La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 17 nov. 2008, 00:06

à Platoche

Je ne parle jamais de libre arbitre ( trop lourde charge pour la pensée )

La question du déterminisme est d'une grande complexité , personne n'en est sorti . Je dis que la critique assez acerbe , de Spinoza , de la conscience naturelle de la liberté a toujours fait problème .Je n’ai pas une solution à un faisceau de questions .

Je cherche à penser Dieu ou la nature , libéré de sa nature ( justement de sa nature ou de son essence ) ,libéré des lois éternelles de la nature .
Et ce parce que la nature ne me semble pas tant attachée à la pesanteur des causes invoquées .Pour tout dire je ne la vois faire que du neuf ,de l’inédit , l’image de la spirale ne revenant pas à son point de départ me parait meilleure que celle du cercle .
On est dans un univers de causes approximatives ce qui donne un déterminisme délié ou pas franchement strict, il y a de la place pour votre liberté ..

( je préfère vous répondre comme cela , approximativement et pas trop jargonnant ) .

au plaisir de vous lire
hokousai

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Bruno31415
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Messagepar Bruno31415 » 19 nov. 2008, 20:00

Bonsoir,

Merci pour vos nombreuses contributions. J'ai plaisir à vous lire même si je me rends compte être encore loin de comprendre le fin mot de l'histoire quant au problème de la liberté chez Spinoza et son intrication dans le déterminisme.

Je poursuis néanmoins mon étude et je voudrais soumettre un exemple pratique.

Supposons un homme qui rencontre une femme. Celle-ci lui paraît très belle et il éprouve une passion amoureuse qui l'empêche de vivre normalement : il pense sans cesse à elle, il en souffre, etc.

Clairement, cet homme n'est pas libre : si il fait une fixation sur cette femme, elle devient cause extérieur de ses actes, de ses pensées, etc.

Comment, selon Spinoza, pourrait-il se libérer de sa passion ?

D'après ce que j'ai lu, il doit d'abord prendre connaissance des causes de ses affects. Ici, c'est assez simple, il se dira : "c'est parce qu'elle me plait". Peut-être cela l'incitera-t-il à agir et à déclarer sa flamme auprès de cette femme. Supposons alors que cette dernière le rejette et que lui continue malgré tout à être obsédé par elle. Comment se libèrera-t-il de cette situation ?

A bientôt,
Bruno.

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Durtal
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Messagepar Durtal » 19 nov. 2008, 21:14

Comment, selon Spinoza, pourrait-il se libérer de sa passion ?


S'il se fait qu'il peut contrarier cet affect par un affect plus fort. Sinon il ne le pourra pas.

(note: certains affects sont des actions (et non des passions))

D.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 02:29

Bruno a écrit :Merci pour vos nombreuses contributions. J'ai plaisir à vous lire même si je me rends compte être encore loin de comprendre le fin mot de l'histoire quant au problème de la liberté chez Spinoza et son intrication dans le déterminisme.


Bonjour Bruno,

pour autant que je sache, même les plus grands commentateurs de Spinoza disent qu'ils n'ont pas tout compris à ce sujet. Par conséquent, on fait tous ce que tu fais: poursuivre l'étude du texte, en discuter etc. Et le plaisir est réciproque, bien sûr.

Bruno a écrit :Supposons un homme qui rencontre une femme. Celle-ci lui paraît très belle et il éprouve une passion amoureuse qui l'empêche de vivre normalement : il pense sans cesse à elle, il en souffre, etc.

Clairement, cet homme n'est pas libre : si il fait une fixation sur cette femme, elle devient cause extérieur de ses actes, de ses pensées, etc.

Comment, selon Spinoza, pourrait-il se libérer de sa passion ?

