Le libre-arbitre chez Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
PhiPhilo
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Messagepar PhiPhilo » 27 juin 2008, 17:04

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hokousai
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Messagepar hokousai » 27 juin 2008, 22:04

oui bon moi vous avez ce que j 'en dit .

je ne suis pas certain d'y croire .

( vous devez bien savoir que Wittgenstein plaçait l 'ethique un peu hors du jeu )

hokousai

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sescho
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Messagepar sescho » 02 juil. 2008, 22:19

Je voudrais revenir sur le sujet de la liberté dans le déterminisme (et il n'y a de liberté QUE dans le déterminisme, sinon c'est le chaos) par un exemple que j'ai déjà produit, mais que je trouve très parlant : la Logique.

Rien de plus impersonnel que la Logique : tout ce qu'elle produit doit être approuvé sans réserve par tous les esprits clairs. C'est ou ce n'est pas logique !

Est-ce pour autant que lorsque j'exerce proprement la logique j'ai l'impression d'être un robot ? Au contraire : sans que l'ego n'y ajoute sa pollution (je suis très fort, plus que les autres, etc.), j'ai un sentiment de réalisation personnelle, sans ombre, sans contradiction, sans lutte interne : c'est clair, c'est logique. Voilà selon moi à quoi correspond la liberté : la pure détermination qui s'exprime sans ombre, sans désir autre que celui de continuer, sans soif, sans tension, sans contradiction, sans influence extérieure, directe ou mémorisée. Nous sommes dans les mains de Dieu comme la terre dans les mains du potier et c'est notre bonheur qu'il en soit ainsi.


Serge
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Louisa
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Messagepar Louisa » 02 juil. 2008, 22:39

Sescho a écrit :sans que l'ego n'y ajoute sa pollution (je suis très fort, plus que les autres, etc.)


E4 AXIOME:
IL N'Y A PAS DE CHOSE SINGULIERE, DANS LA NATURE DES CHOSES, QU'IL N'Y EN AIT UNE AUTRE PLUS PUISSANTE ET PLUS FORTE.

Constater qu'on est plus fort qu'une autre chose singulière est une conséquence nécessaire et logique de la notion commune exprimée par cet axiome. Chaque chose est déterminée par Dieu à être plus forte qu'une autre, et moins forte qu'une autre encore. Dès lors, je ne vois pas comment prétendre que ce soit spinoziste de transformer ce constat (idée adéquate) en une "pollution"?

Et quelle "pureté" devrait être protégée et serait souillée par cette vérité?

A mon sens, contempler sa puissance, en être conscient, est la source même de la Liberté spinoziste, car le troisième genre a comme "cause formelle" (E5P31) l'idée de l'essence de soi-même, essence actuelle qui est toujours aussi un degré de puissance (E3P7). La liberté spinoziste ne s'arrête que là où l'on croit être "cause libre" de cette puissance, qu'on oublie que notre essence n'enveloppe pas l'existence.

Ne pas être libre dans le spinozisme, c'est croire qu'il y a un quelconque "mérite" personnel dans le fait d'avoir telle puissance, et une quelconque "faute" personnelle dans nos passions ou impuissance. C'est oublier que notre existence est déterminée par autre chose que notre essence. Mais c'est aussi oublier que notre impuissance, c'est tout SAUF ce qui nous caractérise dans notre singularité.

C'est pourquoi appeler "ego" ce qui est notre impuissance relève exactement de cette forme de servitude: c'est croire que nos passions sont dues à nous-mêmes, là où Spinoza répète à l'envi que nos passions sont causées par le monde extérieur, et non pas par nous-mêmes considérés dans notre essence. L'ego ou le soi, c'est-à-dire l'essence singulière, n'est QUE puissance, chez Spinoza (voir notamment E4P5: la force d'une passion ne se définit pas par notre puissance). Un "ego prétentieux", comme tu viens de le dire dans l'autre fil, est donc d'un point de vue spinoziste une contradiction dans les termes, puisque la prétention est une passion.

Version joyeuse de la prétention: l'Orgueil, passion que subit celui qui est soumis à l'idée erronée qu'il est lui-même cause de sa puissance.

