment par le fait qu'ils sombrent dans des passions Tristes (colère, mépris, déception, ...). Inversement, si le sage est si libre, c'est précisément parce que sa puissance a atteint un degré tel que sa puissance ne perd plus un certain niveau de constance quand une passion (Triste ou Joyeuse, n'importe) lui arrive: il sait immédiatement la transformer en action, donc en compréhension.

PS - La lettre 32 est adressée à Oldenburg. Et je suppose que tu faisais allusion à l'histoire du ver dans le sang ? (j'ai pas le texte sous la main).


oui oui, en effet, c'est Oldenburg et non pas Blyenbergh, désolée (lettre dont tu as eu la gentillesse de me l'envoyer ici en latin, à l'époque, si je ne m'abuse). Je la mentionnais parce que le début dit très clairement (pour autant que je me souvienne) qu'une connaissance de toute la chaîne causale est tout à fait impossible, mais que cela n'empêche nullement la possibilité d'avoir des idées vraies et de savoir qu'on a une idée vraie (en indiquant que pour y arriver il faut non pas regarder le monde comme "tout" et soi-même comme une partie mais, dans l'exemple du sang, le sang comme le tout (et non plus comme une partie)). C'est pourquoi il me semble que cette lettre est assez cruciale, si l'on veut comprendre la conception de la vérité (et de l'adéquation) que propose Spinoza.

Porte-toi bien,
louisa

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Messagepar Pourquoipas » 28 déc. 2007, 13:21

Louisa a écrit :
(...) Spinoza cite souvent la phrase célèbre de l'Ecclésiaste "Qui accroît sa science accroît sa douleur" (...)


Spinoza cite souvent cette phrase ... ? Je croyais qu'il ne la cite qu'une seule fois, dans le TTP (et dans un contexte très spécifique)... ?



Ethique IV 17 scolie

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Messagepar Louisa » 28 déc. 2007, 14:33

merci pour la référence!

Je viens de la relire ... j'avoue que je vois mal comment en déduire que pour Spinoza la Tristesse serait source de connaissance ... . Ici il démontre plutôt que la connaissance parfois n'a pas assez de puissance pour contrarier un désir plus "ad hoc" et moins raisonnable (une Joie passive, je suppose). La douleur que cette "contradiction" peut provoquer provient à mon sens bel et bien du fait de constater sa propre IMpuissance, de constater la faiblesse de sa raison. En quoi y voir quelque chose de bénéfique, comme tu suggères... ?

Surtout que le même Spinoza écrit aussi ceci:

"Car en quoi est-il plus convenable d'éteindre la faim et la soif que de chasser la mélancholie? Voici ma règle, et à quoi je me suis résolu. Il n'y a ni dieu ni personne, à moins d'un envieux, pour prendre plaisir à mon impuissance et à ma peine, et pour tenir en vertu les larmes, les sanglots, la crainte et les autre chose de ce genre, qui marquent une âme impuissante"
IV 45 sc.

Pour autant que je sache, le seul cas dans lequel pour Spinoza la Douleur peut être dite "bonne" (donc apte à nous faire comprendre quelque chose, apte à créer par elle-même une Joie), est celui mentionné dans IV 43 démo:

"Ensuite, la Douleur, qui est au contraire une Tristesse, ne peut, considérée en elle-même, être bonne (par la Prop. 41 de cette p.). Mais, parce que sa force et son accroissement se définissent par la puissance de la cause extérieure comparée à la nôtre (par la Prop. 5 de cette p.), nous pouvons donc concevoir aux forces de cet affect une infinité de degrés et de manières (par la Prop. 3 de cette p.); et par suite la concevoir telle, qu'elle puisse contrarier le Chatouillement et l'empêcher d'être excessif, et en cela (par la première partie de cette Prop.) empêcher que le Corps soit rendu moins apte, et donc en cela elle sera bonne."

ce n'est donc pas n'importe quel type de Tristesse qui, indirectement, peut être bon. Ce n'est que la Douleur capable d'empêcher une Joie qui affecte une seule partie du corps d'une telle façon que le corps ne peut plus être affecté par quoi que ce soit d'autre, qui indirectement peut être dit bonne. Je ne vois pas ce qui permet de dire que chez Spinoza, en dehors de ce cas, la Tristesse peut être considérée, directement ou indirectement, bonne?
louisa

