du bébé au vieillard

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 01 janv. 2009, 00:47

tandis que le premier mouvant, étant une pure forme,


du premier moteur Aristote ne dit jamais,(sauf une fois en physique ) qu’il est une forme pure mais il dit toujours qu’il est acte . La forme c’est l’eidos notion platonicienne qui n’est pas équivalente à acte ( energeia ) notion proprement aristotélicienne .
Acte peut valoir pour oussia mais pas « forme « …

.bref sur Aristote


Ce qui me pose un problème c’est l’antériorité du mouvement sur les corps mus .Je retrouve cette doctrine chez Spinoza , au dire de Serge il y a des lois du mouvement et puis des corps qui sans ces lois ne seraient pas mus .
Spinoza dit pourtant qu’il n’y a pas de corps réellement distincts les uns des autres ( pas de substances séparées et en ce sens il n’est pas du tout Aristotélicien ).

Sur la puissance ( je me redis )
Puisque Dieu n’ a rien en dehors de lui qui puisse contrarier son essence et toutes les expressions de son essence, il n’a besoin d’aucune puissance, il pourrait être absolument faible cela ne changerai rien à la nécessité .
Le panthéisme est une doctrine tout à fait appropriée à un Dieu sans puissance, mais qui soit seulement acte .Pourquoi alors Spinoza conserve- t-il le vocabulaire de la puissance ?

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Louisa
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Messagepar Louisa » 01 janv. 2009, 06:12

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :tandis que le premier mouvant, étant une pure forme,


du premier moteur Aristote ne dit jamais,(sauf une fois en physique ) qu’il est une forme pure mais il dit toujours qu’il est acte . La forme c’est l’eidos notion platonicienne qui n’est pas équivalente à acte ( energeia ) notion proprement aristotélicienne .
Acte peut valoir pour oussia mais pas « forme « …


Cher Hokousai,
si, acte et forme sont équivalents dans l'aristotélisme. La forme chez Aristote, c'est l'eidos pleinement accompli/réalisé/actualisé. Il établit l'équivalence notamment dans la Métaphysique H, 6, 1045b 17-19:

"En fait, nous l'avons dit, la matière prochaine et la forme sont une seule et même chose, mais, d'un côté, en puissance, de l'autre en acte. "

La forme (morphè), c'est la chose en tant qu'elle est pleinement en acte (energeia), la matière, c'est la chose en tant qu'elle est en puissance (dynamis). Or toute chose chez Aristote est un composé d'eidos et de hulè ou matière. C'est pourquoi la forme, pour une chose "créée", c'est l'eidos de la chose en tant qu'elle est entièrement en acte.

Ou comme le dit Pellegrin: "La forme (morphè) en vient donc à représenter l'essence d'une réalité. Dans les êtres naturels la forme coïncide donc souvent avec la fin, qui est la forme déployée que l'être en question doit atteindre pour être vraiment lui-même".

Aristote peut donc dire dans la Physique que le premier mouvant est une forme pure précisément parce qu'il est toujours en acte, son eidos est toujours entièrement réalisé/actualisé, sa fin est toujours déjà atteinte, il ne faut pas d'abord en passer par un processus de "devenir" avant qu'elle ne soit réalisée. Le premier mouvant n'est pas un composé de matière et d'eidos, il n'est pas d'abord en puissance pour seulement ensuite être en acte. Ici, eidos et forme coïncident toujours déjà.

Et en tant que l'eidos chez Aristote, c'est l'ousia (tant d'un point de vue physique que d'un point de vue logique), on peut dire que la forme est l'ousia en tant qu'elle est en acte.

Sinon il est vrai que longtemps en français on a traduit la notion grecque d'eidos, chez Platon, par "forme", tandis qu'entre-temps on réserve la traduction "forme" pour le grec "morphè" seul, et non plus pour l'eidos.