Version moins joyeuse de la prétention: croire que nous avons accompli l'un ou l'autre vice par "libre decret de l'Esprit". Identifier l'ego, ce qui caractérise tel homme dans sa singularité, à ses passions, relève de ce genre de prétention. Spinoza l'appelle Poenitentia. Que celle-ci soit une véritable Tristesse ou que l'on croit être dans le vrai (sur base d'une simple absence de doute, qui justement, n'est PAS le signe du vrai chez Spinoza, E2P49 sc) en identifiant l'ego à des passions, dans les deux cas il s'agit d'une idée "prétentieuse".

Dès lors, essayer de ne pas voir sa propre puissance par peur de "souiller" quelque chose ... comment concilier cette idée avec le spinozisme? A mon avis il s'agit bien plutôt d'une idée inadéquate, qui remet dans le sujet ce que l'absence du libre arbitre et le déterminisme spinoziste lui retire.

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Messagepar nepart » 03 juil. 2008, 00:43

Je ne crois pas que l'égo soit la simple conscience de notre puissance.

Pour moi égo est synonyme de volonté de supériorité par rapport aux autres, de vouloir être fier, reconnu...

Ce que je veut supprimer de chez moi en faite.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 03 juil. 2008, 02:43

Sescho a écrit :Je ne crois pas que l'égo soit la simple conscience de notre puissance.

Pour moi égo est synonyme de volonté de supériorité par rapport aux autres, de vouloir être fier, reconnu...

Ce que je veut supprimer de chez moi en faite.


il suffit de prendre le mot "ego" dans le sens que l'on donne ordinairement à ce terme pour que tout ce que tu dis soit tout à fait vrai. C'est d'ailleurs ainsi qu'on comprend habituellement des termes comme "égoïsme" ("disposition à parler trop de soi, à rapporter tout à soi, attachement excessif à soi-même", Petit Robert) ou "égocentrisme". Mais ce qui est tout à fait GENIAL et propre à la philosophie, c'est qu'elle transforme le sens des mots. Sans cela, inventer une nouvelle pensée n'est pas possible. Chaque philosophie est ainsi une invitation à apprendre à concevoir les choses autrement que ce que nous suggère le langage commun.

Spinoza n'utilise pas le mot "ego", mais il parle néanmoins de l'essence singulière qui est propre à telle ou telle chose. Cette essence, dit-il, se caractérise par un degré de puissance. Elle s'exprime dans un corps et un esprit, autrement dit dans une puissance de penser et une puissance d'agir (les deux étant toujours d'une même grandeur).

Et voilà que là où toute la tradition chrétienne, ensuite suivie en cela fidèlement par la psychanalyse, "essentialise" le péché, le vice, la passion, c'est-à-dire en fait quelque chose qui peut caractériser une personne dans son essence, Spinoza nous propose de repenser le tout radicalement différemment (E5P20 sc):

Spinoza a écrit :Or la puissance de l'Esprit se définit par la seule connaissance, et son impuissance ou passion, par la seule privation de connaissance, c'est-à-dire qu'elle s'estime à cela qui fait qu'on dit les idées inadéquates; d'où il suit que pâtit le plus l'Esprit dont les idées inadéquates constituent la plus grande part (...).


En effet, comme il le disait déjà en l'E3P3sc:

Spinoza a écrit :Nous voyons donc que les passions ne se rapportent à l'Esprit qu'en tant qu'il a quelque chose qui enveloppe négation, autrement dit, en tant qu'on le considère comme une partie de la nature qui par soi, sans les autres, ne peut se concevoir clairement et distinctement


Ce qui dans le christianisme s'appelle le "péché originel", ou dans la psychanalyse la "pulsion de mort", est donc identifiée dans le spinozisme a une "cause extérieure". Pourquoi? Parce que "la définition d'une chose quelconque affirme l'essence de cette chose, mais ne la nie pas" (PS en passant à Bardamu: ici il parle donc tout de même de la définition d'une chose singulière, contrairement à ce que j'avais dit; mais il me semble que cela n'arrive que très rarement - à vérifier).