D'après ce que j'ai lu, il doit d'abord prendre connaissance des causes de ses affects. Ici, c'est assez simple, il se dira : "c'est parce qu'elle me plait". Peut-être cela l'incitera-t-il à agir et à déclarer sa flamme auprès de cette femme. Supposons alors que cette dernière le rejette et que lui continue malgré tout à être obsédé par elle. Comment se libèrera-t-il de cette situation ?


la liberté spinoziste serait-elle de l'ordre d'un être libre "de" au sens négatif (être libre de ou dépourvu d'affects-passions, de tout esclavage, ...), ou au sens positif (être libre de pouvoir s'affirmer solidement dans l'existence)? Je crois que le livre cinq suggère plutôt la deuxième chose: la liberté est la Joie suprême, l'affirmation de ce qu'on est essentiellement. Elle consiste dans la compréhension, dans une augmentation de sa puissance durable.

Il n'en demeure pas moins qu'un des objectifs du spinozisme est d'essayer de "contenir" les affects-passions, voire de les "détruire". Tel que tu le décris ci-dessus, il s'agit effectivement d'un exemple type d'un affect-passion. Et comme tu le dis, le remède spinoziste à un affect-passion, c'est d'essayer de le comprendre.

Or à mon avis chez Spinoza comprendre un affect ce n'est pas juste se dire que je suis obsédé par cette femme parce qu'elle me plaît. Je crois que l'effet "thérapeutique", si j'ose dire, de la compréhension ne commence à se produire que lorsque d'une part on pousse la compréhension beaucoup plus loin, et d'autre part lorsqu'on comprend quelque chose d'assez précis par "comprendre", dans ce contexte.

Car bon, disons qu'on constate que cette femme me plaît. On peut immédiatement se poser la question "pourquoi est-ce qu'elle me plaît?". Sans doute parce qu'elle est belle, bien sûr. Mais pourquoi trouves-tu qu'elle soit très belle? Selon Spinoza, comme certains l'ont rappelé dans un autre fil de discussion ici, la beauté est "relative", c'est-à-dire dépend des goûts de celui qui trouve que ceci ou cela est beau. Dès lors, la question devient: pourquoi toi tu trouves cette femme belle? On aura sans doute tendance à répondre que probablement n'importe qui la trouvera belle. Et voilà qu'on aura peut-être déjà une première réponse: être ensemble avec une femme que tout le monde trouve belle, quel effet est-ce que cela a sur notre estime de nous-même, sur la façon dont les amis et les collègues vont me percevoir, etc? En principe, l'effet devrait plutôt être positif. On a même peut-être déjà imaginé qu'on la présente à ses parents ou à ses amis, on a déjà anticipé le regard admirateur de ceux qu'on apprécie etc. Ce qui veut dire qu'il est bien possible qu'une des raisons pour lesquelles cette femme nous attire tellement et réussit à tellement fixer notre attention, c'est ce que Spinoza appelle la "Gloire": le fait de s'imaginer que d'autres nous louent (Ethique livre 3, Définitions des affects (fin du livre), définition 30 (ou E3 Déf.Affects 30)).

A partir de ce moment-là, on peut se demander dans quelle mesure cette Gloire nous est vraiment utile. Spinoza ne nie pas qu'elle peut être utile (E4P58), mais cela n'est le cas que sous certaines conditions. Si par exemple on cherche simplement l'appréciation de la majorité des gens, souvent cela n'est pas très utile, parce que cette appréciation varie fort d'un jour à l'autre et cela en fonction de choses que l'on ne maîtrise pas et qui souvent n'ont pas grand-chose à voir avec qui ont est. Comprendre cela, la Joie de comprendre cela, permet donc déjà d'un peu moins s'attacher à cette image d'un maximum de gens qui nous louent quand ils me voient avec une femme très belle. Cela permet aussi de comprendre qu'on a en fin de compte avant tout besoin d'être apprécié par ceux qu'on apprécie réellement soi-même, non pas par n'importe qui (même si le plus grand nombre de prime abord peut nous affecter davantage), tout comme il est beaucoup plus agréable et utile d'être apprécié pour ce qu'on est soi-même, pour nos capacités réelles, que d'être apprécié pour quelque chose qui dépend beaucoup plus du hasard.

