Le christ et le 3e genre

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Faun
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Messagepar Faun » 01 juin 2008, 03:21

Louisa a écrit :Mais dire que LE remède aux affects, c'est la fuite, cela me semble être erronné.


Il n'a jamais été question de remède aux affects, mais de remède à la présence d'un imbécile dans notre champ de vision.

L'imbécile n'est pas particulièrement une source d'affects dangereuse, seulement une cause de tristesse si on le contemple.

Mais vous oubliez un peu vite la suprême perfection (ce sont les mots de Spinoza) de la Nature, à laquelle on ne peut rien ajouter ni retrancher.

Cette idée de perfection suprême, si elle semble absurde, donc, aux imbéciles, relativise tout effort pour modifier le réel.

Qui sait si le fait même de jouir soi-même de la joie suprême que donne la contemplation de la Nature ne suffit pas à produire un effet dans l'univers entier ?

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Messagepar sescho » 01 juin 2008, 09:44

davdav a écrit :En ce qui concerne Schopenhauer, disons en simplifiant qu'il amène l’idée d’une substance unique « la volonté » dont les modes s’entre déchirent dans la phénoménalité, (qui n’est qu’une pure et simple apparence), et cela en se fondant sur une lecture totalement délirante de Kant.
Le salut réside dans l’art qui est comme la véritable théorie de la connaissance car elle permet de voir derrière le voile de Maya, et dans l’extinction de la volonté phénoménale.
Il y a un pessimisme car l’homme en tant que mode ou individu est séparé de la substance et est, en tant que mode séparé par le filtre de l’instinct de survie, absolument mauvais. L’autre est mauvais, le monde est mauvais, la volonté individuelle est mauvaise, l’intelligence est égoïste, etc, etc…
Le salut réside dans l’extinction de l’individu, de son égo particulier et égoiste. C’est ce qu’il appelle le nirvana c'est ce fondre dans la volonté unique. C'est un amour fusion dans lequel cesse la séparation et l'aveuglement et l'égoïsme qui causaient l'entredechirement phénoménal des modes de la même substance..

Un peu caricatural, mais c'est bien le Bouddhisme que l'on sent décrit là. On peut préférer l'approche du Védanta, qui parle plus nettement comme Spinoza de libérer, de la fumée qu'est le Mental incontrôlé, l'atman résidant en brahman, et le Bouddhisme est parfois accusé de nihilisme (ce que démentent les grands Maîtres bouddhistes) mais encore une fois Prajnanpad et d'autres Maîtres affirment que Bouddhisme et Védanta disent exactement la même chose, et je ne vois pas bien qui pourrait prétendre les contredire. Il est vrai me semble-t-il malgré tout que le Bouddhisme mahayana insiste parfois tellement sur l'impermanence, l'interdépendance et la vacuité d'existence propre de tous les phénomènes - modes compris - que l'on comprend que certains parlent de nihilisme. Il y "manque" Brahman et le Soi (mais peut-être qu'en "toute extrémité" même cela n'a plus vraiment de sens : il n'y a plus que la conscience parfaite du mode pleinement réalisé dans sa vraie nature de mode.) C'est plus une affaire d'approche que de fond et "la compassion envers tous les êtres" comprend bien "êtres." J'ai même lu un extrait d'un Maître bouddhiste disant que cultiver la seule sagesse (la connaissance de la nature réelle des choses / phénomènes) provoquait un attachement au nirvana (sous-entendu : incomplet) et que les autres paramita (actions droites), associées au samsara, devaient être également réalisées. Un autre a dit en substance : "si tu fais la différence entre le nirvana et le samsara, c'est que tu es dans le samsara..." "Nirvana" signifie même littéralement "extinction", mais dans le bouddhisme originel est souvent ajouté "de la douleur" et par voie de conséquence "de l'ego." Et la nuance n'est pas mince, quoiqu'elle semble faire fréquemment confusion. Cette confusion fait paire avec celle portant sur le sens d'"ego". C'est pourquoi on distingue souvent le "Soi" (le vrai "Je") du "moi" (le faux "je").

