volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Durtal
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Messagepar Durtal » 16 août 2008, 23:35

Egenoid,

Prend garde que ce mauvais esprit et ces velléités de scepticisme ne te conduisent droit au bûcher en compagnie du dénommé Korto.

Abjure les hérésies que tu professes avant qu'il ne soit trop tard....

Je consens toutefois à te répondre, mais uniquement dans l'espoir de te remettre sur le droit chemin.

Enegoid a écrit :Je suis étonné que personne n'ai jusqu'ici remarqué que dans les exemples qu'il donne des 3 genres (la règle de trois) les trois genres arrivent à une idée vraie : le chiffre 6.


Si si, moi je l'ai remarqué. Je pense en effet que c'est très important. Il faut mettre ça en perspective avec l'idée que "les imaginations "considérées en soi" ne contiennent pas d'erreur". C'est pour cela que je pense qu'a "compartimenter" les genres de connaissance, on se prépare certaines surprises.

Enegoid a écrit : A tout hasard, sur l'olive des cocktails (je n'ai pas tout lu des échanges précédents) :

1 Notion commune est basé sur le fait d'être "dans la partie et dans le tout" cf E2 38,39,40.
L'olive n'est pas présente "dans la partie et dans le tout" du corps constitué par le truc à boire. Pas de "notion commune", donc.

2 Ce qui est dans la partie et dans le tout de plusieurs corps ne peut être un corps (deux olives sont différentes). Donc, c'est autre chose. Quoi ? Une notion, donc une idée...mais une idée de quoi ?

3 Si cocktail = corps humain, alors olive = épaule, ou genou, etc.


Nan mais c'est bon là... C'était un exemple pour faire comprendre quelque chose à Louisa, je ne suis pas en train de dire que les notions communes sont des recettes de cocktails...(ou l'inverse).

cela dit pour répondre tout de même à la question: je distinguais (c'était là le but de cet exemple) la "chose" l'objet, "olive" et la propriété "être préparé avec une olive" en relation avec cet objet (l'olive). Je voulais souligner que "être préparé avec une olive" (qui est un exemple d ce que l'on nomme une "propriété") n'est pas une expression désignant un objet mais une expression désignant un concept.

Or à cet égard, bien sûr que "être préparé avec une olive" est a) une propriété commune au "Ines" au "Dirty Martini" et au "Petit Gregory", il ont en effet en commun la propriété d' "être préparé et servis avec une olive". Et b) bien sûr que cette propriété (pas l'olive hein!) est présente dans "la partie et dans le tout", puisque c'est une propriété commune à ces trois préparations. A savoir: elle est vraie de tous ( le "tout") et de chacun (les "parties").

Cet exemple est bien entendu parfaitement idiot. Mais il illustre aussi bien qu'autre chose, je pense, comment fonctionne une propriété commune. En effet, que tout cela ne s'applique pas à ce que Spinoza dit des notions commune, ne vient pas du mécanisme que je décris, mais du caractère particulier de mon exemple. Dans ce cas il ne s'agit pas de statuer sur les propriétés commune des corps, mais sur les propriétés commune de certains cocktails particuliers (dont j'ignorais moi même -à l'exception notable du "petit gregory"-jusqu'à l'existence avant d'avoir voulu "fabriquer" cet exemple).

Si maintenant on veut réfléchir véritablement sur ce que Spinoza appelle les "notions communes", qui ne sont que les propriétés communes des choses les plus générales possibles, on trouvera qu'elle fonctionne néanmoins sur un modèle analogue à celui de mon exemple idiot.

Prenons les trois premières et plus fondamentales d'entre elles: soit l'extension ( "le fait d'être étendu") le mouvement ( "le fait d'être en mouvement") et le repos ("le fait d...bon tu m'as compris...), ce ne sont pas des noms de choses mais des noms de propriétés, autrement dit des noms de concepts. Ainsi tous les corps ont en commun d'être "en mouvement", "d'être en repos" ( Spinoza a entendu parler en effet de quelque chose que l'on appelle "la relativité du mouvement") et bien sur "d'être étendus".

Seulement tout comme mon olive dans le martini, n'est pas du tout "l'objet" correspondant à "être préparé avec une olive" ( il n'y a en effet aucun objet ( disons-pour ménager certaines susceptibilités philosophiques) aucun objet de "premier ordre" de ce genre, de même, bien qu'un corps soit "étendu" "en mouvement" et "en repos", il n'est pas lui même "l'extension", "le mouvement", ou "le repos" mais nous pouvons dire pourtant "tous les corps sont étendus", "tous les corps sont en mouvement ou au repos". Parce que ce sont là des propriétés qu'ils ont tous "en commun".