Car en effet, réussir à séduire cette femme finalement ne dépend pas seulement de nos capacités à nous, mais en grande partie aussi du hasard. Pourquoi? Parce que selon Spinoza, ce qu'on aime, c'est avant tout ce qui ressemble le plus aux choses qui ont déjà frappé notre "Corps" auparavant d'une manière "joyeuse", d'une manière qui augmentait notre puissance (E3P16). La mémoire a gardé une trace de cela, et fait revivre la même Joie lors de la rencontre avec une chose nouvelle, qui y ressemble. Par exemple, si on a beaucoup aimé sa mère, une femme qui y ressemble physiquement nous attirera immédiatement beaucoup plus que celle qui corporellement a moins en commun avec elle. Selon Spinoza, la liste de ce genre de chose est assez longue. Or cela signifie que le fait même que cette femme ressentira la même passion pour nous ou non, dépend en partie de ce que "la rencontre fortuite avec la nature" lui a fait aimer. Est-ce qu'en tant qu'homme tu ressembles à quelque chose qui était déjà source de Joie pour elle? Alors il est probable qu'elle te trouvera dès le début assez sympathique. Sinon il se peut qu'elle reste au début assez neutre, voire, si par hasard tu as quelque chose en commun avec ce qui lui a causé de la Tristesse, adoptera une attitude plutôt méfiante.

Si l'on comprend cela, on peut se dire qu'il est tout à fait normal d'être charmé lorsque la femme qu'on aime dit que l'amour est réciproque, mais qu'en réalité, rien ne permet de savoir si ce qu'elle aime c'est réellement qui on est, ou plutôt l'une ou l'autre caractéristique tout à fait superficielle et hasardeuse (la couleur de mes yeux, la forme des lèvres lorsque je souris, le fait que j'aime tel sport, etc). Inversement, si de prime abord elle n'est pas encore amoureuse elle-même, on ne doit pas déjà commencer à désespérer, car cela signifie simplement qu'il faudra prendre le temps de faire connaissance, afin de lui permettre de savoir qui tu es. Tandis qu'en même temps, il se peut que tu découvres que finalement ce que tu aimais en elle, ce n'était que cette ressemblance (inconsciente ou non) avec quelque chose que tu avais aimé dans le passé, et non pas la personne qu'elle est "en soi".

Enfin, on peut aussi se dire que la Joie suprême, selon Spinoza, c'est "l'acquiescement en soi-même". Il est évident qu'être aimé par la femme qu'on aime, cela est très positif pour l'estime de soi, la confiance en soi etc. Et Spinoza ne nie pas qu'on a tous besoin de cela. Seulement, aussi longtemps qu'on dépend des louanges des autres pour pouvoir s'accepter pleinement soi-même, la Joie que l'on éprouve lorsqu'on s'estime demeure inconstante. Bien comprendre cela, donc bien se rendre compte du fait que la plus haute Joie, on peut se la donner soi-même, et cela en assumant entièrement qui on est, peut également nous rendre moins dépendant de l'Amour de quelqu'un d'autre. Plus même: plus on s'accepte soi-même, plus on va pouvoir réellement "aimer" qui que ce soit d'autre pour ce qu'il ou elle est, indépendamment des "louanges" qu'on reçoit ou s'imagine recevoir. Ce qui constitue une autre raison pour essayer de "relativiser" l'importance de l'amour de telle ou telle femme belle pour nous, au sens où ce qui nous est avant tout le plus utile, même pour parvenir un jour à la séduire, c'est de s'accepter soi-même, de ne pas dépendre des louanges des autres, ou de seulement chercher les louanges de ceux dont on a besoin pour faire ce qu'on croit devoir et ce qu'on désire faire dans la vie, en tant que simple "moyen", et non pas en tant que source "finale" de l'estime de soi.

Bref, d'un point de vue spinoziste, parvenir à "contenir" l'amour qu'on ressent pour une belle femme lorsque l'amour n'est pas réciproque (et même lorsqu'il est réciproque) consiste à mes yeux effectivement à produire un affect actif, comme l'a très bien dit Durtal. Et cet affect actif est nécessairement une Joie. Or on ne peut produire un tel affect que si l'on essaie maximalement de "comprendre", ce qui signifie qu'il faut vraiment s'atteler à analyser la situation à fond, à essayer de comprendre un maximum de choses, et cela en tenant compte avant tout de tous les mécanismes mentionnés par les livres 3 et 4 (voire 5) de l'Ethique. Se limiter à un "je l'aime parce qu'elle me plaît" n'est pas du tout suffisant.
L.

