La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar hokousai » 12 janv. 2009, 13:45

cher bardamu

cela me rappelle ce texte de thomas d 'Aquin ( commentaires de logique d' aristote )

""""Car, quoique la superficie subsiste sous la couleur, la ligne sous la courbure, elle n’a point une telle manière de subsister par soi, mais bien par une autre, à savoir la substance première. En enlevant, en effet, à la superficie et à la ligne l’inhérence qu’elle a relativement à la substance en acte et en aptitude, il n’y aura plus ni superficie, ni ligne. Elles subsistent donc sous les accidents, parce que la substance première leur est subsistante. Donc le propre de la substance première est de subsister sous les accidents."""""

Mais comme chez Spinoza la substance unique est infinie .....

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Messagepar Sinusix » 12 janv. 2009, 13:48

Chère Louisa, bonjour

Connaissance prise de tous vos messages, qu'il m'apparaît inutile de commenter compte tenu de la conclusion que vous leur avez donnée vous-même, je vous livre cependant ci-dessous l'extrait auquel je me référais dans lequel vous attribuiez à Spinoza la possibilité qu'il ait envisagé une antériorité de la connaissance sur l'existence. Il m'avait semblé suffisant de le noter et de faire appel à votre souvenir de vos écrits.

Louisa a écrit :
Vieordinaire a écrit :Il veut demontrer l'absurdite que " l'intelligence et la volonté (qui, dans cette hypothèse,) constitueraient l'essence de Dieu," ?
Car, en autre, sous cette hypothese Dieu ne pourrait etre a "cause libre" (1p17c2)


ah ok, je vois.

En fait, je crois que là il veut montrer non pas qu'il serait absurde que l'intellect divin constitue l'essence de Dieu (car juste après il l'identifie lui-même à la puissance de Dieu), mais qu'il est absurde de concevoir l'intellect divin comme on le ferait selon lui d'habitude, c'est-à-dire comme un genre d'intellect humain, qui peut seulement comprendre "après coup" une chose (ici il réfute donc à mon sens l'idée de Sinusix que Dieu ne comprend pas les choses avant qu'elles n'existent). L.

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Messagepar bardamu » 12 janv. 2009, 14:25

hokousai a écrit :cher bardamu

cela me rappelle ce texte de thomas d 'Aquin ( commentaires de logique d' aristote )

Intéressant ça.
Vous sauriez à quelle partie de la logique d'Aristote correspond ce commentaire ? Aristote utilise la même image ?

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Messagepar Sinusix » 12 janv. 2009, 18:41

Bonsoir Sescho,

A part quelques interrogations que je souligne, je suis globalement d'accord. Je me permets d'insérer quelques uns de mes "schémas" de compréhension, pour vérifier auprès de vous.

sescho a écrit :Je voudrais ensuite rappeler que :

- L’entendement infini est immuable et recouvre en particulier tous les modes finis (dans l’essence, donc), sans égard à leur existence en acte.

- Il est le parallèle du Mouvement, qui lui-même porte l’essence de tous les corps (n’étant pas lui-même soumis au temps qui vient avec les choses singulières – en acte, donc – comme son effet.) Il n’y a donc aucune antériorité de l’Entendement infini sur le Mouvement (la seule difficulté - irréductible à mon avis - que nous avons c’est que l’on conçoit l’entendement infini comme existant à chaque instant, mais pas la totalité des corps ; la différence vient de notre propre soumission au temps, en tant que chose singulière nous-mêmes.)

- Qu’à partir du moment ou Spinoza parle d’intellect divin, celui-ci faisant partie de la nature naturée (c’est un mode, donc), il faut concéder que Spinoza parle successivement de Dieu comme Substance (nature naturante) puis comme tout ce qui est (en particulier modifié par les deux modes infinis connus : Mouvement et Entendement infini.)


Etant rappelé en préambule constant, et non répété à chaque instant, que nous naviguons toujours dans l'immanence (Dieu/Attributs/Modes), je fais de tout ceci (avec tout l'arrière-plan) la synthèse ci-dessous.

L'enchaînement logique de la fusée à trois étages est le suivant :

1/ 1er étage - Nature naturante
- Dieu/Substance Unique/Infinité d'attributs (nous n'en connaissons que deux, l'Etendue et la Pensée : Dieu est de toutes choses cause immanente et non transitive. La nature naturante, en tant que cause de la suite en diffère tant par l'essence que par l'existence. Nous sommes dans l'éternel, immuable, indivisible, etc.

