volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
Enegoid
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Messagepar Enegoid » 11 août 2008, 21:43

Louisa a écrit :merci de ta remarque, mais je crois que tu te trompes:


C'est possible. Il est possible aussi que tu te trompes.Il est possible que nous nous trompions tous les deux. Mais je crois que nous ne nous trompons pas et que c'est encore une histoire de poule et de maison (je suppose que tu vois à quoi je fais allusion)

Celui/celle des deux qui se trompe manque une idée.

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Faun
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Messagepar Faun » 11 août 2008, 22:50

Et si ce que vous appelez volonté était ce que Spinoza appelle le désir ? Cela permettrait de se mettre à peu près d'accord, non ?

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Durtal
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Messagepar Durtal » 12 août 2008, 00:02

Louisa a écrit :C'est qu'à mon sens on va vite aboutir au même genre de problème: on ne va pas essayer de montrer en quoi ce que je dis n'est pas spinoziste, on va juste me dire que ce que je dis ne correspond pas à ce qu'on pense "en général" ou d'habitude, ni à notre façon de parler etc., et que pour le reste il ne faut pas "ergoter" ...


Il serait surtout, à mon humble avis, nécessaire que tu uses de l'"argument" selon lequel ce que l'on t'objecte "n'est pas "Spinoziste"", avec une extrême parcimonie (je sais que cela va être difficile pour toi car j’entends bien que c’est ta « botte secrète », mais il le faut, Louisa, même si c’est dur….) . En effet, j'avoue pour ma part avoir de plus en plus de difficulté à percevoir la relation exacte entre ce que tu racontes et justement…. le « Spinozisme ».... ( si du moins on entend par là ce que Spinoza écrit dans les ouvrages qui lui sont attribués). Je préfère ne pas m’attarder ensuite sur ta conception de la philosophie comme une sorte de catéchisme qu'il serait quasiment "sacrilège" d'essayer de mettre à distance, de reformuler dans un autre vocabulaire, et dont tous les points de doctrines seraient forcément très différent des "conceptions ordinaires" etc. On ne sait pas trop pourquoi, mais Spinoza il est comme ça…. Il ne croit pas que le concept d'homme désigne les hommes, ni que le concept de volonté désigne les volontés, ni que le concept de cercle désigne les cercles. Il est vrai qu'un Philosophe, un "créateur de concept", n'est pas tenu bêtement, comme tout le monde, de penser que le mot cercle se réfère aux cercles...

Je m’arrête ici donc, car je passerais encore une fois pour un « frelon venimeux » ( ce qui à bien y réfléchir- et c’est parfaitement consternant- ne me déplaît pas complètement).

Ce « billet d’humeur » étant délivré, je cesserai de railler pour essayer honnêtement de comprendre ton problème. Or j'en arrive à peu près à cela, (si je me trompes etc….) :

En gros si je résume ce que je crois comprendre de ce que tu objectes depuis quelques temps :

La notion de « volonté » n'est pas une « notion commune » mais une « notion universelle ». La différence entre les deux semble être d'après toi que la notion commune désigne « quelque chose de réel en dehors de l’idée » au contraire de la notion universelle. Donc si on dit que la volonté est une "notion commune", (l’hypothèse « louizesque » étant qu’elle est une « notion universelle » donc une fiction) alors on dit qu'elle vise quelque chose de réel « en dehors de l’idée », et on fait d'une abstraction (d’une fiction) une réalité. Ce qui -cela va sans dire- n'est pas "Spinoziste" (bon d’accord… j’ai dit que j’arrêtais…je ne peux pas m’empêcher…).

