volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 11 août 2008, 15:17

Louisa a écrit:
E2P49 démo dit que l'affirmation appartient à l'essence même d'une idée singulière, et n'est même rien d'autre que cette essence.

Enegoid:
Non.

Spi dit que l'affirmation singulière suivante " les trois angles du triangle égalent deux droits" fait partie de l'essence de l'idée du triangle.
Ce n'est pas la même chose.


Bonjour Enegoid,

merci de ta remarque, mais je crois que tu te trompes:

Spinoza, E2P49 démo a écrit :(...) et par suite cette affirmation appartient à l'essence de l'idée du triangle, et n'est rien d'autre que cette essence. Et, ce que nous avons dit de cette volition-ci (puisque nous l'avons prise à notre gré), il faut le dire aussi de n'importe quelle volition, à savoir, qu'elle n'est rien à part l'idée.


Cordialement,
L.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 11 août 2008, 15:40

Louisa a écrit:

* pour les NOTIONS COMMUNES:
- E2P37 dit que celles-ci ne peuvent constituer l'essence d'une chose singulière
- E2P49 démo dit que l'affirmation appartient à l'essence même d'une idée singulière, et n'est même rien d'autre que cette essence.

CONCLUSION: l'affirmation ne peut pas être une notion commune, au sens spinoziste du terme.

Durtal:
C'est peut être fort simple Louisa, mais le problème est que c'est grossièrement faux. Et à vrai dire tu fais une confusion tellement élémentaire qu'il en devient même difficile de te faire saisir pourquoi.


c'est bien possible. Je te remercie de la tentative (pas d'ironie dans cette phrase).

Durtal a écrit :Tu sembles en effet incapable de comprendre que l'on puisse utiliser le terme "d'affirmation" pour désigner les affirmations "en général" mais aussi pour désigner telle ou telle affirmation particulière.


euh, non ... je crois que moi-même aussi bien que Spinoza reconnaissent le fait que ce mot est utilisé pour désigner les deux. Mais je ne vois pas en quoi cela ferait déjà de l'affirmation abstraite quelque chose de réelle ... ?

Durtal a écrit :De la même façon que l'on peut utiliser le concept "d'homme" pour désigner l'humanité en général (donc aucun homme en particulier) mais aussi pour désigner tel ou tel homme: Socrate par exemple. Et il y a autant d'identité entre tel homme et tel autre que de différence, ce qui justifie que l'on puisse à la fois dire que deux individus de l'espèce humaine sont tous les deux des hommes quoiqu'aucun des deux ni les deux pris ensembles ne soit "l'homme" ni le même homme.


oui, d'accord, je ne veux vraiment pas nier tout cela. J'essaie juste de tirer l'attention sur le fait que pour Spinoza, parler de l'homme en général, c'est utiliser une notion abstraite à laquelle AUCUNE réalité correspond. Voici ce qui se passe dans ta tête, pour Spinoza, quand tu me dis ce que tu viens d'écrire ici:

Spinoza E2P40 sc I a écrit :Ensuite, c'est de semblables causes que sont nées les notions qu'on appelle Universelles, comme l'Homme, le Cheval, le Chien, etc., à savoir, parce que dans le Corps humain se forment tellement d'images à la fois, par ex. d'hommes, qu'elles dépassent la force d'imaginer, pas tout à fait, bien sûr, mais assez cependant pour que l'Esprit humain ne puisse imaginer les petites différences entre singuliers (à savoir la couleur, la grandeur, etc. de chacun) ni leur nombre déterminé, et n'imagine distinctement que ce en quoi tous, EN TANT QU'ILS AFFECTENT LE CORPS, conviennent; car c'est cela qui, se trouvant dans chaque singulier, a le plus affecté le Corps; et c'est cela qu'il exprime par le nom d'homme, et cela qu'il prédique de l'infinité des singuliers. Car le nombre déterminé de singuliers, comme nous l'avons dit, il ne peut pas l'imaginer. Mais il faut remarquer que tous ne forment pas ces notions de la même manière, mais qu'elles varient en chacun en fonction de la chose qui a plus souvent affecté le Corps, et que l'Esprit a plus de facilité à imaginer ou à se rappeler. Par ex., ceux qui ont le plus souvent contemplé avec admiration la station des hommes, sous le nom d'homme entendront un animal de station droite; mais ceux qui avaient l'habitude de contempler autre chose formeront une autre image commune des hommes, à savoir, que l'homme est un animal doué de rire, un animal bipède sans plumes, un animal rationnel; et de même du reste, chacun formera selon la disposition de son propre corps des images universelles des choses. il ne faut donc pas s'étonner qu'entre les Philosophes qui ont voulu expliquer les choses naturelles par le seul moyen des images des choses, il se soit élevé tant de controverses.