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Bruno31415
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Messagepar Bruno31415 » 23 nov. 2008, 06:07

Bonjour,

Merci beaucoup pour vos réponses, Durtal et Louisa. Il faut que je révise la notion d'affect car je pensais qu'un affect n'était qu'une passion et j'apprends, avec le post de Durtal, qu'il peut être également une action.

Pardon, je vais encore partir un peu dans toutes les directions dans ce message car je voudrais, après quelques jours de réflexion, revenir sur l'articulation entre déterminisme et liberté.

Cependant, avant cela, je voudrais faire quelques commentaires sur le post, très détaillé et très intéressant, de Louisa.

Première remarque :

J'ai une autre lecture que toi, Louisa, concernant les causes de l'engouement de cet homme pour cette femme qu'il trouve belle. Tu parles d'une recherche de gloire (il anticipe de la présenter à ses parents, ses amis, etc.). En me situant à un niveau plus basique et plus vulgaire, j'aurais envie de me placer dans l'hypothèse où l'homme en question ne cherche qu'à posséder physiquement cette femme, sans se soucier aucunement de ce qu'en pensent les autres. Pour le dire crûment : il la trouve belle et il la veut dans son lit, point. Mais que cache ce désir ? Je dirais qu'il cherche à assouvir un appétit sexuel et, au-delà de cela, peut-être, s'assurer de sa virilité, de son pouvoir de séduction, etc. J'aimerais, dans ce cadre de lecture, savoir quelle critique de cette recherche de confiance en soi on pourrait faire, de manière analogue à la critique de la gloire que tu proposes ?

Deuxième remarque :

Louisa a écrit :
A partir de ce moment-là, on peut se demander dans quelle mesure cette Car en effet, réussir à séduire cette femme finalement ne dépend pas seulement de nos capacités à nous, mais en grande partie aussi du hasard.


Or cela signifie que le fait même que cette femme ressentira la même passion pour nous ou non, dépend en partie de ce que "la rencontre fortuite avec la nature" lui a fait aimer.


Je suis surpris que tu emploies le terme hasard : est-ce que le hasard a une place dans le déterminisme spinoziste ?


--

Liberté et déterminisme.

J'en viens à présent, à nouveau, au problème du déterminisme et de la liberté.

J'avoue que c'est toujours aussi obscur pour moi. Quelque part, j'ai l'impression que Spinoza c'est un peu "la physique quantique" de la philosophie :) , dans la mesure où il bouleverse le sens des notions que nous tenions pour évidentes et communes. De même que la physique qantique bouleverse nos conceptions du réel, Spinoza bouleverse notre conception de la liberté et de quantité d'autres concepts.

Bon, voilà comment je vois à présent les choses.

Il existe la Nature (ou Dieu), et c'est la seule chose qui existe. Il n'y a rien en dehors d'elle (pas de transcendance) et il n'y a rien de plus ou de moins qu'elle : elle est la perfection (ou la réalité).

Il existe également l'homme. Mais, contrairement à la Nature qui est cause de soi, l'homme est un mode, c'est-à-dire une affection de la Nature, c'est-à-dire qu'il existe par elle : la Nature peut continuer à exister si on ôte l'homme mais pas l'inverse.

L'homme peut avoir plus ou moins "d'être" suivant qu'il est en adéquation ou non avec la Nature. Par exemple, un homme qui connaît la joie a "plus d'être" qu'un homme affecté par la tristesse.

(--> Ici, première question : au fond, si nous existons par la nature et que celle-ci contient le maximum d'être, comment se fait-il qu'il n'en soit pas de même pour nous ? Ou plus simplement : pourquoi arrive-t-il que nous soyons malheureux ? Je pose cette question sur un plan très général : qu'est-ce qui fait que nous ne sommes pas toujours en adéquation avec la Nature ? Le problème que je veux soulever c'est que si la Nature est parfaite et que nous ne le sommes pas, il me semble que des éléments échappent à la Nature qui font que nous ne sommes pas en adéquation avec elle. Je vois là un paradoxe : car si des choses échappent à la Nature, alors ces choses existent en dehors d'elle, ce qui est absurde.)