La situation est la suivante : par une déformation du Mental, se constitue une vision imaginaire de soi-même et du Monde, que j'appelle pour ma part "ego," prise à tort et fermement pour le vrai soi - qu'elle pollue donc plus ou moins gravement. Celle-ci tend à tout (faussement) substantialiser et spécialement elle-même, c'est-à-dire ici l'ego, le (faux) moi. Elle s'accompagne de ce fait quasiment toujours de la croyance au libre-arbitre (je ne parle pas de ce qui en est dit, mais de ce qui en est vécu) et à la création de valeur / non valeur ex nihilo par ce faux moi.

Au fond, il ne s'agit que de cela : l'extinction, l'anéantissement du faux moi, l'ego.

Dans ces conditions, dire qu'il y a extinction du mode lui-même, c'est une ânerie en même temps qu'une impossibilité. Mais attention à ne pas perdre l'autre conséquence : la vraie conscience de mode, ce n'est plus l'ego ; c'est très différent.

En passant, ceci me rappelle un message de Faun qui disait que son orgueil était bon car il le protégeait de la destruction. Mais la destruction de quoi ? S'agissant de l'orgueil ce ne peut être que de l'ego, le faux moi. Il est normal que le second protège le premier : c'est la même chose. Mais le salut c'est précisément l'inverse : se libérer et pour cela faire mourir, éteindre, l'ego.

davdav a écrit :Je ne pense pas qu’il en soit de même pour Spinoza.

Comme je viens de le présenter, cela se discute vraiment (il y a un autre fil sur le "moi" chez Spinoza.) Car Spinoza dit que l'homme n'est conforme à sa nature propre que lorsqu'il conçoit les choses clairement et distinctement, et qu'alors il est partie de l'entendement divin éternel. Encore une fois un mode ne peut être conçu proprement qu'en relation avec la Substance, avec présente l'idée de cette cause immanente universelle et éternelle. Qu'est-ce que le "moi" alors ? La conscience d'une limite ?

davdav a écrit :Car je pense que l’on est, d’une part, comme dira Nietzsche, Par Delà Bien et Mal et d’autre part, parce que le mode est une essence éternelle singulière et non une apparence phénoménale particulière.

La problématique du bien et du mal a été discutée à de nombreuses reprises. Ils n'existent pas dans la nature même de la Nature mais traduisent des lois réelles (celle de la béatitude et de ses opposés) régissant les modes que nous sommes. Sinon il n'y aurait pas d'éthique, et donc pas d'Ethique ; ce mot n'aurait aucun sens. Les hommes aspirent au bonheur et celui-ci n'est nullement automatique ; voilà ce que relativement aux hommes on appelle bien et mal. Seul le sage est et voit le Monde par-delà bien et mal de fait (et non seulement en mots.) Il est alors seulement dans le bien, et ne vit donc plus avec un ego...

davdav a écrit :La distinction spinoziste durée/éternité ne me semble par recouvrir celle de Schopenhauer entre l'apparence et la chose en soi ou "la Volonté".

L'ego est une pure construction mentale ; nous ne sommes donc pas en train de juger de la nature fondamentale des choses, juste de cela.

davdav a écrit :Ensuite,vous dites:
"mais ce qui est certain c'est qu'il n'y a fondamentalement qu'une seule Philosophie morale, parce qu'il n'y a qu'une loi de la Sagesse ultime."
Je suis totalement d'accord avec cela, mais je dirai en outre que la sagesse se conjugue différemment au particulier et au singulier.

Je ne suis pas sûr de saisir toute la nuance de la chose. Pour moi, Spinoza conjugue singulier et particulier lorsqu'il admet les "essences de genre" (ce qui apparaît par exemple lorsqu'il dit que si l'essence d'un homme venait à disparaître, celles de tous les hommes disparaîtraient ; où que quand un homme change d'essence, il ne saurait s'agir de passer à une essence de cheval, ou lorsqu'il dit que la venue à l'existence actualise l'essence.) Comme Platon, Spinoza considère que les essences (Idées, Formes) sont éternelles - et c'est normal puisqu'elles font partie de la Nature, qui est éternelle - et c'est quelque chose qui me semble assez peu bouddhiste (où l'on insiste sur l'impermanence, en tout cas dans le mahayana, et ne dispose pas de Dieu-Nature-Brahman-Tao) mais qu'est-ce exactement qu'une essence de mode distinct ? Car Spinoza pose bien clairement aussi l'interdépendance entre modes (du "samsara"), même s'il parle aussi au sujet d'un mode de "retenir sa nature" (ce qui est assez nettement opposé à la philosophie morale en Orient en général, mais pourrait très bien ne se référer qu'aux grandes lignes de l'essence chez Spinoza : l'essence de genre, ce qui alors lui est compatible. Très probablement même car l'interdépendance implique l'impermanence.)