2/ Nature naturée : deux temps logiques
- 2ème étage - Modes infinis immédiats : nous n'en connaissons conséquemment que deux : l'entendement infini et le Mouvement. Nous sommes toujours dans l'éternel et le globalement immuable, mais le divisible (la partition) est introduite. C'est l'étage des essences et des lois (notamment des idées adéquates). A ce niveau, chaque attribut est cause absolument prochaine du tout et des parties, autrement dit la production d'une partie ne dépend pas des autres.
- 3ème étage - Modes infinis médiats : Spinoza devrait développer son argumentaire sur deux plans, mais ne le fait bizarrement que concernant les corps - la facies totius universi (rien sur les idées existantes). C'est l'étage de l'existence et des existences. A ce niveau, chaque chose singulière est produite par l'attribut (dans le respect de l'interconnexion des attributs dans l'unité substantielle, rappelons-le) en tant qu'il cause en même temps la chaîne infinie des choses singulières. L'existence de chacune dépend donc de l'action de toutes les autres. A cet étage, chaque attribut peut se développer et agir en son genre, ce qui explique que pourront, par exemple, se développer les idées inadéquates
Globalement, on voit bien que le second étage est l'essence du troisième et que le troisième étage est l'existence du second. On voit également que les deux étages, modes infinis de la nature naturée, correspondent aux deux seules types de "réalités" connues : les essences d'une part, les existences d'autre part.
Bizarrement, comme je le dis plus haut et le note M. Guéroult, nous constatons un déséquilibre d'exposition de la part de Spinoza, lequel contribue peut-être à la difficulté de reconstitution de sa pensée. En effet, au 3ème étage, le monde des idées existantes (mode infini médiat de la Pensée) est, en apparence, laissé vide (il semble répugner à mettre expressément en corrélation le total des existences psychiques et le total des existences corporelles - dixit M. Guéroult) ; en revanche, au 2ème étage, c'est le concept Mouvement et le repos qui reste "obscur" par rapport aux développements sur l'entendement infini.


sescho a écrit :Développement :

- La traduction Pautrat de E2D2 ne fait pas référence à l’existence, ce qui est beaucoup plus clair (mais il est entendu qu’à un moment ou à un autre dans la sempiternité toute chose dans la nature de Dieu viendra à l’existence.) J’en reviens à ce que j’ai déjà dit : nous sommes dans la définition pure (non génétique) : la chose étant donnée (qu’elle existe ou pas en acte), son essence (son être, sa nature) est donnée par la même occasion, et inversement ; « pose » et « supprime » sont des termes liés au fonctionnement de l’intellect et nullement des références à l’existence en acte.


Personnellement, si c'est ce que vous voulez signifier, j'ai peine à comprendre, conformément à ce que je rappelais à Louisa de ma lecture de E2P8, que les essences individuelles (les sécantes E et D spécifiques) soient données et qu'il ne suffit pas de l'essence dont elles découlent génétiquement (celle du cercle). Par ailleurs, en quoi pose et supprime sont-ils des termes liés au fonctionnement de l'intellect puisque la définition porte sur toutes les essences (de corps et d'idées).

sescho a écrit :Le début de E2P10Dm indique logiquement qu’ « être de la substance » veut dire « essence impliquant l’existence. » Il est évident aussi que ceci a de l’importance dans la démonstration. En outre la substance est (selon l’essence, et donc, pour ce qui la concerne, selon l’existence.)


Absolument. On retrouve la même trace de preuve de cette signification dans E1P10S.

sescho a écrit :Spinoza pose ensuite (selon l’hypothèse ad absurdum) : A l’essence de l’homme appartient l’être de la substance, combiné selon toute vraisemblance à « appartient à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose » de E2D2.

La démonstration est donc articulée comme suit : à l’essence de l’homme appartient l’être de la substance = la présence de l’être de la substance pose nécessairement l’homme dans son existence (et pas seulement dans son essence, ceci venant de l’être de la substance). Et c’est seulement cela (l’existence) qui est contraire à E2A1. Il n’y a donc aucune contradiction avec ce que E2D2 porte seulement sur l’essence (et pas du tout sur l’existence.)


