La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 02 janv. 2009, 15:50

Louisa a écrit :
Bonjour Sinusix,
Je crois qu'avec ce que vous dites ici, on a effectivement une troisième conception de la puissance, qui n'est pas immédiatement réductible à celle d'Aristote.
Conclusion: ok, vous me le direz si ce n'est pas le cas, mais je crois maintenant avoir mieux compris votre exemple du marathon, et il me semble qu'on a ici effectivement une conception de la puissance qui est ni exactement aristotélicienne, ni celle que je proposais moi-même. La question devient donc: dans quelle mesure cette conception serait-elle spinoziste (c'est-à-dire, dans quelle mesure peut-on la fonder dans le texte de Spinoza, comment établir un lien et dans quelle mesure peut-on dire que celui-ci est solide).


Bonjour Louisa,

Sur ce sujet de savoir si cette conception de la puissance serait spinoziste (et bien qu'en l'occurrence, par cette interrogation ainsi formulée) vous sembliez employer à mon égard la même méthode que vous reprochez par ailleurs à Sescho d'adopter, je retrouve ce passage de M. Guéroult - Spinoza I - Chapitre VIII Le Dieu Cause - paragraphe VI a) :
Ainsi, l'être infiniment infini doit posséder la puissance maxima de se manifester, maximum qui n'est pas seulement en quelque sorte extensif, c'est-à-dire comportant l'infinité infiniment infinie des modes, mais en quelque sorte aussi intensif, c'est-à-dire comportant le plus haut de gré de la force interne du manifester (d'où le caractère de l'idée de Dieu d'avoir le maximum de force affirmative).
Il s'agit certes d'un propos concernant la puissance de Dieu, mais il n'est pas inconcevable, compte tenu de "l'homothétie" essence/puissance entre Dieu et l'homme, que le dualisme de la définition ainsi mis en exergue ne soit pas transposable à l'homme.

Louisa a écrit :
On a donc:
- invariabilité de l'intensité de la puissance
- variabilité de l'extension de la puissance
- et par conséquent : une augmentation ou diminution de la puissance qui ne se situe qu'au niveau de l'extension, et non pas au niveau de l'intension.


J'aurais écrit :
- invariabilité de la puissance, en tant que "grandeur" intensive,
- variabilité de la puissance, en tant que "grandeur" extensive,
- et par conséquent........

Mais l'idée y est bien.

Louisa a écrit :
Encore une fois, en tant que conception de la puissance cela me semble être parfaitement cohérent et plausible. Mais je continue à avoir un problème lorsqu'il s'agit d'appeler cette conception "spinoziste". Pourquoi?

D'abord parce qu'à première vue, je ne vois pas très bien à quoi on pourrait faire correspondre cette distinction de l'intensité et de l'extensivité/extension chez Spinoza. Hokousai a déjà suggéré que ce que vous appelez ici intensité pourrait par exemple référer à la Raison: tous les hommes sont dotés de la Raison, mais les uns l'utilisent beaucoup plus que les autres, ce qui signifie que chez ceux qui ne l'utilisent pas trop, elle serait néanmoins tout autant présente que chez ceux qui l'utilisent "maximalement".


Mais enfin, même Spinoza revenant chez nous en ce début d'année 2009 ne pourrait vous dire que la distinction de Raison entre les êtres (attention aux idées universelles chimères) n'est pas reliée à un quantum d'utilisation uniquement, mais à un potentiel. N'est pas Francis Wolff ou Alain Connes qui veut, et travailler beaucoup n'a jamais conduit inéluctablement à l'ENS. On ne peut rien comprendre si on reste dans le domaine fumeux des concepts équivoques.

Louisa a écrit :
ok, après relecture de cette proposition, je crois avoir compris comment la lire telle que vous le proposez. D'abord, encore une fois, la conception de l'existence que vous développez ici me semble, considérée en elle-même, être tout à fait cohérente et intéressante. Néanmoins, je continue à penser qu'elle n'est pas spinoziste. Voici pourquoi.

Mon problème est double:
1. d'abord Spinoza dit que ce qui constitue l'essence de l'idée singulière que je suis (autrement dit mon Esprit), ce sont mes idées adéquates et inadéquates. Comment ces idées pourraient-elle déjà exister avant que je ne naisse, si pour vous il est absurde de dire que l'ensemble de ces idées (= l'idée singulière que je suis) ne pourrait pas déjà exister avant que je ne naisse?


Justement, rappelez-vous mon exemple de l'ensemble des parties (autre figuration pour exemple de E2P8), toutes les idées sont en Dieu de toute éternité. En revanche, le "regroupement spécifique" de certaines de ces idées qui va caractériser Louisa ne sera effectif que quand Louisa existera. En tant qu'être humain, Louisa ne peut rien "inventer ex nihilo" qui ne soit pas déjà exprimé dans la Nature.

Je passe sur le 2., qui se rattache au 3ème genre, auquel mon entendement ne me donne pas accès à cette heure. Je remts donc à plus tard.

Louisa a écrit :
Bien sûr, moi aussi je suis enfant du XXe siècle, donc de prime abord moi aussi j'ai la même réaction que n'importe qui sur ce forum: non, moi je ne sens absolument pas que je suis éternelle, je suis certaine de ne pas avoir existé avant ma naissance, et je ne crois pas que je continuerai à "exister en acte" après ma mort. Or pour moi cela signifie juste qu'il va falloir réfléchir un peu avant de pouvoir bien comprendre ce que Spinoza dit, on ne peut pas déjà dire que du point de vue du spinozisme, nous ne sommes pas éternels, notre essence ou l'idée singulière que je suis n'existe pas éternellement en Dieu et donc aussi avant ma naissance etc. Ce qui nous paraît de prime abord absurde à nous, lecteurs de Spinoza, à mes yeux ne peut absolument pas être un critère pour pouvoir savoir ce que Spinoza dit. Je crois que si Spinoza dit des choses qui à nos yeux sont des absurdités, il faut tout simplement pouvoir le reconnaître. Cela n'a rien à voir avec l'hypothèse formulée par Vieordinaire, et qui consiste à dire que Spinoza trouverait lui-même absurde ce qu'il propose. Cela signifie juste qu'on ne peut pas réfuter une interprétation qui se base sur le texte simplement en disant que Spinoza ne peut pas avoir dit cela parce que pour nous cette idée est devenue absurde (pourtant, il est clair que ces derniers temps ce type de réfutations est très présent sur ce forum, qu'on pense à certaines choses écrites par Durtal, Sescho, Vieordinaire et autres).


Pour ce qui me concerne, je ne dirais pas que cela est absurde, mais je ne cherche pas, comme vous semblez faire, à essayer de comprendre, car je "pressens" que, dans cette dernière partie, Spinoza passe au niveau des croyances et non des faits analysables par l'entendement. Or, comme l'a si bien dit Proust, Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas.
La cinquième partie de l'Ethique connaît une accélération stupéfiante du processus démonstratif, qui plus est "ésotérique", voire mystique. Il semble relever d'une expérience personnelle incommunicable, dont j'observe que la non occurrence chez moi, faute de la "grâce" associée, ne m'interdit pas de comprendre pour approuver, ou d'approuver intuitivement sans avoir encore compris, les quatre premières parties.
Je conçois dans ces conditions d'opposition entre, la force démonstrative et la rigueur des quatre premières parties d'une part, l'envolée "fumeuse" de la cinquième d'autre part, qu'on puisse s'interroger sur l'objectif de Spinoza, à savoir : terminer sans y croire avec une explosion ludique, ou résumé, faute de temps, d'une "vision" inabordable pour les autres.

Louisa a écrit :
Spinoza dit en tout cas qu'il a trouvé un moyen pour communiquer cette expérience, c'est même la raison principale pour laquelle il dit avoir écrit son oeuvre. Ceci étant dit, je ne crois pas qu'il faille d'abord avoir eu l'une ou l'autre expérience singulière du troisième genre avant de pouvoir comprendre ce que Spinoza en dit. Si c'était le cas, l'Ethique serait un livre totalement ésotérique, compréhensible uniquement pour ceux qui pensaient déjà comme Spinoza, ce que la méthode du more geometrico à mon sens conteste de manière absolue.

Par conséquent, il n'y a qu'un moyen pour essayer de mieux comprendre en quoi consiste le troisième genre de connaissance et donc la Béatitude spinoziste: c'est d'essayer d'analyser collectivement le texte, d'en donner des interprétations différentes et de comparer celles-ci à l'aide d'arguments et d'objections etc.


Personnellement, et comme vous le voyez, je pense que nous pouvons tout à fait en convenir pour les quatre premières parties (qui génèrent déjà tant de discordance). Pour la cinquième, c'est inutile (cf. Proust), autant vouloir démontrer à Benoît XVI que son Dieu n'existe pas !

louisa a écrit :
Spontanément, on a tendance à s'identifier à ses idées, et donc remettre en cause ces idées est ressenti comme n'étant rien moins que de mettre en cause l'identité même de celui à qui l'on s'adresse (et je crois que longtemps, notamment sur ce forum, j'ai moi-même très fort sous-estimé ce phénomène).


Vous dîtes cela souvent, et je crois que, ce disant, vous confondez peut-être aussi, ce qui peut expliquer cela, idées et croyances. Hormis les cas professionnels et politiques, qui sont majoritaires, où le "kriegspiel" des idées et opinions n'est que le support des jeux de rôles et de pouvoir, il n' y a aucune raison qu'il s'agisse là d'une loi, fort heureusement. Et je pourrais citer autant de contre exemples de personnes ayant évolué sans avoir le sentiment de "perdre leur peau".

PS : je raccroche à ce message la rencontre d'une difficulté en relisant le passage ci-dessous de E1P17S : "Car le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle. Par exemple, un homme est cause de l'existence et non de l'essence d'un autre homme ; car celle-ci est une vérité éternelle : et c'est pourquoi selon l'essence ils peuvent tout à fait convenir ; mais, dans l'exister, ils doivent différer ; et c'est la raison pour laquelle, vienne à périr l'existence de l'un, celle de l'autre n'en périra pas pour autant ; mais, si l'essence de l'un pouvait être détruite et devenir fausse, se trouverait détruite l'essence de l'autre. C'est pourquoi une chose qui est cause d'un effet, tant de son essence que de son existence, doit différer d'un tel effet sous le rapport tant de l'essence que de l'existence.
Or, puisque nous avons conclu d'E2D2 et d'E2P37 aux essences strictement singulières, nous semblons pouvoir appliquer aux choses singulières le rapport causal, tant au niveau de l'existence que de l'essence. Et si Pierre diffère de Marie, sa mère, il ne peut le faire que selon l'existence, et non selon l'essence. C'est dire alors que l'essence de Pierre et l'essence de Marie ne diffèrent pas totalement, c'est donc dire qu'elles ont quelque chose en commun !!!

Cent fois sur le métier...............

Amicalement,
L.[/quote]

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Messagepar Louisa » 02 janv. 2009, 16:16

Sinusix a écrit :Sur ce sujet de savoir si cette conception de la puissance serait spinoziste (et bien qu'en l'occurrence, par cette interrogation ainsi formulée) vous sembliez employer à mon égard la même méthode que vous reprochez par ailleurs à Sescho d'adopter, je retrouve ce passage de M. Guéroult - Spinoza I - Chapitre VIII Le Dieu Cause - paragraphe VI a) :
Ainsi, l'être infiniment infini doit posséder la puissance maxima de se manifester, maximum qui n'est pas seulement en quelque sorte extensif, c'est-à-dire comportant l'infinité infiniment infinie des modes, mais en quelque sorte aussi intensif, c'est-à-dire comportant le plus haut de gré de la force interne du manifester (d'où le caractère de l'idée de Dieu d'avoir le maximum de force affirmative).
Il s'agit certes d'un propos concernant la puissance de Dieu, mais il n'est pas inconcevable, compte tenu de "l'homothétie" essence/puissance entre Dieu et l'homme, que le dualisme de la définition ainsi mis en exergue ne soit pas transposable à l'homme.


Bonjour Sinusix,
juste rapidement une remarque par rapport à ceci.
Disons que je "reprocherais" (sauf qu'il ne s'agit pas d'un reproche, mais d'une conception de méthode divergente et qui se discute, ou qui devrait se discuter au lieu de la "psychologiser") à ce que vous faites ci-dessus la même chose qu'à la méthode pratiquée régulièrement par Sescho (telle que je la comprends pour l'instant): vous formulez une thèse interprétative ("chez Spinoza il y a un usage de la notion de puissance tel qu'il y a réellement ("ontologiquement") du potentiel"), vous donnez une citation qui selon vous a un rapport avec cette thèse, vous reconnaissez même qu'elle ne s'applique pas vraiment à ce dont discutons (l'homme a-t-il une puissance "en puissance", c'est-à-dire une puissance qui parfois n'est pas entièrement réalisée, ou non?), et vous concluez que votre thèse n'est "pas inconcevable".

Or je suis tout à fait d'accord pour dire que votre thèse n'est pas inconcevable, sinon on ne serait pas en train d'en discuter. Seulement, pour pouvoir savoir s'il y a une "puissance en puissance" chez Spinoza, donc une potentialité ontologique, il me semble qu'on ne peut pas sauter l'étape de l'argumentation, comme vous le faites ci-dessus. Une citation, isolée ou insérée dans une série d'autres, peut "suggérer" un lien entre votre interprétation et le texte de Spinoza, mais lorsqu'il s'agit de vérifier la nécessité de ce lien, il faut expliciter les arguments qui permettent de passer de l'un à l'autre, sinon je ne vois vraiment pas comment aller plus loin que de juste dire que cette interprétation "n'est pas inconcevable" (car toujours, lorsqu'on en reste à la suggestion, d'autres interprétations sont tout autant concevables).

