volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 août 2008, 16:41

Bonjour Durtal,

ceci juste pour te remercier de ton message! Je crois qu'il va peut-être nous permettre de vraiment faire un pas en avant.

En tout cas, je pense maintenant avoir compris où se trouvait pour toi (vous?) la contradiction dans ce que je disais. Tel que tu me cites, elle apparaît très clairement. J'étais dans l'idée que le contexte de ces citations suffirait pour éviter une interprétation contradictoire, mais comme apparemment cela n'a pas été le cas, je vais essayer de préciser autrement ce que j'ai voulu dire par là. Si ensuite tu as toujours l'impression qu'il y a une contradiction, alors ou bien il y en a vraiment une, ou bien tu auras au moins compris ce que je veux dire, ce qui devrait permettre de mieux indiquer ce avec quoi tu n'es pas d'accord dans ce que je pense (si c'est le cas), voire de montrer où se trouve l'erreur.

Je ne pourrai pas rester sur le forum maintenant, donc j'espère pouvoir répondre ou bien ce soir, ou bien demain au plus tard.
A bientôt :D
L.

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Durtal
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Messagepar Durtal » 14 août 2008, 17:06

Louisa,

Voici une autre tentative pour débrouiller cet épouvantable sac de noeud :D

Nous avons cette déclaration (de Spinoza) : « la volonté est quelque chose de général qui se joint à toutes les idées et signifie seulement ce qui est commun à toutes ; autrement dit elle est l’affirmation dont l’essence adéquate, ainsi conçue abstraitement, doit pour cette raison être dans chaque idée, et à cet égard, seulement est la même dans toute. »

Ton problème : Spinoza ne peut pas vouloir dire que l’affirmation est la propriété commune à toutes les volontés, car une propriété commune n’enveloppe l’essence d’aucune chose singulière, comme nous l’apprend E2P38.

Il est très difficile de comprendre, cependant, pourquoi tu penses que ce passage, contredit cette idée, et interdit donc de traiter l’affirmation comme une propriété commune. Car justement, il énonce que l’affirmation conçue abstraitement, est dans chaque idée la même. Or cela ne peut signifier qu’une seule chose : qu’elle n’est dans aucune idée en particulier ou à « titre singulier », ce qui est précisément la caractéristique d’une propriété commune.

En effet: Si l’affirmation dont il est question ici ne désigne pas une propriété commune alors, c’est qu’elle désigne dans ce contexte l’affirmation singulière comprise en chaque idée. Mais comme Spinoza dit que chaque affirmation diffère de telle autre autant que l’idée enveloppée dans l’une diffère de l’idée enveloppée dans l’autre, il s’en suivrait qu’il ne pourrait pas dire qu’elle est « la même dans toute », puisque ce serait une contradiction dans les termes.

Donc l’affirmation dont il est question ici, ne peut désigner aucune affirmation particulière, et n’indique pas qu’il est question de l’essence d’une idée singulière. Il est question d’un concept de l’affirmation qui n’enveloppe l’idée d’aucune chose singulière, ce qui formellement correspond aux caractéristiques des propriétés communes telles qu’elles sont définies en E2P38.

Ensuite il y a cette histoire, de conception « ordinaire » et « non ordinaire » des propriétés communes. Ce qui est assez cocasse à mon sens, c’est que tu as l’air toute chamboulée par le fait que Spinoza explique qu’une propriété commune n’enveloppe pas le concept d’une essence de chose singulière. Cela semble être pour toi la raison pour laquelle la caractérisation de Spinoza « n’est pas ordinaire ». Mais le coté un peu drôle de l’affaire est que c’est précisément cela que l’on entend ordinairement par « propriété commune »: forcément, en effet, une propriété commune à plusieurs choses, n’est la propriété d’aucune de ces choses en particulier, et est nécessairement pour cela un « être de raison », n'enveloppant l'essence d'aucune chose singulière.

Une bonne partie du problème, provient donc je crois, du fait que tu as une conception parfaitement étrange de ce que c’est qu’une propriété commune « au sens ordinaire » (appelons ça, pour plus de clarté, une « propriété générale »), tu la conçois ainsi que l’olive dans le martini, comme si elle devait être quelque chose de présent en chaque chose, en d’autres termes tu penses la propriété générale sur le modèle d’un élément que des choses ont en commun. Après cela, il y a une certaine logique à ce que tu poses un contraste entre les « propriétés générales » ( les propriétés communes conçues ordinairement) qui sont ce à quoi, selon toi, je le suppose du moins, réfèrent les notions universelles et les propriétés communes « non ordinaires » auxquelles se réfèrent les notions communes. Mais cette différence n'a en réalité aucune raison d'être. Car que ce soit pour le sens "ordinaire" du concept de propriété commune ou son sens "extraordinaire": dans les deux cas il n'est pas question de poser l'essence de quelque chose de singulier, fut-ce l'essence d'un élément commun.

