volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Julien_T
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Messagepar Julien_T » 13 août 2008, 18:26

1) a- En définissant ta règle par « toute idée ne peut suivre que d’autres idées », je voulais bien dire, comme toi, que Spinoza ne peut concevoir l’acte de nier une idée tel que le conçoit notre contradicteur puisque pour lui il n’y a que des idées affirmatrices qui se chassent les unes les autres, par conséquent je ne voulais rien dire d’autre par là qu’une idée niée désigne une idée jugée fausse par une nouvelle idée prenant sa place. En disant qu’une idée ne peut suivre que d’une idée, l’on veut dire qu’une idée ne peut pas être affirmée ou niée par une instance extérieure aux idées, comme la volonté.

b- Mais si tu veux énoncer la règle comme suit « nier une idée, c’est d’abord avoir l’idée puis former/concevoir d’autres idées », pas de problème. Je veux bien t’accorder que « une idée ne peut suivre que d’autres idées » ne définit pas « nier une idée ». Reste que ce n’est pas une règle descendue du ciel qu’on aurait à appliquer aveuglément. Je dis que par là tu n’as pas « fait usage d’une règle », au sens où tu as plutôt expliqué les choses ainsi parce que ces idées découlent, dépendent du reste de la théorie dans sa globalité. (pas de libre arbitre, parallélisme, sujet comme mode, les idées-affects sont toutes positives et s’affirment d’elle même, comme leurs corrélats, les affections du corps).




2) Tu dis: « Par conséquent, vous introduisez une référence réelle pour l'idée "nier une idée". Dès que vous faites cela, vous faites quelque chose de très semblable que Frege quand il distingue le sens d'une idée de la valeur de vérité d'une idée, vous introduisez une "barre d'assertion". A ce moment-là, on ne voit pas ce qui empêcherait cette idée "nier une idée" d'avoir une existence propre. Mais alors - je maintiens que pour moi le raisonnement qu'a proposé ici dès le début Joseph, en tant que raisonnement, était correcte - vous avez établi tout ce qu'il faut pour avoir une réelle faculté de nier, puisque l'acte de nier a une réalité en tant que tel, dans toute sa généralité. »

Mais absolument pas. Je n’introduis pas de référence réelle pour l’idée « nier une idée », puisque je défends la doctrine spinoziste depuis le début. Une idée niée est une idée jugée fausse par une autre idée. L’acte de nier n’a pas de réalité « en tant que tel », i.e ni en tant que référent de la notion générale, ni en tant qu’acte singulier, puisque nous disons qu’il n’y a partout et toujours que des idées affirmatives qui se chassent et se combinent les unes les autres.

3) Tu dis: « Qu'ensuite vous dites que cette généralité se trouve "incarnée" dans les choses et n'existe jamais seule, isolée du reste, ne change plus rien. Dire qu'il y a des essences générales, qu'ils existent réellement, mais jamais séparées des choses dont on les prédique, c'est déjà abandonner l'idée que toute essence est singulière, au sens précis que Spinoza donne à ce mot. Autrement dit, vous faites de ce que Spinoza appelle par exemple l'essence de l'homme ce qu'il appelle la "nature" de l'homme. Seule cette dernière est la même pour tout homme (et hélas Spinoza n'explique pas quel statut donner à cette notion de nature; mais il précise tout de même qu'à cette nature appartient la raison), l'essence de l'homme en revanche n'est qu'une abstraction, en pratique chaque essence de l'homme étant singulière, c'est-à-dire n'ayant RIEN en commun avec les autres essences. »