Je reprends mon questionnement. Supposons donc un homme affecté par la tristesse et supposons qu'il veuille sortir de cette état. Spinoza nous dit que le libre arbitre est une illusion. Ainsi, dans une perspective déterministe, cet homme n'a pas le choix entre le fait de rester dans la tristesse ou d'essayer d'en sortir. Car s'il avait ce choix, cela voudrait dire qu'il a un libre arbitre qui lui permet précisément de "choisir" entre ces deux voies. Ainsi donc, s'il se trouve qu'il essaye de s'en sortir et qu'il parvient au bonheur, ce ne sera pas le fait de sa volonté, mais le fait de causes innombrables, ne dépendant pas d'une illusoire vonlonté pure, qui déterminent sont parcours. De même, s'il ne s'en sort pas, c'est que des causes ont déterminé le fait qu'il reste dans son état de tristesse. Y a-t-il ainsi des êtres voués au mlaheur et d'autres aux bonheurs ?

Ainsi donc, qu'est-ce que le mot liberté veut bien dire dans ce contexte ? On peut me rétorquer que la liberté reposerait dans le fait de la réunification de l'homme à la Nature. Qu'il expérimente sa liberté à travers la libre nécessité de la nature, comme dans l'exemple donné par Serge de la logique. Oui mais, nous pouvons nous tromper lorsque nous expérimentons la logique, nous pouvons faire un faux raisonnement : or, comment cela est-il possible ? Comment est-il possible de faire un faux raisonnement alors que la Nature est censée "parler à travers nous" dans le sens où nous sommes causés par elle ? Ce que je veux dire c'est que si nous pouvons nous tromper, faire de faux raisonnements, être malheureux, c'est bien qu'il y a en nous quelque chose qui échappe à la Nature parfaite... Et donc cela remet sur le tapis la possibilité d'une transcendance...

Voilà, voilà.

J'attends vos avis avec impatience.

A bientôt,
Bruno.

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Messagepar sescho » 23 nov. 2008, 10:48

Bruno31415 a écrit :... quelle critique de cette recherche de confiance en soi on pourrait faire...

Je dirais que la "confiance en soi" c'est en fait la puissance (vue ici sous une manifestation particulière) qui la donne (et qui se confond avec elle.) La "recherche de la confiance en soi", c'est donc la recherche de puissance. Toutefois le libellé même sent le problème : on cherche comme un objet, et en plus en dehors de soi, cette "confiance en soi" ; or ce n'est pas un objet, et il ne se trouve a fortiori pas à l'extérieur. Elle est plutôt la marque de la tristesse qui survient quand on considère la possibilité de son impuissance, cette dernière étant factice en tant qu'objet mais réelle en tant qu'on lui donne une consistance, précisément (ce qui est lié à bien d'autres traits du Mental, cependant, comme la croyance au libre-arbitre...)

La motivation dans un esprit standard (voir aussi Paul Diel) est un complexe. Ici, la pulsion sexuelle est une force nette, qui n'est pas en soi contraire à la sagesse. Dans la puissance, à ceci s'ajoute l'intention de faire du bien à l'autre, de s'enrichir mutuellement, de bien éduquer les enfants, etc. Dans l'impuissance, il y les motivations vénales, le désir de ne pas rester seul avec soi-même, la soif de domination, la fausse gloire d'"avoir" un conjoint beau, etc.

Bruno31415 a écrit :... L'homme peut avoir plus ou moins "d'être" suivant qu'il est en adéquation ou non avec la Nature. Par exemple, un homme qui connaît la joie a "plus d'être" qu'un homme affecté par la tristesse.

L'homme, comme toute chose, est nécessairement dans la Nature et donc en parfaite adéquation avec elle. Il a plus d'être, au sein de cette Nature, quand il agit (réellement) plus en accord avec sa nature propre, c'est-à-dire sans être sous l'influence de choses extérieures à lui (réaction, passion ; ceci n'étant pas s'il y a communauté réelle de nature, cependant.)