Bien sûr, on peut contester cette méthode (c'est ce que j'espère qu'on va réellement faire, lorsqu'on n'est pas d'accord avec elle), et il est évident que dire que ceci est la méthode que l'on croit être la plus pertinente ne signifie pas encore qu'on est soi-même un expert dans son application. Cela veut juste dire que vous pouvez me demander à n'importe quel moment de montrer davantage, d'expliciter davantage le lien entre telle ou telle interprétation que je propose et le texte spinoziste, et qu'alors je ne peux pas vous répondre "qu'il suffit de lire le texte" ou que si vous voulez plus d'arguments, c'est que sans doute vous avez quelque chose contre moi personnellement. C'est juste cela, sans plus.

Par conséquent, si vous trouvez qu'ici je n'applique pas très bien la méthode que je préconise, je vous remercie déjà de m'expliquer pourquoi vous le trouvez, car cela ne pourra que me permettre de progresser dans l'apprentissage même de l'application de cette méthode.

A bientôt pour une réponse à la suite de votre message!
Amicalement,
L.

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Pertinence de la notion de potentiel

Messagepar sescho » 02 janv. 2009, 20:13

Une contribution présentée sous forme didactique, sans prétention :

La notion de potentiel est évidemment (en tant que pertinente et donc utile et donc vraie en quelque part) au cœur de l’éthique et donc de l’Ethique. Le potentiel, c’est la base de tout enseignement spirituel, c’est la « bonne nouvelle. » C’est aussi la voie (E5P42S) que montre le Maître, ou la Raison ; les deux avec Spinoza.

Spinoza a écrit :TRE : (5) Ici je veux seulement dire en peu de mots ce que j'entends par le vrai bien, et quel est le souverain bien. Or, pour s'en former une juste idée, il faut remarquer que le bien et le mal ne se disent que d'une façon relative, en sorte qu'un seul et même objet peut être appelé bon ou mauvais, selon qu'on le considère sous tel ou tel rapport ; et de même pour la perfection et l'imperfection. Nulle chose, considérée en elle-même, ne peut être dite parfaite ou imparfaite, et c'est ce que nous comprendrons surtout quand nous saurons que tout ce qui arrive, arrive selon l'ordre éternel et les lois fixes de la nature. Mais l'humaine faiblesse ne saurait atteindre par la pensée à cet ordre éternel ; l'homme conçoit une nature humaine de beaucoup supérieure à la sienne, où rien, à ce qu'il lui semble, ne l'empêche de s'élever ; il recherche tous les moyens qui peuvent le conduire à cette perfection nouvelle ; tout ce qui lui semble un moyen d'y parvenir, il l'appelle le vrai bien ; et ce qui serait le souverain bien, ce serait d'entrer en possession, avec d'autres êtres, s'il était possible, de cette nature supérieure. Or, quelle est cette nature? nous montrerons, quand il en sera temps que ce qui la constitue, c'est la connaissance de l'union de l'âme humaine avec la nature tout entière. Voilà donc la fin à laquelle je dois tendre : acquérir cette nature humaine supérieure, et faire tous mes efforts pour que beaucoup d'autres l'acquièrent avec moi ; en d'autres termes, il importe à mon bonheur que beaucoup d'autres s'élèvent aux mêmes pensées que moi, afin que leur entendement et leurs désirs soient en accord avec les miens…

CT2Ch4 : (5) Nous avons déjà dit que toutes choses sont nécessaires, et que dans la nature il n'y a ni bien ni mal ; aussi, lorsque nous parlons de l’homme, nous entendons parler de l'idée générale de l'homme, laquelle n'est autre chose qu’un être de raison (Ens rationis). L'idée d'un homme parfait, conçue par notre esprit, nous est un motif, quand nous nous observons nous-mêmes, de chercher si nous avons quelque moyen d'atteindre à cette perfection.

(6) C'est pourquoi tout ce qui peut nous conduire à ce but, nous l'appelons bien ; tout ce qui nous en éloigne ou n'y conduit pas, mal.

(7) Il faut donc, pour traiter du bien et du mal dans l'homme, connaître d'abord l'homme parfait ; car, si je traitais du bien et du mal dans un homme particulier, par exemple Adam, je confondrais l’être réel avec l’être de raison, ce que le philosophe doit soigneusement éviter, pour des raisons que nous dirons plus loin.

Lettre 21 à Blyenbergh : ... quand nous considérons la nature d’un homme emporté par le libertinage, et que nous comparons l’état actuel de son désir avec son état passé, ou avec le désir qui anime l’homme de bien, nous affirmons que le débauché est privé d’un désir meilleur que celui qui l’entraîne, parce que nous pensons qu’un désir vertueux convient actuellement à sa nature. Mais il faudra bien écarter cette pensée, si l’on considère la nature des décrets et de l’intelligence de Dieu ; car à ce point de vue, un désir vertueux ne convient pas plus à la nature de l’homme débauché qu’à celle du diable ou d’une pierre. ...

E4Pré : … Le bien et le mal ne marquent non plus rien de positif dans les choses considérées en elles-mêmes, et ne sont autre chose que des façons de penser, ou des notions que nous formons par la comparaison des choses. Une seule et même chose en effet peut en même temps être bonne ou mauvaise ou même indifférente. La musique, par exemple, est bonne pour un mélancolique qui se lamente sur ses maux ; pour un sourd, elle n’est ni bonne ni mauvaise. Mais, bien qu’il en soit ainsi, ces mots de bien et de mal, nous devons les conserver. Désirant en effet nous former de l’homme une idée qui soit comme un modèle que nous puissions contempler, nous conserverons à ces mots le sens que nous venons de dire. J’entendrai donc par bien, dans la suite de ce traité, tout ce qui est pour nous un moyen certain d’approcher de plus en plus du modèle que nous nous formons de la nature humaine ; par mal, au contraire, ce qui nous empêche de l’atteindre. Et nous dirons que les hommes sont plus ou moins parfaits, plus ou moins imparfaits suivant qu’ils se rapprochent ou s’éloignent plus ou moins de ce même modèle. …

TTP4 : … l’idée de Dieu nous enseigne que Dieu est notre souverain bien, que la connaissance et l’amour de Dieu sont la fin dernière où il faut diriger tous nos actes. C’est là ce que l’homme charnel ne peut comprendre ; ces préceptes lui semblent choses vaines, parce qu’il n’a de Dieu qu’une connaissance imparfaite, parce qu’il ne trouve dans ce bien suprême qu’on lui propose rien de palpable, rien d’agréable aux sens, rien qui flatte la chair, source de ses plus vives jouissances, parce qu’enfin ce bien ne consiste que dans la pensée et dans le pur entendement. Mais pour ceux qui sont capables de comprendre qu’il n’y a rien dans l’homme de supérieur à l’entendement ni de plus parfait qu’une âme saine, je ne doute pas qu’ils n’en jugent tout autrement. …

… ce n’est qu’après avoir connu la nature des choses et déjà goûté l’excellence de la science qu’il est possible de poser les bases de la morale et de comprendre la véritable vertu. …

Montrer que la liberté humaine (celle de Dieu est en tout, celle de l’homme n’est pas assurée ; elle implique son contraire : la servitude) se tient dans le déterminisme c’est en fait dire que la liberté humaine est déterminée, c’est-à-dire qu’elle répond à des lois précises.

Donc, non content que cette notion n’est pas incompatible avec le fait que toute chose se fait suivant la nature de Dieu, l’être souverain et parfait, mais elle y est fondée. L’éthique ne se distingue de la morale moralisante (en supposant que celle-ci soit pertinente en tant que morale ; elle est forcément non-pertinente en tant que moralisante) qu’en ce qu’elle exclut le reproche, l’accusation, puisqu’elle nie le libre-arbitre (mais elle comprend le jugement, celui-ci étant entendu comme factuel et donc non chargé d’une quelconque accusation.) L’éthique retient tout le reste, non comme objet de reproche, donc, mais comme objet d’étude et de progrès personnel (si la Raison trouve quelque force, car il n’y a pas plus de libre-arbitre dans le progrès que dans la régression, et un état donné, aussi impuissant soit-il, se maintient par l’aveuglement qui le constitue.)

De la confusion entre le point de vue de Dieu et le point de vue de l’Homme chez Spinoza s’ensuit une collection de contresens. L’entendement humain n’a que peu à voir avec l’entendement divin, et pour autant cela constitue sa seule véritable puissance propre. La Raison c’est ce qu’il y a de meilleur en l’Homme, et dans « être de Raison » il y a « Raison ». L’erreur que dénonce Spinoza, ce n’est donc pas du tout d’utiliser les êtres de Raison (et les notions générales, ou « essences de genre », ou « essence commune ») - il le fait lui-même en permanence car c’est même nécessaire à la Raison ; s'il est en pleine contradiction performative autant aller voir ailleurs... - ; ce qu'il dénonce c’est de confondre les êtres de Raison avec les êtres réels. C’est en particulier de forger de faux êtres réels avec ce qui n’est qu’une notion générale, comme d’ériger en faculté la Volonté, ou de faire du « bien » ou du « mal » des entités « solides », des propriétés des choses.

A part Dieu en mouvement, il n’y a de réel que les corps et les idées. Dieu connaît cela tel qu’il est mais c’est inaccessible à l’Homme, qui n’est pas Dieu mais une fraction de Dieu seulement (il n’a pas de connaissance adéquate de quelque chose singulière que ce soit, hormis éventuellement des idées adéquates si on veut les considérer comme singulières.) L’homme ne connaît de prime abord que sur la base des sensations et celles-ci sont inadéquates à tout point de vue (E2P19-29), sauf en ce qu’elles autorisent l’émergence des notions communes. Ce qui est accessible clairement à l’Homme est commun à tous les hommes et est indiqué par le raisonnement juste, sur la base axiomatique de ces notions communes. La perception intuitive, directe, non verbalisée, de ce que dégage le raisonnement est la connaissance ultime, dite du troisième genre, dont la base essentielle – et à pas mal d’égards suffisante – est la conscience de la réalité de Dieu - la Nature, souverain et parfait en toute chose, quelle qu’elle soit. A part la conscience de Dieu, seules des lois (éternelles) sont accessibles clairement à l’Homme, lesquelles lois « traversent » les phénomènes qui modifient les choses singulières. Les choses singulières peuvent être vue clairement sous l’angle de l’éternité en tant qu’elles dérivent de Dieu, du Mouvement et de ses lois, quoiqu’elles soient, mais pas dans leur essence propre, qui est inatteignable.

Si l’on veut bien lire avec attention les extraits sur la connaissance, ceci est clairement largement surdéterminé par le texte de l’œuvre de Spinoza.

Donc, tant les êtres de Raison (Bien, Mal, Puissance, Impuissance, Liberté, Servitude, …) que les notions générales (pertinentes : Homme, Corps, Entendement, Idée, Désir, Joie-Tristesse, … il n’y a que cela dans l’Ethique puisque la Raison ne peut connaître le singulier en tant que singulier et qu’il n’y a que la Raison dans l’Ethique) correspondent à des réalités (alors même que ce ne sont pas des êtres réels) et sont nécessaires ou simplement utiles à l’exercice de la Raison.

Les notions générales traduisent ce qui est clairement identifiable comme essence commune à une certaine classe d’objet (ceci va avec cela, mais le fait est que l’on comprend), et qui en plus permet de distinguer ce qui relève de l’essence propre – commune à tous les individus du genre – de ce qui relève de l’essence « hybridée » par des essences étrangères, qui est confuse (remémoration, imagination) et dépend pour chaque individu des circonstances extérieures cumulées de sa vie (ce qui est directement contraire à une conscience de l’éternité chez l’Homme, du fait de la confusion, quoiqu’éternel comme tout en Dieu.)

Les êtres de Raison sont en fait des auxiliaires de Raison qui objectivent des lois en créant des entités abstraites (qui valent autant que ces lois s’ils sont pertinents, et à nouveau pas pris pour des êtres réels, solides.) Et ces lois sont réelles ; elles sont l’essence même du Mouvement, qui existe éternellement. C’est ainsi que naît la notion de potentiel et ce qu’elle représente de réel (ou d’existant, si l’on confine le mot « réel » aux choses singulières.) Elle est utilisée y compris en Physique.

Il est facile de montrer que nous utilisons en fait en permanence cette notion, et ce avec Raison. Supposons par exemple que je sois malade et que je décide d’aller chez le médecin pour recevoir des soins. Qu’est-ce qui me fait considérer comme « malade » et d’aller consulter ? La conscience d’avoir le potentiel d’être en meilleure santé. Et aller chez le médecin m’en donne confirmation de fait en rehaussant la puissance propre de mon corps ainsi que je le souhaite. Le terme « meilleure santé » lui-même correspond à une échelle de valeur du corps, qui n’est pourtant pas en acte au moment où je la considère, et qui pourtant m’y conduit. Il y a là « deux » lois : 1) que je souhaite naturellement cet état de « meilleure santé, » ce qui est permanent, 2) qu’il y a un chemin identifiable par la Raison vers la meilleure santé (ce qui n’est pas assuré d’emblée.) La bonne santé, ou la meilleure santé, je l’appelle « bien », la mauvaise santé, ou la moins bonne santé, « mal, » et la Raison « voie de meilleure santé, » comme équivalant aux deux lois réelles précédentes.

Le jugement de valeur vient d’une loi qui s’applique aux hommes et pas à Dieu, mais en lui. Le fait est le fait de Dieu et à ce titre ne peut être dit ni « bien » ni « mal », mais en regard de la loi de la recherche de la santé, il peut à juste raison l’être dit (le risque de confondre les deux aspects devant être éloigné, comme l’indique Spinoza en disant qu’il ne faut pas confondre les êtres de Raison avec les êtres réels, ceci valant d’ailleurs dans les deux sens : 1) ne pas réifier un être de Raison, 2) ne pas rationaliser un être réel pris dans sa spécificité, ce qui est impossible.)