Là je préfère dire que je ne comprends pas ce paragraphe puisque l'objet la démonstration est de montrer au contraire qu'à l'essence de l'homme n'appartient pas l'être la substance ?

sescho a écrit :
- E2L2 est très intéressant dans son utilisation par E2P37 : ce qui est commun à tous les corps ce sont dans ce cas l’Etendue et le Mouvement.


Tout à fait, le tout, divisible, contient les parties, mais simultanément les parties enveloppent le tout.

sescho a écrit :E2P37 parle de Dieu, en fait : les attributs (la substance) et ses modes infinis. Ceci, avec E2P38, suivie de son corollaire qui parle de notions communes, montre qu’il y a bien fondement à considérer Dieu (substance / attributs et modes infinis) comme notion commune (au sens large.) Comme l’avait dit Henrique il y a bien longtemps, ce qui est commun à toute chose sans exception est forcément Dieu. Toutefois, les notions communes étant au sens strict des lois, il convient de considérer encore une fois que les lois sont l’essence même de Dieu et ne constituent elles non plus l’essence d’aucune chose particulière.


Absolument. Et c'est bien pour cela que nous arrivons à comprendre maintenant quelque chose à l'engendrement d'un homme à l'essence singulière duquel n'appartenait aucune notion commune. C'est parce que (voir plus haut), l'essence (ou les essences) nécessaires à cet effet sont, dans les modes infinis immédiats connexes entre eux, un effet absolu de Dieu au travers de l'infinité de ses attributs.

sescho a écrit :E2P39 parle de commun avec « certains corps », et E2P40 de l’adéquation de la déduction, du raisonnement. Ce petit groupe de propositions seul définit la Raison (et ce qui précède les causes de l’erreur, pour l’essentiel) : attributs / modes infinis (Mouvement en particulier) / propriétés générales des choses / raisonnement.


S'agissant d'idées adéquates, ces notions communes appartiennent bien, de toute éternité, au 2ème étage et correspondent, bien entendu, à des opérabilités réelles.

sescho a écrit :C’est ce que résume E2P40S2 au sujet de la Raison, ou deuxième genre de connaissance : « (III) enfin, de ce que nous avons des notions communes, et des idées adéquates des propriétés des choses (voir le Coroll. Prop. 38, la Prop. 39 avec son Coroll. et la Prop. 40 de cette p.) »


Effectivement, et l'on voit bien que, dans le fonctionnement du 3ème étage, les idées ne sont pas l'effet absolu de l'attribut Pensée, mais sont produites en tant que l'attribut est cause de l'ensemble infini des idées existantes nécessaires pour les déterminer, l'existence de chacune dépendant de l'action de toutes les autres (autrement dit, la connaissance ne vient que de la compréhension de l'enchaînement infini des choses). Par là, les choses se compliquent, mais ce n'est pas le lieu d'en parler, à partir du moment où, contrairement à ce que pouvait penser Spinoza à son époque, la chaîne de la Nature naturée ne part pas d'un premier niveau d'essences identifiées constituées dans l'absolu, mais qu'elle est susceptible de remonter jusqu'aux éléments de base de la soupe substantielle "primitive" (ce qui prouve que la clarification de l'incidence déformante du temps, abordée par Bardamu, est complexe, pour ne pas dire plus).

sescho a écrit :- L’usage de E2D2 par E2P37Dm ne pose pas de difficulté (nous sommes toujours strictement dans les essences.)


C'est la conclusion à laquelle j'arrive maintenant.

sescho a écrit :Pour l'instant, je ne vois pas de raisons de renier, au contraire, ce que j'ai déjà mentionné, et que Sinusix a grandement éclairci : l'Etendue et le Mouvement ne font pas partie de l'essence des corps (j'ai quelque chose à consolider concernant le Mouvement, mais je le laisse quand-même en vertu de E2L2 / E2P37.) Un corps, par exemple, n'est pas étendu par son essence mais par celle de sa cause. Il est une forme dans l'Etendue. Nous retrouvons bien là la seule explication possible de cette phrase très surprenante au premier abord de E1P17S : "le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle."