En réalité donc la situation est la même dans les deux cas : on pense une caractéristique des objets, qui ne définit aucun objet en particulier et il y aurait, je crois, autant d’erreur à hypostasier une notion commune qu’il y en a à hypostasier une notion universelle.

Parce que tu penses que nous parlons d’un "quelque chose" de commun à toutes les volontés, ce qui n’est pas le cas, tu nous objectes que ce ne peut être une propriété commune. Mais tu fais cela uniquement parce que tu nous prêtes une conception, qui n'est pas la nôtre, ou en tout cas pas la mienne, de ce qu’est qu’une propriété générale. En effet si par propriété commune à toutes les volontés nous entendions : « élément commun » à toutes les volontés, alors nous parlerions d’une entité contradictoire et fictive, puisque toutes les affirmations sont différentes les unes des autres et n’ont donc pas de « partie » en commun, mais ce n’est pas ce que nous faisons.

D.


Ps: les messages ce sont croisés.

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Messagepar Louisa » 14 août 2008, 17:29

PS rapido à Durtal:

je ne crois pas que le problème se situe au niveau de la compréhension de ce que c'est qu'une "propriété générale", comme tu l'appelles. Pour moi, ton histoire des olives était parfaitement claire, et s'il s'agit d'illustrer le sens commun à ce sujet, j'étais tout à fait d'accord avec ton interprétation de cette histoire (interprétation qui était, si je l'ai bien comprise, qu'il faut tenir compte du fait que dans chaque verre se trouve une AUTRE olive, chaque olive étant singulière, et que par conséquent il n'y a pas un seul et même élément dans tous les verres).

Le problème (mon problème) est plutôt que pour toi la propriété générale est une propriété commune, autrement dit qu'il n'y a pas de différence entre le sens commun et la propriété commune spinoziste, tandis que pour moi (peut-être à tort) l'E2P38 rend cette distinction inévitable. J'espère pouvoir montrer plus clairement pourquoi dans ma réponse à ton avant-dernier message.
A tantôt!
L.

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Messagepar Louisa » 15 août 2008, 12:51

Bonjour Durtal,

ayant perdu du temps ce matin, je ne pourrai hélas pas faire la réponse détaillée dont j'avais envie hier. Je vais donc directement à l'essentiel. Si tu as l'impression que ma réponse n'est pas très satisfaisante, j'accepte en tout cas que pour l'instant je ne t'ai pas convaincu. Alors le mieux serait probablement de reprendre la discussion en septembre (si à ce moment tu le veux bien), quand j'aurai de nouveau le temps de répondre le jour même et en détail.

Louisa:
C'est que pour autant que je sache, je n'ai JAMAIS nié la vérité (au sein du spinozisme) de l'idée exprimée par a phrase "toutes les idées ont en commun d'affirmer quelque chose" (et je ne vois pas non plus en quoi ce que je viens de dire le nierait??). Le problème n'est pas que cette idée-là serait fausse. Ce qui est faux, c'est l'idée qui ferait de l'affirmation, qui n'est qu'un être de raison, un être réel.

Durtal:
Bien. Mais alors pourquoi t'être lancée alors dans une telle polémique, puisque je disais, pour ma part:

Durtal a écrit:
Lorsque Spinoza dit que la volonté entendue comme faculté est une fiction issue d’une représentation abstraite, je ne pense pas qu’il veuille incriminer l’abstraction en tant que telle. Ce qui est précisément en cause, comme il le dit est que « nous nous trompons facilement quand nous confondons les notions générales avec les singulières (…) »

Ce que tu contestais en écrivant:

Louisa a écrit:
Du coup, Durtal en conclut que l'affirmation doit être une notion commune. En réalité, il ne s'agit pas d'une notion commune, mais d'une notion "universelle" ou un "étant Métaphysique", comme Spinoza le dit à plusieurs reprises (E2P48, E3P49 scolie). Chez Spinoza, les notion universelles appartiennent au premier genre de connaissance, et sont confuses donc fausses