Ok. Je me demande cependant ce que tu peux bien vouloir dire par cette expression de « référence à quelque chose de réel en dehors de l’idée ». Cela semble être important puisqu’il appert, selon toi, que c’est le critère de distinction entre « notions communes » et « notions universelles ». D’abord ce ne peut être une « entité » ou un « étant ». Car tu n’es pas sans savoir que Spinoza ne reconnaît pour entité que les réalités singulières ou encore les individus. Or tu as suffisamment recopié récemment que « les notions communes n’enveloppent l’essence d’aucune chose singulière », pour ne pas penser j’espère, que c’est de quelque chose de ce genre qu’il s’agit dans ce contexte. Donc qu’est ce que cela peut être ? Sans doute te réfères-tu à la ou les propriétés communes des choses qui sont censées constituer la dénotation d’une notion commune ? Les notions communes réfèreraient donc alors à une « réalité » parce que celles-ci dénotent des propriétés des choses. D’accord c’est très bien et je te félicite. Mais alors qu’est ce qui différencie cette « réalité » ou la référence à la réalité prise en ce sens, d’une notion « universelle » ? Je veux bien que tu me dises que la notion de « chien » de « cercle » « d’homme » ou encore « de volonté » sont des notions « irréelles » ( au sens où elles ne désignent pas des réalités singulières), mais après tout pourquoi leur refuser le statut que tu accordes aux notions communes ? Les concepts de chien , « quadrupède aboyant », de volonté « pouvoir d’affirmer », d’homme « animal rationnel », ou de cercle « courbe dont tous les points sont situés à égale distance d'un unique point extérieur», signifient pareillement des propriétés qui sont communes à tous les chiens, à tous les hommes, à tous les cercles et à toutes les volontés. (Et –nota bene- que ces définitions ne soient pas forcément de bonnes définitions, ce que je concède bien volontiers, ne change rien au problème : car la meilleure définition possible mettra de toute façon en évidence un ou plusieurs traits commun quelconque). Donc, pour revenir à nos moutons, si ces concepts devaient être « irréels » ou disons plutôt « fictifs », au motif qu’ils désignent les choses par des propriétés générales ( et je ne vois pas en effet d’autre raison pour laquelle ils pourraient l’être selon toi) , cela devrait toucher de la même façon les notions communes qui procèdent rigoureusement de la même origine : a savoir d’une affection du corps qui, quelque soit le corps ou l’affection considérée, est toujours la même.

Mais le fait qu’il soit, dans les deux cas, question de « propriétés communes » ne semble pas être le problème, puisque selon toi les notions universelles sont fictives tandis que les notions communes non. Qu’est ce que tu peux bien vouloir dire alors ? Qu’il faut faire une distinction entre propriétés communes « fictives » et propriétés communes « réelles » ? Mais à nouveau : qu’est ce que cela veut dire ?.

D.
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Messagepar sescho » 12 août 2008, 01:34

Je constate avec satisfaction que d’autres que moi défendent les mêmes fondamentaux. On se sent moins seul (surtout vue l’importance primordiale de ces aspects dans la démarche de Spinoza), outre que l’effort est partagé ;-).

Je signale que pour l’occasion des extraits assez étendus sur les « notions générales » et autres dénominations, ... sont maintenant disponibles ici.

Quoique Spinoza utilise effectivement des termes sévères vis-à-vis des notions générales, il n’en reste pas moins, je le répète une nième fois :

- Qu’il ne fait que cela de les utiliser tout au long de l’Ethique – il y en a des centaines –, qu’il le dit (on serait étonné à moins) et que je vois mal comment il pourrait faire autrement, c’est-à-dire pour énoncer des lois par ses propositions (communes à tout ou à une catégorie bien définie de choses, et pas déductibles d’une chose singulière prise dans sa singularité.)

- Que si l’on refuse comme moi l’emploi de formulations bâtardes qui disent une chose et son contraire, de deux choses l’une : 1) Les notions générales n’ont aucun sens, la démarche de Spinoza est donc entièrement basée sur le non-sens et le mieux c’est indubitablement de passer à autre chose. 2) Spinoza est conséquent et compétent, et alors les notions générales ont du sens (point, pas de « cela peut être utile mais c’est hautement confus, et … »), ce qui impose alors de bien repenser ce que dit Spinoza et sa démarche réelle, qui parle encore plus.

- Il est probable que les notions générales relèvent de la connaissance du premier genre selon Spinoza (qui est à la base, donc, du deuxième, lequel est à la base du troisième, avec un saut qualitatif à chaque fois), mais je suis d’accord pour dire, bien que « notion commune » n’est explicitement attribué qu’aux axiomes admis par tout le monde, qu’il est indispensable au bon développement de la Raison que les notions générales utilisées conjointement par Spinoza soient elles-aussi admises clairement par tout le monde (outre les règles de base de la logique.) Par exemple, la vérité éternelle « rien ne vient de rien » veut dire « quelque chose ne peut être produit par pas quelque chose », utilisant « quelque chose », une des notions les plus générales (qui veut dire « pas rien… ») , explicitement désignée comme telle par Spinoza. Par ailleurs, Spinoza semble donner un statut particulier à la « notion commune » mais sa genèse dans l’esprit reste assez mystérieuse, et pas forcément bien distincte du premier genre. Si je voulais saler la note, je dirais que l’on pourrait s’interroger même sur ce qui distingue un attribut et un mode infini d’une idée générale… :-)

- Il faut noter que dans les exemples de généralisations donnés par Spinoza, il y en a pas mal qui ne peuvent entrer dans la catégorie précédente (celle des êtres de Raison), cependant : toute généralisation abusive, définition incomplète, etc. qui pour le coup porte intrinsèquement la confusion.