Bien sûr, je peux juger de ce qui est bien ou mal non par la Raison mais par ma complexion du moment, et prendre en voulant faire mon bien une potion qui me rendra encore plus malade (c’est le sens de « juger bon »), surtout si la maladie elle-même affecte ma faculté de jugement (ce qui est le cas pour le Mental, d’où la permanence dans l’erreur, sauf à vivre la passion de la vérité – la « vraie vérité »...)

Le potentiel raisonné c’est donc simplement une traduction pratique de la connaissance de lois réelles. C’est plus généralement (connaissance vraie ou non) ce qui entre en jeu dans toute activité prédictive, et donc dans tout projet, et donc finalement dans toute impulsion à l’action motivée. Le sens des êtres de Raison est porté par les lois qu’ils schématisent ; ils ne doivent pas être attribués aux choses mais aux lois (alors même que par facilité ils semblent qualifier les choses ; ceci dans la mesure du moins où il est pertinent de distinguer les lois et les choses, surtout s’il s’agit de leur action…)

Il y a en revanche des choses qui ne sont pas des êtres de Raison : ce sont la souffrance (si c'est ce qu'on veut appeler "mal", alors il est réel), la béatitude (correspondant à la vigueur du Mental), la volonté de faire souffrir, la volonté de faire du bien (correspondant à la générosité du Mental ; volonté non libre, cela s’entend), et finalement toutes les passions, qui sont des comportements réels ; sauf à avoir une connotation évidente de libre-arbitre, les termes qui leur ont été donnés ne doivent en aucune façon être édulcorés (ils peuvent même, selon le contexte, être positivement dits au sujet, par exemple pour une prise de conscience, en cassant une joie qui pérennise une passion des plus graves.)

Nous pouvons ajouter que le terme d’« impuissance », pour celui qui la perçoit chez un autre, est porteur de compassion, car on vient en aide à quelqu’un qui a chuté quand on n’est pas porté à se réjouir du malheur des autres.


Serge
Modifié en dernier par sescho le 03 janv. 2009, 10:34, modifié 1 fois.
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Messagepar Louisa » 02 janv. 2009, 22:11

Sescho a écrit :Il est facile de montrer que nous utilisons en fait en permanence cette notion, et ce avec Raison.


oui certainement, Sinusix en a déjà donné quelques exemples.

Or il me semble que la difficulté consiste à lier explicitement cet usage ordinaire avec l'usage que Spinoza fait de cette notion (la majorité des intervenants dans cette discussion semble pressentir un lien possible, mais moi-même je ne le vois pas encore très bien).

Car on constate d'abord que jamais Spinoza ne parle d'un "potentiel" (je veux dire, on ne trouve pas ce mot, littéralement, dans l'Ethique; pour ceux qui trouvent que cela n'est pas un problème, voir ce que je viens d'écrire concernant la méthode de philosopher et discuter dans l'autre fil; pour moi ce genre de choses est essentiel, car comprendre un philosophe c'est d'abord apprendre à parler son langage à lui, en l'occurrence le "spinozien", comme l'appelle Zourabichvili; or je rappelle que cette conception de la philosophie est, comme toute conception, discutable).

Si Spinoza ne parle pas d'un "potentiel", il y a néanmoins un mot qui y ressemble, et qui est celui de "possible". Lorsque nous disons dans le langage commun que nous avons le potentiel d'avoir une meilleure santé, nous ne disons effectivement rien d'autre que qu'il est possible d'être en meilleure santé. Or le sens dans lequel Spinoza propose d'utiliser ce mot (le sens qui devrait être "rationnel", donc), ce n'est pas ce qu'on associe d'ordinaire au mot "potentiel" ou "possible", puisqu'il dit qu'il s'agit de choses dont "à l'examen des causes qui doivent les produire nous ne savons pas si ces causes sont elles-mêmes déterminées à les produire" (E4 Définition 4).

Par conséquent, Spinoza a bel et bien pris soin de définir le mot "possible", et le réduit à un état (réel, bien sûr) de connaissance, état dans lequel nous connaissons déjà les causes d'une chose, mais nous ne savons pas (encore) si ces causes sont les conditions suffisantes ou non.

Or il me semble que Sescho ci-dessus propose une autre interprétation encore du possible (à part celle proposée déjà par Sinusix). Sinusix propose d'appeler "possible" l'écart entre la grandeur intensive d'une puissance et la grandeur extensive qu'elle a à tel ou tel moment de sa "vie". Sescho propose d'appeler "possible" l'événement qui se déroulera dans le futur, mais dont nous savons déjà avec certitude qu'il va se produire (puisque nous connaissons de manière adéquate les conditions initiales et la loi de la nature qui s'y applique). Est possible l'événement dont nous savons qu'il va se produire, mais qui ne s'est pas encore produite.

Supposons par exemple qu'il soit scientifiquement prouvé qu'aller consulter un médecin lorsqu'on est malade va avoir inévitablement la guérison comme effet. La guérison est alors "possible" aussi longtemps qu'on n'y est pas encore allé. Ce "possible" existe réellement, bien sûr, puisqu'il ne dit rien d'autre que si telle cause est présente alors on a la certitude qu'à tel moment tel effet va se produire. Mais il ne s'agit ni d'un possible au sens spinoziste du terme (c'est-à-dire au sens défini par l'E4D4), puisque là on n'a pas de certitude quant à l'effet, on n'a qu'une connaissance partielle des causes, on est partiellement dans l'ignorance, ni d'un possible au sens où le proposait Sinusix (puisque là on avait une puissance déjà entièrement présente "intensionnellement", tandis que son extension pouvait varier, un jour augmenter, un autre diminuer de nouveau etc, sans que cela change quoi que ce soit à la grandeur intensive qui définit la puissance).

Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que la cause dont on sait qu'elle va demain produire tel effet, contient cet effet "en puissance"? Ou que l'effet existe "en puissance", mais pas encore en acte? Spinoza, pour autant que je sache, ne le dit jamais, car il ne travaille pas avec l'idée d'être "en puissance", il la remplace par l'idée que toute puissance existe toujours en acte, ou bien seulement dans le temps (au sens ordinaire du terme "exister"), ou bien en Dieu (où son essence existe éternellement). C'est pourquoi je crois que le spinozisme nous invite à apprendre à penser sans utiliser la catégorie de la potentialité ou de l'"en puissance". Ce qui n'est pas facile du tout, précisément parce qu'on a l'habitude de l'utiliser sans cesse, parce qu'elle fait partie des notions de base du sens commun.
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Messagepar Louisa » 03 janv. 2009, 02:08

Sescho a écrit :L’éthique ne se distingue de la morale moralisante (en supposant que celle-ci soit pertinente en tant que morale ; elle est forcément non-pertinente en tant que moralisante) qu’en ce qu’elle exclut le reproche, l’accusation, puisqu’elle nie le libre-arbitre (mais elle comprend le jugement, celui-ci étant entendu comme factuel et donc non chargé d’une quelconque accusation.) L’éthique retient tout le reste, non comme objet de reproche, donc, mais comme objet d’étude et de progrès personnel (si la Raison trouve quelque force, car il n’y a pas plus de libre-arbitre dans le progrès que dans la régression, et un état donné, aussi impuissant soit-il, se maintient par l’aveuglement qui le constitue.)


pour moi ceci ne dit pas l'essentiel. La différence entre une morale (en quoi pourrait consister la différence entre une morale moralisante et une morale tout court..?) et une éthique more geometrico, c'est précisément la méthode géométrique en elle-même. Cela signifie qu'une éthique n'est pas exactement la même chose qu'une morale sauf qu'on essaie de rester "calme", de proférer des jugements moraux sans trop se laisser déstabiliser, et que pour le reste on continue à essayer de dépister partout des "vices". Le changement d'une morale vers une éthique est beaucoup plus radicale.

La clef se trouve à mon sens dans l'appendice de l'E1:

"(...) s'il n'y avait eu la Mathématique, qui s'occupe non pas des fins mais seulement des essences et propriétés des figures, pour montrer aux hommes une autre norme de la vérité (...). (...) toutes les causes finales ne sont que des fictions humaines (...) ".

Par conséquent, faire de l'étude des passions une "science", ce n'est pas adopter une attitude soi-disant "neutre" par rapport à son objet d'étude, car là de nouveau, on est dans le sens commun du XXe par rapport à la notion de "science",, tandis qu'au XVIIe, quitter les préjuger pour aborder les choses d'une manière "scientififque", c'est avant tout s'interdire de faire appel à des causes finales.

Or que fait toute morale? Elle interprète sans cesse les comportements des gens en termes de causes finales. Lorsque quelqu'un me fait du mal, pense-t-on communément, cela doit être parce que l'autre veut me faire du mal, parce que son intention est de me faire du mal. Une éthique non moralisante ne consiste pas à garder cette idée traditionnelle pour juste essayer de ne plus trop sentir de la Haine lorsque quelqu'un nous fait du mal. C'est beaucoup plus radical que cela. Il s'agit d'arrêter d'expliquer les comportements de celui qui nous fait du mal en termes de causes finales, c'est-à-dire d'arrêter de penser que la cause du fait qu'on a mal, c'est que l'autre nous voulait du mal. Car en réalité, l'autre n'agit pas en fonction de causes finales (pour nous faire du mal), l'autre n'agit qu'en fonction de causes efficientes, comme c'est le cas en mathématiques une fois que celle-ci a intégrée la révolution scientifique du XVIIe.

Cela veut dire que pour pouvoir comprendre la raison/cause du comportement de celui qui nous fait du mal, on ne peut pas s'appuyer sur l'idée "d'intentions mauvaises", car alors on n'en reste qu'à des "dénominations extrinsèques" (le "mauvais" n'étant mauvais que relativement à nous, rien n'étant mauvais "en soi", par essence). Il faut au contraire aller voir comment son comportement se déduit de son essence à lui, comment l'autre exprime sa puissance, sa "volonté" de survivre, de devenir plus heureux, d'augmenter ses Joies actives (ce qui implique faire abstraction de ses passions, exactement l'inverse de ce que fait toute morale, morale "passionnée" ou morale "affectivement neutre").

C'est pour ça que considérer les passions rationnellement coïncide avec la "règle de vie" ou règle prescriptive de l'E5P10 qui dit qu'il faut toujours regarder ce qu'il y a de bon dans toute chose. En effet, essayer de comprendre l'autre, aussi celui qui nous fait du mal, seulement par la notion de cause efficiente, cela nous oblige de le concevoir dans son essence éternelle à lui. Or on sait que selon l'essence on ne peut que "convenir" (E1), et donc en tant qu'on comprend l'essence de l'autre, il ne peut qu'être source d'une idée adéquate et donc d'une Joie, il ne peut qu'être celui avec qui on convient, et non pas celui qui s'oppose à nous.

Autrement dit, ce n'est qu'en tant qu'on le regarde dans sa puissance/essence affirmative à lui, et non pas en tant qu'il nous paraît "vicieux", qu'on pourra véritablement l'aimer d'un Amour intellectuel (l'Amour le plus stable qui soit). Tandis que la morale fait exactement l'inverse: elle ne se concentre que sur l'impuissance des autres, et s'imagine que cette impuissance est à la base d'une action où la cause finale, c'est notre Tristesse à nous. Juste rester calme au lieu de s'énerver lorsqu'on conçoit le comportement des gens par de telles lunettes ne suffit pas du tout pour transformer une morale en une éthique. Cela reste une morale, mais une morale plutôt "stoïcienne", pourrait-on dire, où l'idéal est non pas l'Amour mais l'indifférence, l'ataraxie.

Or qui dit Amour dit, dans le spinozisme, "vertu", puisque comprendre la puissance de quelqu'un, c'est comprendre non pas ses vices mais ses vertus (E4 Déf.8).

Par conséquent, passer d'une morale à une éthique, ce n'est effectivement pas abandonner toute pensée en termes de "valeurs" (bon/mauvais), mais c'est apprendre à ne voir que le bon donc les vertus des gens, et désapprendre toute fixation sur les vices. Car les considérer dans leurs vices, c'est les considérer en tant qu'ils pâtissent, c'est-à-dire en tant que leurs actes (que l'on ne connaît que par le biais des effets qu'ils produisent sur nous, ce qui devrait déjà nous rendre "prudent") ne s'expliquent que par deux causes différentes, qui sont toutes les deux enveloppées dans ces actes (c'est l'une des raisons pour lesquelles Spinoza peut dire que toute connaissance du mal est une connaissance inadéquate (E4P64), car seulement très rarement on pourra savoir quelle a été la deuxième cause responsable du fait que quelqu'un pâtit). Seul les considérer dans leurs vertus permet de les voir dans leur puissance/essence c'est-à-dire dans ce en quoi ils ne peuvent que convenir avec nous, donc être Aimé par nous (car "En tant qu'une chose convient avec notre nature, en cela elle est nécessairement bonne", E4P31).

Ce qui permet également de donner un sens au fait que Spinoza dit que les âmes ne peuvent être vaincues par les armes mais seulement par l'Amour: dire à quelqu'un qu'il "est" vicieux, c'est lui faire contempler son impuissance, c'est le réduire à ses idées inadéquates, ce qui par définition ne peut que lui faire diminuer encore sa puissance, donc le rendre encore plus vulnérable aux passions, tandis que seuls ces passions sont la cause du fait qu'il ne convient pas avec nous (E4P32), qu'il nous fait du mal. Par contre, si l'on arrive à l'aborder en tant que lui aussi il a une essence éternelle (l'ensemble de ces idées adéquates), on lui permet de contempler sa puissance, donc on l'approche sur base d'un affect de "Générosité" (E4P59 scolie), ce qui ne peut que le rendre plus Joyeux donc plus puissant, moins susceptible de pâtir (E4P52), et du même coup moins susceptible de nous faire du mal. On pourra donc plus facilement l'Aimer.