Hokousai a écrit :Ce qui me pose un problème c’est l’antériorité du mouvement sur les corps mus .Je retrouve cette doctrine chez Spinoza , au dire de Serge il y a des lois du mouvement et puis des corps qui sans ces lois ne seraient pas mus .
Spinoza dit pourtant qu’il n’y a pas de corps réellement distincts les uns des autres ( pas de substances séparées et en ce sens il n’est pas du tout Aristotélicien ).


pour autant que je sache, chez Aristote le mouvement ce n'est rien d'autre que le changement de lieu, celui-ci étant un des dix catégories de l'être. On pourrait se dire que pour changer de lieu, il faut bien d'abord qu'il y ait des lieux, donc de l'espace, donc de l'étendue. Donc, dans le spinozisme, l'attribut de l'Etendue. Puis on sait que le mode infini du "mouvement et du repos" est produit immédiatement par cet attribut, tandis que les modes finis ne sont produits que par des modes finis. Et les attributs sont logiquement antérieurs à leurs affections ou modes. On pourrait ainsi effectivement supposer que le mode infini immédiat (et donc aussi le mouvement et le repos) est antérieur à tous les modes finis ou corps, puisqu'il est produit immédiatement par l'attribut. Mais c'est supposer que le mode infini immédiat est antérieur aux modes finis. Est-ce le cas, dans le spinozisme? Et est-ce que cette éventuelle antériorité du "mouvement et du repos" par rapport aux modes finis implique également que le mouvement, considéré en lui seul, est antérieur aux corps mus? En ce qui me concerne, on ne peut qu'émettre des hypothèses à ce sujet, on n'a pas encore de preuve (si Sescho croit en avoir trouver une, cela m'intéresse (sans ironie)).

Hokousai a écrit :Sur la puissance ( je me redis )
Puisque Dieu n’ a rien en dehors de lui qui puisse contrarier son essence et toutes les expressions de son essence, il n’a besoin d’aucune puissance, il pourrait être absolument faible cela ne changerai rien à la nécessité .
Le panthéisme est une doctrine tout à fait appropriée à un Dieu sans puissance, mais qui soit seulement acte .Pourquoi alors Spinoza conserve- t-il le vocabulaire de la puissance ?


où voyez-vous chez Spinoza une puissance qui ne serait pas en acte (puisque vous continuez à opposer "être en puissance" et "être en acte" au lieu de considérer la puissance spinoziste (divine ou autre) comme un ensemble de pouvoirs en train d'être effectués)?

La question de savoir pourquoi Spinoza conserve le vocabulaire de la puissance alors qu'il révolutionne entièrement le sens de ce mot est intéressante. Pourquoi les philosophes veulent-ils sans cesse changer le sens des mots, pourquoi ne proposent-ils pas pour toute nouvelle idée un nouveau mot? A mon avis, parce que le but est précisément d'infléchir la pensée commune, de la faire penser d'abord à ce qu'un mot évoque, pour la faire passer à une autre conception, et cela afin d'apprendre à percevoir la chose ordinairement désignée par ce mot tout à fait différemment, de façon tout à fait nouveau. Sans cela, donc si les philosophes inventaient systématiquement des nouveaux mots pour toute nouvelle idée, et non pas seulement pour quelques-unes des nouvelles idées qu'ils proposent, on n'aurait que des systèmes de pensée parallèles, on ferait beaucoup moins facilement le passage d'un système de pensée (en théorie, devenu la pensée commune) à un autre, tandis que l'intérêt de la philosophie réside précisément dans l'opération de ce passage, de cette transformation de la pensée. Mais bon, vu que nous avons une conception différente de la pensée, je suppose que vous ne soyez pas d'accord ... ?
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Messagepar hokousai » 01 janv. 2009, 13:24

à Louisa


La question de savoir pourquoi Spinoza conserve le vocabulaire de la puissance alors qu'il révolutionne entièrement le sens de ce mot est intéressante.


je vous remercie de le constater .

.............................
Sur Aristote il y a diverses interprétations possibles , certes , et la scosatique chrétienne en fut une ( comme antérieurement Averroes ou Avicennes en furent d' autres ) Duns Scot diffère de St Thomas et actuellement certains interprètes diffèrent d'autres .

( il est impossible ici d'entrer dans le détails des divergences sur une œuvre si ample , et parlant à divers niveaux , sinon à tous les niveaux, et parfois de manière différente selon les niveaux .)

Aristote use très souvent de cette expression '''d'un coté on peut dire que , mais d'un autre coté on peut aussi dire que..... ''' ce dont votre manière de penser pourrait parfois s' inspirer .

( cela dit vous pouvez approfondir Aristote , il y a de la marge pour chacun d'entre nous )

Voila c'est dit .

..............................................


'' Globalement ***'''Aristote est plutôt vitaliste et la modernité depuis Descartes plutôt mécaniste . Spinoza ne me semble pas mécaniste tel que Descartes l 'est .Il n'est pas vitaliste au sens d'Aristote non plus .Il est peut être organiciste je ne sais comment nommer cela .