Non, là tu as un réel problème avec la notion d’essence. Déjà je parle d’instanciation, et pas d’incarnation, qui revêt un sens trop matériel. Dire qu’il y a des essences générales ici, c’est dire qu’il y a des déterminations, caractéristiques, traits décelables dans tout concretum que l’on peut se représenter pour eux-même, indépendamment de l’objet individuel en lesquels ces déterminations générales s’instancient. Ces déterminations (parlons de déterminations plus que d’essence, puisque tu restreins drastiquement l’usage de ce terme) peuvent être dites générales parce que nous avons la faculté de les généraliser, c’est-à-dire de les faire renvoyer, référer à un divers qu’elles subsument. Nous ne disons donc pas que ces déterminations constituent exclusivement et entièrement –intègre-le une fois pour toute- l’essence singulière de la chose. Tu te trompes complètement quant à ce que nous disons quand tu dis « Comme déjà dit, chez Spinoza, les propriétés que les choses ont en commun avec d'autres choses, ne constituent pas l'essence de ces choses ». Personne ici ne dit que la propriété commune constitue à elle seule l’essence singulière de la chose. Lorsqu’elle est mal conçue, elle peut ne rien signifier qui soit réellement caractéristique du concret duquel on la prédique. Mais lorsque nous visons dans sa vérité l’objet concret, alors on ne saisit pas juste intuitivement une essence singulière vide de tout contenu de détermination, mais au contraire nous visons en un point singulier une multitude de déterminations. La propriété « être capable de défendre son point de vue avec ardeur » n’est pas ce qui constitue totalement et uniquement l’essence singulière de Louisa, même si cela en fait partie. (Mais cette propriété est un mauvais exemple car sa signification est fuyante, vague et équivoque : elle peut donner lieu à des définitions diverses, ce qui nous amènerait à dire que le signifié auquel elle réfère, n’est pas une chose « en soi » de la réalité qu’on retrouverait à l’identique dans chaque individu.) Saisir, comprendre ou connaître l’essence singulière d’un homme par exemple, cela ne se fait pas en un instant, il faut intégrer dans le temps et percevoir synthétiquement plusieurs déterminations pour enfin arriver à l’intuition de l’unité d’une essence singulière.

Tu sembles avoir un problème avec la signification du verbe être que tu tiens pour absolument univoque en la faisant recouvrir strictement celle d’existence matérielle. On peut pourtant dire d’une propriété qu’elle « est » en un sens distinct de l’être au sens de l’existence d’une entité matérielle singulière, et encore distinct du même mot être lorsqu’il signifie l’existence de l’idée singulière d’une entité matérielle. On peut dire des idéalités du nombre 3, du nombre pi, ou du rapport du nombre d’or qu’elles sont, en un sens distinct de l’existence de l’entité matérielle. Durtal dit qu’on ne peut pas dire d’une propriété commune qu’elle est un objet. Mais c’est parce qu’il a une définition et un usage restreints du terme « objet ». Je pense moi qu’on peut parler d’objet idéel, ou subsistant, comme le fait Meinong par exemple, parmi beaucoup d’autres. (Meinong fait même de l’objet impossible un objet). Mais nous le faisons spontanément en fait : le triangle, quoique idéel, est un objet, tout comme « figure à trois côtés » est un objet ou encore la proposition « la sommes des angles d’un triangle est égale à deux droits » peut représenter un objet complexe. Une propriété commune peut au moins être un objet de pensée, ou encore un être de raison, en ce sens simple qu’elle peut être l’objet d’une représentation. En tant qu’objet de représentation au moins, la propriété commune peut être dite être.


4) « chez Spinoza, toutes les passions sont causées par des corps extérieurs à mon Corps. Du point de vue du mode, il y a donc bel et bien une extériorité des choses entre elles. »

Oui, mais là je ne parle pas des choses mais des idées, et je décris surtout la théorie continuiste de James. Spinoza ne peut certes pas sauter les siècles, il est sans doute atomiste au niveau de l’idée.