Mais bon, au-delà de ces réflexions diverses, il reste une question : qu'est-ce que l'essence d'un homme pris isolément, comme mode distinct des autres (ce qui est une base fausse, en fait, dans tous les cas) ?

Spinoza dit plus justement : qu'est-ce qui dans l'homme lui est propre, c'est-à-dire se comprend par sa seule nature ? Il répond : les idées claires et distinctes et elles sont éternelles. Il n'y a plus de moi là-dedans, voire même plus de "Soi" ; c'est le nirvana...

Mais l'homme est quand-même dans le Monde, et ne se conçoit pas entièrement sans les autres modes ; ce n'est pas sa nature propre, mais participe de sa nature quand-même... c'est le samsara (le "vrai", vu comme tel lorsque s'est évanouie la pollution mentale qu'est l'ego.) Nirvana et samsara intimement liés. Nous ne sommes pas loin du Bouddhisme, je pense...


Amicalement


Serge
Modifié en dernier par sescho le 02 juin 2008, 20:26, modifié 1 fois.
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Messagepar Louisa » 01 juin 2008, 12:20

Faun a écrit :Il n'a jamais été question de remède aux affects, mais de remède à la présence d'un imbécile dans notre champ de vision.


Je crains que tu te trompes. Voici la question initiale de davdav, à laquelle tu as répondu que la seule chose que l'on puisse faire, c'est fuir:

davdav a écrit :Imaginons que je vienne de croiser un imbécile qui m’a traité avec mépris, j’ai nécessairement et de manière géométrique éprouvé une belle haine à son égard, d’où un affect de tristesse et une diminution de ma puissance d’être de penser et d’agir. Comment transformer cet affect en affect positif, comment ne pas avoir l’imbécile en haine.


Davdav ne demandait pas comment éliminer l'imbécile de mon champ de vision, mais que faire avec la Haine que je ressens quand il m'insulte. Si selon toi le remède aux affects c'est d'éliminer ceux qu'on n'aime pas de notre champ de vision ... on arrive facilement à l'une ou l'autre "Endlösung", non? Car alors c'est nous ou eux qui doivent disparaître. A partir de ce moment-là, on retombe dans des schémas où l'homme est un loup pour l'homme. La réponse de Spinoza à cela: l'homme peut être un Dieu pour l'homme. C'est cette question de la concorde, de la diminution de la Haine et l'augmentation de la collaboration, qui l'intéressait en premier lieu.

Faun a écrit :L'imbécile n'est pas particulièrement une source d'affects dangereuse, seulement une cause de tristesse si on le contemple.


c'est plutôt l'inverse: si on le contemple, et on le fait par le biais du deuxième ou troisième genre de connaissance, alors on est dans la compréhension, c'est-à-dire la Joie ou (3e genre) la Béatitude.

Si en revanche on le contemple via le premier genre de connaissance, on risque de balancer sans cesse entre une Joie passive et une Tristesse ou Haine passive.

Si en plus il commence à nous traiter activement avec mépris, alors là on ne peut plus se contenter de contempler, il faut faire quelque chose avec l'affect de Haine qui va irremédiablement être provoqué en nous, comme le dit bien davdav. Cette Haine que l'on ressent, elle a beau venir de l'extérieur, l'important c'est que c'est MOI qui ressent cette Haine. Je peux à la limite aller fuir dans le désert, où je ne risque plus de rencontrer qui que ce soit, je serai toujours victime de cette Haine si je n'ai pas appris à la surmonter activement. Ou comme le dit Spinoza au début de l'E5: le remède ne consiste pas à m'éloigner de la cause extérieure, mais d'éloigner de moi l'IDEE de cause extérieure. C'est tout à fait différent. Dans le deuxième cas, on arrive à ce que disait Deleuze (je paraphrase): "C'est tout aussi bête de dire que Pierre m'a fait du mal que de dire que la pierre m'a fait du mal" ... .