à cette image universelle, on pourrait ajouter aujourd'hui "animal ayant un tel génome". Cela ne signifie pas qu'il ne soit pas UTILE de se servir de ces notions, dans certaines circonstances. Cela signifie juste qu'il n'existe pas, dans le réel (du moins du point de vue de Spinoza) quelque chose qui correspondrait à "l'homme".

On pourrait, si l'on veut, penser à Kant: comme il nie l'intuition intellectuelle, il nie également la possibilité d'avoir accès à la chose singulière "en soi". Cela me semble être compatible avec le spinozisme, au sens où la science, aussi bien chez Kant que chez Spinoza, ne s'occupe que des phénomènes, et non pas de l'essence singulière des choses. Elle ne s'occupe que de ce qui est commun et de ce qui est général, sans toucher ainsi à l'essence des choses (on peut contester cela, bien sûr, pour l'instant il s'agit simplement de trouver un consensus concernant ce que Spinoza dit plus précisément).

Durtal a écrit : Aussi on peut parler de deux affirmations singulières en disant que ce sont toutes deux des "affirmations", ce qui ne signifient nullement que ce ne sont pas justement deux affirmations différentes entre elles et que l'essence de l'une diffère de l'essence de l'autre.


oui en effet, aussi longtemps qu'on s'en tient à une simple manière de parler, il n'y a aucun problème. Le problème surgit dès qu'on veut en faire des propriétés ou essences réelles. Là, Spinoza montre qu'une fois qu'on base son système philosophique sur l'idée d'une essence singulière, cela ne fonctionne plus, là seulement l'affirmation singulière est une affirmation réelle.

Durtal a écrit :J'ajoute parce que je viens de lire la réponse assez incroyable que tu as faite a Joseph un peu plus haut que tu sembles te battre contre des moulins à vent. Car si tu relis le message que j'avais posté initialement, il disait expressément ce que tu es en train de raconter: à savoir que les concepts abstraits ne sont pas en cause en tant que tel, mais que c'est une interprétation essentialisante de ces concepts que Spinoza dénonce.


oui je sais que tu as dit cela. Notre point de divergence ne se trouve pas là. Nous sommes tous d'accord là-dessus. La question est de savoir si cela suffit pour en faire des notions communes, donc des idées qui réfèrent à quelque chose de réel, en dehors de l'idée. Comme j'essaie de faire comprendre que non, cela ne suffit pas, j'ai bien besoin de rappeler d'abord ce que personne ne nie.
L.

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Messagepar Julien_T » 11 août 2008, 15:43

Mais enfin Louisa, il y a bien un contenu définitionnel, un contenu de sens, une signification à l’expression « affirmation » en tant que notion générale. Ce contenu de sens, le signifié, a donc une forme d’être, d’existence qui ne se réduit pas à l’existence physique. Voilà tout. Par exemple on peut dire que la notion générale d’affirmation implique une relation entre un sujet affirmant et un contenu affirmé, et bien nous retrouvons cette caractéristique, qui est un rapport, dans chaque affirmation singulière. Personne ne peut prétendre qu’existe physiquement la réalité générale signifiée par la notion générale d’« humanité ». Par définition ce qui est abstrait est tiré du réel concret. Mais isolé ou séparé, l’abstrait n’est pensable –signifiant- que parce qu’il référe à quelque chose du réel, donc à une détermination réelle dont on peut dire qu’elle « est » en un sens qui n’est pas celui de l’existence physique individuelle et séparée qui caractérise celle du concretum.