Durtal:
Donc comprend au moins que tes interlocuteurs se sentent un peu « perdus » dans ton argumentation. Car si on laisse de coté la question de savoir si on doit appeler ce dont il s’agit ici « notion universelle » ou « notion commune », il est assez difficile de comprendre comment tu peux dire d’une part, que la notion universelle d’affirmation, comme caractère commun à toutes les volontés est fausse, ce qui signifie à peu près dans ce contexte : ne « correspond » à rien et d’autre part que la phrase « l’affirmation est la propriété commune à toute les volontés » est vraie, qui revient très précisément à dire le contraire, puisque si elle est vrai, elle implique que le terme « d’affirmation » correspond bien à un caractère effectif de chaque volonté, et donc que celle-ci ne correspond pas « à rien ».


en effet, ainsi formulé je comprends tout à fait le problème. Merci de l'avoir indiqué si clairement. Voici donc ce que j'ai voulu dire par ces deux citations.

D'abord tu expliques la contradiction en disant qu'on va laisser de côté la question de savoir si ce dont il s'agit ici est une notion commune ou une notion universelle. Pour moi on peut le faire, à titre d'hypothèse, mais uniquement à condition de supposer qu'une notion commune soit un genre de notion universelle, et non pas l'inverse. Or dans ton explication qui suit, tu fais l'inverse: là où moi, quand tu me cites, je parle d'un "avoir en commun", tu lis "a une propriété commune". C'est donc parce qu'à mon sens il faut distinguer notion commune et notion universelle que je peux dire que je suis d'accord quand on dit "toutes les idées ont en commun d'affirmer quelque chose" (à condition qu'on y ajoute qu'ainsi on ne parle qu'abstraitement), mais que je ne peux plus être d'accord avec ta reformulation qui dit "l’affirmation est la propriété commune à toute les volontés".

Puis dire que "toutes les idées ont en commun d'affirmer quelque chose", donc penser à cette idée en tant que telle, affirmer cette idée en tant que telle, c'est effectivement faux, puisque cela signifie qu'il y aurait réellement un seule et même élément commun (c'est en cela que consiste l'abstraction), c'est-à-dire on ferait référer la notion universelle à un "étant universel", tandis que nous sommes clairement d'accord pour dire que cet étant n'existe pas. Or il suffit d'y ajouter l'idée que nous ne sommes qu'en train de parler dans l'abstrait, et que dans la réalité il n'existe que des singuliers, pour que l'idée "totale" (notion universelle + idée qui exclut l'existence de l'étant singulier auquel elle réfère) est vraie (ou plutôt: la fausseté de la première idée n'apparaît qu'une fois qu'on raisonne, donc seulement une fois qu'on constate la non existence d'étants universels). Mais je suis d'accord avec toi: je n'ai peut-être pas très clairement expliqué ceci. Or jusqu'ici, je ne crois pas que je dis des choses très différentes de ce que tu dis toi-même, il s'agit plutôt de reformuler la même idée un peu différemment, sachant que je distingue la notion universelle de la notion commune là où tu utilises indifféremment les deux termes.

Par conséquent, ce n'est que quand on va voir les formulations en détail, que les divergences apparaissent. En fait, en te lisant, et aussi en lisant ton deuxième message de hier, je commence à avoir l'impression qu'il est bien possible que ces divergences s'expliquent par notre compréhension différente de ce que c'est qu'une idée adéquate, mais dans ce cas, il faudrait reprendre notre discussion là-dessus (ou résumer l'essentiel ici), ce dont je n'aurai certainement pas le temps pendant les deux semaines prochaines. Raison pour laquelle j'ai commencé mon message en disant que mon explication ici ne serait peut-être pas tout à fait satisfaisante.

Enfin, en attendant voici tout de même quelques exemples de ce qui indique à mes yeux les divergences actuelles, ou permet de les préciser:

Durtal a écrit :Nous semblons nous accorder sur l’idée que Spinoza met en garde contre la tentation de traiter « l’affirmation » ou « la volonté » comme des « entités » ou des « étants ».


en effet.