Oui : tout corps a les propriétés de sa cause absolue, à savoir celles des essences éternelles et des lois qui font partie des modes infinis immédiats qui le concernent (par exemple le genre homme et toutes les lois associées, notamment de reproduction sexuée ; la faculté de penser)

Amicalement
[/u]

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Messagepar hokousai » 12 janv. 2009, 19:15


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Messagepar bardamu » 12 janv. 2009, 21:02


Merci.
Apparemment il ne donne pas l'origine de l'image, il va falloir que j'aille faire un tour du côté d'Aristote...

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Messagepar sescho » 12 janv. 2009, 22:36

bardamu a écrit :... je verrais deux manières de voir les choses.
On peut suivre un ordre de la généralité : Etendue - > mouvement infini - > mouvement fini
Si on transforme cet ordre en ordre causal, on va dire que l'Etendue est cause du mouvement infini lui-même cause du mouvement fini.
C'est CT1Ch8 : "les choses particulières qui sont causées par les modes généraux"

"Mouvement fini" ne me parle pas du tout. Le Mouvement n'est pas limité par une chose de même nature.

bardamu a écrit :Mais on peut aussi considérer que l'Ethique évolue par rapport à ça.
E1P28S : "Dieu ne peut être appelé proprement la cause éloignée des choses particulières, si ce n’est afin de distinguer cet ordre de choses de celles que Dieu produit immédiatement, ou plutôt qui suivent de sa nature absolue"

Je ne vois pas l'évolution. Les mots ne sont pas les mêmes, et l'interprétation peut éventuellement changer en fonction de cela, mais je ne vois aucune contradiction. Cette phrase montre qu'il n'y a que deux ordres, et on voit ailleurs qu'il y a un rapport de causalité (immanente) entre ces deux ordres (par exemple : E1P28S : "Comme certaines choses ont dû être produites immédiatement par Dieu, j'entends celles qui suivent nécessairement de sa nature absolue, et, moyennant ces premières, d'autres qui ne peuvent pourtant ni être ni se concevoir sans Dieu..." ou E1P32C2 : "... les choses (en nombre infini) qui résultent du mouvement et du repos ...")

bardamu a écrit :... Concevoir l'une sans les autres n'est qu'une conception partielle risquant de bloquer le système d'enveloppement des choses en Dieu ou de développement de Dieu dans les choses.

Spinoza parle bien au sujet du troisième genre de procéder des attributs (sans forme) aux choses. Il ne s'agit effectivement pas de considérer l'une sans l'autre, mais de garder à l'esprit la hiérarchie : les modes ne peuvent pas se concevoir sans leur cause, alors que l'inverse se peut. L'intérêt de ceci est de ne jamais considérer les choses particulières comme pouvant se concevoir en soi.

bardamu a écrit :... je ne vois pas en quoi l'essence se distingue totalement de l'existence, non seulement en prenant l'essence selon l'éternité que l'essence selon la durée.
Je ne vois pas pourquoi on ne considèrerait pas qu'à l'essence selon l'éternité correspond une existence selon l'éternité et à l'essence selon la durée une existence selon la durée. On a 2 concepts (essence et existence) croisés avec 2 points de vue (éternité et durée).

Non, non. Spinoza dit clairement en plusieurs endroits que les essences sont éternelles ("essence temporelle" est donc contradictoire.) Lorsqu'il parle d'une essence manifestée, il utilise "essence actuelle" ("actuelle" voulant dire "en acte", bien sûr.) Il dit tout aussi clairement en d'autres endroits que l'existence des choses singulières n'est pas éternelle.

Des extraits sont disponibles ici.

bardamu a écrit :Concevoir selon l'éternité est la conception qu'on doit adopter dans les 2nd et 3e genres de connaissance (E2p44 coroll. 2 : Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité) et cela me semble s'appliquer aussi bien à la conception des essences que des existences.

Pas vraiment. Voir les choses sous la forme de l'éternité, c'est les voir comme résultant de l'essence de Dieu, qui est éternel, comme le montre la démonstration. L'existence des choses singulières n'est pas éternelle car ce qui est éternel ne change pas au cours du temps (c'est pourquoi les choses singulières changeant, ce n'est pas que leur essence prise en elle-même change, mais qu'elles incarnent successivement des essences différentes. Ce qui est permanent c'est l'essence prise en elle-même, ce qui n'est pas permanent c'est "chose singulière" en tant que singulière. On assimile les mots "cette chose singulière" à une permanence dans l'être en acte qui est imaginaire dans le principe.)