- Je précise enfin, quoique je pense que c’est assez clair, que « l’idée claire et distincte de l’essence d’une chose singulière, et seulement cela », semble-t-il sous-tendue par « l’entendement de l’Homme c’est l’entendement de Dieu » sont des interprétations de certains intervenants sur le forum, qui sont contestées par d’autres, dont moi-même, et je dis même que c’est franchement contraire à l’ensemble du texte de Spinoza (tout en connaissant « notre esprit en tant qu’il comprend clairement et distinctement est une partie de l’entendement infini de Dieu » et autres propositions similaires.) Le contredire n’est donc pas (nécessairement… je suis gentil) contredire Spinoza (au contraire, me semble-t-il, donc.)

Pour finir quelques extraits, qui sans masquer les qualificatifs très « négatifs » utilisés par Spinoza dans certains passages des PM et de l’Ethique, relève l’usage clair de notions générales (ou autre aspect général, ponctuellement), son principal souci étant qu’elles ne soient pas confondues avec des êtres réels (mais qu’elles soient dans l’entendement n’en a pas moins de la valeur, et même l’entendement est toute valeur pour l’Homme ; et parce que l’entendement humain passe par les affections du corps, inadéquates en toute connaissance de chose singulière, et est donc très différent de l’entendement divin, qui lui ne connaît « que » lui-même (naturant) et ses modes (naturé) tels qu’il sont :

Spinoza a écrit :PM1Ch5 : De ce que nous comparons les choses entre elles il naît certaines notions qui cependant ne sont rien, en dehors des choses elles-mêmes, que de simples modes de penser. Cela se voit à ce que, si nous voulons les considérer comme des choses posées hors de la pensée, nous rendons ainsi confus le concept clair que nous avons d’elles d’autre part. Telles sont les notions d’Opposition, d’Ordre, de Concordance, de Diversité, de Sujet, de Complément, et d’autres semblables qui peuvent s’ajouter à celles-là.

Ce que sont l’Opposition, l’Ordre, la Concordance, la Diversité, le Sujet, le Complément, etc. – Ces choses, dis-je, sont assez clairement perçues par nous, aussi longtemps que nous les concevons, non comme quelque chose de distinct des essences des choses opposées, ordonnées, etc., mais seulement comme des modes de penser par lesquels nous retenons ou imaginons plus facilement les choses elles-mêmes. C’est pourquoi je ne juge pas nécessaire d’en parler ici plus amplement et je passe aux termes dits communément transcendantaux.

TRE 75. … en procédant sans ordre et en confondant la nature avec les principes abstraits, bien qu'ils soient de véritables axiomes, on s'aveugle soi-même et on renverse l'ordre de la nature. Pour nous, si nous procédons avec le moins d'abstraction possible, si nous remontons autant qu'il se peut faire aux premiers éléments, c'est-à-dire à la source et à l'origine de la nature, une telle erreur n'est plus à redouter.

76. Or, en ce qui concerne l'origine de la nature, il n'est nullement à craindre que nous la confondions avec des abstractions ; car lorsque l'on a une conception abstraite, comme sont tous les universaux, ces universaux s'étendent toujours dans l'esprit bien au delà des êtres particuliers qui peuvent réellement exister dans la nature. Après cela, comme dans la nature il y a beaucoup de choses dont la différence est si petite qu'elle échappe presque à l'intelligence, alors (si l'on conçoit ces choses abstractivement) il peut facilement arriver qu'on les confonde. Mais comme l'origine de la nature, ainsi que nous le verrons plus tard, ne peut être conçue d'une manière ni abstraite, ni universelle, et ne peut s'étendre dans l'esprit plus qu'elle ne s'étend dans la réalité, et qu'elle n'a aucune ressemblance avec les êtres soumis au changement, il n'y a point à redouter de confusion dans cette idée, pourvu que nous possédions la règle de vérité (que nous avons déjà posée), c'est à savoir, cet Être unique, infini, c'est-à-dire l'Être qui est tout l'être, et hors duquel il n'y a rien.