D.
Modifié en dernier par Durtal le 17 août 2008, 00:50, modifié 1 fois.

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Messagepar Durtal » 17 août 2008, 00:24

Louisa a écrit :
C'est en tout cas ainsi que j'ai compris ce que Durtal voulait dire par rapport à l'individuel et la propriété, quand il a donné cet exemple. Mais comme il n'est pas certain que je le comprends de la façon dont il le voulait, voici que cette explicitation lui permettra de mieux en juger.
L.


ça marche, il me semble en effet que tu as pigé ce que je voulais dire.


D.

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Messagepar Louisa » 17 août 2008, 00:55

Durtal a écrit :ça marche, il me semble en effet que tu as pigé ce que je voulais dire.


ok, dans ce cas et en ce qui me concerne, on peut laisser de côté un instant la controverse sur les notions universelles/communes, et sur base de l'argument que tu as donné il y a quelques jours essayer de voir en quoi consisterait la "concession" dont parlait Joseph (même si c'était sympa s'il voulait bien nous le dire lui-même au lieu de nous laisser deviner ... :wink: ), et dans quelle mesure on trouve que le problème qu'il a posé est résolu ou ne se pose plus.

Mais bon, ceci n'est qu'une suggestion, bien sûr. Si vous voulez d'abord continuer à explorer le statut du commun et du singulier, pas de problème.
L

PS à Julien_T: merci de tes précisions. De prime abord, je n'y ai lu rien de choquant, donc pour l'instant je crois avoir compris ce que tu voulais dire par là. Quant à la "réalité de la généralité": il s'agit d'un malentendu. Vous avez très vite signalé que ce n'était pas ce que vous vouliez dire, ce que je crois avoir compris assez immédiatement. Ce que j'ai écrit par après se basait d'une part sur la distinction notion universelle/commune (distinction pas encore bien développée dans ce que j'ai écrite, donc probablement ce que j'y ai dit n'était pas très clair pour vous), et d'autre part sur le fait que pour moi cela ne résoud pas tous les problèmes, d'où mes questions supplémentaires. Mais donc comme je viens de le dire à Durtal, si vous voulez, on peut s'en tenir là pour le moment, et reprendre l'idée de base de Durtal (confirmée par toi-même et Sescho), pour essayer d'expliciter le lien avec le problème de Joseph - à moins que ce lien pour vous soit déjà tout à fait clair ... dans ce cas je ne peux que vous demander de bien vouloir me l'expliquer en deux mots (ou en deux pages ... à votre meilleure convenance .. :D ).

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Messagepar Durtal » 17 août 2008, 01:31

Je prépare un "pavé". Sur tout ce souk.

D.

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Messagepar Julien_T » 17 août 2008, 02:10

Le lien avec ce que disait Joseph est simple. Si Spinoza affirme qu’une capacité à affirmer une idée (comme la fameuse « ebf ») indépendamment du contenu de celle-ci n’existe pas en réalité et résulte de ce qu’on hypostasie à tort une notion abstraite, ou encore asserte que le vouloir n’existe pas indépendamment de l’entendement, ces vocables gardent néanmoins un sens objectif et il lui est possible de parler d’affirmation ou de volonté sans se contredire pour qualifier ce qui est commun à chaque affirmation ou volition singulière constituant l’essence singulière d’une idée singulière. La volonté et l’entendement sont une seule et même chose mais vue chaque fois sous deux perspectives distinctes, d’où le sens de la notion même de monisme qui consiste à penser, certes dans l’unité, des différences, c’est-à-dire à conserver celles-ci et non les abolir. Sous une certaine perspective, l’idée est conçue comme affirmation, volition : cette perspective voit en l’idée un mouvement de génération, de formation ou de constitution, bref la représentation en un sens actif et en relation à un sujet dont l’esprit, idée de l’idée, est affirmation d’affirmation. C’est à travers cette perspective que l’on peut affirmer qu’il y a une réalité objective de ce qui est commun à toute affirmation singulière. Sous une autre perspective, l’idée est conçue de façon statique comme étant un contenu de sens perçu par l’entendement, référant à un idéat et corrélatif d’une configuration singulière du corps dont elle est l’idée.
Notre contradicteur, quant à lui, est sommé de comprendre comment une réduction à l’absurde comme voie de raisonnement est possible sur la base d’affirmations singulières –et d’affirmations singulières seulement- d’idées se confrontant les unes aux autres positivement, et est renvoyé aux exigences de démonstration qui incombent à quiconque avance dogmatiquement une thèse contre une autre sans autre justification que « je suis libre de nier, tenez, j’en veux pour preuve que je nie la vérité du spinozisme : je nie, je nie, je nie. »
On ferme.

P.S : Je ne sais pas ce que certains intervenants ont voulu signifier par cette fameuse « concession », je n’ai pas suivi ce moment de la discussion.