Durtal a écrit :Nous disons, il me semble, ou en tout cas moi je dis, que les phrases mettant en œuvre des universaux, sont vraies, quand elles réfèrent à des caractéristiques des choses individuelles que les choses en question possèdent effectivement ( car si elles disent de ces choses qu’elles possèdent une caractéristique ou plusieurs caractéristiques dont elles sont de facto dépourvues, elles seront fausses). Or dire ceci, n’est pas du tout faire du contenu d’une notion universelle « un étant », cela intègre parfaitement la mise en garde Spinoziste, car il n’est question ici que de viser des caractéristiques des choses singulières et non de faire de ces caractéristiques des « êtres » ou des « entités » qui subsistent « par soi ».


ok, je crois que je comprends l'idée, mais ce qui pour moi est "flou" là-dedans (et là je crois que je peux également m'adresser à Julien_T et à Sescho), c'est que tu dis qu'une notion universelle REFERERAIT à du singulier. Par là, si je t'ai bien compris, tu ne veux pas dire simplement que toutes les choses singulières ont cette caractéristique en commun, mais aussi que la notion universelle référerait à la caractéristique singulière telle qu'elle figure dans chaque chose singulière. A mon sens, cela est impossible. Une notion universelle réfère à ce que, en faisant abstraction des différences singulières, chaque chose singulière a en commun, ce qui par là même n'est PAS singulier.

Autrement dit, quand on dit que "tout Martini Vodka a une olive", l'olive dont il est question ici ne peut qu'être abstraite. La référence de cette phrase ne peut qu'être abstraite. Il faut une AUTRE idée qui y ajoute que dans la réalité, il s'agit à chaque fois d'une autre olive, qu'il n'y a pas d'élément cmmun, pour introduire du singulier. Mais quelque part cela ne fait que déplacer le problème. Car à partir de ce moment-là, on peut se demander ce qui permet d'appeler toutes ces olives des olives, et non pas des cerises. Alors on peut dire qu'il s'agit de nouveau d'une abstraction, qu'on ne regarde que ce que chaque olive singulière a en commun avec d'autres olives. Mais justement, qu'est-ce qu'elle a en commun, si toute chose est absolument singulière?

C'est ce qui me donne l'impression que finalement, ton interprétation est plus proche de la notion universelle telle qu'on la pense d'habitude: que quelque part, malgré tout, il y aurait du commun DANS les choses mêmes. Car finalement, on peut bel et bien dire que dans chaque verre il y a une olive. On ne va pas utiliser un autre mot pour chaque olive. C'est quelque part ce que tu dis quand tu dis que la notion universelle réfère à la caractéristique commune-et-néanmoins-singulière dans les choses singulières. Pour moi c'est encore introduire du commun là où il ne peut y avoir que du singulier. C'est pourquoi aussi je ne suis pas d'accord avec toi quand tu dis que:

Durtal a écrit :Ton problème : Spinoza ne peut pas vouloir dire que l’affirmation est la propriété commune à toutes les volontés, car une propriété commune n’enveloppe l’essence d’aucune chose singulière, comme nous l’apprend E2P38.


à mon sens, le problème est proche de ce que tu viens de dire ici, ne fût-ce que pour moi, l'E2P38 dit que c'est plutôt l'essence qui n'enveloppe aucune propriété commune, et non pas l'inverse. C'est parce que l'essence n'enveloppe RIEN de commun, qu'elle ne peut pas envelopper une propriété commune-mais-néanmoins-singulière. Pour moi, tu mets donc trop de commun dans le singulier, ce qu'on fait d'habitude, au sens où travailler avec des essences singulières n'a été fait que très rarement, dans l'histoire de la philosophie, tandis qu'il est beaucoup plus fréquent d'accepter quelque part tout de même que du général rentre dans les choses singulières. C'est pourquoi le nominalisme de Spinoza ne consiste pas seulement à dire qu'il n'y a que des choses singulières et pas d'entités universelles. C'est un véritabel terminisme à la Ockham (mutatis mutandis), où les choses n'ont dans la réalité plus rien en commun du tout, au niveau de leur essence.

Pour résumer: à mon avis un nominalisme qui travaille avec des essences singulières est différent d'un nominalisme qui reconnaît la réalité de la généralité mais qui y ajoute que dans le réel il n'y a que des choses singulières, qui sont des "déclinaisons" particulières de cette généralité, généralité qui quant à elle n'existe que dans les choses singulières et nulle part ailleurs. A mes yeux, vous projettez le nominalisme "habituel" (défini tel que je viens de le faire) dans le nominalisme spinoziste, qui parce qu'il est un terminisme est une forme très particulière de nominalisme.

Mais encore une fois, ceci touche à mon sens inévitablement à d'autres discussions qu'on a déjà eues, au sens où cela explique en partie les désaccords entre toi et moi quand nous discutons de l'idée adéquate, et également les désaccords entre Sescho et moi quand nous discutons du troisième genre de connaissance. Il me faudra donc préciser beaucoup plus ce que je veux dire dans ce que je viens de résumer au paragraphe précédent, sinon je ne suis qu'en train de proférer des thèses générales, qui ne peuvent convaincre personne. J'espère pouvoir prendre le temps en septembre (sinon quelque part pendant l'automne) pour expliciter tout ceci en détail et pour le soumettre ensuite à vos critiques, afin de voir où se trouve éventuellement l'erreur.