Comme le dit déjà le titre de ce site, "Spinoza et Nous - Philosophie de l'affirmation", tout ce qui existe réellement, pour Spinoza, est affirmation, jamais privation ou négation.

On pourrait se dire: oui et alors? Qu'est-ce que cela change, dans la pratique? En fait, cela change tout. Car que faisons-nous habituellement dans nos rencontres quotidiennes avec les gens? Un tel fait quelque chose que nous réprouvons, et nous l'identifions à ce mal. Quelqu'un nous vole notre voiture, et on se dit que ce type "est" un criminel. Comme si toute sa puissance consiste à me faire du mal, et par là à "être vicieux". On va donc détester cette personne. On va aussi essayer de la punir. Car on suppose qu'elle était tout à fait libre de ne PAS voler ma voiture, et que c'est son essence vicieuse elle-même qui a fait qu'elle l'a néanmoins fait.

Erreur! s'écrie Spinoza. En tant que nous sommes malhonnêtes, nous "pâtissons", nous subissons une influence de l'extérieur plus forte que notre propre essence/puissance. La première victime de notre malhonnêteté, c'est donc nous-mêmes! Jamais on ne pourra dire que c'est ma propre puissance qui agit quand je Haïs, quand je suis en Colère, etc. Comme on dit d'habitude: dans ces cas je suis "hors de moi-même", je suis déterminé par de choses/causes hors de moi.

Cela implique que si l'on parle avec notre voisin et l'on constate chez lui une passion quelconque, on peut se dire (du moins est-ce à cela que Spinoza nous invite) que ce faisant, nous ne voyons PAS l'essence même de notre voisin, nous ne voyons qu'une cause extérieure qui temporairement s'est saisie de lui. Bref, nous sommes plutôt "à côté de la plaque". C'est bien pourquoi Spinoza nous conseillera de "toujours prêter attention à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, (...) de contempler le moins possible les vices des hommes" (E5P10 sc). Il s'agira donc de ne plus identifier l'autre à ces vices ou passions, pour aller activement à la recherche de ce qui constitue sa vertu ou essence à lui. En faisant cela, nous cesserons de combattre les vices (ce qui souvent ne fait qu'augmenter la Haine), mais pourrons répondre à la Haine par l'Amour, Amour concret pour telle ou telle personne criminelle en tant qu'elle n'est PAS criminelle. Ce faisant, nous l'affecterons enfin positivement, nous augmenterons sa Joie et donc sa puissance, jusqu'à ce qu'elle pourra prendre elle-même la relève et ne dépendra plus de nous comme cause extérieure pour être Joyeux (elle deviendra alors Actif et heureux).

Par rapport à soi-même, apprendre à contempler sa puissance au lieu de s'identifier à son impuissance signifie qu'on arrête de se dire qu'on "est" mauvais en faisant ou pensant cela, pour commencer à comprendre que quelque part, ce "vice" ne nous exprime pas réellement dans ce que nous sommes fondamentalement. Exemple: je dois étudier, mais j'ai peur de l'échec. J'essaie donc de ne pas penser à cet échec éventuel, mais pour y parvenir, il faut oublier carrément l'idée d'étudier. J'allume donc la télé, je regarde une émission qui m'intéresse, je me sens devenir moins stressé. Or à la fin de l'émission, je constate bien sûr qu'il est une heure plus tard, que je n'ai rien fait sauf augmenter la chance de ne pas réussir mon examen. Je culpabilise, je me dis que je ne suis bon à rien, que je n'ai pas de discipline, que jamais je ne serai un bon étudiant etc.

Réponse de Spinoza: tout cela sont des idées inadéquates. Ce que tu es, dans ton essence, c'est un Désir, en l'occurrence le désir de réussir. Or en t'imaginant un échec éventuel, tu es en proie au Désespoir, tu subis. Du coup, ce n'est pas DU TOUT de ta faute que tu n'as pas étudié pendant toute une heure, car la cause était extérieure. Ce qui te caractérise toi, dans ton essence, c'est la volonté de réussir.