5) « chez Spinoza, l'Esprit a également une essence éternelle. Le flux de modifications des idées n'existe que dans le temps, pas au point de vue de l'éternité. »

Oui enfin les choses à ce sujet sont souvent confuses. Je demande encore une fois ce que peut bien être l’essence singulière d’un individu, abstraction faite de toutes les idées, affects, émotions, réactions, comportements qu’il aura pu avoir au cours de sa vie et qu’il l’auront forgé et formé au fur et à mesure du temps. Une telle essence singulière, vide de tout contenu expérientiel, cela ressemble sensiblement à l’âme chrétienne, pure forme détachée du corps et n’ayant pour contenu de personnalité que l’irréductible singularité de sa volonté. Ou alors il y a cette fameuse expression pour déterminer l’essence éternelle : pur degré d’intensité de puissance de Dieu, par quoi on pense une essence singulière de toute éternité à la fois qualitative et quantitative. M’enfin, ce n’est pas le sujet ici.


6) « ok, mais en disant cela, encore une fois, vous acceptez l'existence réelle d'essences générales. Vous dites ensuite que celles-ci sont toujours "incarcées" dans les choses, mais vous leur donnez néanmoins une existence en soi. Pour moi, vous (= tous ceux qui sont ici d'accord à ce sujet) confondez ainsi l'inséparabilité avec l'identité. Toute propriété commune est inséparable de la chose à laquelle elle appartient. Mais elle n'est pas IDENTIQUE à cette chose, puisqu'elle n'appartient pas à l'essence de la chose. »

Personne ne soutient l’once d’ombre d’une seconde que la propriété commune est « identique » à la chose singulière, ni donc bien évidemment qu’elle en constitue à elle seule l’essence. Pour avancer il te faut répondre à ces questions : Que signifie pour toi « l’existence réelle d’essence générale » que tu refuses d’accepter ? Que signifie « une existence en soi d’essence générale » ?

7) Enfin, tu dis à Durtal : « je ne vois pas en quoi cette question pourrait être spinoziste. Un dire n'est qu'un dire, c'est-à-dire des mots, et les mots sont des images, donc des affections du corps. On ne dit pas des corps qu'ils sont vrais ou faux, dans le spinozisme, on ne le dit que des idées. »

Tu oublies complètement ce que j’ai écrit dans les post précédents, que je t’invite à relire. Une image ne peut être qu’une simple affection du corps, une modification physiologique, une nouvelle configuration physico-chimique due à un ébranlement cellulaire et neuronal. Une image, pour être image, doit avoir une imagination dans l’esprit comme corrélat. Il est dommage qu’on ne puisse pas faire de schéma. Essaie de comprendre la structure suivante : il y a l’image comme trace corporelle ; il y a l’imagination qui est la perception-affect par l’esprit de cette affection. On peut dire de l’affect et de l’affection qu’ils « sont » au sens où ils existent chacun comme un état du mode sous leur attribut. Maintenant, réalise qu’intrinsèquement, l’imagination de l’esprit réfère ou renvoie à un objet extérieur : cet objet est ce, précisément, dont l’imagination est l’image, tout comme l’idée présuppose un idéat à quoi elle renvoie pour l’esprit. Cet objet de l’image ou de l’idée est ce à quoi renvoie la perception intérieure. Il ne se réduit donc pas à celle-ci. Il y a donc :

-sous l’attribut étendue : _l’affection ; _l’objet de l’affection ; _le corps affecté.

-sous l’attribut pensée : _l’affect (qui est l’idée, ou l’imagination de l’affection corporelle, soit encore la perception par l’esprit de la modification corporelle) ; _l’objet de l’idée ou de l’imagination (qui est ce de quoi l’idée est idée, ce de quoi l’image est image) ; _l’esprit pensant.