La Nature propre de l'Homme tient dans l'entendement au sens restreint : ce qu'il peut percevoir clairement et distinctement de l'ordre de la Nature, auquel il appartient. Ceci implique impérativement de placer les choses dans l'ordre juste (lapalissade) - la hiérarchie réelle, qui doit rester présente à l'esprit en toute circonstance : La Substance d'abord, puis le Mouvement (et l'Entendement infini), puis les choses singulières conséquences des premiers.

Bruno31415 a écrit :... si la Nature est parfaite et que nous ne le sommes pas, il me semble que des éléments échappent à la Nature qui font que nous ne sommes pas en adéquation avec elle. Je vois là un paradoxe : car si des choses échappent à la Nature, alors ces choses existent en dehors d'elle, ce qui est absurde.)

Oui, que la Nature soit parfaite en tout (ceci c'est le plan factuel) ne signifie pas que nous ayons atteint la perfection à laquelle notre nature nous autorise (ceci c'est le plan éthique ; il s'agir d'un être de raison qui n'en illustre pas moins une loi tout-à-fait réelle : la loi de la puissance et de l'impuissance.) L'Homme n'est qu'un mode, qui ne peut se concevoir dans la réalité que comme partie soumise aux autres parties ; ceci fonde le problème éthique.

Bruno31415 a écrit :Supposons donc un homme affecté par la tristesse et supposons qu'il veuille sortir de cette état.

C'est automatiquement le cas (à moins qu'il ne se trouve une joie par ailleurs à cultiver cette tristesse.)

Bruno31415 a écrit :Spinoza nous dit que le libre arbitre est une illusion. Ainsi, dans une perspective déterministe, cet homme n'a pas le choix entre le fait de rester dans la tristesse ou d'essayer d'en sortir. Car s'il avait ce choix, cela voudrait dire qu'il a un libre arbitre qui lui permet précisément de "choisir" entre ces deux voies.

Bien sûr, et c'est une preuve de l'absence de libre-arbitre. Car personne ne choisirait la tristesse, et donc la tristesse n'existerait pas. Mais la joie non plus, car c'est le pendant de la tristesse (elles vont ensemble) : c'est parce que la Nature détermine le sens éthique qu'il y en a un. Sinon il n'y aurait rien d'autre que le chaos.

Bruno31415 a écrit :Ainsi donc, s'il se trouve qu'il essaye de s'en sortir et qu'il parvient au bonheur, ce ne sera pas le fait de sa volonté, mais le fait de causes innombrables, ne dépendant pas d'une illusoire volonté pure, qui déterminent sont parcours. De même, s'il ne s'en sort pas, c'est que des causes ont déterminé le fait qu'il reste dans son état de tristesse. Y a-t-il ainsi des êtres voués au malheur et d'autres aux bonheurs ?

Dans le principe il est dans la nature de tout homme de pouvoir accéder à la Béatitude. De fait, c'est rarement le cas. Pour employer une métaphore physique : c'est thermodynamiquement favorable et cinétiquement bloqué.

Il reste quand même comme loi de la nature que la joie du progrès réel donne le désir de poursuivre activement, et aussi que la connaissance du deuxième genre donne le désir de passer au troisième (passer de la théorie à la pratique : voir ce que le raisonnement a dégagé, intuitivement, dans la réalité même.)

Par contre, il serait totalement illusoire (ce serait même un aspect du problème lui-même) de cibler la béatitude comme si c'était une part de pizza.

Bruno31415 a écrit :Ainsi donc, qu'est-ce que le mot liberté veut bien dire dans ce contexte ? On peut me rétorquer que la liberté reposerait dans le fait de la réunification de l'homme à la Nature. Qu'il expérimente sa liberté à travers la libre nécessité de la nature, comme dans l'exemple donné par Serge de la logique. Oui mais, nous pouvons nous tromper lorsque nous expérimentons la logique, nous pouvons faire un faux raisonnement : or, comment cela est-il possible ? Comment est-il possible de faire un faux raisonnement alors que la Nature est censée "parler à travers nous" dans le sens où nous sommes causés par elle ? Ce que je veux dire c'est que si nous pouvons nous tromper, faire de faux raisonnements, être malheureux, c'est bien qu'il y a en nous quelque chose qui échappe à la Nature parfaite... Et donc cela remet sur le tapis la possibilité d'une transcendance...