A partir de ce moment-là, éviter les heures perdues pour l'étude n'est plus une affaire de combat contre soi-même. Cela devient un combat de soi-même contre des idées inadéquates, causées par des expériences dans le passé, des "mauvaises rencontres" qui ont nourri ta peur. Le fait même de ne plus considérer ta tendance à fuir ton bureau à l'heure fatidique comme ce qui caractérise ton essence, te permettra de t'en défaire plus facilement que quand tu te considères comme étant quelqu'un d'essentiellement "fainéant".

C'est pourquoi c'est effectivement, comme l'a souligné Phiphilo, une question d'éthique versus morale. La morale identifie systématiquement les vices aux essences des gens. L'éthique spinoziste constate que l'impuissance est due au fait que nous sommes partiellement une partie de la nature, qui subit des influences non voulues. Notre puissance en revanche caractérise l'autre partie de nous-mêmes, notre partie éternelle, composée de toutes nos idées adéquates, de toute notre puissance de penser et d'agir. Le remède aux affects consiste à contempler maximalement notre propre puissance/vertu, ce qui nous donnera la force pour attaquer tout ce qui est mal et qui par définition vient de l'extérieur. C'est là, d'ailleurs, qu'intervient le déterminisme: nous ne pâtissons qu'en tant que nous suivons les lois communes de la nature (déterminisme "extérieure", si l'on veut). Nous agissons, en revanche, quand nous faisons quelque chose suivant les lois de NOTRE nature, quand notre puissance même est la cause de nos actes (= notre raison). Car (E4P57):

Spinoza a écrit :Mais les lois de la nature regardent l'ordre commun de la nature, dont l'homme n'est qu'une partie; et si j'ai tenu à le rappeler ici au passage, c'est pour qu'on n'aille pas penser que j'ai voulu ici raconter les vices et les actes absurdes des hommes, et non démontrer la nature et les propriétés des choses. Car, comme je l'ai dit dans la Préface à la Troisième Partie, je considère les affects humains et leurs propriétés comme les autres étants naturels. Et les affects humains, à coup sûr, n'indiquent pas moins la puissance et l'art, sinon de l'homme, du moins de la nature (...)


Ce n'est donc qu'en suivant les lois communes de la nature que nous pâtissons. Quand au contraire un acte ou une idée se déduit de NOTRE nature seule, de notre puissance singulière seule, nous ne subissons plus, nous "agissons", pour Spinoza. Car (E4 Ch.I):

Spinoza a écrit :Tous nos efforts, ou Désirs, suivent de la nécessité de notre nature de telle sorte qu'ils peuvent se comprendre, soit par elle seule, comme par leur cause prochaine, soit en tant que nous sommes une partie de la nature, qui ne peut se concevoir adéquatement par soi sans les autres individus.


Dans le chapitre II, il dira que ce n'est qu'en tant qu'un effort suit de la nécessite de NOTRE nature/essence, que nous agissons. Et ce n'est qu'en tant qu'un effort suit des lois communes de la nature, que nous pâtissons. Il y a donc un genre de déterminisme (celui qui caractérise la nature "commune") qui nous fait pâtir, mais un autre (celui qui caractérise les lois de notre essence à nous) qui nous fait agir. Seul ce dernier peut nous rendre libres et heureux, au sens spinoziste du terme. Commencer à comprendre ses propres passions comme ce qui n'est PAS causé par soi-même (par son "ego"), comme ce qui ne relève PAS de notre nature, mais qui est bien plutôt causé par la nature commune aux choses, par l'ordre commun de la nature, donc par des causes extérieures à nous, c'est donc ce qu'il faut pour pouvoir se débarrasser réellement et définitivement de ses passions.

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Messagepar Faun » 03 juil. 2008, 03:00

Louisa a écrit :En tant que nous sommes malhonnêtes, nous "pâtissons", nous subissons une influence de l'extérieur plus forte que notre propre essence/puissance. La première victime de notre malhonnêteté, c'est donc nous-mêmes!


Pas nécessairement. Prenons l'exemple d'un voleur de voiture. Ne faut-il pas beaucoup d'habileté et d'intelligence pour arriver à trafiquer une serrure de porte, puis une serrure de contact, et enfin arriver à faire démarrer une voiture sans les clefs ? Il y a donc des actions et des vertus même dans les actes malhonnêtes. C'est pour cela que Spinoza dit que la connaissance du mal est une connaissance inadéquate.