Ce qui est éternel c'est l'Etendue en Mouvement, entre autre. Que les choses singulières viennent à l'existence et se transforment en vertu des lois divines, et ne pourraient avoir eu lieu autrement, ne rend pas pour autant l'existence des choses singulières éternelle. C'est la pertinence du concept même de "chose singulière" qui est en cause si on lui donne une quelconque consistance d'être en soi.

bardamu a écrit :... sauf erreur, tu conditionnes l'existence des choses singulières à une causalité transitive.

C'est Spinoza qui le fait avec E1P28.

bardamu a écrit :... l'idée d'une causalité transitive me semble essentiellement due à une perception selon la durée. Lorsqu'on passe à une conception des existences selon l'éternité, il n'y a pas besoin de transitivité et la finitude n'est pas particulièrement liée au mouvement.
Je considère ici que tu conçois le mouvement comme un mouvement dans la durée, trajectoire de x à y en un temps t, mais je ne suis pas certain que ce soit ton idée.

La répétition de ce "concevoir selon la durée" vs "concevoir selon l'éternité" à mon encontre (Louisa surtout) m'étonne... Je connais parfaitement ce passage depuis longtemps, et je considère de fait les choses sous l'angle de l'éternité. Les concevoir sous l'angle de l'éternité c'est les concevoir en Dieu (les démonstrations toujours.) Maintenant, de là à gommer complètement l'angle temporel, c'est ce que Spinoza lui-même ne fait pas, et à juste titre : nous avons des conceptions incontournables selon le temps. Le plus amusant c'est que cela vient généralement de prémisses mal comprises : on voudrait qu'une chose singulière incarne une essence propre. Mais qui dit "chose singulière" dit existence limitée dans la durée (de toute évidence, ce n'est même pas en question.) On voudrait donc démontrer qu'une chose singulière conserve son essence dans la durée, en arguant qu'il ne faut pas voir les choses sous l'angle de la durée (mais sous celui de l'éternité) !!!

bardamu a écrit :Pour moi, on peut concevoir le mouvement comme concept premier avant tout rapport à la durée ou l'espace. Il ne reste alors qu'à concevoir une finitude première, avant tout rapport au temps au sens de "quelque chose qui bouge".

Spinoza dit bien dans les PM que le temps vient avec l'existence des choses singulières.

Einstein était lecteur assidu de Spinoza, de mémoire...

Sur l'espace de Minkowski, cela pourrait assez bien correspondre à la vision de Spinoza en ce que Dieu (en Mouvement) ne connaît pas le temps, ce qui fait que tout corps est quelque part toujours existant en Dieu, sans aucune durée (mais le terme "toujours" se réfère au temps, et l'existence d'une chose singulière aussi ; nous ne sommes que des modes finis...) Sur la relativité de l'espace, Spinoza aurait-il la même compatibilité (oui, sans doute, puisqu'il s'agit de la métrique de l'espace, que Spinoza considère comme imaginaire.) Je n'ai pas assez poussé la réflexion pour être affirmatif, en fait. Et ainsi du reste...

De mémoire, cependant, le temps garde quelque particularité dans l'espace de Minkowski, non ? Chez Spinoza aussi...

La prédestination divine (PM, CT de mémoire) peut être vue comme une éternité de l'existence (dans l'Etendue en Mouvement) en général, mais pas comme l'éternité d'une existence particulière. C'est en substance ce que dit Spinoza lorsqu'il dit que la puissance (active, donc) de Dieu est égale à son entendement et à son essence. Toute chose viendra à l'existence (et encore et encore dans l'infinité du temps) et ce suivant les lois infaillibles du Mouvement. Et par ailleurs Dieu n'est pas soumis au temps. De ce point de vue on pourrait à la rigueur dire que l'existence de quoi que ce soit est éternelle (éternellement inscrite dans l'essence divine serait plus juste), parce que Dieu dont elle découle est éternel. Mais il n'en reste pas moins que Spinoza dit bien que l'existence des choses singulières n'est pas une vérité éternelle.