C'est pour toutes ces raisons, à mon avis, que Spinoza "prescrit" de ne regarder que ce qui est bon en toute chose, donc d'essayer d'Aimer toute chose. Tandis qu'une morale nous conseille d'avoir surtout les vices humains à l'esprit, supposant en vain que cela suffit pour que les gens (y compris nous-mêmes) en souffrent moins et pour produire déjà une "concorde" entre les gens. En réalité, cette concorde ne devient possible que 1) sur base d'affects (ou de "tempéraments") communs (le fait de reconnaître que quelqu'un pense comme nous, par exemple, haît ce qu'on haît et aime ce qu'on aime), ce qui n'est pas très durable, et 2) sur base d'une convenance selon l'essence, ce qui donne lieu à un Amour stable, car celui-ci n'est rien d'autre que l'Amour de Dieu pour les hommes (E5P36 scolie).
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Messagepar Sinusix » 03 janv. 2009, 15:22

Louisa a écrit :
Sescho a écrit :L’éthique ne se distingue de la morale moralisante (en supposant que celle-ci soit pertinente en tant que morale ; elle est forcément non-pertinente en tant que moralisante) qu’en ce qu’elle exclut le reproche, l’accusation, puisqu’elle nie le libre-arbitre (mais elle comprend le jugement, celui-ci étant entendu comme factuel et donc non chargé d’une quelconque accusation.) L’éthique retient tout le reste, non comme objet de reproche, donc, mais comme objet d’étude et de progrès personnel (si la Raison trouve quelque force, car il n’y a pas plus de libre-arbitre dans le progrès que dans la régression, et un état donné, aussi impuissant soit-il, se maintient par l’aveuglement qui le constitue.)


pour moi ceci ne dit pas l'essentiel. La différence entre une morale (en quoi pourrait consister la différence entre une morale moralisante et une morale tout court..?) et une éthique more geometrico, c'est précisément la méthode géométrique en elle-même. Cela signifie qu'une éthique n'est pas exactement la même chose qu'une morale..............
L.


Désolé, chère Louisa, non pas de vous contredire parce que tout ce que vous dîtes par la suite de ce message est fondé, mais, pour ce qui me concerne, le paragraphe de Sescho me paraît contenir l'essentiel pour qui est suffisamment informé du contenu des concepts qu'il emploie ou références auxquelles s'adosse son propos.
Pour ce qui me concerne, j'aurais tendance à identifier l'éthique et la morale, mais à distinguer cette dernière, et conséquemment l'éthique, de la morale moralisante. Il reste alors à préciser que par morale moralisante, j'entends la morale séculaire fixée comme obéissance à une norme, divine ou naturelle selon les philosophies, laquelle s'impose du dehors, serait transcendante, à l'homme. Ce n'est donc pas le contenu (on pourrait à la limite retrouver les mêmes règles de droit) mais les raisons pour lesquelles cette norme doit être respectée par chaque être d'une part, les causes pour lesquelles tel être ne les respecte pas d'autre part, qui distinguent une éthique et une morale. Bref, comme toujours, ne pas critiquer, ne pas pleurer, mais comprendre, ce qui ne veut pas dire faire fi de la règle de droit ou morale, en tant que règle sociale de vie communautaire.

Par ailleurs, je reviens sur ce passage de votre précédent message dont je ne suis pas sûr qu'il ne soit pas partiellement erroné. Vous dîtes en effet :
Louisa a écrit :Or il me semble que Sescho ci-dessus propose une autre interprétation encore du possible (à part celle proposée déjà par Sinusix). Sinusix propose d'appeler "possible" l'écart entre la grandeur intensive d'une puissance et la grandeur extensive qu'elle a à tel ou tel moment de sa "vie". Sescho propose d'appeler "possible" l'événement qui se déroulera dans le futur, mais dont nous savons déjà avec certitude qu'il va se produire (puisque nous connaissons de manière adéquate les conditions initiales et la loi de la nature qui s'y applique). Est possible l'événement dont nous savons qu'il va se produire, mais qui ne s'est pas encore produite.


Je n'ai pas lu que Sescho (il s'en expliquera bien entendu mieux que moi) adossait à une certitude du futur son exemple du possible associé au recouvrement de la santé, mais simplement sur la connaissance comparative, à partir de la mémoire, en chacun, entre l'état de santé et l'état de maladie (l'analyse comparative n'a de sens que si l'état de santé a été connu antérieurement - cf. la formule Nietzschéenne). Ceci précisé, j'observe donc dans le long message de Sescho, auquel j'adhère globalement, que sont avancés deux ensembles d'arguments qui méritent attention et que je résume ainsi :
1/ Une analyse du contenu du concept de réalité au niveau des modes, laquelle, en distinguant ce qui relève d'une logique attributive et ce qui relève d'une logique relationnelle, réaffirme l'appartenance, par exemple, des lois à la réalité, ce qui n'emporte pas pour autant réification desdites lois ou des êtres de raison qu'utilise l'entendement. Point de procès en sorcellerie donc pour les "Spinozistes" qui raisonnent selon ce schéma ;
2/ Une ébauche d'analyse de la notion de changement à partir du concept de temps chez l'homme, et du point de vue que chacun attribue à Spinoza sur le sujet. En effet, selon que le "futur" est, ou non, totalement et strictement déterminé par le présent, la lecture que l'on a du "potentiel" ou du "possible" est, me semble-t-il, différente.
De mon point de vue (je laisse Sescho s'exprimer sur son point de vue mais j'ai cru comprendre qu'il était le même), le "futur", même Spinoziste, malgré le déterminisme des lois, ou à cause de lui, reste un ensemble "ouvert" du fait de l'entendement imparfait qui est le nôtre (pourquoi aurait-il sinon pris la peine de définir ce qu'il entend par contingent et par possible). Il y a donc un hiatus évident entre ce qui adviendrait si tous les êtres n'avaient que des idées adéquates et ce qui advient du fait que tel n'est pas le cas. Autrement dit, au regard de la spécificité humaine et des pratiques de l'homme, la loi générale de nécessité ne s'identifie pas avec un déterminisme "finaliste" au sens où, même si elle ne fait pas partie d'un projet de Dieu, la loi de développement de "l'univers des hommes" serait inéluctable. Et s'il y a marge de manoeuvre, il y a potentiel ou possible, définissable à chaque instant.
En revanche, sauf mauvaise interprétation de ma part, il me semble que vous vous inscrivez dans une vision strictement déterministe, sans espace de liberté, auquel cas, s'il était "écrit" que Louisa allait faire de son potentiel "en acte" ce qu'elle ne pouvait faire autrement que de faire comme elle l'a fait, en effet, dans ces conditions, il n'y a aucun hiatus à identifier. Ce n'est effectivement pas ma compréhension du texte.
Pour en revenir à la santé, j'ajoute que, avec la mémoire, et conséquemment l'incursion du temps chez l'homme, il s'opère une double mise en perspective temporelle, soit sur la base du souvenir (l'état de santé perdu), soit sur la base de la projection normative (désirs), laquelle se raccroche, plus ou moins adéquatement, aux lois de la nature.

Dans un précédent message, vous concluez :
Louisa a écrit :Par conséquent, si vous trouvez qu'ici je n'applique pas très bien la méthode que je préconise, je vous remercie déjà de m'expliquer pourquoi vous le trouvez, car cela ne pourra que me permettre de progresser dans l'apprentissage même de l'application de cette méthode.

Je ne suis pas sûr d'avoir clairement compris la méthode que vous préconisez, ce qui n'est ni critique ni ironique, et m'inquiète du sens que vous donnez à la notion de thèse interprétative, ou plus exactement du fait que vous ayez réticence à concevoir que l'Ethique soit sujette à interprétation, ce qui signifie a contrario, soit que vous trouvez le message du texte clair, soit que, s'il ne l'est pas, vous trouvez que ce n'est pas le texte en soi qui soit tel, mais notre lecture. En tout état de cause, le texte serait limpide.
Si tel était le cas, nous le saurions je crois, compte tenu du nombre de "grosses têtes" qui se sont penchées dessus. Donc, l'interprétation est inhérente à la lecture du texte, comme de tout texte, d'ailleurs (voir les échanges sur le 3ème genre), compte tenu de nos essences singulières. Si l'interprétation est inévitable, parce que le texte, au demeurant, est difficile et parfois contradictoire, nécessite des recherches dans d'autres textes, lesquels s'inscrivent dans l'histoire d'une pensée et ne conduisent donc pas forcément à des rapprochements pertinents, il m'apparaît illusoire de vouloir aboutir au consensus total ; en revanche, il peut ne pas être absurde de "revendiquer", pour qui en aurait la science, une "structure commune" de l'Ethique arrêtant les thèmes et concepts qui ne relèveraient pas de l'interprétation. Je crains néanmoins, que même sur la notion d'attribut, nous ne trouvions pas des interprétations personnelles différentes.
Aussi, l'affirmation étant toujours plus délicate à manier que la négation, me paraît-il plus "facile" de raisonner, ou d'objecter, par contraposée en apportant, pour qui veut réfuter une interprétation, la preuve explicite, tirée du texte, qu'une telle interprétation est exclue.
Dans cet ordre d'idées, la citation que j'ai tirée de l'ouvrage de M. Guéroult n'a pas vocation à se substituer à toute preuve textuelle directe ; elle n'a pour seule valeur, pour moi, que de me conforter dans le caractère plausible de ma lecture, dont mon mode de raisonnement a, en cet instant, besoin pour assurer la cohérence de ma compréhension, mais pas comme moyen pour faire adhérer l'autre, si son mode de raisonnement le conduit ailleurs.
Malheureusement, dès que nous quittons les mathématiques (et encore, pas aux niveaux les plus élevés de l'abstraction), dès que l'interprétation est requise, en raison de la complexité de la pensée ou du manque de rigueur de la démonstration, le monde des croyances personnelles s'introduit, ce qui ne facilite pas la synthèse hypothétique.
A suivre donc.
Amicalement

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Messagepar Louisa » 03 janv. 2009, 18:10

Sinusix a écrit :
louisa a écrit :Par conséquent, si vous trouvez qu'ici je n'applique pas très bien la méthode que je préconise, je vous remercie déjà de m'expliquer pourquoi vous le trouvez, car cela ne pourra que me permettre de progresser dans l'apprentissage même de l'application de cette méthode.


Je ne suis pas sûr d'avoir clairement compris la méthode que vous préconisez, ce qui n'est ni critique ni ironique, et m'inquiète du sens que vous donnez à la notion de thèse interprétative, ou plus exactement du fait que vous ayez réticence à concevoir que l'Ethique soit sujette à interprétation, ce qui signifie a contrario, soit que vous trouvez le message du texte clair, soit que, s'il ne l'est pas, vous trouvez que ce n'est pas le texte en soi qui soit tel, mais notre lecture. En tout état de cause, le texte serait limpide.


Bonjour Sinusix,
voici déjà un petit commentaire par rapport à ceci, une réponse détaillée arrive sous peu.

Je crois qu'en effet, en vous lisant, je ne me suis pas très bien exprimée lorsque j'ai essayé de décrire les deux conceptions différentes concernant la méthode qui à mon sens sont pour l'instant présentes sur ce forum. Car d'abord, nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'un livre de philosophie, c'est un livre qu'il faut interpréter. La méthode que je défends est donc une méthode d'interprétation, et rien d'autre.

La méthode avec laquelle j'ai un problème, en revanche, semble partir de l'idée que vous mentionnez ci-dessus: la supposition que très souvent, le texte soit limpide. Et c'est précisément cela que je conteste. Si l'on adopte une méthode où l'on présuppose que souvent le texte est limpide et ne demande pas d'interprétation, on risque de ne répondre à des objections que de deux manières:

1. ou bien en ré-exposant simplement sa propre interprétation (le seul lien manifeste entre celle-ci et le texte consistant dans le fait qu'il y ait des mots (de préférence des termes techniques) en commun)

2. ou bien en donnant une série de citations en y ajoutant des choses comme suit: "le texte est suffisamment clair", "le texte parle pour lui-même", "il suffit de lire", "il suffit de bien lire".

Exemple le plus récent de ce deuxième point:

Sescho a écrit :Si l’on veut bien lire avec attention les extraits sur la connaissance, ceci est clairement largement surdéterminé par le texte de l’œuvre de Spinoza.


Sescho pourra corriger si je comprends cette phrase mal, mais pour moi elle répète la même idée que les petites phrases que je viens de résumer: il n'y a pas d'autre interprétation que la mienne possible, et il suffit d'un peu "d'attention" pour que tout le monde lise ces citations exactement comme je les lis moi-même. Par conséquent, il n'y a pas de discussion possible à leur sujet, elles ne sont pas sujette à interprétation, et il ne faut surtout pas commencer à me demander d'expliciter les arguments qui me permettent de passer du texte à mon interprétation à moi, puisque je n'en ai pas, mon interprétation est "surdéterminée" par le texte.

On a donc:
- l'affirmation que sa propre interprétation est la seule vraie
- l'absence de toute argumentation permettant de passer du texte à cette interprétation
- la refus d'entendre des objections en faisant de celles-ci le signe de défauts "morales" ou vices: manque de volonté de bien lire, manque d'attention. Bref au lieu de discuter de l'idée que propose l'objection, on passe à l'évaluation morale de la personne même de l'interlocuteur.

Du coup, il n'a réellement pas de discussion possible non plus.