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Messagepar nepart » 03 juil. 2008, 03:01

Ton message resume bien le determinisme et ses conséquences.

Cependant j'avais déjà conscience de cela.

Pour l'histoire de l"égo, comment doit-je appeller ce que j'appelais auparavant égo?

En passant, pourquoi devrait-on vraiment ne pas avoir de haine?
Peut être que nous sommes fait pour éprouver de la haine, pas que de l'amour.

Et cette haine n'aurait pas à être justifié comme l'est l'amour.

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Messagepar Louisa » 03 juil. 2008, 03:36

Nepart a écrit :Ton message resume bien le determinisme et ses conséquences.

Cependant j'avais déjà conscience de cela.


Spinoza (E2P17 sc): "(...) tout ce que j'ai assumé en fait de postulats ne contient pour ainsi dire rien qui ne soit établi par l'expérience, dont nous n'avons pas le droit de douter dès lors que nous avons montré que le Corps humain existe tel que nous le sentons".

Spinoza prétend, pour des choses essentielles, de ne se baser que sur l'expérience que quelque part nous avons tous déjà. Il s'agit donc avant tout d'orienter le regard autrement, de mieux tenir compte de certaines expériences, de mieux en tirer les conclusions, au lieu de dire que tout ce que nous pensons déjà est faux et que lui il va une fois pour toutes dire comment sont les choses, point à la ligne.

Concernant le déterminisme: pour pouvoir comprendre comment une liberté dans un monde déterminé est possible, il faut donc distinguer absolument une détermination par des causes extérieures (via ce que nous avons en commun avec les autres choses naturelles, détermination qui suit les lois communes de la nature; = détermination par Dieu en tant qu'il s'explique par d'autres modes, extérieurs à nous), qui ne nous rend pas du tout libre mais "contraint", de la détermination par une cause intérieure (c'est-à-dire par notre essence même, par notre puissance, par notre raison, par notre Désir; = détermination par Dieu en tant qu'il est cause immanente/interne de/à notre essence), qui quant à elle nous rend tout à fait libre et heureux (heureux au sens spinoziste du terme).

Nepart a écrit :Pour l'histoire de l"égo, comment doit-je appeller ce que j'appelais auparavant égo?


ton impuissance, ton manque de connaissance vraie, qui en réalité n'a rien de "positif", donc ne peux pas te caractériser dans ce que tu es essentiellement. C'est l'effet de certaines rencontres fortuites avec la nature. Il suffit de mieux comprendre cette impuissance pour qu'elle se transforme en puissance. Mais pour cela, il est impératif de te baser sur ce qui est déjà aujourd'hui ta puissance, ta force de penser et d'agir. Seul en contemplant cela tu vas pouvoir transformer cette impuissance en quelque chose d'Actif, qui te caractérise toi.

Prenons l'exemple de toute à l'heure: peur d'étudier par peur d'échec. Cette peur, qu'on appelle d'habitude "ego", ou qui te caractériserait toi, n'est qu'une passion. Elle t'est donc imposé de l'extérieur. Comment? Peut-être que tes parents t'ont dit que si tu ne travailles pas plus, si tu n'as pas plus de "caractère", tu ne vas pas réussir! Ils t'ont même peut-être dit: "tu n'as pas de caractère!". Comme quelque part tu aimes tes parents, comme tu constatais peut-être déjà une certaine peur de ne pas réussir (n'ayant plus très bien compris comment tu as pu réussir ton dernier examen, par exemple), tu t'étais dit que oui, ils doivent avoir raison, tu es essentiellement fainéant et indiscipliné. C'est cela ton "ego".