Peut-être que par "vérité" il fait référence à notre entendement limité, mais nous n'avons que celui là pour comprendre quoi que ce soit en vérité. De par cet entendement, il est clair que les choses changent ; je ne vois pas qui pourrait soutenir le contraire (et ce n'est pas de ressortir "voir les choses sous l'angle de l'éternité" qui y change quoi que ce soit dans un esprit de clarté.)

bardamu a écrit :Un bloc d'espace-temps au sein de l'espace 4D est comme une affection finie de cet espace. Une des dimensions du bloc correspond à une durée mais le bloc lui-même ne change pas, ne dure pas.

L'"Espace 4D" c'est Dieu.

bardamu a écrit :Si par exemple on a la forme 4D correspondant à un tourbillon qui tourne à gauche de sa naissance à sa disparition, on peut concevoir une zone regroupant les "tourbillons tournant à gauche". Ce sera l'essence humaine composée de la puissance de chaque tourbillon singulier, chaque tourbillon singulier ayant aussi son existence et son essence éternelle propre plus ou moins proche du modèle utilisé pour caractériser les "tourbillons tournant à gauche".

Spinoza dit bien aussi qu'à ce qui peut se rencontrer à plusieurs exemplaires l'existence n'appartient pas à l'essence (il parle aussi corrélativement de l'impossibilité de la coexistence de deux substances de même nature.) Ceci signifie clairement que l'essence est commune (pour une grande part tout au moins) entre plusieurs choses singulières qui existent en même temps.

Je pense voir assez clairement ce que tu veux dire, mais finalement l'exemple est trop compliqué à mon goût, et en même temps ce que tu veux dire trop contraire à ce que dit Spinoza selon moi, pour me donner envie de poursuivre sur cette voie. Je m'en excuse sincèrement compte tenu de ton souci d'argumenter sur le fond.

A+


Serge
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Messagepar hokousai » 12 janv. 2009, 22:49

à sinusix

Par là, les choses se compliquent, mais ce n'est pas le lieu d'en parler, à partir du moment où, contrairement à ce que pouvait penser Spinoza à son époque, la chaîne de la Nature naturée ne part pas d'un premier niveau d'essences identifiées constituées dans l'absolu, mais qu'elle est susceptible de remonter jusqu'aux éléments de base de la soupe substantielle "primitive" (ce qui prouve que la clarification de l'incidence déformante du temps, abordée par Bardamu, est complexe, pour ne pas dire plus).


Ce n'est pas non plus le lieu pour ne pas en parler .
Donc vous pouvez en parler .
Vous devriez même en parler parce que votre propos ne vas pas être sans susciter l'étonnement .

( étonnement qui ne sera peut être pas autrement formulé.... enfin moi je le formule )

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Messagepar Sinusix » 13 janv. 2009, 16:00

hokousai a écrit :à sinusix

Par là, les choses se compliquent, mais ce n'est pas le lieu d'en parler, à partir du moment où, contrairement à ce que pouvait penser Spinoza à son époque, la chaîne de la Nature naturée ne part pas d'un premier niveau d'essences identifiées constituées dans l'absolu, mais qu'elle est susceptible de remonter jusqu'aux éléments de base de la soupe substantielle "primitive" (ce qui prouve que la clarification de l'incidence déformante du temps, abordée par Bardamu, est complexe, pour ne pas dire plus).


Ce n'est pas non plus le lieu pour ne pas en parler .
Donc vous pouvez en parler .
Vous devriez même en parler parce que votre propos ne vas pas être sans susciter l'étonnement .

( étonnement qui ne sera peut être pas autrement formulé.... enfin moi je le formule )


Bonjour Hokousai,

Je n'ai bien entendu senti aucune malice dans votre message.