Car il y a d'une part ceux qui lisent cette interprétation et qui reconnaissent plus ou moins leurs propres idées là-dedans (et à mon avis il y en a beaucoup, puisque justement, sans argumentation on ne peut que reformuler ce que le sens commun pense déjà, rien ne permet d'aller au-delà pour pénétrer le contenu du texte même, on ne fait que reformuler, comme le dit Sescho lui-même, ce qu'est censé nous dire tout "enseignement spirituel" dans les termes techniques de l'Ethique). Dans ce cas on lui répond simplement qu'on est d'accord avec lui et voilà tout. Il n'y a pas de discussion.

Puis il y a d'autre part ceux qui lisent Spinoza différemment et qui trouvent que ce qui est sujette à interprétation a besoin d'argumentation avant de pouvoir savoir quelle interprétation est la plus cohérente avec le texte. Ceux-ci vont donc commencer à argumenter. Or qu'est-ce que cela signifie, dans le chef de ceux qui adoptent la méthode du "texte limpide"? Puisque ne pas être d'accord avec eux, c'est avoir des défauts personnels, celui qui ose objecter, est "vicieux". D'abord il ne sait pas bien lire (mais très vite on glisse vers "ne sait pas lire" tout court). Puis il n'est pas très "attentif". Et alors la liste se prolonge très rapidement (il suffit que celui qui n'est pas d'accord insiste et continue à argumenter pour qu'il voit les commentaires ad hominem s'accumuler), jusqu'à en arriver à un diagnostic psychopathologique complet, où l'on commence à voir de la "perversion" et des choses genre "le pire des vices" etc. Inutile de dire que cela aussi, cela rend la discussion, l'échange mutuel difficile.

Sinusix a écrit :Si tel était le cas, nous le saurions je crois, compte tenu du nombre de "grosses têtes" qui se sont penchées dessus. Donc, l'interprétation est inhérente à la lecture du texte, comme de tout texte, d'ailleurs (voir les échanges sur le 3ème genre), compte tenu de nos essences singulières.


en effet, tout à fait d'accord.

Sinusix a écrit :Si l'interprétation est inévitable, parce que le texte, au demeurant, est difficile et parfois contradictoire, nécessite des recherches dans d'autres textes, lesquels s'inscrivent dans l'histoire d'une pensée et ne conduisent donc pas forcément à des rapprochements pertinents, il m'apparaît illusoire de vouloir aboutir au consensus total ;


oui certainement, le consensus n'est qu'un point asymptotique, qu'on n'atteindre jamais. Or ici comme ailleurs, l'intérêt est dans le chemin, la voie à suivre (= ce que signifie en grec "met-hodos"). Lorsqu'on adopte une méthode argumentative, on peut faire deux choses:
- donner ou chercher des arguments lorsqu'on croit qu'on en est capable
- admettre que l'interprétation qu'on propose n'est qu'une hypothèse de travail (ce qui signifie qu'on ne peut demander à personne d'y adhérer, et qu'on ne peut surtout pas commencer à "moraliser" ou psychopathologiser ceux qui pensent différemment; on accepte tout simplement qu'il y a des divergences d'interprétations, sans en tirer d'autres conclusions que cela).

Encore une fois, je suis convaincue que ceux qui adhère à la méthode alternative, celle du "texte limpide" ne le font pas sur base de l'une ou l'autre mauvaise foi. Les problèmes que leurs messages créent, se comprennent entièrement sur base d'une analyse de la méthode adoptée, il n'est pas du tout nécessaire de commencer à spéculer sur leur intégrité morale pour pouvoir comprendre les effets.

Inversement, une méthode d'interprétation, qui se base sur des argumentations, n'exige pas du tout que n'importe qui argumente n'importe quand. D'abord parce qu'il faut bien commencer par exposer son interprétation. On ne sait pas exposer et argumenter à la fois. Parfois on ne commence à argumenter que lorsque quelqu'un dit ne pas être d'accord avec tel ou tel point de l'exposition de l'interprétation (et là cela devient intéressant, là la véritable "recherche" philosophique commence).

Puis bon, je suis tout à fait d'accord avec Bardamu lorsqu'il disait que l'on peut lire les différentes interprétations proposées ici comme autant d'"effets" du spinozisme. Pour moi cela signifie que là on laisse tomber toute "exigence" formelle, on demande ni "une certaine acuité", ni que l'on argumente. Il peut être tout aussi intéressant (voire important) de lire des "témoignages", de lire ce que la lecture personnelle (avec ou sans méthode) de l'Ethique évoque ou provoque chez telle ou telle personne. Je n'ai aucun problème avec cela, au contraire, je crois que de telles témoignages ne peuvent qu'enrichir un forum comme celui-ci, donc plus il y en a, mieux c'est.

Donc comme déjà dit à Vieordinaire, je n'ai qu'un seul problème avec la méthode du "texte limpide", c'est qu'elle donne inévitablement lieu à un rejet violent d'autres interprétations que la sienne (à partir du moment où celles-ci insistent), et cela sur base de l'idée totalement inadéquate que contester une idée c'est tester voire attaquer la personne qui propose l'idée.

Sinusix a écrit :en revanche, il peut ne pas être absurde de "revendiquer", pour qui en aurait la science, une "structure commune" de l'Ethique arrêtant les thèmes et concepts qui ne relèveraient pas de l'interprétation. Je crains néanmoins, que même sur la notion d'attribut, nous ne trouvions pas des interprétations personnelles différentes.


oui, il est clair qu'il y a un tas de choses sur lesquels les experts en matière de spinozisme sont d'accord. Or justement, ceux-ci ne vont jamais demander à qui que ce soit de leur croire sur parole, s'ils sont arrivés à des éléments concernant la "structure commune" de l'Ethique, c'est parce qu'ils en ont discuté longtemps, en n'utilisant rien d'autre que des arguments.

Sinusix a écrit :Aussi, l'affirmation étant toujours plus délicate à manier que la négation, me paraît-il plus "facile" de raisonner, ou d'objecter, par contraposée en apportant, pour qui veut réfuter une interprétation, la preuve explicite, tirée du texte, qu'une telle interprétation est exclue.


certes. Raison en plus pour ne pas identifier une objection à une mise en question de la personne qui affirme telle ou telle interprétation, puisque justement, elle a déjà le mérite personnel (s'il faut absolument prendre en compte ce genre de choses) de la proposer. Et si dans le passé je suis intervenue autant de fois dans les messages de Sescho pour y donner mes objections, c'était précisément parce que ses messages, même s'ils ne veulent qu'être d'ordre "didactique", souvent sont très intéressant et méritent d'être pris en compte dans tous leurs détails.

Sinusix a écrit :Dans cet ordre d'idées, la citation que j'ai tirée de l'ouvrage de M. Guéroult n'a pas vocation à se substituer à toute preuve textuelle directe ; elle n'a pour seule valeur, pour moi, que de me conforter dans le caractère plausible de ma lecture, dont mon mode de raisonnement a, en cet instant, besoin pour assurer la cohérence de ma compréhension, mais pas comme moyen pour faire adhérer l'autre, si son mode de raisonnement le conduit ailleurs.


ah d'accord, alors je n'ai aucun problème, bien sûr, au contraire, la citation était intéressante à lire, on ne peut que vous en remercier (pas d'ironie!).

Sinusix a écrit :Malheureusement, dès que nous quittons les mathématiques (et encore, pas aux niveaux les plus élevés de l'abstraction), dès que l'interprétation est requise, en raison de la complexité de la pensée ou du manque de rigueur de la démonstration, le monde des croyances personnelles s'introduit, ce qui ne facilite pas la synthèse hypothétique.
A suivre donc.


en effet ... :)
Amicalement,
L.

PS: devant partir plus tôt que prévu, je n'ai plus le temps de relire ce message, la correction sera donc pour dans quelques heures ..

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sescho
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Messagepar sescho » 03 janv. 2009, 22:51

Sinusix a écrit :Je n'ai pas lu que Sescho (il s'en expliquera bien entendu mieux que moi) adossait à une certitude du futur son exemple du possible associé au recouvrement de la santé, mais simplement sur la connaissance comparative, à partir de la mémoire, en chacun, entre l'état de santé et l'état de maladie (l'analyse comparative n'a de sens que si l'état de santé a été connu antérieurement - cf. la formule Nietzschéenne).

Oui. Mais votre précision est intéressante à mon sens et appelle chez moi à quelques développements. Je dirais que la chose se développe à plusieurs niveaux :

- Dans l’hypothèse d'une douleur ou d'une gène majeure il y a une tendance naturelle à vouloir l'éliminer. C’est automatique (je parle pour un esprit simple) et pose par là-même le sens de l’action bonne.

- C’est par connaissance du premier genre (expérience vague) que je sais que le médecin est capable de supprimer la douleur.

- La raison m’indique qu’il convient aussi et surtout de supprimer la cause. Elle m’indique en tout cas de faire ce qui est à ma disposition pour aller mieux, savoir aller voir le médecin.

- La seule certitude (dans le meilleur des cas) tient dans la parfaite maîtrise du corps par le médecin.

Sinusix a écrit :De mon point de vue (je laisse Sescho s'exprimer sur son point de vue mais j'ai cru comprendre qu'il était le même), le "futur", même Spinoziste, malgré le déterminisme des lois, ou à cause de lui, reste un ensemble "ouvert" du fait de l'entendement imparfait qui est le nôtre (pourquoi aurait-il sinon pris la peine de définir ce qu'il entend par contingent et par possible).

Le déterminisme est absolu, mais comme Spinoza le dit il vaut mieux, compte tenu de la faiblesse humaine, considérer les choses qui se trouvent hors de notre maîtrise comme contingentes et possibles ; c’est même dans ce cadre une nécessité pour la vie.

Mais le déterminisme est quand-même absolu, et il serait pour le moins incongru de prendre nos ignorances pour un espace de liberté... Tout se déroule en permanence en vertu des lois de la Nature. Encore une fois, l’argument paresseux (pourquoi faire quoi que ce soit alors ?) n’a pas la moindre valeur, car que j’agisse ou pas c’est toujours en vertu des lois de la Nature. A moins que je ne sois vaincu par l’illusion de libre-arbitre (chose extrêmement répandue) je n’ai aucune raison de ne pas prendre la véritable paix et vigueur de l’âme que la Nature m'impose et m'offre à la fois.

Sinusix a écrit :… l'interprétation est inhérente à la lecture du texte, comme de tout texte, d'ailleurs (voir les échanges sur le 3ème genre), compte tenu de nos essences singulières. …

L’exemple du troisième genre ne laisse pas de m’étonner… Cela me met vraiment sur le c… (vraiment) qu’on puisse le trouver problématique… (je laisse de côté les moult invitations répétées de Louisa à argumenter, etc. : ceci a déjà été fait plusieurs fois et son comportement réel est très largement à l’opposé ; il consiste à prendre une tournure de phrase dans le sens d’un préjugé, et de ne pas vouloir en démordre même avec 50 extraits contradictoires en face, qu’elle refuse de discuter.)

Il ne s’agit même pas là de problèmes un peu plus difficiles, comme celui des prétendus modes infinis médiats, il s’agit de phrase simples, explicites, en bon français. C’est pourquoi j’ai invité les lecteurs intéressés à se reporter au texte ; s’ils veulent bien le lire avec quelque soin, c’est parfaitement clair, et redondant qui plus est… J’en fait juge ceux qui veulent lire Spinoza et ne sont pas gravement aveuglés par les préjugés. Je me vois mal expliquer « le ciel est bleu » (y compris à qui dit « le ciel est rouge » et se soucie comme d’une guigne du texte de Spinoza lui-même, tout en prétendant vouloir le traduire ; ceci valant d’ailleurs pour bien d’autres choses, comme « impuissance », etc.)

Ce qui constitue la connaissance du troisième genre c’est ce qui est dégagé (verbalement) par celle du deuxième genre, mais vu en direct, par l’intuition, en un seul mouvement mental. L’exemple des proportions (trois fois) est évident ; pourquoi se faire des nœuds au cerveau : il s’agit de toute évidence de la connaissance de la même chose (en l’occurrence une proportion) mais suivant des degrés croissants de profondeur, de puissance, de clarté. Et notre conditionnement mental n’est pas tel quand-même qu’on ne sache même plus ce que veut dire intuition !

Et comment peut-on nier Spinoza à ce point, tout en prétendant s’intéresser à le comprendre ? Comment penser qu’il a développé toute l’Ethique selon le deuxième genre de connaissance – qui ne vaudrait rien (je laisse de côté les pseudo-explications du genre : ce n’est pas qu’il ne vaut rien, mais qu’il est incomplet, etc.) – pour nous parler d’une connaissance du troisième genre au sujet de laquelle il ne nous démontre strictement rien (et pour cause : démontrer c’est du deuxième genre.) Et ce de chose singulière, qui plus est, ce qui est démenti partout où c’est très explicite (outre - le pompon - que la Raison est incompatible avec des essences vues comme exclusivement singulières.) C’est l’imagination débridée au pouvoir. C’est purement et simplement grotesque !!!

Alors qu’il est totalement cohérent de considérer que Spinoza développe le deuxième genre pour indiquer ce qu’il y a à voir par l’intuition (car une démonstration est convaincante par sa logique de déroulement, mais n’implique pas per se de voir sa conclusion elle-même en vérité, c’est-à-dire intuitivement.)

Spinoza a écrit :TRE 24. Quant aux mathématiciens, ils savent par la démonstration de la 19e proposition du livre VII d'Euclide quels nombres sont proportionnels entre eux ; ils savent par la nature même et par les propriétés de la proposition, que le produit du premier nombre par le quatrième est égal au produit du second par le troisième ; mais ils ne voient pas la proportionnalité adéquate des nombres donnés, ou s'ils la voient, ils ne la voient point par la vertu de la proposition d'Euclide, mais bien par intuition et sans faire aucune opération.

28. Troisième mode [deuxième genre]. Il faut reconnaître qu'il nous donne l'idée de la chose, et qu'il nous permet de conclure sans risque de nous tromper ; néanmoins il n'a pas en soi la vertu de nous mettre en possession de la perfection à laquelle nous aspirons.