CT1Ch10 : (1) Pour dire brièvement ce qu'est en soi le bien et le mal, nous ferons remarquer qu’il y a certaines choses qui sont dans notre entendement sans exister de la même manière dans la nature, qui sont par conséquent le produit de notre pensée et ne nous servent qu'à concevoir les choses distinctement : par exemple, les relations, et ce que nous appelons des êtres de raison.

CT2Ch3 : (2) L'admiration est une passion qui naît du premier mode de connaissance, car, lorsque de plusieurs exemples on s'est fait une règle générale, et qu’il se présente un cas contraire à cette règle, on est surpris.

CT2Ch4 : (5) Nous avons déjà dit que toutes choses sont nécessaires, et que dans la nature il n'y a ni bien ni mal ; aussi, lorsque nous parlons de l’homme, nous entendons parler de l'idée générale de l'homme, laquelle n'est autre chose qu’un être de raison (Ens rationis). L'idée d'un homme parfait, conçue par notre esprit, nous est un motif, quand nous nous observons nous-mêmes, de chercher si nous avons quelque moyen d'atteindre à cette perfection.

E2P48S : On démontrerait de la même manière qu’il n’y a dans l’âme humaine aucune faculté absolue de comprendre, de désirer, d’aimer, etc. D’où il suit que ces facultés et toutes celles du même genre, ou bien, sont purement fictives, ou ne représentent autre chose que des êtres métaphysiques ou universels que nous avons l’habitude de former à l’aide des choses particulières.

... par volonté j’entends la faculté d’affirmer ou de nier, et non le désir ; j’entends, dis-je, la faculté par laquelle l’âme affirme ou nie ce qui est vrai ou ce qui est faux, et non celle de ressentir le désir ou l’aversion. Or comme nous avons démontré que ces facultés sont des notions universelles qui ne se distinguent pas des actes particuliers à l’aide desquels nous les formons, ...

E2P49S : … nous avons montré que la volonté est un être universel ou une idée par laquelle nous expliquons toutes les volitions particulières, c’est-à-dire ce qui leur est commun. Or, nos contradicteurs se persuadant que cette idée universelle, commune à toutes les volitions, est une faculté, il n’est point surprenant qu’ils soutiennent que cette faculté s’étend à l’infini au delà des limites de l’entendement, puisque l’universel se dit également d’un seul individu, de plusieurs, d’une infinité. …
Par les réflexions qu’on vient de lire je crois avoir répondu d’avance à la troisième objection. Qu’est-ce en effet que la volonté ? Quelque chose d’universel qui convient en effet à toutes les idées particulières et ne représente rien de plus que ce qui leur est commun, savoir l’affirmation, d’où il résulte que l’essence adéquate de la volonté, ainsi considérée d’une manière abstraite, doit se retrouver dans chaque idée particulière et s’y retrouver toujours la même...

E3P56S : Il suffit, dis-je, de comprendre les propriétés générales des passions et de l’âme pour déterminer quelle est la nature et le degré de la puissance que l’âme possède pour modérer et contenir les passions. Ainsi donc, bien qu’il y ait une grande différence entre tel et tel amour, telle et telle haine, tel et tel désir, par exemple , entre l’amour qu’on a pour ses enfants et celui qu’on a pour une épouse, il n’est point nécessaire à notre objet de connaître ces différences, et de pousser plus loin la recherche de la nature et de l’origine des passions.

E5P36S : … la connaissance des choses particulières, que j’ai appelée intuitive ou du troisième genre (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2), est préférable et supérieure à la connaissance des choses universelles que j’ai appeler du second genre ; car, bien que j’aie montré dans la première partie d’une manière générale que toutes choses (et par conséquent aussi l’âme humaine) dépendent de Dieu dans leur essence et dans leur existence, cette démonstration, si solide et si parfaitement certaine qu’elle soit, frappe cependant notre âme beaucoup moins qu’une preuve tirée de l’essence de chaque chose particulière et aboutissant pour chacune en particulier à la même conclusion.