Ainsi, il y a le mot comme signe matériel perçu par le corps ; il y a la signification que véhicule ce mot et que perçoit l’esprit parce qu’il a été habitué en percevant le mot à y associer telle idée. Et enfin il y a le signifié, qui est ce à quoi la signification renvoie, et dont le signifiant ou signe matériel est l’occasion de perception. Maintenant tu peux appliquer cette structure par toi-même à la notion commune : il y a le signe matériel « affirmation »; il y a la signification de la représentation générale « affirmation » dont le contenu définitionnel réfère à un signifié, le référent : les caractéristiques ou propriétés communes de l’affirmation; il y a l’affirmation singulière, en acte, qui constitue l’essence singulière de l’idée affirmée. Chaque « il y a », (l’allemand dit « es gibt », littéralement, « cela donne »), renvoie à une forme particulière d’existence. Il n’y a donc plus lieu de ne pas s’entendre.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 18:59

Bonjour Julien_T,

merci de tous ces précisions. Pour le moment, je ne peux que répéter ce que j'ai dit à Durtal: j'aimerais beaucoup répondre en détail, mais pour quelques jours je suis obligée de me limiter à des réponses brèves (qui certains jours, quand je travaille à la maison, peuvent venir assez rapidement lorsqu'à la première lecture d'un message je vois immédiatement et de façon déjà précise en quoi je crois ne pas être d'accord). Je m'en excuse encore une fois (si souhaité, je reprends avec plaisir tout en détail au plus tard début septembre - en attendant, il est évident qu'entre-temps je lis tous les messages dans ce fil).

Je réponds ici donc uniquement à ce qui me semble toucher au point essentiel dans mon désaccord avec votre interprétation de la propriété commune chez Spinoza.

Julien_T a écrit :Nous ne disons donc pas que ces déterminations constituent exclusivement et entièrement –intègre-le une fois pour toute- l’essence singulière de la chose. Tu te trompes complètement quant à ce que nous disons quand tu dis « Comme déjà dit, chez Spinoza, les propriétés que les choses ont en commun avec d'autres choses, ne constituent pas l'essence de ces choses ». Personne ici ne dit que la propriété commune constitue à elle seule l’essence singulière de la chose. Lorsqu’elle est mal conçue, elle peut ne rien signifier qui soit réellement caractéristique du concret duquel on la prédique. Mais lorsque nous visons dans sa vérité l’objet concret, alors on ne saisit pas juste intuitivement une essence singulière vide de tout contenu de détermination, mais au contraire nous visons en un point singulier une multitude de déterminations. La propriété « être capable de défendre son point de vue avec ardeur » n’est pas ce qui constitue totalement et uniquement l’essence singulière de Louisa, même si cela en fait partie.


Sescho et Durtal (et Joseph, quand il dit être d'accord avec vous) pourront me corriger, mais à mon avis c'est en effet ce que vous trois dites. Vous me répondez tous, d'une façon ou d'une autre, que la propriété commune constitue bel et bien l'essence singulière d'une chose, mais que d'autres choses la constituent encore, et que donc pour cette raison elle n'est pas identique à TOUTE l'essence singulières.

Deux choses réfutent à mes yeux sans aucun problème cette idée:

1. pour le cas qui nous occupe, l'affirmation, Spinoza démontre que l'essence singulière de l'idée n'est RIEN d'autre que l'affirmation, et l'affirmation RIEN d'autre que cette essence. La démo de l'E2P49 le fait explicitement: il prouve d'abord que l'affirmation enveloppe l'idée du triangle, et ensuite que l'idée du triangle enveloppe l'affirmation.

Ce que vous me dites, c'est que l'essence du triangle enveloppe l'affirmation. Si Spinoza ne disait que cela, en effet, on pourrait dire que l'essence est autre chose encore que l'affirmation, que l'affirmation singulière n'est pas à elle seule l'essence singulière toute entière. Or Spinoza y ajoute que l'affirmation elle-même enveloppe l'idée du triangle. A partir de ce moment-là, on est obligé de dire que l'essence du triangle appartient à l'affirmation. On serait tenté de dire qu'alors l'affirmation est autre chose encore que l'essence du triangle, puisque ce qui appartient à un tout n'est pas forcément l'ensemble du tout, mais peut en être une partie. Mais on ne peut pas dire cela, précisément parce qu'on vient d'établir exactement l'inverse aussi: l'affirmation appartient à l'idée du triangle. CONCLUSION de SPINOZA: l'affirmation n'est RIEN D'AUTRE que l'essence du triangle, et inversement.