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Messagepar Louisa » 11 août 2008, 15:50

Julien_T a écrit :Mais enfin Louisa, il y a bien un contenu définitionnel, un contenu de sens, une signification à l’expression « affirmation » en tant que notion générale.


mais oui, bien sûr, il me semble que vous m'objectez tous la même chose: nous pouvons tout de même PARLER de façon abstraite. Bien sûr qu'on le peut. Je ne vois pas ce qui dans ce que j'écris ou dans ce que Spinoza écrit le nierait ... ????

Julien_T a écrit : Ce contenu de sens, le signifié, a donc une forme d’être, d’existence qui ne se réduit pas à l’existence physique. Voilà tout.


très bien, mais Spinoza dit exactement l'inverse, en ce qui concerne les notions universelles: le signifié se limite à l'existence physique, à l'image universelle formée dans notre Corps singulier (voir la citation ci-dessus de l'E2P40). Je ne dis pas que Spinoza doit absolument avoir raison en ce point, il s'agit juste d'être d'accord sur ce qu'il dit, c'est tout.

Julien_T a écrit : Par exemple on peut dire que la notion générale d’affirmation implique une relation entre un sujet affirmant et un contenu affirmé, et bien nous retrouvons cette caractéristique, qui est un rapport, dans chaque affirmation singulière.


oui bien sûr on peut dire cela. Mais ce n'est pas parce qu'on peut le dire que cela existe déjà dans le monde réel ... . On peut tout aussi bien dire que la notion générale d'affirmation est une idée fictive, qui ne correspond à rien dans le réel, sauf au fait même d'être une idée de notre Esprit. C'est ce que prétend Spinoza.

Julien_T a écrit : Personne ne peut prétendre qu’existe physiquement la réalité générale signifiée par la notion générale d’« humanité ». Par définition ce qui est abstrait est tiré du réel concret. Mais isolé ou séparé, l’abstrait n’est pensable –signifiant- que parce qu’il référe à quelque chose du réel, donc à une détermination réelle dont on peut dire qu’elle « est » en un sens qui n’est pas celui de l’existence physique individuelle et séparée qui caractérise celle du conretum.


oui d'accord, vraiment, je n'ai aucun problème avec tout cela, c'est ainsi qu'on pense les choses d'habitude, et c'est très bien. La SEULE chose que j'essaie de montrer, c'est que ce n'est pas SPINOZISTE. Après, on peut voir dans quelle mesure c'est Spinoza ou l'opinion commune qui a raison, mais on n'en est pas encore là, on essaie simplement de s'accorder sur ce que dit Spinoza à ce sujet.
Cordialement,
Louisa

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Messagepar jvidal » 11 août 2008, 15:56

Chère Louisa,

Plutôt que d'ergoter et d'objecter, je te propose le "challenge" suivant: explique-nous la méthode de démonstration par l'absurde en adoptant une forme d'explication SPINOZISTE de cette méthode de démonstration. Merci de ne pas t'écarter de l'esprit du spinozisme, du début à la fin.

Good luck,

Joseph

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Messagepar Louisa » 11 août 2008, 16:15

Joseph a écrit :Plutôt que d'ergoter et d'objecter, je te propose le "challenge" suivant: explique-nous la méthode de démonstration par l'absurde en adoptant une forme d'explication SPINOZISTE de cette méthode de démonstration. Merci de ne pas t'écarter de l'esprit du spinozisme, du début à la fin.

Good luck,


:D

J'aurais tendance à te dire la même chose que pour la suggestion d'expliciter le raisonnement spinoziste quant à l'identification entendement-volonté: ce serait intéressant de d'abord pouvoir trancher dans le débat actuel avant de passer à un autre aspect (certes appartenant au même sujet, au sens où tu as dès le début indiqué que pour toi ton objection par rapport à l'affirmation spinoziste conduit inévitablement à l'impossibilité d'une démonstration par l'absurde - et cette conclusion, une fois acceptée l'objection, m'avait l'air d'être correcte).