En attendant, n'hésite pas à réagir à ce que je viens déjà d'écrire, j'essayerai de toute façon de revenir régulièrement sur ce site les prochains jours, et de répondre là où je peux. De toute manière, pour moi tes deux derniers messages étaient vraiment très utiles, car je crois (à toi de me corriger si ce n'est pas le cas) que cela a permis de faire très clairement le point sur ce dont on est d'accord, tout en le rendant possible de préciser OÚ pourraient se trouver plus exactement les divergences. Et si ce que je pense est correcte (à vérifier), alors celles-ci ont avant tout à voir avec d'autres interprétations à un niveau de lecture plus profond, interprétations présupposées dans ce qu'on écrit mais jamais explicitées réellement. Et dans ce cas on comprend mieux comment aussi bien toi-même que moi, nous avons à la fois l'impression de dire très clairement ce qu'on pense et de devoir répéter sans cesse les mêmes choses sans que l'autre semble comprendre ce que l'on dit.
Bref, to be continued ...
A très bientôt!
L.

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Messagepar Louisa » 16 août 2008, 12:35

PS à Durtal (ou à tous):

ayant écrit assez vite hier, certaines choses n'étaient peut-être pas très claires. Ce que je voulais donc dire, c'était principalement ceci.

D'abord, je crois mieux avoir compris comment vous interprétez l'E2P38 (ou disons tu, puisque c'est principalement grâce à ton explication de cette proposition que je l'ai compris): les propriétés communes ne constituent l'essence d'aucune chose singulière parce qu'elles sont systématiquement "déclinées" autrement, selon la chose singulière en question, et c'est cette "déclinaison singulière" qui disparaît quand l'essence qu'elle constitue est supprimée.

Ou pour prendre ton exemple: une fois bu MON Martini Vodka, l'olive particulière qui se trouvait dedans, aura disparu aussi, parce qu'elle ne constituait l'essence singulière QUE de mon verre à moi, et d'aucun autre verre. Bien sûr, on dira toujours que les AUTRES verres de Martini Vodka ont en commun d'avoir une olive. Pour moi, cela signifiait inévitablement qu'on ne pouvait pas faire de l'olive quelque chose qui constitue l'essence singulière d'un verre particulier, mais à cela vous me répondez que "avoir en commun une olive" n'est qu'une abstraction, qui ne réfère à rien de concret. A partir de ce moment-là, ok, je suis d'accord pour dire que ton interprétation de l'E2P38 (et ne tenant compte que de cette proposition) est cohérente, et non pas contradictoire comme je l'ai répété quelques fois.

Alors vous répondez à Joseph que non, l'affirmation ne peut être séparée de l'idée affirmée, puisqu'elle constitue son essence, et par là même elle est en plus toujours singulière c'est-à-dire différente, jamais la même. Ce qui nous donne deux raisons pour contester la séparabilité entre le sens et la valeur de vérité. L'affirmation en général, quant à elle, ne réfère à aucun étant universel, mais est une simple abstraction.

Formulée ainsi je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Mais j'avoue que d'une part, j'ai l'impression que nous avons rappelé ceci dès le début de notre échange avec Joseph, et que d'autre part, je ne vois pas très bien en quoi pourrait consister la "concession" dont il parlait. Par conséquent, je vois encore moins comment son problème pourrait être résolu, puisque son argument a été, dès le début, que Spinoza se trompe quand il suppose une non séparabilité, et cela parce qu'en logique formelle la vérité n'appartient pas déjà au sens d'un énoncé, elle s'y ajoute, et que la logique formelle en tout cas est vraie.

Bref, pour lui ce qui vaut dans l'abstrait, vaut aussi pour le concret (ce qui restait à démontrer). A mes yeux, en disant ce que je viens de mettre en italique, on lui a pour l'instant simplement répondu que pour Spinoza, l'abstrait n'est qu'une abstraction, seule la singularité existe réellement. Mais en quoi cela pourrait-il résoudre son problème? Il pourrait bien être d'accord avec cela, mais aussi longtemps qu'on adopte la thèse que ce qui vaut pour l'abstrait vaut aussi pour le concret, il peut se baser sur la logique formelle et ses caractéristiques pour contester la conception spinoziste de l'affirmation (conception qui serait alors purement "dogmatique").