Spinoza propose de t'y prendre autrement (car après tout, rien ne prouve, scientifiquement parlant, cette idée d'ego, donc autant essayer d'autres façons de l'aborder, pour voir ce que cela donne, dans la pratique): c'est parce que tes parents t'ont fait peur, que maintenant tu ne te mets plus à ton bureau comme auparavant, content de pouvoir apprendre des choses ou, si la matière de tel ou tel cours ne t'intéresse pas trop, de pouvoir obtenir ton diplôme. Tu ne sais plus penser à ton examen sans paniquer, et cela parce que systématiquement tes parents ont agi le spectre de l'échec. Ils ont donc créé/causé un "Desespoir" en toi, qui contrarie ta puissance de penser et d'agir. Comment remédier à cela? En distinguant, justement, l'idée de la cause extérieure de l'idée de qui tu es essentiellement (E5P2)!

Nepart a écrit :En passant, pourquoi devrait-on vraiment ne pas avoir de haine?
Peut être que nous sommes fait pour éprouver de la haine, pas que de l'amour.

Et cette haine n'aurait pas à être justifié comme l'est l'amour.


nous sommes certainement faits pour éprouver de la Haine et de l'Amour, d'un point de vue spinoziste. Mais nous pouvons augmenter le nombre de nos Amours, et diminuer sérieusement le nombre de nos Haines. Nous sommes tout aussi bien "faits" pour ça.

Pour Spinoza, haïr quelque chose, c'est être Triste, tout en considérant une chose singulière comme cause extérieure de cette diminution de puissance. Une fois que l'on ressent la Haine, on va vouloir supprimer la chose haïe (ou l'écarter du moins de notre champ de vision/pensée). Or en faisant cela, on va diminuer la puissance de cette chose, qui nécessairement ne pourra que commencer à nous détester à son tour, et qui s'efforcera par là même de nous supprimer nous. Ainsi une spirale infernale d'agression est-elle lancée, et seule la puissance qui caractérise les essences des deux choses en question (moi et la chose extérieure) sera capable de rompre cette cascade violente.

On voit donc que dans le spinozisme, la Haine n'est pas mauvaise pour des raisons "morales" ("ce n'est pas BIEN de détester quelqu'un!", assènent certains prêtres), mais pour des raisons de simple utilité: on risque de se créer un ennemi quand on haït, donc pour sa propre "tranquillité d'âme" il vaut mieux essayer de transformer la Haine en Amour, une fois qu'on constate qu'elle est là.

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Messagepar Louisa » 03 juil. 2008, 03:45

Louisa a écrit:
En tant que nous sommes malhonnêtes, nous "pâtissons", nous subissons une influence de l'extérieur plus forte que notre propre essence/puissance. La première victime de notre malhonnêteté, c'est donc nous-mêmes!

Faun:
Pas nécessairement. Prenons l'exemple d'un voleur de voiture. Ne faut-il pas beaucoup d'habileté et d'intelligence pour arriver à trafiquer une serrure de porte, puis une serrure de contact, et enfin arriver à faire démarrer une voiture sans les clefs ? Il y a donc des actions et des vertus même dans les actes malhonnêtes. C'est pour cela que Spinoza dit que la connaissance du mal est une connaissance inadéquate.


il faut certes beaucoup d'intelligence pour arriver à voler une voiture. Mais justement, à mon sens cela prouve que le criminel n'est pas QUE criminel, il a AUSSI une certaine puissance de penser d'agir. Ce n'est que le fait qu'il est en train d'utiliser celle-ci pour voler qui fait que l'acte du vol est globalement un crime.

A mon avis, c'est précisément là que se trouve la clef du remède spinoziste aux affects: il faut pouvoir distinguer, dans un acte criminel, ce qui relève de la puissance de la personne de ce qui relève de son impuissance. Notre système juridique actuel ne s'adresse qu'à l'impuissance du criminel, et en fait son essence. Du coup, on ne peut plus rien que punir. Or pour Spinoza, à travers ses actes criminels, il y a aussi une puissance propre à la personne qui vole, et qui n'a plus rien à voir avec les causes extérieures qui ont fait de lui un voleur. Si notre système juridique commençait à s'adresser à cette partie (partie éternelle) de l'Esprit du voleur, il faudrait s'y prendre tout autrement. Il faudrait trouver un moyen pour augmenter sa puissance, au lieu d'essayer de la diminuer (car visiblement elle n'est pas suffisamment forte pour s'opposer à la force des causes extérieures, qui le corrompent)!


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