Encore une fois (mais certaines lectures très surfaciques de Spinoza peuvent induire en erreur) la Nature est parfaite en tant que factuelle ; mais pour l'Homme, pris en lui-même à l'intérieur même de cette nécessité factuelle, la puissance n'est pas assurée (mais le moins qu'elle fût serait encore et toujours une perfection de la Nature prise en elle-même), c'est pourquoi il y a pour lui un sens éthique, qui est une loi réelle dans la nature de la Nature. Tout se tient.


Serge
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Messagepar hokousai » 23 nov. 2008, 13:11

à Durtal

S'il se fait qu'il peut contrarier cet affect par un affect plus fort. Sinon il ne le pourra pas.

(note: certains affects sont des actions (et non des passions))


exact

Mais comme il n'est pas libre, il ne peut compter que sur une bonne constitution native *, ou sur des concours extérieurs favorables .

*Comme il est de naissance apparemment raisonnable et peu porté sur les choses incitant à la passion , que de plus il n'y a pas objets de passion dans l'entourage , gageons qu'il va s'en sortir .

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Messagepar Durtal » 23 nov. 2008, 14:25

hokousai a écrit :à Durtal

S'il se fait qu'il peut contrarier cet affect par un affect plus fort. Sinon il ne le pourra pas.

(note: certains affects sont des actions (et non des passions))


exact

Mais comme il n'est pas libre, il ne peut compter que sur une bonne constitution native *, ou sur des concours extérieurs favorables .

*Comme il est de naissance apparemment raisonnable et peu porté sur les choses incitant à la passion , que de plus il n'y a pas objets de passion dans l'entourage , gageons qu'il va s'en sortir .



Comme il n'agit pas par la liberté de la volonté , il fera effort autant qu'il est en lui pour contrarier un affect mauvais (il n'a pas le choix de faire ou de ne pas faire cet effort), c'est à dire il fera effort autant qu'il peut pour s'en libérer (ou pour se libérer de ce qui dans cet affect est mauvais pour lui)c'est à dire : il fera effort autant qu'il peut pour être libre.

D.

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Messagepar hokousai » 23 nov. 2008, 19:22

il fera effort


Vous êtes bien optimiste.

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Messagepar Durtal » 23 nov. 2008, 20:35

hokousai a écrit :
il fera effort


Vous êtes bien optimiste.


Non vous ne comprenez pas. Ce n'est pas une question d'optimisme. c'est une question de loi.

Si je souffre je ferai tout ce que je peux pour échapper à la souffrance, il se peut que je m'y prenne mal, et que par exemple je redouble mes souffrances par les actions que j'ai faites précisément pour y échapper. Mais ça c'est autre chose. Cela concerne la réussite ou l'échec de mon effort, non la détermination de mon effort en tant que telle.

Donc: Je ne peux pas souffrir, sans immédiatement faire effort pour que cesse la souffrance, car c'est un effet d'une loi de ma nature que je m'opposerai autant qu'il est en moi à ce qui tend à me détruire.

(Et si l'amour que j'ai pour une femme par exemple n'est pas une souffrance ( j'entends à tout point de vue) alors ce n'est pas non plus une passion, mais c'est une action, c'est quelque chose qui participe de ma liberté)

Je n'ai pas le choix de la faire ou non c'est pourquoi il ne saurait être question "d'optimisme" ou "de pessimisme" quant à cet effort. Car les notions d'optimisme et de pessimisme dépendent des notions de contingence et de libre arbitre.

Et en ce sens la détermination intégrale de toute chose dans le spinozisme a aussi pour versant nécessaire que quelque soit l'état de servitude des hommes il font toujours effort pour être joyeux, et vivre bien, c'est à dire : ils font toujours effort pour être libre même s'il n'y parviennent pas toujours effectivement.

(Notamment parce qu'ils sont forts déterminés par des joies qui à terme leurs sont nuisibles et qui ont trait à certaines parties du corps (et du coup à certains secteurs de l'esprit) et non à son ensemble).

D.


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