Lettre 34 : … Admettons, par exemple, qu’il existe dans la nature vingt hommes (pour éviter toute confusion, nous les supposeront contemporains) : il ne suffira pas pour rendre raison de leur existence de chercher la cause de la nature humaine en général, il faudra chercher aussi pourquoi il existe justement vingt hommes, ni plus, ni moins ; car, d’après notre troisième supposition, il est nécessaire que chacun d’eux ait une cause ou raison de son existence. Or cette cause, par la seconde et la troisième supposition, ne peut être enfermée dans la nature de l’homme toute seule, la définition vraie de l’homme n’enveloppant aucun nombre d’hommes déterminé.


Serge
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Messagepar Durtal » 12 août 2008, 13:39

Serge,

sescho a écrit : Si je voulais saler la note, je dirais que l’on pourrait s’interroger même sur ce qui distingue un attribut et un mode infini d’une idée générale… :-)


Je lorgne -mais pour le moment à distance respectueuse- vers des idées de ce genre là, moi aussi. :) . Mais chut...je sais que certains ici ont le cœur fragile.

Merci pour ta revue de texte. Mon point de vue sur la différence entre notions universelles et notions communes, car je pense que l'on peut quand même en faire une, est que la production ou la genèse des premières au contraire des secondes, est anarchique et se fait "sans ordre pour l'intellect", d'où les controverses naissant entre philosophes parce qu'il se servent des mêmes noms communs sans pour autant sélectionner les mêmes caractères des concepts qu'ils veulent désigner par ces noms.

Mais c'est un problème de définition et d'entente préalable sur les définitions, cela n'indique pas le caractère intrinsèquement déficient, ou "fictif" de la pensée de la généralité. Cela indique qu'ils ne prennent pas en charge les définitions de leurs concepts et qu’ils s’en servent comme ils se sont construits tout seuls : "au petit bonheur". Or cela n'arrive pas pour les notions dites « communes », en quelque sorte "par défaut". Je veux dire : quand bien même nous voudrions nous tromper à propos d'elles, que nous le pourrions pas (je sais que littéralement c'est absurde ce que je dis là, mais c'est une façon de mettre en relief le point ) elles sont si élémentaires et univoque en effet qu’il serait vain de tenter de les définir et donc à plus forte raison, il ne peut s’élever de controverses liées à des disparités dans leurs définitions. Ce seront elles, en revanche qui devront définir les autres et qui nous permettront d’introduire « de l’ordre dans nos pensées ».

Ce que tu dis ensuite sur les rapports des notions communes et du premier genre de connaissance est aussi selon moi parfaitement pertinent (même si provocateur): au sens où une notion commune se fonde sur quelque chose que nous imaginons constamment et toujours de la même façon. J'enfoncerai même le clou disant, en manière de slogan : la Raison c'est l'imagination sous l'empire des règles. :)

Un indicateur de cela, outre les considérations sur la nature de la "raison pratique" dans le livre V est l'insistance permanente que Spinoza met à parler d'un corps apte à "éprouver beaucoup de choses à la fois" et à "être affecté de beaucoup de manières différentes". Car l'intérêt de ceci me semble clair: cela conduit à une sélection automatique des identités et les différences pertinentes (Car contrairement à ce que dit l'adage: raisonner c'est comparer), cela donne donc des règles de généralisations de plus en plus fiables parce que de plus en plus fines.

Enfin, tu remarques, ce qui est selon moi le point le plus important pour la controverse ayant lieu ici, que le principale problème qu'à Spinoza avec les notions générales n'est pas qu'elles soient générales, mais qu'on les interprète à tort comme signifiant des êtres particuliers. C’est cela qui est « fondamentalement confus » je veux dire : « l’être » auquel est supposé se référer une idée générale. Non la caractéristique par laquelle la notion universelle est prédiquée de toutes ses instances. Il écrit ainsi, à propos de la notion générale « d’homme » que l’esprit « n’imagine distinctement que ce en quoi tous (les hommes), en tant qu’ils affectent le corps, conviennent » mais cette convenance et cette imagination distincte d’une propriété, n’empêche nullement que par là aucun être particulier tel que « l’homme général » n’est pensé. Spinoza en a sans doute après quelque chose comme un "platonisme vulgaire", mais non contre la généralité. ( Ce qui est, de toute façon, une idée trop absurde pour être énoncée, autant être « contre le langage » ou « contre la mort » tant qu’on y est).

En allant plus loin je crois que c’est le nominalisme qui aide vraiment à comprendre ce que c’est que la généralité, en un certain sens en effet, si on hypostasie les propriétés conceptuelles, il n’y a plus vraiment de « généralité » qui soit pensable. Mais bon ça, ça n’engage que moi.