2. La définition de l'essence rend tout à fait impossible l'idée qu'une propriété commune constitue une essence. Je ne pourrais pas mieux démontrer cela que Spinoza lui-même, donc je répète juste ce qu'il dit en l'E2P37: supposons que B soit à la fois une propriété commune et que B constitue l'essence d'une chose singulière A. Si elle constitue l'essence d'une chose singulière A, c'est que par définition, sans B cette chose A ne pourrait ni être ni se concevoir. Ce qui est contre l'hypothèse (que B soit une propriété commune), puisque cette propriété se retrouvant également dans une autre chose (X, Y, Z, ...), on pourrait la concevoir parfaitement en ne concevant que l'essence de X, par exemple. De même, si l'on supprime A, B continuerait certainement à exister ou à être, et cela aussi longtemps que X, Y ou Z etc existent. Par conséquent, une propriété commune ne peut PAS constituer une essence, même pas "partiellement", comme vous le prétendez tous.

Donc oui, je veux bien "intégrer une fois pour toutes" que vous interprétez Spinoza ainsi, mais je ne pourrai penser moi-même comme vous le faites qu'une fois que j'arrive à en comprendre la vérité.
Cordialement,
L.

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Messagepar Julien_T » 13 août 2008, 19:20

Aie aie aie, il faut répéter encore une fois que c’est l’affirmation singulière ayant pour contenu ce qu’affirme l’idée du triangle qui constitue l’essence singulière de cette idée singulière. Spinoza parle dans ce passage de l’affirmation singulière et pas de l’affirmation en tant que notion générale : il peut ainsi la faire recouvrir sans reste la réalité de l’idée affirmée, et vice versa. Ce n’est pas ce qui, dans l’affirmation en tant que notion générale, est commun à toutes les affirmations, qui constitue ou détermine en même temps et sous le même rapport la singularité de chaque affirmation particulière. J’ai sans doute exprimé les choses trop grossièrement. Le rapport de la détermination générale, des caractéristiques ou qualités secondes, ou encore des propriétés communes à l’individu concret duquel on les prédique n’est pas un simple rapport de partie au tout tel qu’il suffirait d’additionner une somme de qualités pour recomposer l’essence singulière. Les choses sont plus complexes et demanderaient pour être débroussaillées beaucoup de temps.

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 19:30

Louisa a écrit :

J'étais bien plutôt en train de simplement répéter mon point de vue sur cette question même: quand je dis que pour Spinoza "dire que les idées ont toutes l'affirmation "en commun" n'est qu'un dire", je référais au fait que pour lui, les universaux ne sont rien d'autre que des mots (comme je l'ai dit d'ailleurs, dans mon message ci-dessus).

Sinon on peut bien évidemment se demander si les idées signifiées par les universaux en tant que signes sont fausses ou vraies (encore une fois, c'est précisément ce qu'on est en train de faire). Mais alors selon moi il faut clairement dire qu'elles sont fausses, puisque justement, les universaux ne sont que des mots (tandis que vous tous défendez la position inverse: les universaux sont des idées vraies, ils réfèrent à quelque chose que les choses ont réellement en commun).

L.



Ca marche! Tu me réponds cette fois. Les propositions mettant en oeuvre des notions universelles sont donc selon toi systématiquement fausses. Il n'y a donc strictement plus aucune différence entre "tout homme est mortel" et "tout homme est immortel" (elles sont toutes les deux fausses en effet). De plus comme tous les énoncés généraux sont faux, toutes les règles générales le sont aussi. Donc toute physique est fausse, toute mathématique est fausse, toute logique est fausse sans parler de la grammaire, de l'orthographe, ou encore d'une certaine théorie des affects contenue dans le livre III de l'Ethique. Et, au vrai, on ne peut tout simplement pas parler sans dire quelque chose de faux. Car il n'est pas d'énoncé qui ne contienne quelque terme général.