29. Le quatrième mode [troisième genre] seul saisit l'essence adéquate de la chose [la même sans doute possible], et d'une manière infaillible ; c'est donc celui dont nous devrons faire principalement usage. ...

CT2Ch1 (3) … 3° Un troisième ne se contente ni du ouï-dire, qui peut être faux, ni de l’expérience particulière, qui ne peut donner une règle universelle, mais il cherche la vraie raison de la chose, laquelle, une fois trouvée, ne peut tromper ; et cette raison lui apprend que, en vertu de la proportionnalité des nombres, la chose doit être ainsi et non autrement.
4° Enfin, le quatrième, qui possède la connaissance absolument claire, n’a besoin ni du ouï-dire, ni de l’expérience, ni de la logique, parce qu'il aperçoit immédiatement par l'intuition la proportionnalité des nombres.

Note 2 : Le premier a une opinion ou une croyance seulement par ouï-dire ; 2° le second a une opinion ou une croyance par l'expérience, et ce sont les deux formes de l'opinion ; 3° le troisième est assuré par le moyen de la vraie foi, qui ne peut jamais tromper, et c'est la foi proprement dite ; 4° le quatrième n'a ni l'opinion ni la foi, mais il voit la chose elle-même et en elle-même sans aucun intermédiaire.

CT2Ch2 (2) : Nous appelons le second la foi vraie, parce que les choses aperçues seulement par la raison ne sont pas vues en elles-mêmes, et qu'il ne se produit dans notre esprit qu'une persuasion que les choses sont ainsi et ne sont pas autrement.
Enfin nous appelons claire connaissance celle que nous obtenons, non par une conviction fondée sur le raisonnement, mais par le sentiment et la jouissance de la chose elle-même.

CT2Ch4 : (1) Après avoir montré dans le chapitre précédent comment les passions naissent des erreurs de l'opinion, nous avons à considérer maintenant les effets des deux autres modes de connaissance, et d'abord de celui que nous avons nommé la vraie foi [1].

Note 1 : La foi est une conviction puissante fondée sur des raisons, en vertu de laquelle je suis persuadé dans mon entendement que la chose est en vérité et en dehors de mon esprit, semblablement à ce qu'elle est dans mon esprit. Je dis une conviction puissante fondée sur des motifs, pour la distinguer de l'opinion, qui est toujours douteuse et sujette à l'erreur, aussi bien que de la science, qui ne consiste pas dans une conviction fondée sur des raisons, mais dans une union immédiate avec la chose elle-même. Je dis en outre que la chose est en vérité et hors de mon esprit. En vérité, car dans ce cas les raisons ne peuvent pas me tromper : elles ne se distingueraient pas de l'opinion. Je dis en outre qu’elle est semblablement : car la foi ne peut me montrer que ce que la chose doit être, et non ce qu'elle est ; autrement, elle ne se distinguerait pas de la science. Je dis encore : en dehors ; car elle nous fait jouir intellectuellement non de ce qui est en nous, mais de ce qui est hors de nous.

(2) Ce mode de connaissance nous apprend en effet comment les choses doivent être, et non pas comment elles sont en vérité : d'où vient que nous ne sommes jamais complètement unis avec la chose que nous croyons. Je dis donc que cette connaissance nous montre comment la chose doit être, et non quelle elle est. Il y a là une grande différence, car, comme nous l'avons montré dans notre exemple de la règle de trois, si quelqu'un peut trouver par la proportion un quatrième nombre qui soit au troisième comme le second est au premier, il peut dire alors, par le moyen de la multiplication et de la division, que ces quatre nombres sont proportionnels ; et, quoiqu’il en soit réellement ainsi, il en parle néanmoins comme d'une chose qui est en dehors de lui ; tandis que lorsqu'il considère la proportionnalité, comme nous l'avons montrée dans le quatrième cas, il dit que la chose est en effet ainsi, car alors elle est en lui, et non hors de lui. Et voilà pour le premier point.

(3) Quant au second effet de la vraie foi, il consiste à nous conduire à la claire connaissance, par laquelle nous aimons Dieu ; et elle nous fait connaître intellectuellement les choses qui sont hors de nous, et non en nous.

(4) Le troisième effet est qu’elle nous donne la connaissance du bien et du mal et nous fait connaître les passions que nous devons réprimer. …

CT2Ch21 : (3) En effet le pouvoir que nous tenons de la chose elle-même est toujours plus grand que celle que nous acquérons par l'intermédiaire d’une autre chose, comme nous l'avons montré plus haut, en distinguant le raisonnement et la claire intelligence, d'après l'exemple de la règle de trois, car il y a plus de puissance à comprendre la proportionnalité en elle-même qu'à comprendre la règle des proportions. Et c'est pourquoi nous avons souvent dit qu'un amour est détruit par un autre qui est plus grand ; mais nous n'entendons pas par là le désir, qui ne vient pas, comme l'amour, de la vraie connaissance, mais du raisonnement.

CT2Ch22 : (1) Puisque donc la raison (le raisonnement) n'a pas la puissance de nous conduire à la béatitude, il nous reste à chercher si, par le quatrième et dernier mode de connaissance, nous pouvons y arriver. Nous avons dit que cette espèce de connaissance ne nous est fournie par aucun intermédiaire, mais vient de la manifestation immédiate de l’objet à l'intelligence ...

CT2Ch26 : (6) Enfin, nous voyons encore que la connaissance par raisonnement n'est pas en nous ce qu'il y a de meilleur, mais seulement un degré par lequel nous nous élevons au terme désiré, ou une sorte d'esprit bienfaisant qui, en dehors de toute erreur et de toute fraude, nous apporte la nouvelle du souverain bien et nous invite à le chercher et à nous unir à lui, laquelle union est notre salut véritable et notre béatitude.

E2P29S : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

E2P37 : Ce qui est commun à toutes choses (voir le Lemme ci-dessus), ce qui est également dans le tout et dans la partie, ne constitue l’essence d’aucune chose particulière.

E2P38 : Ce qui est commun à toutes choses et se trouve également dans le tout et dans la partie, ne se peut concevoir que d’une façon adéquate.

E2P41 : La connaissance du premier genre est l’unique cause de la fausseté des idées ; celle du second et du troisième genre est nécessairement vraie.

E2P44C2Dm : … les fondements de la raison, ce sont (par la Propos. 38, partie 2) ces notions qui contiennent ce qui est commun à toutes choses, et n’expliquent l’essence d’aucune chose particulière (par la Propos. 37, partie 2), notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l’éternité.

E2P47S : Nous voyons par là que l’essence infinie de Dieu et son éternité sont choses connues de tous les hommes. Or, comme toutes choses sont en Dieu et se conçoivent par Dieu, il s’ensuit que nous pouvons de cette connaissance en déduire beaucoup d’autres qui sont adéquates de leur nature, et former ainsi ce troisième genre de connaissance dont nous avons parlé (dans le Schol. 2 de la Propos. 40, partie 2) …

E4P52 : La paix intérieure peut provenir de la raison, et cette paix née de la raison est la plus haute où il nous soit donné d’atteindre.

Démonstration : La paix intérieure, c’est la joie qui naît pour l’homme de la contemplation de soi-même et de sa puissance d’agir (par la Déf. 25 des pass.). Or, la véritable puissance d’agir de l’homme ou sa vertu, c’est la raison elle-même (par la Propos. 3, part. 3) que l’homme contemple clairement et distinctement (par les Propos. 40 et 43, part. 2)…

E4App : CHAPITRE IV : Il est donc utile au suprême degré, dans la vie, de perfectionner autant que possible l’entendement, la raison, et c’est en cela seul que consiste le souverain bonheur, la béatitude.

E5P10Dm : ... l’âme a la puissance de former des idées claires et distinctes, et de les déduire les unes des autres (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40 et le Schol. de la Propos. 47, part. 2) ; d’où il résulte (par la Propos. 1, part. 5) qu’elle a la puissance d’ordonner et d’enchaîner les affections du corps suivant l’ordre de l’entendement.

E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ...

E5P23Dm : … les idées qui sont en nous claires et distinctes ou qui se rapportent à la connaissance du troisième genre (voy. le Schol. 2 de la propos. 40, part. 2) ne peuvent résulter des idées mutilées et confuses, lesquelles (par le même Schol.) se rapportent à la connaissance du premier genre, mais bien des idées adéquates, c’est-à-dire (par le même Schol.) de la connaissance du second et du troisième genre. …

Scholie : … nous éprouvons que nous sommes éternels. L’âme en effet, ne sent pas moins les choses qu’elle conçoit par l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire. Les yeux de l’âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations. …

E5P36CS : … et j’ai pensé qu’il était à propos de faire ici cette remarque, afin de montrer par cet exemple combien la connaissance des choses particulières, que j’ai appelée intuitive ou du troisième genre (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2), est préférable et supérieure à la connaissance des choses universelles que j’ai appelée du second genre ; car, bien que j’aie montré dans la première partie d’une manière générale que toutes choses (et par conséquent aussi l’âme humaine) dépendent de Dieu dans leur essence et dans leur existence, cette démonstration, si solide et si parfaitement certaine qu’elle soit, frappe cependant notre âme beaucoup moins qu’une preuve tirée de l’essence de chaque chose particulière et aboutissant pour chacune en particulier à la même conclusion.

Lettre 21 à Blyenbergh : … convaincu d’ailleurs, quand j’ai trouvé une démonstration solide, qu’il est impossible que je vienne jamais à en douter, je me repose avec une parfaite confiance et sans aucune crainte d’illusion dans ce que la raison me fait voir clairement, et je me tiens assuré, sans même lire l’Écriture sainte, qu’elle n’y peut contredire. …

Lettre 37 à Bouwmeester : … toutes nos perceptions claires et distinctes ne peuvent naître que de perceptions de même espèce, lesquelles sont primitivement en nous et n’ont aucune cause extérieure. D’où il suit que toutes ces perceptions ne dépendent que de notre seule nature et de ses lois invariables et déterminées ; en d’autres termes, c’est de notre seule puissance qu’elles dépendent et non point de la fortune, je veux dire des causes extérieures, qui sans doute agissent suivant des lois déterminées et invariables, mais nous demeurent inconnues, étrangères qu’elles sont à notre nature et à notre puissance propre. …

TTP4 : … Si nous considérons maintenant avec attention la nature de la loi divine naturelle, telle que nous l’avons définie tout à l’heure, nous reconnaîtrons : 1° qu’elle est universelle, c’est-à-dire commune à tous les hommes ; nous l’avons déduite en effet de la nature humaine prise dans sa généralité ; 2° qu’elle n’a pas besoin de s’appuyer sur la foi des récits historiques, quels que soient d’ailleurs ces récits. Car comme cette loi divine naturelle se tire de la seule considération de la nature humaine, on la peut également concevoir dans l’âme d’Adam et dans celle d’un autre individu quelconque, dans un solitaire et dans un homme qui vit avec ses semblables. Ce n’est pas non plus la croyance aux récits historiques, si légitime qu’elle soit, qui peut nous donner la connaissance de Dieu, ni par conséquent l’amour de Dieu, qui en tire son origine ; cette connaissance, nous la puisons dans les notions universelles qui se révèlent par elles-mêmes et emportent une certitude immédiate … [notions communes ou axiomes, le reste par déduction logique.]

TTP5 : … il faut observer, quand on se sert de preuves fondées sur l’expérience, que si elles ne sont point accompagnées d’une intelligence claire et distincte des faits, on pourra bien alors convaincre les esprits, mais il sera impossible, surtout en matière de choses spirituelles et qui ne tombent pas sous les sens, de porter dans l’entendement cette lumière parfaite qui entoure les axiomes, lumière qui dissipe tous les nuages, parce qu’elle a sa source dans la force même de l’entendement et dans l’ordre de ses perceptions. D’un autre côté, comme il faut le plus souvent, pour déduire les choses des seules notions intellectuelles, un long enchaînement de perceptions, et en outre une prudence, une pénétration d’esprit et une sagesse fort rares, les hommes aiment mieux s’instruire par l’expérience que déduire toutes leurs perceptions, en les enchaînant l’une à l’autre, d’un petit nombre de principes. Que résulte-t-il de là ? c’est que quiconque veut persuader une doctrine aux hommes et la faire comprendre, je ne dis pas du genre humain, mais d’une nation entière, doit l’établir par la seule expérience, et mettre ses raisons et ses définitions à la portée du peuple, qui fait la plus grande partie de l’espèce humaine ; autrement, s’il s’attache à enchaîner ses raisonnements et à disposer ses définitions dans l’ordre le plus convenable à la liaison rigoureuse des idées, il n’écrit plus que pour les doctes, et ne peut plus être compris que d’un nombre d’individus très-petit par rapport à la masse ignorante de l’humanité. …

TTP6 : … les preuves tirées de la révélation, ne se fondent pas sur les notions universelles et communes à tous les hommes, …

Note 7 : … pour concevoir la nature de Dieu d’une manière claire et distincte, il est nécessaire de se rendre attentif à un certain nombre de notions très-simples qu’on appelle notions communes, et d’enchaîner par leur secours les conceptions que nous nous formons des attributs de la nature divine.