D.
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Messagepar Julien_T » 12 août 2008, 13:56

A Louisa, qui écrit :

"[...]très bien, mais Spinoza dit exactement l'inverse, en ce qui concerne les notions universelles: le signifié se limite à l'existence physique, à l'image universelle formée dans notre Corps singulier (voir la citation ci-dessus de l'E2P40). Je ne dis pas que Spinoza doit absolument avoir raison en ce point, il s'agit juste d'être d'accord sur ce qu'il dit, c'est tout."

Ah non, tu fais erreur.

Le signifié ne se limite pas chez Spinoza à l’existence physique, à « l’image universelle formée dans notre corps singulier ». (A y bien réfléchir, on ne voit que très difficilement ce que peut être la réalité signifiée par cette dernière expression. Une image universelle « vaut pour tous », on voit mal comment une réalité physique, une affection corporelle constituant une image, peut renvoyer à un grand nombre de choses qu’elle n’est pas.) Nous sommes en présence chez Spinoza d’un parallélisme : si le corps se forme un certain nombre d’images à l’occasion de la perception des affections d’un grand nombre de corps singuliers, ces images corporelles sont les corrélats, correspondants ou supports matériels d’imaginations de l’esprit. Ainsi Spinoza peut-il dire que « l’esprit humain peut imaginer distinctement à la fois autant de corps qu’il peut s’en former d’images à la fois dans son corps propre ». Aux images construites dans et par le corps à l’occasion des affections, correspondent des imaginations de l’esprit. Or, celles-ci sont non seulement immatérielles, mais en outre réfèrent intrinsèquement à un idéat extérieur, c’est-à-dire renvoient à ce dont l’imagination est l’image et qui n’est pas nécessairement matériel, et n’est en tout cas pas dans notre corps. Le signifié est par définition ce à quoi renvoie le signifiant, il n’est pas « présent » à même le signe. Une image ne parle pas toute seule. Le signe a une fonction de renvoi, comme l’imagination. Il est certes difficile de concevoir la fonction de renvoi d’une image corporelle. Car la structure de l’imagination doit se retrouver, au nom d’un certain isomorphisme exigé par le parallélisme, sous l’attribut étendue. Spinoza explique en fait que le corps garde trace de ce qui, parmi les affections en grand nombre de corps extérieurs, est commun à ceux-ci, du fait même que l’affection de ce qui est commun est répétée. Cela signifie que l’image physique est un état du corps, une trace dans la matière, une modification corporelle renvoyant d’une certaine façon aux réalités extérieures qui ont été les occasions de ces affections. Le signe, la trace physique, ou le signifiant, qui est le signe pour l’esprit, ne doivent pas être confondus avec le signifié, qui lui ne loge pas dans le corps ou l’esprit. « L’image physique formée dans notre corps singulier » n’est pas le signifié puisqu’elle a pour fonction d’y renvoyer.

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Messagepar Julien_T » 12 août 2008, 14:01

Tout à fait Durtal, c'est ce que je ne cesse d'écrire. :D

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Messagepar Louisa » 12 août 2008, 14:08

Bonjour à tous,

je réponds pour l'instant rapidement à Julien_T, n'ayant pas encore eu l'occasion de lire attentivement les autres messages.

A Julien_T: merci de ton explication!! Je crois que tu as parfaitement raison, je me suis clairement trompée. Le signifié n'est pas l'image corporelle. J'ai sans doute écrit le message auquel tu réfères trop vite (je relirai donc ton message original à ce sujet, pour essayer d'y répondre d'une façon plus appropriée).

A toute à l'heure (notamment pour l'explicitation de la démonstration par l'absurde, que je n'oublie pas bien sûr),
L.

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Messagepar Durtal » 12 août 2008, 15:45

Julien_T a écrit :Tout à fait Durtal, c'est ce que je ne cesse d'écrire. :D


Je sais, il va sans dire que j'étais d'accord avec ce que tu répondais à Louisa, sinon, tu peux me faire confiance, je me serais manifesté :)

D.

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Messagepar Durtal » 12 août 2008, 20:09

Louisa.....


I can't wait....Arrives-tu à dessiner un cercle carré?

(je parlais, bien sûr, du "challenge". Car je te dispense de me répondre si tu as besoin de temps)


D.


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