Et il semble bien, que veux-tu, que tu te tires une balle dans le pied. Car tu avoues toi même alors que la formulation de ta thèse est fausse (du moins, j'entends bien: "à un point de vue Spinoziste" et non bien sûr au XXI siècle, car les choses ont bien changé depuis...) puisque tu te sers toi même de nombreuses notions universelles: "signe", "mot", "idée", "universaux", "vrai", "faux" etc.

Et par pitié ne réponds pas que ce que tu veux dire "est que cela ne correspond "à aucun être"" car si tu as un peu suivi la discussion, tout le monde est d'accord avec cela, et moi le premier. La seule chose est que ce n'est pas pour cette raison que toute proposition contenant des notions universelles devrait être fausse.

D.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 19:52

Durtal a écrit :Ca marche! Tu me réponds cette fois. Les propositions mettant en oeuvre des notions universelles sont donc selon toi systématiquement fausses. Il n'y a donc strictement plus aucune différence entre "tout homme est mortel" et "tout homme est immortel" (elles sont toutes les deux fausses en effet). De plus comme tous les énoncés généraux sont faux, toutes les règles générales le sont aussi. Donc toute physique est fausse, toute mathématique est fausse, toute logique est fausse sans parler de la grammaire, de l'orthographe, ou encore d'une certaine théorie des affects contenue dans le livre III de l'Ethique. Et, au vrai, on ne peut tout simplement pas parler sans dire quelque chose de faux. Car il n'est pas d'énoncé qui ne contienne quelque terme général.


je ne comprends pas tout à fait ta façon de faire. D'abord tu ne comprends pas ce que je dis, et au lieu de préciser ce que tu ne comprends pas afin que je sache quoi expliciter, tu ne prends pas au sérieux ce que je dis. Puis quand j'essaie de deviner ton problème dans ma réponse, ce que tu as visiblement compris de la réponse n'est de nouveau rien d'autre qu'une absurdité. Mais comment peux-tu croire que tu as compris ce que je voulais dire si tu ne vois que des grandes absurdités, que personne ne peut soutenir ne fût-ce qu'une seconde ... :?:

Je n'ai pas DU TOUT dit que les propositions qui utilisent des universaux sont fausses. Tu confonds les idées et les mots. J'ai simplement dit que les universaux sont avant tout des mots, donc des mouvements de corps, qui en tant que mots ne sont ni faux ni vrais. Puis j'ai dit que l'erreur ou la fausseté se produit dès que l'on se base sur l'existence d'un mot pour supposer que ce à quoi il réfère à une existence réelle (là on confond les idées avec les choses).

Mais il va de soi que l'on peut utiliser les mots d'universaux, et donc aussi les idées qui vont avec, dans n'importe quelle phrase sans rendre le sens de la phrase absurde! Il suffit de ne pas l'utiliser d'une telle façon que l'on supppose qu'ils réfèrent à quelque chose de vraie, et de bien tenir compte du fait qu'il ne s'agit que d'abstractions. C'est d'ailleurs le cas pour toute la géométrie: aucun triangle réel ne correspond à l'idée qu'en fait la géométrie, mais cela n'a pas du tout pour conséquence qu'on ne peut plus parler de triangles géométriques ... .

Ou pour le dire dans les termes de ton exemple précédent (exemple qui avait le mérité d'être aussi clair qu'agréable à concevoir ...): le problème n'est pas que dans chaque verre il y a une AUTRE olive, le problème (notre désaccord) ne concerne que la question du statut qu'il faut donner à la propriété "être préparé avec une olive".
L.