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Messagepar sescho » 17 août 2008, 10:28

Un message pour signaler 3 nouveaux recueils d'extraits qui ont rapport à la discussion :

Propriétés

Essence, de Dieu, de mode, de genre (?) Abrégé

Entendement humain, genres de connaissance, ...


Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar Louisa » 17 août 2008, 12:42

A Sescho: merci!

A Julien_T: ok, mais là à mes yeux nous opposons simplement la conception spinoziste de l'affirmation à une conception qui se base sur la logique formelle. Juste opposer les deux ne permet pas de trancher, ne permet pas de dire laquelle des deux est vraie et laquelle est fausse. Joseph prétendait que la conception spinoziste est fausse. Cela signifie qu'on ne peut pas se contenter de juste bien l'expliquer (ce qui était nécessaire aussi, bien sûr), encore faut-il pouvoir montrer en quoi c'est Spinoza qui a raison, si c'est ce qu'on trouve. Il me semble que certains (dont Joseph lui-même) ont eu l'impression que par le message de Durtal qui a donné lieu à ce long échange sur les notions universelles, on avait trouvé cette preuve. C'est pourquoi je me demande en quoi elle consistait plus précisément, ou quel en était le raisonnement. Or je suppose que Durtal va en dire plus dans le "pavé" qu'il nous prépare .. :D
L.

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Messagepar Julien_T » 17 août 2008, 13:33

Mais précisément Louisa, tu ne peux que te contenter d’opposer la conception spinoziste à celle que ton contradicteur se contente lui-même d’opposer. Il n’y a guère à ajouter à ce qui vient d’être résumé. Notre seule tâche peut être d’expliciter la conception spinoziste afin d’aider qui veut à la comprendre, mais tu ne pourras pas « démontrer » ou prouver la vérité de ces questions puisque nous sommes, je le répète, à un niveau définitionnel. Le holisme spinoziste, je te le rappelle, est celui qui ouvrira la voie aux idéalismes allemands : tu ne pourras démontrer la vérité de ces définitions qu’en démontrant la validité du système dans sa totalité. Ce qui n’implique pas nécessairement la reprise linéaire dans le même ordre de la série de propositions déductives de Spinoza à partir de Dieu. Il peut y avoir plusieurs entrées, notamment à partir d’intuitions primitives dont on pourrait établir une certaine universalité. En tout cas, je te souhaite bien du courage si tu entreprends un tel travail sur un forum à coups de messages de quelques paragraphes !


(Edit: Mon Dieu, j'ai corrigé d'énormes coquilles pour ceux à qui ça a pu piquer les yeux!)
Modifié en dernier par Julien_T le 18 août 2008, 07:20, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 18 août 2008, 02:14

Julien_T a écrit :Notre seule tâche peut être d’expliciter la conception spinoziste afin d’aider qui veut à la comprendre, mais tu ne pourras pas « démontrer » ou prouver la vérité de ces questions puisque nous sommes, je le répète, à un niveau définitionnel. Le holisme spinoziste, je te le rappelle, est celui qui ouvrira la voie aux idéalismes allemands : tu ne pourras démontrer la vérité de ces définitions qu’en démontrant la validité du système dans sa totalité.


il est certes tout à fait nécesaire de prendre en compte l'ensemble des définitions, axiomes et propositions pour pouvoir comprendre la véritable portée de tel ou tel passage, dans le cas du système spinoziste.

Et en effet, je crois que les définitions souvent sont purement nominales, et partant ont besoin d'autre chose qu'elles-mêmes avant que leur vérité soit prouvée.

Mais que signifie "prouver une vérité" en philosophie? A mon avis, deux choses:

1. la vérité intervient avant tout dès qu'il s'agit de proposer l'une ou l'autre interprétation du texte. Une interprétation doit être maximalement cohérente avec l'ensemble de la pensée dans laquelle le passage interprété s'inscrit, et cette cohérence doit posséder une validité "intersubjective" avant de pouvoir être appelée "vraie". Cela implique qu'avoir l'impression d'avoir tout compris de Spinoza, d'être certain que ce qu'on a compris est l'ultime vérité du spinozisme, tout en n'étant pas capable d'expliquer cette interprétation ou de convaincre d'autres lecteurs avertis de la vérité de son interprétation, cela relève de la croyance, et non pas d'une vérité philosophiquement attestée.

2. la vérité intervient également là où un auteur réfère explicitement à un fait dans le monde, et prétend donner tous les éléments nécessaires pour pouvoir vérifier, en tant que lecteur, l'existence de ce fait. Cela n'arrive pas toujours, en philosophie, mais cela arrive. C'est même très fréquent chez Spinoza, qui répète régulièrement qu'il ne dit rien d'autre que ce que l'EXPERIENCE nous montre déjà. Cela ne veut pas dire que l'expérience subjective en question existe toujours déjà, même avant d'avoir lu Spinoza. Il se peut qu'il s'agit d'une expérience que le lecteur est invité à faire activement, avant de juger de la vérité de l'énoncé en question. Toujours est-il qu'il s'agit d'une référence claire à quelque chose hors du texte.