CONCLUSION: puisque notre divergence quant à l'identification des notions communes et notions universelles se base sur des interprétations différentes d'autres passages du texte, interprétations que quant à moi je ne pourrai expliciter en détail avant d'avoir de nouveau mon ancien horaire de travail, c'est-à-dire au plus tôt dans deux semaines (interprétations qui d'ailleurs peuvent être erronnées, bien sûr, cela on le verra bien), et puisque nous sommes tous d'accord sur la réponse formulée telle que je l'ai mise en italique ci-dessus, on pourrait peut-être temporairement suspendre la discussion sur les notions communes versus universelles, pour essayer de voir dans quelle mesure cette réponse peut être pertinente (pour nous et pour lui) par rapport au problème posé par Joseph au début?
L.

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Messagepar vieordinaire » 16 août 2008, 14:32

Chere Louisa,
Louisa a écrit :Ou pour prendre ton exemple: une fois bu MON Martini Vodka, l'olive particulière qui se trouvait dedans, aura disparu aussi, parce qu'elle ne constituait l'essence singulière QUE de mon verre à moi, et d'aucun autre verre. Bien sûr, on dira toujours que les AUTRES verres de Martini Vodka ont en commun d'avoir une olive. Pour moi, cela signifiait inévitablement qu'on ne pouvait pas faire de l'olive quelque chose qui constitue l'essence singulière d'un verre particulier, mais à cela vous me répondez que "avoir en commun une olive" n'est qu'une abstraction, qui ne réfère à rien de concret. A partir de ce moment-là, ok, je suis d'accord pour dire que ton interprétation de l'E2P38 (et ne tenant compte que de cette proposition) est cohérente, et non pas contradictoire comme je l'ai répété quelques fois.


Il serait peut-etre utile afin d'avancer les discussions si vous pouviez considerer des exemples pertinentes et non pas un exemple qui demontre une certaine confusion quant a l'idee de l'essence dans la philosophie de Spinoza (car encore une fois vous introduisez et melangez sans jamais vous justifiez des elements etrangers aux notions de Spinoza). Car selon votre exemple, n'importe quoi est un etre singulier. J'ai seulement a mettre deux roches l'une a cote de l'autre et a donner un nom (bozo par exemple) a celles-ci, et voila! j'ai devant moi un etre singulier. Le status ontologique d'un etre singulier est determine par une distinction causale, laquelle est concrete, et non pas seulement nominale, c'est-a-dire une convention abstraite. Quel est le 'ratio' du mouvement-et-repos qui correspond a un martini Vodka? Est-ce que ce ratio existe vraiment, ou votre martini n'est peut-etre pas etre singulier mais apres tout seulement un aggregat d'objets que vous nommez 'martini'? Lorsque que vous mangez l'olive sans boire l'alcool, au dela de la perserverance d'etre representee par l'integrite structurelle de l'olive elle-meme (et de chacune de ses parties), quelle est et (si vous insistez dans votre erreur) que devient-il de la perseverance d'etre du Martini (car pour etre un Martini selon votre definition nominale il doit y avoir une olive)?

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Messagepar Durtal » 16 août 2008, 14:48

Vie ordinaire,

A la décharge de Louisa, elle commentait un exemple que j'avais donné pour illustrer une différence conceptuelle entre individu et propriété ( dont je ne suis pas encore bien certain qu'elle l'ai comprise comme je le désirais, mais il faut que je la relise). Et certes tu as raison certainement sur le fait que l'on peut douter de la question de savoir si quelque chose comme un martini avec une olive est un "individu". C'est une bonne remarque mais j'essayais simplement pour ma part de faire ressortir une différence d'ordre générale pour clarifier la discussion que nous avions avec Louisa visant simplement à lui faire admettre que l'on admettait pas automatiquement un "étant" dés qu'on employait une notion universelle.

D.

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Messagepar Julien_T » 16 août 2008, 15:25