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 19:57

Julien_T a écrit :On peut dire des idéalités du nombre 3, du nombre pi, ou du rapport du nombre d’or qu’elles sont, en un sens distinct de l’existence de l’entité matérielle. Durtal dit qu’on ne peut pas dire d’une propriété commune qu’elle est un objet. Mais c’est parce qu’il a une définition et un usage restreints du terme « objet ».


On peut sans doute introduire des hiérarchies. C'est juste que je me méfie de ce genre de manipulations. J'ai été durablement traumatisé par l'épouvantable "Le concept de cheval n'est pas un concept" dans Concept et Objet de Frege.... :D.

D.

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Messagepar Enegoid » 13 août 2008, 20:07

Choses singulières ? Universaux ?

1 "D'où suit que nous devons chercher par dessus tout la connaissance des choses particulières"

2 "Il nous est nécessaire de tirer toujours toutes nos idées de choses physiques, cad d'êtres réels, allant ...d'un être réel à un autre être réel"


3 "...par suite des choses réelles, je n'entends pas la suite des choses singulières soumises au changement, mais seulement la suite des choses fixes et éternelles"

4 " En vérité ces choses singulières soumises au changement dépendent si intimement et si essentiellement des choses fixes qu'elles ne pourraient sans ces dernières ni être ni être conçues"

4 "Ces choses fixes et éternelles, bien qu'elles soient singulières, seront donc pour nous à cause de leur présence partout et de leur puissance qui s'étend au plus loin comme des universaux ou des genres à l'égard des définitions des choses singulières et comme les causes prochaines de toutes choses"


(références évidentes pour les éminents spinozistes qui échangent sur ce fil)

Dénouer l'énigme du "penser, c'est classer" !

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 20:19

Louisa a écrit :
Durtal a écrit :Ca marche! Tu me réponds cette fois. Les propositions mettant en oeuvre des notions universelles sont donc selon toi systématiquement fausses. Il n'y a donc strictement plus aucune différence entre "tout homme est mortel" et "tout homme est immortel" (elles sont toutes les deux fausses en effet). De plus comme tous les énoncés généraux sont faux, toutes les règles générales le sont aussi. Donc toute physique est fausse, toute mathématique est fausse, toute logique est fausse sans parler de la grammaire, de l'orthographe, ou encore d'une certaine théorie des affects contenue dans le livre III de l'Ethique. Et, au vrai, on ne peut tout simplement pas parler sans dire quelque chose de faux. Car il n'est pas d'énoncé qui ne contienne quelque terme général.


je ne comprends pas tout à fait ta façon de faire. D'abord tu ne comprends pas ce que je dis, et au lieu de préciser ce que tu ne comprends pas afin que je sache quoi expliciter, tu ne prends pas au sérieux ce que je dis. Puis quand j'essaie de deviner ton problème dans ma réponse, ce que tu as visiblement compris de la réponse n'est de nouveau rien d'autre qu'une absurdité. Mais comment peux-tu croire que tu as compris ce que je voulais dire si tu ne vois que des grandes absurdités, que personne ne peut soutenir ne fût-ce qu'une seconde ... :?:

Je n'ai pas DU TOUT dit que les propositions qui utilisent des universaux sont fausses. Tu confonds les idées et les mots. J'ai simplement dit que les universaux sont avant tout des mots, donc des mouvements de corps, qui en tant que mots ne sont ni faux ni vrais. Puis j'ai dit que l'erreur ou la fausseté se produit dès que l'on se base sur l'existence d'un mot pour supposer que ce à quoi il réfère à une existence réelle (là on confond les idées avec les choses).

