Pourquoipas a écrit :A te dire ce que je pense être le vrai, je ne crois pas que l'homme ait jamais d'idées réellement adéquates (...), puisque par définition nous ignorons l'ensemble de l'enchaînement causes-effets. Nos idées sont donc toutes mutilées
Une idée adéquate n'a rien à voir avec une connaissance absolue, une connaissance de la totalité du monde (voir la lettre 32 à Blyenbergh)!!
Je crains que tu confonds l'idée adéquate dans ce qui le caractérise essentiellement avec cette idée adéquate très précise (ayant un objet très précis) qui constitue l'esprit divin.
Cette idée adéquate qu'est l'esprit divin est infinie, c'est-à-dire est constituée d'une infinité d'idées adéquates qui ne sont PAS l'esprit de Dieu au sens stricte, mais qui sont des idées adéquates qu'ont les choses singulières, et qui COMPOSENT l'idée adéquate qu'est l'esprit divin. Sinon comment attribuer à Dieu une connaissance INFINIE, s'il n'aurait qu'une seule idée adéquate, et pas une infinité ... ?
Pour avoir une idée adéquate de TOUTES les relations de cause à effet, il faut avoir une idée adéquate singulière pour CHAQUE cause singulière, et une idée adéquate singulière pour CHAQUE effet singulier. Ce qui suppose un ensemble infinie d'idées adéquates. Cet ensemble ne peut jamais être contenu dans un esprit humain, limité par essence. Il ne peut que constituer l'idée adéquate qu'est l'esprit de Dieu. Mais le fait même que Dieu a une connaissance adéquate infini EXIGE l'existence d'idées adéquates singulières ... .
Puis être la SEULE CAUSE d'un effet ne signifie PAS que la cause en elle-même ne serait pas causée!! Cela signifie qu'au MOMENT même où la cause produit son effet, aucune autre cause n'est présente qui co-produit l'effet et qui n'a rien à voir avec ma nature à moi. A ce moment-là, il faut considérer ma nature comme un tout, et non pas comme une partie (comme Spinoza l'explique dans cette même lettre 32 à propos du sang).
Etre cause partielle ne signifie pas être cause causée (être une cause x causée par la cause z). Etre cause partielle signifie ne pas être la seule cause qui à un moment x produit l'effet y (au moment où x produit y, t (qui n'est pas x mais qui n'a pas non plus causé x) doit intervenir, sinon y ne peut pas exister).
C'est pourquoi il est PARFAITEMENT possible de rencontrer dans la nature des causes adéquates: un tas de choses ne se produisent qu'à partir d'une seule cause, et pas deux causes qui collaborent.
La question de la "solitude" de la cause n'est donc PAS une question de FILIATION de cette cause, c'est une question d'autonomie temporaire, autonomie entre la cause et son effet. C'est pourquoi il ne faut ni avoir comme nature une cause libre (non causée elle-même, un x sans un z), ni avoir une idée qui a comme objet TOUTE la chaîne causale (a à z, z étant dans ce cas un point infini), pour pouvoir avoir une idée adéquate.
Ainsi, quand on pose un acte libre, la question n'est pas de savoir QUEL est l'objet de l'idée qu'est cette cause (la totalité du monde, autre chose, ...). La question est uniquement de savoir quelle cause a non pas causé cette cause/idée mais causée l'EFFET de cette cause.
Bref ... j'ai un peu l'impression que tu as écrit ton dernier message sous l'effet d'un affect assez Triste, puisque en général tu m'impressionnes plutôt par ta perspicacité, et que c'est souvent toi qui m'apprends quelque chose ... . Si c'est le cas: ne te sens pas obligé de répondre à ce "bavardage" (qui alors en effet te sera peu utile je crains ... ), soigne-toi bien. Dans le cas inverse, je ne peux m'empêcher d'espérer que tu ailles m'expliquer où je me trompe dans ce que je viens d'écrire.
Amitiés,
louisa