Faun a écrit :Mais vous oubliez un peu vite la suprême perfection (ce sont les mots de Spinoza) de la Nature, à laquelle on ne peut rien ajouter ni retrancher.


la "quantité" totale de perfection dans le monde étant infinie, elle ne change pas, en effet. Or face à un imbécile nous sommes devant une quantité de perfection très limitée, quasiment aussi limitée que la nôtre. S'il nous insulte, on sera Triste, donc il aura retranché quelque chose à NOTRE perfection.

Faun a écrit :Cette idée de perfection suprême, si elle semble absurde, donc, aux imbéciles, relativise tout effort pour modifier le réel.


selon Spinoza tu essaies sans cesse de conserver ton être, ce qui implique que tu modifies sans cesse le réel (tu manges, tu construis des maisons, tu construis des amitiés qui augmentent ta puissance d'agir, etc).

Faun a écrit :Qui sait si le fait même de jouir soi-même de la joie suprême que donne la contemplation de la Nature ne suffit pas à produire un effet dans l'univers entier ?


Bien sûr que cela suffit. La question était plutôt: COMMENT jouir soi-même de la Joie suprême, sachant que nous avons besoin d'autres hommes et que ceux-ci, comme nous-mêmes, sont souvent en proie à des affects passifs?

Ta réponse était: fuir du monde.
La réponse spinoziste est à mon avis: apprendre à combattre la Haine que l'on ressent pour celui que nous méprisons, pour celui qui nous insulte, pour celui qui est ignorant, et essayer de communiquer maximalement le Bien qu'ainsi nous acquérons aux autres, afin qu'ils puissent jouir eux aussi de cette nouvelle nature de l'homme, comme Spinoza le dit au début du TIE. Ou comme il le dit encore dans le même livre:

"(...) nous sommes pour cela forcés avant toutes choses de supporter certaines règles de vie comme bonnes, à savoir celles-ci:
I. PARLER ET METTRE EN OEUVRE SELON CE QUI SEDUIT LE COMMUN toutes les choses qui n'apportent en rien un empêchement pour l'atteinte de notre but. Car CE N'EST PAS PEU DE PROFIT QUE NOUS POUVONS ACQUERIR DE LUI, sous condition que nous fassions des concessions à ce qui le séduit, autant que faire se peut; ajoute que d'une telle manière ils tendront des oreilles amicales pour écouter la vérité.
".

Bref, il ne faut pas fuir le commun des mortels (et encore moins l'insulter, en l'appelant un imbécile, par exemple), mais essayer de le "séduire", c'est-à-dire de lui donner un peu ce qu'il désire (mais pour cela il faut avoir quelques idées adéquates concernant ce qu'il désire, donc ... le fréquenter), afin de pouvoir avoir un rapport tel avec lui qu'il puisse mieux écouter la vérité (du moins cette partie de la vérité que nous croyons avoir découvert nous-mêmes ... il se peut aussi que finalement cet imbécile soit un peu moins imbécile que nous le croyions, et que ce soit lui qui nous apprend qu'on se trompe, par exemple).

C'est tout ce programme d'"action sociale" qui à mon sens manque dans ta version du spinozisme. Pourtant, dès le TIE Spinoza souligne que sans cela, aucune Joie suprême ou Béatitude n'est possible. La Liberté ne consiste pas à contempler béatement le monde à partir de sa tour d'ivoire, mais à s'unir maximalement au monde, en ayant un maximum d'idées adéquates des essences singulières. Comment avoir une idée adéquate d'une essence singulière sans l'avoir jamais vue? Comment avoir des idées adéquates des hommes si on les fuit? Comment réellement comprendre l'ignorant si l'on se borne à quelques noms d'oiseau (pour montrer qu'on le méprise) pour ensuite l'abandonner là où il est (tandis que montrer du mépris, c'est montrer qu'on est dans l'inadéquation soi-même, justement ...)? Enfin, envers qui pratiquer la charité spinoziste si l'on préfère s'entourer que de "sages" ou d'amis?