Je ne fais qu'expliciter un peu plus ce que j'ai voulu engager, de manière un peu hexagonale, par mon propos ci-dessus. Le tout pouvant se raccorder à l'échange entre Sescho et Bardamu, plus particulièrement le problème lié à E1P24 et E1P25 de production par Dieu des essences finies.
En effet, du fait de leur éternité, Spinoza ne nous dévoile pas sa pensée sur leur production, ce qui laisse large place à notre spéculation, encadrée par la formulation de E5P40 (partition du tout).
En l'occurrence donc, et suivant la "réalité" que l'on donne à l'essence selon l'Eternité correspondant à l'essence manifestée de chaque chose existante (interprétation de E2P8 pour ma part, à savoir développement génétique des essences singulières sur la base d'une "essence de genre"), le problème serait celui-ci.
Dans la mesure où, me semble-t-il, la conception du Monde vivant de Spinoza devait reposer sur une vision "fixiste" (j'entends une vision restant dans la logique créationniste quant au contenu en choses et en créatures de la facies totius universi) de l'identité et du nombre de genres de choses singulières existantes dans la durée (pour les organismes vivants, par exemple, ce que j'appellerais la vision "arche de Noé" : les animaux, les plantes, etc.), le jeu des essences manifestées auquel il devait réfléchir était celui d'un engendrement récurrent d'individus différents d'une même lignée de genres et d'espèces. Qui plus est, compte tenu de l'explication par la préformation, l'infinité des mouches futures susceptibles d'être engendrées par elle étant présentes dans chaque mouche existante, il pouvait éventuellement fair reposer sur cette essence éternelle le principe de développement "atemporel" de l'espèce mouche.
A supposer donc qu'il ait connu, non seulement Darwin, mais la physique corpusculaire et tout ce qui s'en suit, il aurait dû intégrer le fait que le problème de l'existence n'est pas seulement celui de la durée de vie de la mouche, ou de l'homme, mais que, au delà de la phylogenèse et de l'apparition de la vie, c'est tout le processus du 3ème étage médiat qui s'enchaîne depuis l'origine, et pas seulement le processus générationnel de chaque lignée d'individus distingués.

Si donc, rien dans notre vision scientifique "moderne" ne me paraît devoir contrarier la construction métaphysique du 1er étage, je me gratte la tête sur certains passages de la suite. Bien entendu, et dans ces conditions, les deux conceptions de l'Univers selon lesquelles se partagent les scientifiques actuellement (Univers-bloc pour 90%, surtout en Cosmologie, adeptes de la Courbe du Temps à 10%, plus chez les chercheurs du boson de Higgs) sont à intégrer au questionnement de Bardamu sur le temps.
Je n'ai bien entendu pas de solution à proposer, sinon je ne serais pas l'humble membre du forum que je suis.
Si quelqu'un doit être étonné de mon propos, je ne sais pas dans quel sens. Il est vrai qu'il faut peut-être s'arrêter, arrivé là, à éplucher l'Ethique à la lumière de ces préoccupations qui n'étaient semble-t-il pas les siennes. Mais puisque la connaissance mène à la béatitude, pourquoi se limiter dans son questionnement ?

Amicalement

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Messagepar hokousai » 13 janv. 2009, 20:34

A Sinusix

très intéressant ....mais mon étonnement provient de ceci :

vous parliez du troisième étage ( j ai supposé que c'était le 3eme genre de connaissance )
............................................................

donc (de mon point de vue)
quelles que soient les avancées de la science ce que pensait Spinoza de la connaissance du troisième genre reste valide .

Le troisième genre n'a pas de contenu a priori , c'est une manière de voir (un habitus ).

Prétendre qu'on voit par là directement les essences (eidos ) serait un platonisme sans Platon (c'est à dire hors de la caverne) .

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Spinoza ne dit pas cela

il dit :
1)que tout dépend de Dieu
2) que la démonstration n’ affecte pas autant l’esprit que ….

que quoi ?

3)que quand on tire cette conclusion de l’essence même d’une chose singulière et (très important) que nous disons dépendre de Dieu (évidemment, sinon quel rapport avec la conclusion de la démonstration .

4) Ce qui se fait intuitivement .
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Ce qui intéresse Spinoza c’est que c’est un moyen tout aussi assuré que le raisonnement (relativement donc à la connaissance capitale qui est « « tout dépend de Dieu » »)

la conn. du troisième genre n'est pas une fin en soi .
ce n’est pas un super pouvoir de vison extralucide des choses .***

C’est la vison claire et distincte (ça il y tient ) des choses mais accompagnée de l’idée de Dieu comme cause . (Ce qui se fait intuitivement)

Alors quelle est la finalité de cette connaissance du 3em genre où nous devons devenir fort ?
C’est la satisfaction de l’âme (gloire dans les livres sacrés)
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***(Mon interprétation est anti faustienne )


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