C'est qu'à mon sens on va vite aboutir au même genre de problème: on ne va pas essayer de montrer en quoi ce que je dis n'est pas spinoziste, on va juste me dire que ce que je dis ne correspond pas à ce qu'on pense "en général" ou d'habitude, ni à notre façon de parler etc., et que pour le reste il ne faut pas "ergoter" ... :D . C'est pourquoi il faudrait à mon sens qu'on puisse trouver une solution à ce genre d'objections, sinon elles risquent de revenir sans cesse et à propos de tout.

Toujours est-il que pour l'instant je suis assez convaincue de l'idée qu'une explication spinoziste d'une démonstration par l'absurde est tout à fait faisable, donc essayer de l'expliciter sera d'abord un bon test pour savoir si cette conviction est fondée et non, puis si par après le même type d'objections revient, on pourra toujours s'y attarder de nouveau, si nécessaire. Donc ok, "challenge" accepté, je vous l'envoie demain.
Cordialement,
Louisa

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Messagepar jvidal » 11 août 2008, 16:26

Louisa,
Comme tu acceptes sportivement le défi je te donne tout de suite la difficulté qui n'est pas là où tu crois mais ici: puisque le spinozisme, selon toi, est fondé sur les idées singulières et non les abstractions, tu vas avoir beaucoup de mal à expliquer à la fois comment tu parviens à définir une méthode générale, d'une part, et d'autre part à valider une telle méthode. A mon avis c'est totalement impossible. L'issue est du côté de la concession que fait Spinoza, selon Durtal et moi, et que tu ne lis pas comme nous. Bref, je suis méchant avec toi parce que je viens de te donner un motif d'insomnie... :)

à demain donc,
Joseph

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Messagepar Faun » 11 août 2008, 19:23

La différence entre Spinoza et vous, Jvidal, c'est que Spinoza tire toutes les idées qui constituent l'Ethique de l'idée de Dieu, autrement dit de l'idée d'un étant absolument infini. Et toutes les idées qui en proviennent sont affirmatives, positives. Toute négation, ou réduction à l'absurde dans l'Ethique, sont de simples effets de style.
Tandis que vous, vous tirez vos idées du langage, vous le découpez, vous l'assemblez à votre fantaisie, et c'est là ce que vous appelez liberté, et c'est cela que vous appelez logique.
Tant que vous ne serez pas en possession de l'idée qui est le fondement des raisonnements de Spinoza, vous ne comprendrez pas sa pensée, ni le réel.

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Messagepar jvidal » 11 août 2008, 20:31

Faun,

J'appelle "logique" la logique mathématisée qui est reconnue par la communauté scientifique. Donc je ne vois nul fantaisie dans ma position. Quant à l'idée qui consiste à croire sérieusement que l'Ethique de Spinoza donne accès à la connaissance du réel, c'est cela que j'appelle une "fantaisie". Non que je nie que l'oeuvre de Spinoza ne soit riche d'enseignement, mais je ne comprends pas comment l'on peut croire en sa capacité à livrer un savoir ultime et absolu (idem pour la philosophie de Hegel, et idem pour tout système philosophique qui a la prétention d'avoir une place privilégiée et comme hors du cosmos...)

Enfin il serait sympathique de votre part de me parler sur un autre ton, c'est possible?

Cordialement,
Joseph

PS: sur ce bonne nuit et à demain, si vous le voulez bien.

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Messagepar Faun » 11 août 2008, 21:02

Vous parlez d'un savoir ultime et absolu, mais l'Ethique est un livre très court, dans lequel sont inscrites un tout petit nombre d'idées.

Enfin il serait sympathique de votre part de me parler sur un autre ton, c'est possible?


Pourquoi donc ? Le ton c'est le style, le style c'est l'être, c'est à dire le rapport entre vous et moi. Ce rapport s'exprime sur ce ton là, compte tenu de votre rapport avec Spinoza d'une part, et de mon rapport avec Spinoza d'autre part. Et avec la Nature entière, si ce concept a du sens pour vous.


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