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Messagepar davdav » 01 juin 2008, 18:39

Chère Louisa,

Ce sujet me semble capital car il traite de l'application pratique du spinozisme dans la quotidienneté. Et, il n' y a rien de plus capital que de savoir vivre Bien, non pas abstraitement, ailleurs, mais ici et maintenant..
De plus, il met en jeu la cohérence interne du système.
Il y a beaucoup à dire.
Comme je vous l’ai dit, je ne connais, à ce jour, que superficiellement Spinoza, mais le problème qui se pose est proche de L’Amor Fati nietzschéen, que je connais mieux.
Car, Nietzsche considère que l’homme métamorphosé, celui qui a transfiguré les valeurs, affirme non seulement son être propre mais l’ensemble de tout ce qui est.
C’est l’amen, la grande bénédiction de l’existence.
Le moment de grâce. La béatitude spinoziste n’est pas loin…
C’est la sanctification.
C’est a ce niveau que l’amor intellectualis dei spinoziste se recoupe en l’amor fati, me semble t-il et conformément à une lecture deleuzienne. Autrement dit, le même problème se pose.
Car, en bénissant toute chose, la sur-humanité nietzschéenne que l’on peut rapprocher de la sagesse spinoziste sanctifie en même temps le fou, le malade, l’esprit prêtre, le méchant, le mauvais, le pervers, etc…
Je devrai aimer l’imbécile, le retors, le dépravé, l’hypocrite, le mal intentionné,le haineux, l’autorité même si elle est débile, etc, etc,
Difficile.

Il me semble que ta réponse consiste à dire que ce n'est pas l'imbécile qu'il faut aimer mais son conatus.

Amicalement
Modifié en dernier par davdav le 01 juin 2008, 18:58, modifié 1 fois.

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Messagepar davdav » 01 juin 2008, 18:42

Chère Louisa,

En ce qui concerne le christ, puisque c’était au départ le sujet du post, je ne comprends pas ta distinction :
« la plus haute sagesse ... dans le domaine purement moral. Dans le domaine spéculatif ou le domaine de la connaissance des choses naturelles, il ne disposait pas d'un savoir plus grand que n'importe qui d'autre. »
Je pense qu’il n’y a qu’une seule éthique, et elle repose sur la connaissance c'est-à-dire sur la compréhension théorique de notre nature et de la Nature. Autrement dit, je ne vois pas bien la distinction entre morale ou la pratique et le théorique ou la connaissance car la connaissance ne vaut pas en elle-même et pour elle-même mais pour ses effets salvateurs. Non ?

Cordialement

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Messagepar Enegoid » 01 juin 2008, 20:43

Je devrai aimer l’imbécile, le retors, le dépravé, l’hypocrite, le mal intentionné,le haineux, l’autorité même si elle est débile, etc, etc,
Difficile.


"...aucune chose ne peut être bonne ou mauvaise pour nous, si elle n'a quelque chose de commun avec nous"
ET4 p29[/quote]

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Messagepar davdav » 02 juin 2008, 12:16

Chère Louisa,
En ce qui concerne la dimension sociale et la charité du Spinozisme, j’aimerai que tu m’en dises plus.
Au niveau de l’éthique du sage, nous sommes d'accord sur bien des choses, mais je serai plus nuancé.
D’abord, je dirai que le propos de Spinoza n’est pas de nous soustraire à la multitude des rencontres,
(IV,4 "Il est impossible que l'Homme ne soit pas une partie de la Nature , et qu'il évite de subir d'autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature et dont il est la cause adéquate"),
mais de définir celles qui nous garantissent le déploiement de notre puissance d'être et d'agir.
Connaître c’est connaître les rapports de composition et de décomposition des mes parties avec la totalité extérieures avec laquelle j’entretiens des rapports.
Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ai pas des lignes de fuites, des préservations nécessaires en tant que moindre mal, relatif à mon essence singulière.

Tu as écrit :
« La vertu n'est pas un devenir actif, la vertu est l'essence dans ce qu'elle affirme, dans son activité même, activité actuelle. »
J’avoue que je ne comprends pas bien.


PROPOSITION XXV
L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre."

Autrement dit, la vertu c’est de connaître, et connaître c’est produire des effets, c’est donc être actif.
Non ?