TTP7 : … dans l’étude de la nature on commence par les choses les plus générales et qui sont communes à tous les objets de l’univers, c’est à savoir, le mouvement et le repos, leurs lois et leurs règles universelles que la nature observe toujours et par qui se manifeste sa perpétuelle action, descendant ensuite par degrés aux choses moins générales

TTP13 : … si l’on prétend qu’il n’y a pas besoin à la vérité de connaître les attributs de Dieu, mais de croire tout simplement et sans démonstration, c’est là une véritable plaisanterie. Car les choses invisibles et tout ce qui est l’objet propre de l’entendement ne peuvent être aperçus autrement que par les yeux de la démonstration ; ceux donc à qui manquent ces démonstrations n’ont aucune connaissance de ces choses, et tout ce qu’ils en entendent dire ne frappe pas plus leur esprit ou ne contient pas plus de sens que les vains sons prononcés sans jugement et sans aucune intelligence par un automate ou un perroquet. …

TTP14 : … les fondements de la philosophie sont des notions communes, et elle-même ne doit être puisée que dans la nature …

TTP16 : ... la nature n’est pas renfermée dans les bornes de la raison humaine, qui n’a en vue que le véritable intérêt et la conservation des hommes ; mais elle est subordonnée à une infinité d’autres lois qui embrassent l’ordre éternel de tout le monde, dont l’homme n’est qu’une fort petite partie. C’est par la nécessité seule de la nature que tous les individus sont déterminés d’une certaine manière à l’action et à l’existence. Donc tout ce qui nous semble, dans la nature, ridicule, absurde ou mauvais, vient de ce que nous ne connaissons les choses qu’en partie, et que nous ignorons pour la plupart l’ordre et les liaisons de la nature entière ; nous voudrions faire tout fléchir sous les lois de notre raison, et pourtant ce que la raison dit être un mal n’est pas un mal par rapport à l’ordre et aux lois de la nature universelle, mais seulement par rapport aux lois de notre seule nature.

Encore beaucoup d’extraits (déjà toujours trop pour ceux qui n’ont presque que faire de ce que Spinoza dit vraiment dans l’ensemble, ce qui me pousse précisément à plus rappeler le texte de Spinoza, qu’on finirait sinon par oublier complètement) mais j’ai pourtant assez sévèrement taillé…

Dites-moi Sinusix, vous qui me semblez avoir du discernement, qu’y lisez-vous, SVP ?

Que les êtres de Raison et les essences de genre n’existent pas, mais seules les choses singulières et Dieu, et sont donc sans signification ; que la Raison donc – qui les utilise en permanence, et évidemment avec Spinoza – n’a aucune utilité (donc aucun sens, car dire que c’est utile mais sans sens, c’est-à-dire sans réalité, c’est se moquer du monde) ?

Note : la Raison ne fonctionne absolument pas sur du singulier en tant que singulier, c’est impossible.

Que la connaissance du troisième genre ne pouvant être liée à la Raison (qui d’ailleurs n’en démontre effectivement rien), il s’agit d’une qualité merveilleuse, comme magique, toute l’Ethique n’étant là que pour amuser les amateurs de gymnastique intellectuelle ? (Quel mystificateur ce Spinoza, qui parle aussi par dizaines de fois d’impuissance, de vices, de mauvaises passions, d’humains inhumains, etc. alors qu’il pense que cela est nuisible…)

Que les choses singulières nous sont accessibles clairement et distinctement dans leur singularité ?

Dites-moi, SVP, car je si je ne suis pas là à Sainte-Anne, c’est que je dois y entrer…


Serge

P.S. Je ne vois dans E5 aucune simple résurgence de vieilles croyances, mais la suite logique de ce qui précède. Je suis prêt à en discuter si vous voulez.

P.S. 2 : la classification des genres de connaissance doit a priori largement à Platon.
Connais-toi toi-même.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 04 janv. 2009, 01:51

Sinusix a écrit :
Louisa a écrit :
Sescho a écrit :L’éthique ne se distingue de la morale moralisante (en supposant que celle-ci soit pertinente en tant que morale ; elle est forcément non-pertinente en tant que moralisante) qu’en ce qu’elle exclut le reproche, l’accusation, puisqu’elle nie le libre-arbitre (mais elle comprend le jugement, celui-ci étant entendu comme factuel et donc non chargé d’une quelconque accusation.) L’éthique retient tout le reste, non comme objet de reproche, donc, mais comme objet d’étude et de progrès personnel (si la Raison trouve quelque force, car il n’y a pas plus de libre-arbitre dans le progrès que dans la régression, et un état donné, aussi impuissant soit-il, se maintient par l’aveuglement qui le constitue.)


pour moi ceci ne dit pas l'essentiel. La différence entre une morale (en quoi pourrait consister la différence entre une morale moralisante et une morale tout court..?) et une éthique more geometrico, c'est précisément la méthode géométrique en elle-même. Cela signifie qu'une éthique n'est pas exactement la même chose qu'une morale..............


Désolé, chère Louisa, non pas de vous contredire parce que tout ce que vous dîtes par la suite de ce message est fondé, mais, pour ce qui me concerne, le paragraphe de Sescho me paraît contenir l'essentiel pour qui est suffisamment informé du contenu des concepts qu'il emploie ou références auxquelles s'adosse son propos.
Pour ce qui me concerne, j'aurais tendance à identifier l'éthique et la morale, mais à distinguer cette dernière, et conséquemment l'éthique, de la morale moralisante. Il reste alors à préciser que par morale moralisante, j'entends la morale séculaire fixée comme obéissance à une norme, divine ou naturelle selon les philosophies, laquelle s'impose du dehors, serait transcendante, à l'homme. Ce n'est donc pas le contenu (on pourrait à la limite retrouver les mêmes règles de droit) mais les raisons pour lesquelles cette norme doit être respectée par chaque être d'une part, les causes pour lesquelles tel être ne les respecte pas d'autre part, qui distinguent une éthique et une morale. Bref, comme toujours, ne pas critiquer, ne pas pleurer, mais comprendre, ce qui ne veut pas dire faire fi de la règle de droit ou morale, en tant que règle sociale de vie communautaire.


Bonjour Sinusix,
voici la suite de ma réponse ci-dessus. Merci de vos précisions! Si j'ai bien compris, vous distinguez d'une part une "morale/éthique", d'autre part une "morale moralisante". Une morale moralisante est alors un ensemble de règles auxquelles on obéit sans avoir compris pourquoi il faut y obéir (pourquoi il est "bon" d'y obéir), tandis qu'une "morale éthique", si je peux me permettre cette expression, peut être constitué des mêmes règles, mais est complété par une explication/argumentation qui fait qu'on peut réellement comprendre pourquoi il vaut mieux suivre/appliquer ces règles. Est-ce bien cela ce que vous voulez dire?

Si oui, j'aurais tendance à être d'accord, seulement Spinoza semble opposer le mot "éthique" à celui de "morale", tandis qu'à mon avis ce que vous appelez ici une "morale moralisante" est pour lui de l'ordre de ce qu'il appelle la "religion" (en effet, même s'il s'agit d'une morale séculière, elle est entièrement basée sur la croyance en l'utilité de ses normes, et non pas sur le fait d'avoir compris leur utilité réelle). Donc oui, je crois qu'on peut dire que distinguer ainsi deux façons de concevoir des règles de la "vie bonne" est spinoziste.

Or tout comme ce que j'ai dit ci-dessus, je ne crois pas qu'ainsi on ait déjà tout dit sur cette distinction. Car on a beau dire qu'une morale/éthique non moralisante (pour reprendre vos termes) ou une éthique more geometrico (pour respecter les termes de Spinoza, puisque chaque fois qu'il parle dans l'Ethique d'une morale, c'est pour la dénoncer, tandis que son livre propose une éthique au lieu d'une philosophie morale) se base sur la compréhension des règles de vie, il me semble qu'il faut encore savoir comment comprendre ces règles de vie. Car les règles de vie que Spinoza nous propose sont très précises, elles dépassent de loin ce que l'on retrouve dans ce qu'il appelle la "vraie religion" ou la religion universelle (qui se résume à la justice et la charité, comme il le dit dans les oeuvres politiques). Il faut donc encore pouvoir comprendre pourquoi ces règles-là seraient les plus utiles, et non pas d'autres.

C'est là que je crois qu'on ne peut pas ne pas tenir compte du fait qu'une éthique more geometrico, cela ne signifie pas juste essayer de comprendre les comportements éthiques des gens, cela signifie les comprendre d'une manière très précise (c'est-à-dire celle qui est propre aux mathématiques et à la physique du XVIIe): more geometrico, autrement dit sans faire appel à des causes finales. C'est là que se situe à mon avis la "révolution" éthique de l'Ethique. Car cela nous oblige à comprendre nos propres comportements et ceux des autres sans les expliquer en termes de buts/fins (tandis qu'on sait qu'on raisonne tous en termes de fin, c'est même propre à l'être humain de le faire, comme le dit Spinoza à la fin de l'E1), en ne se basant que sur les puissances ou vertus des gens. Pour moi, ceci est vraiment extraordinaire. Car dire que les causes finales ne sont que des fictions, c'est dire que penser que l'autre nous fait du mal pour la raison même qu'il nous veut faire du mal, c'est parler pour ne rien dire, c'est être dans l'imagination, c'est tout sauf expliquer son comportement. Il faut pouvoir comprendre le comportement de l'autre sans se contenter de l'effet qu'il produit sur nous (donc sans prendre en compte le fait qu'il nous fait du mal), puisque comme Spinoza le dit dans le TIE, extrapoler la cause sur base de l'effet ne peut que donner une connaissance inadéquate (je suis ici en train d'expliquer comment j'interprète Spinoza, donc je ne donne pas encore trop d'argumentations pro cette interprétation à partir du texte, mais si vous n'êtes pas d'accord n'hésitez pas à me demander de citer et d'argumenter). C'est pour ça que la "morale" non moralisante de Spinoza se résume parfaitement dans la règle de vie qu'il donne dans l'E5P10: ne voir que ce qui est bon dans les choses.

Bref, qu'une éthique ou morale non moralisante signifie suivre des règles de vie (ou "normes") seulement après les avoir compris, cela me semble être tout à fait spinoziste, mais pas encore suffisant. Il faut y ajouter qu'il ne s'agit pas de n'importe quel type de compréhension, mais d'une compréhension more geometrico, c'est-à-dire qui explique les choses sans faire appel à des causes finales, mais en se limitant à des causes efficientes. C'est là qu'on bascule d'une "analyse" des "vices" à une recherche active des vertus de quelqu'un. Et cela, aucun "moraliste" ne le fait. Les moralistes, ou comme le dira plus tard Nietzsche, les "prêtres", se contentent de dénoncer sans cesse les vices (vices des autres, bien sûr).

Sinusix a écrit :Par ailleurs, je reviens sur ce passage de votre précédent message dont je ne suis pas sûr qu'il ne soit pas partiellement erroné. Vous dîtes en effet :

Louisa a écrit :Or il me semble que Sescho ci-dessus propose une autre interprétation encore du possible (à part celle proposée déjà par Sinusix). Sinusix propose d'appeler "possible" l'écart entre la grandeur intensive d'une puissance et la grandeur extensive qu'elle a à tel ou tel moment de sa "vie". Sescho propose d'appeler "possible" l'événement qui se déroulera dans le futur, mais dont nous savons déjà avec certitude qu'il va se produire (puisque nous connaissons de manière adéquate les conditions initiales et la loi de la nature qui s'y applique). Est possible l'événement dont nous savons qu'il va se produire, mais qui ne s'est pas encore produite.


Je n'ai pas lu que Sescho (il s'en expliquera bien entendu mieux que moi) adossait à une certitude du futur son exemple du possible associé au recouvrement de la santé, mais simplement sur la connaissance comparative, à partir de la mémoire, en chacun, entre l'état de santé et l'état de maladie (l'analyse comparative n'a de sens que si l'état de santé a été connu antérieurement - cf. la formule Nietzschéenne).


permettez-moi de dire que cela m'étonnerait. Pour Spinoza, la mémoire n'appartient qu'au premier genre de connaissance, et cela Sescho le sait, il le répète souvent, et à raison (d'ailleurs pour autant que je sache, tous les commentateurs sont d'accord à ce sujet, car cela se laisse déduire du texte d'une manière telle que l'on peut entièrement expliciter l'argumentation, ce qui fait qu'un consensus sur ce point est tout à fait possible).

Or nous avons ici de nouveau l'un de ces points où le spinozisme est totalement contre-intuitive. Car qui voudrait contester ce que vous venez d'écrire ici? Nous interprétons tous notre propre comportement tel que vous le décrivez, cela fait simplement partie du bon sens.

Enfin, entre-temps Sescho a déjà un peu expliqué davantage ce qu'il veut dire par là, et je ne suis pas certaine d'avoir tout compris, mais ce qui me semble être clair (il me corrigera s'il en a la bonté, sinon vous pourrez le faire vous-même), c'est que lorsqu'il parle du possible, il parle du deuxième genre de connaissance. Ou bien dans le sens d'un événement futur dont nous sommes certains, à cause de notre connaissance adéquate de la loi naturelle en question, qu'il va se produire, ou bien dans le sens d'une connaissance scientifique mais de caractère probabiliste. Puis il admet aussi (de nouveau, comme le font tout les commentateurs "attitrés") que le spinozisme est un déterminisme absolu. Cela veut dire qu'il n'y a pas de probabilité "ontologique", la probabilité scientifique n'est qu'une probabilité "épistémologique", c'est-à-dire essentiellement due à un manque de connaissance chez nous, êtres humains.

Or c'est précisément là que son interprétation me semble être contradictoire: il dit que la notion de "potentialité" donc de possible est au coeur même de l'Ethique, alors qu'il admet que ce livre propose un déterminisme absolu. Bien sûr, il y ajoute qu'il s'agirait d'un "être de raison". Le possible serait une notion tout à fait rationnelle, mais qui ne réfère à rien hors de l'entendement. Et c'est là que moi j'ai pour l'instant un problème, car à mon sens ce n'est pas ainsi que Spinoza définit le possible, dans l'E4P4. Le possible, dans le langage "spinozien", désigne réellement une ignorance, une absence de connaissance de causes. A moins qu'il veuille dire qu'un comportement "rationnel" signifie ne pas faire comme si l'on a une connaissance parfaite des choses lorsqu'on sent qu'il y a une ignorance partielle concernant les causes? Si c'est ce qu'il veut dire, je suis tout à fait d'accord avec lui. Mais alors, justement, toute "potentialité" ontologique/réelle, tout "possible" disparaît. On obtient une ontologie où tout est en acte. Idée qu'il semble de nouveau recuser. Bref, je crois que je n'ai pas encore entièrement compris sa position à ce sujet.