PS: je suis en train de lire Se perdre d'Annie Ernaux. C'est l'exemple type du cas mentionné ci-dessus, il me semble. Il s'agit d'une relation entre une femme et un homme qui est principalement basé sur l'attirance et l'activité sexuelle, et qui fait que en dehors de ces moments, la femme ne fait plus rien du tout, ou n'est plus du tout affecté par ce qu'elle fait. Ici aussi, il y a énormément de Douleur, elle pense très souvent à la mort. Mais y a-t-il quelque part ce type de Douleur qui permet d'empêcher l'emprise du Chatouillement? Non. Cette Tristesse-là ne sert donc à rien, elle n'est aucunement "source de réflexion". Elle entrave, comme la majorité des Tristesses et comme la Joie-passion à laquelle ici elle est liée, tout simplement la puissance même de la personne qui flotte entre Amour, Haine et crainte/espoir de mort.

Sinon un récit moderne nous dit depuis longtemps que la connaissance est nécessairement "désenchantement" et donc Tristesse. Qu'il faut passer (Hegel) par une étape "destructive" avant de pouvoir avoir accès à un niveau plus élevé de connaissance. Que sans douleur pas de connaissance possible.

A mon sens, cela ne fait que rendre Spinoza encore plus "a-moderne". Chez lui, acquérir une idée adéquate ne passe PAS par un constat de son impuissance: il ne faut pas d'abord constater tristement qu'en fait, on n'a que des idées inadéquates, pour être "motivé" d'aller chercher quelques idées adéquates. L'idée adéquate (de la distance entre le soleil et la terre, par exemple) S'AJOUTE à l'idée inadéquate (de cette même distance), SANS l'annuler. Pour moi, cela change tout!

Ainsi la Tristesse PERD chez lui le statut que toute la modernité va lui accorder, en matière de connaissance (un jour j'ai p.ex. entendu dire un psychanalyste devant un public d'apprentis que l'analyste doit forcément induire la dépression chez l'analysant, sinon celui-ci ne sera jamais amené à chercher/comprendre Sa Vérité; c'est exactement du même accabit). Tandis que chez Spinoza le désir de comprendre est toujours égal à la puissance de penser. Toute Tristesse diminue inévitablement cette puissance et donc ce désir, au lieu d'en pouvoir être le moteur ou la source ou quoi que ce soit.
Mais bon, j'arrête là mes bavardages ...

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Messagepar hokousai » 28 déc. 2007, 16:14

C'est pourquoi il est PARFAITEMENT possible de rencontrer dans la nature des causes adéquates: un tas de choses ne se produisent qu'à partir d'une seule cause, et pas deux causes qui collaborent.


Je ne connais qu'une seule situation de la nature où une seule cause peut être reconnue adéquatement , c'est lors de la décision du moi conscient de lui même , de faire quelque chose .

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Re: Ethique IV 67 bis

Messagepar Faun » 28 déc. 2007, 19:54

Pourquoipas a écrit :Proposition 67 bis — L'homme libre ne pense à rien plus qu'à la vie, et sa sagesse est une méditation et de la vie et de la mort.

Démonstration — L'homme libre, c'est-à-dire qui vit sous la seule dictée de la raison, n'est pas conduit par la crainte de la mort (par IV 63), mais désire directement le bien (par le corollaire de la même proposition), c'est-à-dire (par IV 24) agir, vivre, conserver son être sur le seul fondement de la recherche de l'utile propre. Mais (par IV axiome) il sait aussi qu'il n'y a dans la nature aucune chose singulière qui ne puisse être détruite par une chose singulière plus puissante et plus forte. Et donc sa sagesse est une méditation et de la vie et de la mort.


Je ne pense pas que l'axiome de la 4eme partie soit un axiome qui fasse penser à la mort, (d'ailleurs à quoi pense-t-on quand on pense à la mort ?), mais il concerne les rapports des choses vivantes entre elles, et la destruction des choses n'implique nulle part la mort au sens où les occidentaux l'entendent. Car les parties des corps humains continuent toutes d'exister (de vivre) mais sous d'autres rapports quand le rapport du corps est détruit, et de même les idées. Car toutes les parties du corps sont des parties du corps de Dieu, qui ne peut mourir ni disparaitre, et de même toutes les parties de l'esprit humain sont des parties de l'esprit de Dieu, qui est éternel. C'est pourquoi l'homme libre, qui se distingue par la connaissance qu'il a de Dieu (contrairement à l'esclave, qui n'a aucune idée adéquate de Dieu) ne pense pas plus à la mort que Dieu lui-même, qui ne la connait pas, puisqu'il ne connait que lui-même, et donc il est vivant absolument.