Merci pour tes lumières et ta perséverance.
Bonne journée
Amicalement

David

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Messagepar Louisa » 02 juin 2008, 20:34

davdav a écrit :En ce qui concerne la dimension sociale et la charité du Spinozisme, j’aimerai que tu m’en dises plus.
Au niveau de l’éthique du sage, nous sommes d'accord sur bien des choses, mais je serai plus nuancé.
D’abord, je dirai que le propos de Spinoza n’est pas de nous soustraire à la multitude des rencontres,
(IV,4 "Il est impossible que l'Homme ne soit pas une partie de la Nature , et qu'il évite de subir d'autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature et dont il est la cause adéquate"),
mais de définir celles qui nous garantissent le déploiement de notre puissance d'être et d'agir.


Bonjour David,

que veux-tu dire par "définir"?

davdav a écrit :Connaître c’est connaître les rapports de composition et de décomposition des mes parties avec la totalité extérieures avec laquelle j’entretiens des rapports.


cela, c'est le deuxième genre de connaissance. Le troisième genre de connaissance ne se concentre plus sur les rapports entre les choses, donc sur ce que les choses ont en commun entre elles, mais sur les essences singulières, c'est-à-dire sur ce qui dans l'autre n'a rien en commun avec ce que je suis moi-même (ce qui suggère, bien sûr, que l'on ne peut pas prendre l'idée d'avoir quelque chose en commun dans son sens ordinaire, sinon ce serait absurde - j'ai toujours déjà en commun avec mon voisin d'être un homme, et ainsi de suite).

davdav a écrit :Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ai pas des lignes de fuites, des préservations nécessaires en tant que moindre mal, relatif à mon essence singulière.


une fois que l'on est face à une puissance supérieure à la nôtre ET qui menace de nous détruire (ce qui n'est pas toujours le cas), en effet, la seule façon de conserver son être dans une telle situation, c'est de fuir. Comme tu l'as peut-être lu dans la discussion avec Enegoid, je ne suis pas encore très certaine par rapport à cette "supériorité" dans le cas d'une destruction. S'agit-il réellement d'une supériorité de puissance (potentia, effort)? Ou plutôt d'une supériorité de pouvoir (potestas ou vis, force, capacité), sachant que les pouvoirs sont toujours particuliers, tandis qu'une puissance singulière?

Je veux dire: si je suis devant un homme dix fois plus fort que moi, physiquement, et qui a clairement envie de me faire du mal, il est évident que son pouvoir particulier (ici physique) est plus grand que le mien, tandis qu'éventuellement mon degré de puissance peut-être plus élevé que le sien.

Or nous parlions plutôt d'un ignorant/imbécile. En principe, sa puissance est moins grande que la mienne, si je ne suis pas ignorante (au sens spinoziste du terme, où ne pas être ignorant implique toute une gestion des affects, non seulement une connaissance "pure"). Dispose-t-il d'un pouvoir plus grand que moi, sur l'un ou l'autre terrain particulier? Pas forcément. Qu'éventuellement il m'insulte n'est pas du tout une preuve de sa puissance ou pouvoir, puisque mépriser signifier avoir une idée inadéquate. Quand il m'insulte, c'est donc avant tout LUI qui est en train de pâtir, dans le spinozisme. Moi-même, je peux par après également pâtir, si je ne comprends pas bien les causes de l'insulte, mais cela est tout sauf nécessaire. Si j'ai appris quelques remèdes aux affects, je pourrai très vite changer cette passivité en une Action, une Joie, voir ne rien pâtir du tout. C'est là qu'on devient utiles aux autres, car on pourra essayer (avec nos moyens toujours modestes, bien sûr), d'affecter l'ignorant d'un peu de Joie, d'augmenter sa puissance. C'est pourquoi il vaut mieux essayer de ne pas fuir devant un simple ignorant, mais plutôt essayer de le rendre moins ignorant, tant qu'on y est.

davdav a écrit :louisa a écrit :
« La vertu n'est pas un devenir actif, la vertu est l'essence dans ce qu'elle affirme, dans son activité même, activité actuelle. »

davdav:
J’avoue que je ne comprends pas bien.

PROPOSITION XXV
L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre."

Autrement dit, la vertu c’est de connaître, et connaître c’est produire des effets, c’est donc être actif.
Non ?