A mon sens, c'est exactement ce qui se passe quand Descartes et Spinoza soulignent que nous ne sommes pas libre de comprendre ou d'affirmer quelque chose. Ils nous demandent non pas de les croire sur parole, mais de vérifier chez nous-mêmes comment les choses se passent réellement. Et alors en effet, on constate qu'il est impossible de croire faux ce dont on vient de comprendre entièrement la vérité. Comme tous les exemples donnés pas différents intervenants dans ce fil l'ont illustré: on ne peut pas nier ce dont on sait que c'est vrai, du moins pas réellement nier, ce sera toujours un "faire comme si" ce n'est pas vrai, sachant que c'est bel et bien vrai.
En ce qui me concerne, je crois qu'effectivement tout le monde a déjà fait et sait facilement refaire ce genre d'expériences. Ce n'est donc que quand quelqu'un arriverait qui disait que non, chez lui cela ne marche pas, qu'il faudrait commencer à douter. En attendant, nous sommes obligés de dire que concernant ce point précis, Spinoza a raison, ce qu'il dit est vrai.

C'est pourquoi aussi il me semble que ceci est la seule réelle vérité que l'on peut opposer au problème soulevé par Joseph. C'est la réalité elle-même qui oblige d'accepter la vérité d'une non séparabilité entre l'affirmation (au sens d'adhésion/croyance) d'une idée et le sens de l'idée. Une fois compris l'idée, on y adhérera inévitablement, si on a compris l'idée comme étant vraie.

On peut essayer d'expliquer par l'interprétation ce que Spinoza veut dire plus précisément par l'affirmation, quel est chez lui le rapport entre le commun et le singulier etc, mais à part d'être fort intéressante, je ne vois pas comment ce genre d'explications pourrait nous approcher du vrai. Mais encore une fois, si je l'ai bien compris Durtal pense avoir trouvé néanmoins un moyen pour ce faire, donc il faudrait peut-être attendre son développement à ce sujet avant de pouvoir s'en tenir simplement à ce que je viens de dire moi-même. Toujours est-il que ceci constitue à mes yeux une véritable réfutation de l'objection de Joseph, prouvant la fausseté de son hypothèse (QUAND on respecte le sens proprement spinoziste des termes) et la vérité de la thèse spinoziste. Mais bon, ici aussi on ne pourra décider définitivement que lorsque Joseph veut bien nous dire dans quelle mesure il est convaincu et donc d'accord ou non ... .
L.

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Messagepar Julien_T » 18 août 2008, 07:58

Cette expérience de la certitude et de la cohérence de nos idées entre elles (soit de la cohérence de nos affirmations avec le contenu des idées que nous jugeons) que tu appelles de tes vœux pour « prouver la vérité de la thèse spinoziste » ne reste précisément qu'une expérience. Ton interlocuteur peut non seulement ne pas faire cette expérience, soit, si tu dis vrai, interpréter différemment celle qu’il a sous les yeux, mais il peut en outre, s’il reconnaît la même expérience que toi, refuser la portée épistémique de ce qui apparaît à sa conscience tel que tu le décrit. Le sentiment de certitude n’est malheureusement qu’un sentiment, bien présent à l’endroit de nos erreurs les plus grossières. Décrire ce qui apparaît à une conscience lorsque quelque chose comme une « affirmation » se constitue reste sujet à des descriptions et interprétations très diverses. Le rêve, l’hallucination, le mensonge à soi sont des expériences dont l’interprétation phénoménologique ne vérifie pas pour tout le monde la vérité de la thèse spinoziste. De même, il est naïf de croire résoudre le problème d’une certaine imagination créatrice affirmant des énoncés sans y croire par la seule force de l’expérience que chacun devrait faire de ce qu’on ne peut qu’affirmer une idée qu’on tient pour vraie. Il est difficile aussi de penser la diversité des types d’actes de croyances et celle de leurs degrés d’intensité lorsqu’on réduit tout à la simple opposition entre une affirmation/adhésion certaine du vrai qu’elle affirme et l’affirmation formelle ou nominale qui n’est qu'un jeu de langage vide d’expérience intérieure de sentiment de certitude référençant intrinsèquement à la portée véritative de l’énoncé. Donc ici, le problème n’est pas d’établir la vérité d’une interprétation du spinozisme (ce n’est que la première étape) mais d’interpréter le fonctionnement de la conscience elle-même, y compris à travers ses opérations dites « logiques ».


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