Mais il va de soi que l'on peut utiliser les mots d'universaux, et donc aussi les idées qui vont avec, dans n'importe quelle phrase sans rendre le sens de la phrase absurde! Il suffit de ne pas l'utiliser d'une telle façon que l'on supppose qu'ils réfèrent à quelque chose de vraie, et de bien tenir compte du fait qu'il ne s'agit que d'abstractions. C'est d'ailleurs le cas pour toute la géométrie: aucun triangle réel ne correspond à l'idée qu'en fait la géométrie, mais cela n'a pas du tout pour conséquence qu'on ne peut plus parler de triangles géométriques ... .

Ou pour le dire dans les termes de ton exemple précédent (exemple qui avait le mérité d'être aussi clair qu'agréable à concevoir ...): le problème n'est pas que dans chaque verre il y a une AUTRE olive, le problème (notre désaccord) ne concerne que la question du statut qu'il faut donner à la propriété "être préparé avec une olive".
L.


A la bonne heure....nous pouvons au moins compter sur ton accord quant au fait que la phrase "Toutes les volitions ont en commun d'affirmer quelque chose" est une proposition vraie, bien qu'elle mette en œuvre des notions universelles. A charge pour toi ensuite de savoir comment on produit des propositions vraies avec des notions irréelles ou fictives, mais pour ce qui me concerne cela me suffit. Car comme cette autre proposition "l'affirmation est une propriété commune à toute volonté" signifie exactement la même chose que la première, je compte sur toi à l'avenir, pour ne plus contester ce avec quoi tu es en fait d'accord. Sinon on ne s'en sort plus. (c'est de l'humour bien sûr- je dis cela, rapport à ta remarque, sur ma" façon de faire".)

Edition: ah bah non en fait on ne peut pas compter là dessus... :( si j'en juge par ce que tu écris plus bas....


D.
Modifié en dernier par Durtal le 13 août 2008, 21:07, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 20:44

Julien_T a écrit :Personne ne soutient l’once d’ombre d’une seconde que la propriété commune est « identique » à la chose singulière


on ne va effectivement pas dire que l'olive est identique au Martini Vodka (sinon les cocktails seraient moins chers qu'ils ne le sont ... ).

L'embêtant, c'est que Spinoza lui dit bel et bien que l'affirmation singulière est identique à l'essence singulière de l'idée. Sinon il ne pourrait pas dire qu'entendement et volonté sont la même chose.

Ma conclusion: l'affirmation ne peut PAS être une propriété commune, aux yeux de Spinoza. Par conséquent, on ne peut PAS faire la "concession" qui permettait de résoudre le problème de Joseph (ou en tout cas, on ne peut pas résoudre le problème de cette façon ... raison pour laquelle j'espère que quelqu'un va un jour réfuter la solution que j'avais avancée moi-même, ou que Joseph va reconnaître son tort ... :D )
L.

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 21:01

Enegoid a écrit :Choses singulières ? Universaux ?

4 "Ces choses fixes et éternelles, bien qu'elles soient singulières, seront donc pour nous à cause de leur présence partout et de leur puissance qui s'étend au plus loin comme des universaux ou des genres à l'égard des définitions des choses singulières et comme les causes prochaines de toutes choses"


(références évidentes pour les éminents spinozistes qui échangent sur ce fil)

Dénouer l'énigme du "penser, c'est classer" !



Je me souviens avoir subit les foudres de Louisa, avec quelques autres, pour avoir osé avancer que la substance, et par conséquent les attributs (donc Dieu) étaient des propriétés communes des choses. (Mais ce n'est qu'une remarque en passant...) :D . Cela dit il est vrai que ces passages sont intéressants, ils relativisent la différence que l'on pourrait être tenté de faire entre les êtres généraux et les êtres singuliers et entre "l'irréalité" des propriétés et la "réalité" des choses. Mais il n'est peut être pas certain que cela "vide" pour autant la question des abstractions, c'est à dire, c'est du moins l'hypothèse, qu'elle est une manière de connaître la réalité (même si pas la plus parfaite manière de le faire).

D.
Modifié en dernier par Durtal le 13 août 2008, 21:19, modifié 1 fois.


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