C'est certes ETRE actif, mais être actif et devenir actif, ce n'est peut-être pas exactement la même chose? En tant que nous devenons toujours plus actifs, nous devenons toujours plus Libre, nous avons toujours davantage d'idées adéquates. Or notre essence, qui se définit par un effort, est elle-même, en tant qu'effort, toujours déjà actif (elle est l'ensemble des idées adéquates que nous avons déjà). Car on ne sait pas faire un effort tout en restant passif. Ainsi peut-on dire qu'on est toujours déjà vertueux, puisqu'on est toujours déjà actif, on connaît toujours déjà quelque chose (ce qui vaut également pour l'ignorant). Certes, on peut toujours aussi devenir plus actif, et donc plus vertueux encore. Mais la vertu, elle, elle est toujours déjà là, elle constitue notre degré de réalité à nous.

A bientôt pour quelques tentatives de réponse à tes autres messages!

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Messagepar Enegoid » 02 juin 2008, 22:05

Or nous parlions plutôt d'un ignorant/imbécile


Toujours une histore d'essence. Il n'y a pas un homme dont l'essence est d'être ignorant ! ou imbécile... Il y a un homme qui se conduit comme un imbécile ou qui ignore des choses.

Et par rapport à celui qui veut te piquer ton sac pour avoir sa dose, il ne te reste plus que la connaissance du 3ème genre pour savoir par intuition ce qui pourrait le détourner de son but.
Sinon, il n'y a plus qu'à faire appel à la joie (intellectuelle?) de la connaissance de Dieu et de l'ordre des choses.

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Messagepar davdav » 03 juin 2008, 23:57

davdav a écrit :louisa a écrit :
« La vertu n'est pas un devenir actif, la vertu est l'essence dans ce qu'elle affirme, dans son activité même, activité actuelle. »

davdav:
J’avoue que je ne comprends pas bien.

PROPOSITION XXV
L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre."

Autrement dit, la vertu c’est de connaître, et connaître c’est produire des effets, c’est donc être actif.
Non ?


"C'est certes ETRE actif, mais être actif et devenir actif, ce n'est peut-être pas exactement la même chose? En tant que nous devenons toujours plus actifs, nous devenons toujours plus Libre, nous avons toujours davantage d'idées adéquates. Or notre essence, qui se définit par un effort, est elle-même, en tant qu'effort, toujours déjà actif (elle est l'ensemble des idées adéquates que nous avons déjà). Car on ne sait pas faire un effort tout en restant passif. Ainsi peut-on dire qu'on est toujours déjà vertueux, puisqu'on est toujours déjà actif, on connaît toujours déjà quelque chose (ce qui vaut également pour l'ignorant). Certes, on peut toujours aussi devenir plus actif, et donc plus vertueux encore. Mais la vertu, elle, elle est toujours déjà là, elle constitue notre degré de réalité à nous.

A bientôt pour quelques tentatives de réponse à tes autres messages![/quote]"

Chère Louisa,
Merci pour ta réponse. Ce que tu dis me semble très juste et particulièrement éclairant.
J'aimerai que tu me confirme que tu penses bien que l'homme est toujours déjà libre, toujours déjà actif, toujours déjà vertueux.
Le devenir actif consiste alors à devenir encore plus actif et le moins passif possible.
Pourquoi? Car le mode est un mode de la substance qui est pleine positivité ou activité pure.
Agir, c'est participer de l'activité et absolument pas comme dans les systèmes idéalistes de la subjectivité allemande produire intentionnellement à partir d'un soi pensé comme une causa sui sur le modèle de la substance divine spinoziste.
Est -tu d'accord?
Ensuite, tu dirai donc que devenir actif ne peut se faire dans un "solipsisme du sage".
Justement car le devenir actif c'est participer de l'activité de Dieu qui est toujours déjà donnée ou en acte.
Devenir actif c'est devenir actif avec d'autres modes.
Effectivement, on peut se demander ce que sont ces modes dans ce rapport de devenir actif que j'entretiens avec eux.
Doit-on parler des essences singulières ou un conatus "universel" ou bien alors un conatus singulier?
La question du devenir dans une philosophie de la pleine positivité est assez complexe.
(Et je comprend que certains commentateurs ait eu recours au concept d'aliénation pour lire le devenir actif.)
Quel rapport entretient le devenir actif avec l'amour intellectuel de Dieu?
Est ce que l'amour intellectuel rend actif, ou est-ce le devenir actif qui permet l'amor intellectualis Dei?

Merci de ta réponse.
Amicalement
David


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