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Messagepar hokousai » 28 déc. 2007, 23:44

et de même toutes les parties de l'esprit humain sont des parties de l'esprit de Dieu, qui est éternel.


il me semble que très précisément Spinoza dise qu'une partie de l'esprit humain est éternelle
à savoir l'intellect (corol prop 40 partie 5)dont Spinoza exclut imagination et mémoire .

quid de l'intellect?
Spinoza renvoie à prop 3 partie 3 et à ladef generale des affects .

J'en conclus que la partie éternelle de l'esprit humain c' est nous comme cause adéquate (celle dont l'effet peut se percevoir clairement et distinctement ).

L'ennui (le problème ) est que cette partie privée d'un corps ne peut plus agir comme cause d'une absence d effets .

Donc la part de l'esprit qui subsiste est l'intellect , par lequel nous sommes dit agir .
Oui mais agir sur quoi ?

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Messagepar Louisa » 29 déc. 2007, 01:53

PS à Pourquoipas:

je viens de tomber par hasard sur cette citation, ici à gauche du forum:

"Je me décidai en fin de compte à rechercher s'il n'existait pas un bien véritable et qui pût se communiquer, quelque chose enfin dont la découverte et l'acquisition me procureraient pour l'éternité la jouissance d'une joie suprême et incessante."
Traité de l'amendement de l'Intellect §1

à mon sens, il est indéniable que le spinozisme comporte une sorte d'utopisme. Chercher un bien dont on a pour l'éternité la jouissance, et qui donne une joie suprême et incessante ... ET qui peut se communiquer, qui plus est ... c'est tout de même assez ambitieux.

Visiblement, Spinoza pense l'avoir trouvé, ce fameux bien (puisqu'il prétend ne pas avoir trouvé la seule philosophie possible, mais tout de même une "vraie philosophie"). Et je crois qu'il est assez clair que le bien qu'il a découvert a peu à voir avec ce qu'a découvert le mouvement "flower power" de '68. N'empêche que pour pouvoir réaliser une utopie, c'est bien à NOUS de la mettre en oeuvre. Cela ne sert à rien de dire qu'en lisant un philosophe, aucun miracle se produit, la réalité ne coïncide pas soudainement avec ce qu'il dit. Cela, c'est tout à fait normal (puisque le philosophe ne crée pas une "adaequatio intellectus ad rem", une adéquation de ses idées à une réalité pré-existante (ce qui est la tâche des sciences), mais simplement des idées, qui par après exigent une "adaequatio res ad intellectum", une adaptation des choses à cette idée/idéal).

Autrement dit: si l'on veut qu'une pensée devienne une réalité "en chair et en os", c'est bien à NOUS de la réaliser, dans notre chair, dans notre vie quotidienne (ce que personne ne peut faire à la place d'un autre). Ce qui présuppose, bien sûr, d'avoir bien compris l'essentiel de l'idée utopique (et si ce forum en tant que tel ne peut rien transformer "en chair et en os", il peut au moins contribuer à la compréhension de ce en quoi consiste cette idée).

Que le fait d'être confronté à une mort absolument révoltante (celle d'une jeune fille) ne nous fait pas immédiatement accéder à la béatitude éternelle ... quoi de plus normal .. ? Cela n'empêche que Spinoza croit avoir trouvé un moyen pour convertir ce type d'expérience en source de Joie (c'est-à-dire en quelque chose qui peut te rendre plus PUISSANT, plus fort, moins soumis aux circonstances hasardeuses de la vie, plus "aguerri"). Pour "vérifier" cette croyance il faut à mon sens deux choses: d'abord avoir compris la pensée fondamentale de l'Ethique, puis la VIVRE, la mettre soi-même en pratique, TRANSFORMER son regard sur le monde (et donc son vécu) en y appliquant la grille spinoziste. Ce n'est que cette transformation qui peut être la réalisation de cette utopie.

Mais bon, il est bien possible que tu ne t'intéresses tout simplement pas trop aux utopies .... .
Porte-toi bien,
louisa


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