Sinusix a écrit :Ceci précisé, j'observe donc dans le long message de Sescho, auquel j'adhère globalement, que sont avancés deux ensembles d'arguments qui méritent attention et que je résume ainsi :
1/ Une analyse du contenu du concept de réalité au niveau des modes, laquelle, en distinguant ce qui relève d'une logique attributive et ce qui relève d'une logique relationnelle, réaffirme l'appartenance, par exemple, des lois à la réalité, ce qui n'emporte pas pour autant réification desdites lois ou des êtres de raison qu'utilise l'entendement. Point de procès en sorcellerie donc pour les "Spinozistes" qui raisonnent selon ce schéma ;


je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous voulez dire ici. Vous opposerez une logique attributive à une logique relationnelle? Si oui, que voulez-vous dire par là?

Sinusix a écrit :2/ Une ébauche d'analyse de la notion de changement à partir du concept de temps chez l'homme, et du point de vue que chacun attribue à Spinoza sur le sujet. En effet, selon que le "futur" est, ou non, totalement et strictement déterminé par le présent, la lecture que l'on a du "potentiel" ou du "possible" est, me semble-t-il, différente.
De mon point de vue (je laisse Sescho s'exprimer sur son point de vue mais j'ai cru comprendre qu'il était le même), le "futur", même Spinoziste, malgré le déterminisme des lois, ou à cause de lui, reste un ensemble "ouvert" du fait de l'entendement imparfait qui est le nôtre (pourquoi aurait-il sinon pris la peine de définir ce qu'il entend par contingent et par possible).


je crois qu'il est important de distinguer entre ce qu'on appelle d'habitude un indéterminisme "ontologique" et un indéterminisme "épistémologique". Dans le premier cas, une cause réelle peut réellement donner lieu à deux effets réels différents. Dans le deuxième cas, un entendement peut ne pas tout savoir, et donc avoir une incertitude ou ignorance quant à quel effet sera produit par tel ou tel type de cause. L'un n'implique pas l'autre. Par exemple, je peux ne pas savoir si vous allez encore me répondre aujourd'hui ou non (indétermination épistémologique), alors qu'en réalité (je suppose un instant connaître la réalité) vous vous êtes couché de bonne heure, donc il était tout à fait impossible qu'à cette heure-ci vous alliez encore me repondre (déterminisme ontologique). Si en revanche il était réellement tout aussi possible qu'à cette heure-ci vous soyez encore suffisamment en forme pour me répondre que que vous vous soyez déjà couché, alors on a un indéterminisme ontologique, puisque indépendamment de ma connaissance de votre situation, celle-ci était intrinsèquement "ambivalente".

Pour autant que je l'aie compris, si aussi bien Sescho que moi-même disons que le spinozisme est un déterminisme ontologique, vous-même et Bardamu (à vérifier) trouvez qu'il y a moyen de trouver des arguments pro un indéterminisme ontologique chez Spinoza. Si c'est le cas, qu'est-ce qui vous le fait penser?

Sinusix a écrit :Il y a donc un hiatus évident entre ce qui adviendrait si tous les êtres n'avaient que des idées adéquates et ce qui advient du fait que tel n'est pas le cas. Autrement dit, au regard de la spécificité humaine et des pratiques de l'homme, la loi générale de nécessité ne s'identifie pas avec un déterminisme "finaliste" au sens où, même si elle ne fait pas partie d'un projet de Dieu, la loi de développement de "l'univers des hommes" serait inéluctable. Et s'il y a marge de manoeuvre, il y a potentiel ou possible, définissable à chaque instant.


si je ne m'abuse, je crois qu'ici vous confondez indéterminisme ontologique et indéterminisme épistémologique. Bien sûr, le fait qu'il y ait sur terre des êtres humains et donc des idées inadéquates fait partie de la réalité et donc correspond à des lois de la nature. L'indétermination épistémologique est donc une réalité, du moins pour les hommes. Mais le fait même que celle-ci correspond à des lois de la nature, fait qu'elle est elle aussi entièrement déterminée. Du point de vue d'un déterminisme ontologique absolu, il est tout à fait déterminé que nous avons à tel moment telle idée inadéquate et donc que nous avons à ce moment-là une idée de "potentialité", de quelque chose qui ne serait pas encore entièrement en acte. Mais cela ne rend pas encore cette idée d'une "puissance de la puissance" en elle-même adéquate ou vraie, si vous voyez ce que je voulez dire?

Sinusix a écrit :En revanche, sauf mauvaise interprétation de ma part, il me semble que vous vous inscrivez dans une vision strictement déterministe, sans espace de liberté, auquel cas, s'il était "écrit" que Louisa allait faire de son potentiel "en acte" ce qu'elle ne pouvait faire autrement que de faire comme elle l'a fait, en effet, dans ces conditions, il n'y a aucun hiatus à identifier. Ce n'est effectivement pas ma compréhension du texte.


en effet, vous avez bien compris, au sens où je crois que le spinozisme travaille avec un déterminisme ontologique absolu. Seulement, il va de soi que cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus aucune "espace de liberté", puisque justement, l'Ethique trouve son véritable objectif dans le livre 5, qui lui traite précisément de la liberté. Cela signifie juste qu'il faut apprendre à travailler avec un autre concept de liberté que celui qu'on utilise d'habitude: le mot "liberté" ne signifie plus "indétermination" (ontologique ou même simplement épistémologique), il signifie maintenant "Amour intellectuel de Dieu". Au lieu de référer à une espèce d'indétermination, le mot "liberté" désigne désormais une espèce d'amour. Ce qui signifie que la liberté devient un certain rapport de l'homme au monde, rapport qu'il peut créer lui-même, au lieu de désigner un "état" ou "condition" de l'homme considéré en soi seul, état auquel on n'échappe pas (comme le pense notamment l'existentialisme quand il parle de liberté). On rentre donc dans un tout nouvel horizon conceptuel et existentiel.

Sinusix a écrit :Pour en revenir à la santé, j'ajoute que, avec la mémoire, et conséquemment l'incursion du temps chez l'homme, il s'opère une double mise en perspective temporelle, soit sur la base du souvenir (l'état de santé perdu), soit sur la base de la projection normative (désirs), laquelle se raccroche, plus ou moins adéquatement, aux lois de la nature.


oui, je ne peux qu'être entièrement d'accord avec vous. Seulement, Spinoza dit que le temps, nous l'imaginons. Cela signifie à mon sens que penser les choses telles qu'on le fait tous et que vous le résumez très bien ici, pour Spinoza c'est rester dans l'imagination, ce n'est pas accéder au deuxième genre de connaissance, et encore moins au 3e.

Vous allez peut-être vous dire que si le spinozisme met en question des expériences aussi évidentes et fondamentales que celle du temps, qu'il s'agit d'une philosophie "absurde" voire "dépassée" etc. Or je crois que l'inverse est vrai: c'est précisément dans le fait de nous apprendre à prendre un peu de recul par rapport à nos notions les plus évidentes que réside l'effet "thérapeutique" de toute philosophie. Ce qui se discute, bien sûr.
Amicalement,
L.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 04 janv. 2009, 02:22

Sescho a écrit :L’exemple du troisième genre ne laisse pas de m’étonner… Cela me met vraiment sur le c… (vraiment) qu’on puisse le trouver problématique… (je laisse de côté les moult invitations répétées de Louisa à argumenter, etc. : ceci a déjà été fait plusieurs fois et son comportement réel est très largement à l’opposé ; il consiste à prendre une tournure de phrase dans le sens d’un préjugé, et de ne pas vouloir en démordre même avec 50 extraits contradictoires en face, qu’elle refuse de discuter.)


désolée Sescho, mais je ne peux que vous demander de me citer un seul commentateur, ne fût-ce qu'un seul, qui prétend avoir tout compris du troisième genre de connaissance. Tout ceux qui font de la recherche à ce sujet (et la recherche continue jusqu'aujourd'hui, ce qui en soi prouve déjà que le dernier mot n'est pas encore dit) signalent un tas de problèmes que l'on n'a pas encore réussi à résoudre.

Bien sûr, cela n'exclut en rien que vous soyez éventuellement le premier à avoir tout compris à ce sujet (pas d'ironie dans cette phrase). Seulement, Spinoza dit avoir trouvé un "Bien" qui est communicable. A mon sens, cela signifie qu'on ne peut prétendre avoir découvert ce que signifie le troisième genre de connaissance chez Spinoza qu'à condition de pouvoir l'expliquer de manière argumentative et convaincante pour n'importe qui qui a lu Spinoza et sait raisonner. Ce que vous ne faites pas.

Vous dites que le troisième genre de connaissance (et donc la liberté), ce n'est qu'une application d'une loi de la nature à un cas particulier. L'idée est intéresante, bien sûr (et en effet tout sauf difficile à comprendre), mais si ce n'était que cela:
- pourquoi Spinoza a-t-il dû écrire toute une partie de l'Ethique pour nous expliquer ce qu'est la liberté?
- et comment cela se fait-il qu'il appelle ce troisième genre de connaissance l'Amour intellectuel de Dieu, tandis qu'on ne voit pas très bien où il y aurait dans l'amour dans l'application d'une loi générale? Par exemple, en quoi voir tomber quelqu'un d'une chaise et se dire qu'il tombe vers le bas et non pas vers le haut à cause de la loi de la gravitation serait-ce suffisant pour Aimer d'un Amour intellectuel de Dieu cette personne?
- et pourquoi Spinoza dit-il qu'il faut d'abord comprendre l'éternité de notre Esprit avant de pouvoir comprendre une autre chose par le troisième genre de connaissance, si ce n'est qu'appliquer une loi scientifique (car il est certain qu'il ne faut absolument par croire en sa propre éternité pour pouvoir appliquer la loi de la gravitation au cas particulieur "Sescho tombe d'une chaise", un enfant sait le faire)?
- enfin, si le troisième genre ne consiste qu'à appliquer les lois de la nature à des cas particuliers, comment comprendre le fait que Spinoza dit qu'il s'agit de la chose la plus difficile et la plus rare qui existe? Prenons par exemple la loi de la nature qui dit que tout homme un jour doit mourir. Supposons que votre maman meurt. N'importe qui, à l'enterrement, appliquera la loi générale (qui est repris par Spinoza dans l'axiome de l'E4) en la voyant descendre en-dessous de la terre. Qui plus est, beaucoup penserons déjà leur propre mort, et appliqueront ainsi la même loi déjà à deux cas particuliers, ce qui devrait les rendre encore plus béats. Bien sûr, vous répondrez que souvent ce n'est pas le cas parce que les gens n'acceptent pas la nécessité de cette loi, s'imaginent que cela aurait pu être autre, et sont pour cette cause même Triste. Il faudrait donc réussir à penser à notre propre mort "calmement", pour reprendre vos termes, sans "passion". Mais ce n'est pas ce que Spinoza dit. D'abord il dit que le sage, celui qui est le véritable "maître ès 3e genre de connaissance", pense à tout sauf à sa propre mort. Puis il dit que cet axiome de l'E4 ne vaut que pour les choses singulières en tant qu'ils vivent dans un temps et un lieu précis, et non pas en tant que leur essence est éternelle. Si donc le sage ne pense pas à sa propre mort, c'est parce que la sagesse ne consiste pas à apprendre à appliquer l'axiome de l'E4 à notre propre mort, donc à accepter notre propre mort(comment cela pourrait-il être possible, si notre essence même se définit par la tendance à conserver notre être?), la sagesse consiste bien plutôt à apprendre à voir que notre essence est éternelle. Mais comment voir que notre essence est éternelle juste en appliquant quelques lois de la nature, donc en en restant au 2e genre de connaissance?

Bref, pour moi votre interprétation du 3e genre est intéressant, mais elle ne me convaint pas vraiment. Il y a trop de problèmes non résolus. Et ce ne sera pas en relisant l'E5 mille fois que du coup je penserai comme vous, il me faudra des explications beaucoup plus précises de votre part avant de pouvoir voir ce qui selon vous est vrai.

Vous pouvez alors me répondre que ces arguments, vous les avez déjà donnés, mais moi je les interprète mal. C'est bien possible. Mais la seule chose que je vois qui pourrait remédier à cela, c'est que vous reformulez jusqu'à ce qu'on comprend. Comme vous le savez, pour Spinoza réussir à faire comprendre à quelqu'un ce qu'on croit avoir compris soi-même, cela fait partie de sa propre félicité ou béatitude même. Par conséquent, je ne vois pas très bien comment vous pouvez prendre mon incompréhension comme une raison pour ne plus essayer de reformuler autrement. Puis encore une fois, vous me semblez être le seul sur ce forum (et ailleurs?) qui prétend avoir tout compris concernant le 3e genre de connaissance, donc essayer de reformuler ce que vous croyez avoir compris ne sera pas seulement utile à moi, mais sans doute à plein d'autres visiteurs de ce site aussi (pas d'ironie).

Pour résumer: mon problème n'est pas que je ne veux pas vous croire lorsque vous dites que pour vous le 3e genre n'a rien de problématique, mon problème c'est que pour moi, et selon moi pour Spinoza, la vérité n'a rien à voir avec une croyance. La vérité se communique more geometrico, donc en reformulant les arguments d'une telle façon que n'importe qui qui n'est pas entièrement stupide sait les comprendre.
L.


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