Ultime remarque à l’intention (et l’attention, espérons-le…) de Louisa,

Effectivement, Durtal commet une petite imprécision dans l’usage de la notion de « référence », ce qui n’enlève rien à la clarté générale de ses derniers messages.
Précisons. Le signifiant, ou signe, « affirmation », peut être l’occasion de deux types de références. Il peut être l’occasion de référer à : _une affirmation singulière, celle par exemple affirmant l’idée singulière de triangle ; _l’affirmation en général, dont le contenu significatif est constitué par ce qui est commun à toute affirmation.
Par exemple, avec le même signifiant « chien », tu peux viser, en l’employant, Titou, ton chien à toi, donc une essence singulière, dans l’usage suivant : « Mon chien est malade en ce moment ». Dans un autre usage de ce même signifiant, et donc au moyen d’un autre type d’acte de conscience, tu peux viser l’abstraction « chien » : « J’aime beaucoup les chiens ». Un ultranominaliste ne peut nier la spécificité et la réalité de ce type de visée de conscience : tu vises dans un cas une certaine abstraction dont le contenu objectif est constitué par une définition, i.e une somme de déterminations dites « générales » en ce sens qu’elles constituent un rapport que tu auras décelé dans chacune de tes perceptions singulières de chiens singuliers. Ce rapport, tu as la faculté de le généraliser en construisant ce qu’on appelle une « classe » ou un ensemble : par là une forme abstraite permet de renvoyer en puissance (parce qu’en acte nous ne pouvons viser une grande multiplicité d’objets en même temps) à un divers qu’elle subsume, c’est-à-dire à la réalité de tous les objets de cette classe. En utilisant le signe « chien » tu peux référer à ce qui est commun à tous les chiens comme tu peux viser un chien singulier, ce qui est cause de certains quiproquos quant à ce que peut exprimer Spinoza dans quelques passages.

Néanmoins, il est effectivement important de préciser les différences persistantes entre un réaliste des essences et un nominaliste qui prône la singularité des choses. En effet, ce dernier s’efforcera de voir, et verra effectivement, dans chaque individu ce qui le singularise, plus que ce qui permet de le subsumer sous une classe commune ou générale. Ce qui fera dire au nominaliste qu’il est des cas où il peut y avoir plus de différences entre deux hommes qu’entre un homme et un cheval.
Le réaliste des essences, prenons Thomas D’Aquin, s’efforcera quant à lui de classer le monde à travers des essences générales « réelles » établissant une taxinomie de genres et d’espèces immuables ne laissant que peu de place à la singularité ou à la plasticité des choses et individus sujets aux déterminations. Un aristotélicien rétorquera donc au nominaliste que, même s’il pense effectivement qu’ « il n’y a » d’espèce qu’instanciée dans un individu singulier, composé de forme et de matière, un homme ne peut néanmoins pas s’accoupler avec un cheval : l’espèce a donc au moins la consistance que lui confère le fait d’être une réalité biologique.

Tout dépend donc:

_ de ce qu’on fait « rentrer » comme déterminations dans le contenu définitionnel d’une classe particulière (« faire rentrer dans » est une expression enfantine et imagée absolument imprécise, je l’utilise pour te mettre sur la voie. Il faudrait décrire comment cela se passe, une visée ou représentation de définition, comment on se représente plusieurs idées associées comme concourrant à la définition d’une forme unitaire : dans l’instant ? dans une certaine durée ? intuition synthétique ?) ;

_ de quelle manière nous entendons référer ce contenu de sens à la réalité : sur le mode assumé de la généralité confuse et appauvrie ou sur le mode de la certitude d’un contenu d’essence générale identique en chaque individu.

Ainsi, la classe « homme » n’a pas le même contenu de sens chez Spinoza, Aristote, ou un chrétien qui y associe l’idée de libre arbitre, de descendance à l’égard d’Adam et Eve ou le fait d’avoir été créé à l’image de Dieu, même si chacun, en utilisant ce signe, ne réfère aucunement à une entité matérielle effective ou singulière mais à une abstraction en tant que telle. Un nominaliste prônant la singularité des choses associera peu de contenus à la notion générale d’humanité qui lui sert de « modèle », ceci, afin de : _n’y voir que le plus général, c’est-à-dire que ce qu’il est en mesure de retrouver assez semblablement en chaque individu ; _laisser la place à une plasticité et singularité toujours inédites et rarement anticipées dans la réalité des choses. Comprends, Louisa, que tu te bats contre des moulins à vent: « une réalité générale » ne veut rien dire, si par réalité tu entends exclusivement l’entité matérielle singulière. Une détermination générale ne signifiant pas une entité singulière matérielle et individuelle mais des rapports caractéristiques d’entités, il est possible pour un nominaliste d’utiliser des notions communes et universelles pour signifier des « rapports » à l’œuvre dans la réalité des choses singulières. Un rapport n’est rien de concret au sens de palpable ou matériel. Un rapport est avant tout une idéalité. Mais il est d’une certaine manière ce qui structure le divers singulier et nous permet de le concevoir commodément dans la mesure où l’abstrait abrège et condense le multiple (il « tient lieu » des choses en tant que « re-présentant »). Qu’un homme rit au contact du comportement marginal d’un semblable est un rapport constitutif par exemple de l’humanité, cette caractéristique n’est pas qu’un « dire », elle consiste en un contenu de sens référent à ce qui « se passe » bel et bien dans la réalité. Ce qui différencie la pensée du nominaliste et celle d’une certaine forme de réalisme des idées ou des essence (générales) réside dans les contenus de sens des classes que chacun constitue, lesquels, contenus de sens, résultent de ce que chacun voit et croit déceler dans les choses singulières.

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Messagepar Enegoid » 16 août 2008, 22:09

A tout hasard, sur l'olive des cocktails (je n'ai pas tout lu des échanges précédents) :

1 Notion commune est basé sur le fait d'être "dans la partie et dans le tout" cf E2 38,39,40.
L'olive n'est pas présente "dans la partie et dans le tout" du corps constitué par le truc à boire. Pas de "notion commune", donc.

2 Ce qui est dans la partie et dans le tout de plusieurs corps ne peut être un corps (deux olives sont différentes). Donc, c'est autre chose. Quoi ? Une notion, donc une idée...mais une idée de quoi ?

3 Si cocktail = corps humain, alors olive = épaule, ou genou, etc.

Bon, d'accord, Durtal, c'est décalé par rapport à ce que tu voulais montrer. C'est juste un rebond.

Louisa croit qu'il y a des essences singulières chez Spi, parce qu'il en parle. Ce sont des faux nez. Spi ne connait, quoi qu'il en dise que des êtres de raison. Mais sa grande force est de nous rappeler qu'il ne faut jamais les déconnecter de nos expériences singulières (du premier genre), et là, il est coïncé parce qu'il a dit que le premier genre pouvait être source d'erreur. Je suis étonné que personne n'ai jusqu'ici remarqué que dans les exemples qu'il donne des 3 genres (la règle de trois) les trois genres arrivent à une idée vraie : le chiffre 6.

(on me répondra que le premier genre ne donne pas une idée vraie : l'idée est vraie par hasard. Ok Mais quand même)

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Messagepar Louisa » 16 août 2008, 23:18

Enegoid a écrit :1 Notion commune est basé sur le fait d'être "dans la partie et dans le tout" cf E2 38,39,40.
L'olive n'est pas présente "dans la partie et dans le tout" du corps constitué par le truc à boire. Pas de "notion commune", donc.

2 Ce qui est dans la partie et dans le tout de plusieurs corps ne peut être un corps (deux olives sont différentes). Donc, c'est autre chose. Quoi ? Une notion, donc une idée...mais une idée de quoi ?

3 Si cocktail = corps humain, alors olive = épaule, ou genou, etc.

Bon, d'accord, Durtal, c'est décalé par rapport à ce que tu voulais montrer. C'est juste un rebond.


Bonjour Enegoid,

juste ceci: à mon sens ce que tu dis n'est pas décalé par rapport à l'exemple de Durtal, puisqu'il a dit dès le début qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une "partie" (comme l'olive est une partie du cocktail), mais de la propriété "être servi avec une olive". A mon sens, en disant cela il tenait tout à fait compte de ce que tu viens de remarquer ici.

Si l'on voulait trouver un équivalent qui se situe au niveau même de l'exemple, on pourrait dire que la propriété commune des différents verres de cocktails consiste par exemple dans le fait d'être tous des liquides qui se boivent à une température assez froide. La froideur se trouve en principe autant dans la partie que dans le tout (idéalement) de chaque verre, tandis que sa "consistance" propre ou sa "qualité" (celle de la froideur) dépendra à chaque fois du verre singulier dans lequel elle se trouve (le liquide sera toujours un peu plus ou un peu moins froid dans tel verre que celui dans un autre verre, en fonction de la température de l'olive singulière qu'on y a mise, la forme particulière des glaçons etc).

Autrement dit: ici on n'a donc pas une "froideur" en général, comme entité réelle flottant quelque part dans l'air, ni une seule et même froideur dans chaque verre, on n'a que telle ou telle froideur singulière, qui constituerait l'essence du cocktail en question au sens où le même cocktail mais rechauffé n'est plus vraiment ce qu'on comprend par l'expression "Martini Vodka".

C'est en tout cas ainsi que j'ai compris ce que Durtal voulait dire par rapport à l'individuel et la propriété, quand il a donné cet exemple. Mais comme il n'est pas certain que je le comprends de la façon dont il le voulait, voici que cette explicitation lui permettra de mieux en juger.
L.


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