...............................................
A mes yeux il conserve le terme de puissance au sens de force efficiente ( pas au sens de l'en puissance ). Il garde le sens assez commun de virtu qui est celui de la force éprouvée par le corps dans l'effort .
Dieu en quelque sorte fait un effort .

Je suis étonné que Dieu ait à faire un effort .
mon interrogation ne va pas plus loin .

.......................................................

***(excusez mes raccourcis , mais croyez moi , il est largement aussi périlleux de faire court que de faire long )

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Messagepar sescho » 02 janv. 2009, 14:38

Cher Hokousai,

Sur ce que vous en avez précisé, j'ai fait un petit tour sur Aristote. Le rapport à Spinoza semble effectivement assez difficile, alors même qu'il est bien clair que le sujet est le même, et abordé dans le même esprit analytique. Il est aussi clair que Spinoza a revu de fond en comble la chose, en la simplifiant et en la hiérarchisant autrement. Pour autant que je puisse en juger, faire les parallèles n'est pas évident.

Il semble que l'on puisse assimiler le "premier moteur", immobile, à l'entendement infini de Spinoza (qui est en acte pour Spinoza aussi et aucunement en-puissance : E1P30-31) : soit quelque chose qui est le monde modal dans sa totalité dans son essence. C'est Dieu, qui est éternellement en acte. C'est le Verbe de Dieu, qui est Dieu.

La Matière est en puissance, car elle n'est pas formée alors que toute réalité l'est. On pourrait dire qu'elle est le substrat dans lequel l'acte qui est la manifestation se matérialise.

Les substances sont ce qui se conçoit par soi, comme chez Spinoza, mais on en trouve plusieurs, semble-t-il : la Matière, le premier moteur dans chacun de ses détails (formes substantielles), les causes premières (?), ...

Spinoza, lui, place la matière sans forme comme la première perfection de Dieu (substance, attribut), soit l'être même à la base (qui existe en permanence, indépendamment de l'état de formation), et ensuite seulement la forme, soit l'être ceci ou l'être cela. Le Mouvement, c'est cette manifestation de l'être étendu qui est la cause des corps. Comme le Mouvement est éternel et infini, Dieu modifié l'est aussi. C'est Dieu manifesté éternel. Dieu ayant l'idée de son essence (et de ce qui en découle), l'entendement infini est Dieu lui-même en tant que manifesté selon une autre dimension de l'être, qui est parallèle à la première (miroir.) Mais la Pensée sans forme est de même antérieure en nature à l'entendement infini, qui de ce fait appartient à la nature naturée (générale) et ne saurait donc inversement être placé en amont de tout.

Un point que j'ai noté en passant (si ce que j'en ai perçu si rapidement est exact) : la différence entre l'essence (fondamentale) et les accidents (conjoncturels et donc non essentiels) me semble en quelque part repris chez Spinoza dans ce que tout ce qui vient des circonstances (impressions laissées, remémoration) n'appartient pas à l'essence propre de l'Homme, qui est éternelle et réalisée comme telle avec l'adéquation, et meurt donc avec le corps.

En passant, pour ceux que le texte de Spinoza intéresse, quelques extraits (que je prends la peine, m'intéressant à Spinoza, de rassembler par thème afin d'éviter les élucubrations "basées" sur un seul passage, dissocié de l'œuvre) montrant la hiérarchie ontologique simple de Spinoza (l'inexistence des prétendus "modes infinis médiats", malgré E1P21-23, ayant été discutée ici.) :

Spinoza a écrit :PM1Ch6 : … Que si toutefois ce raisonnement paraît un peu obscur, accordons, je le veux, que la tendance à se conserver est quelque chose en plus des lois mêmes et de la nature du mouvement ; puis donc qu’on suppose que cette tendance est un bien métaphysique, il faudra nécessairement que cette tendance ait elle-même une tendance à persévérer dans son être et cette dernière une autre et ainsi à l’infini, ce qui est la plus grande absurdité qu’à ma connaissance on puisse imaginer. …

CT1Ch3 : 5° Dieu est cause principale de ses œuvres, de celles qu’il a créées immédiatement, par exemple du mouvement dans la matière : auquel cas les causes secondes ne peuvent avoir aucune action, puisqu'elles ne se manifestent que dans les choses particulières

CT1Ch8 : La nature naturée se divisera en deux parties, l’une générale, l’autre particulière. La première se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu (nous en traiterons dans le chapitre suivant) ; la seconde consiste dans les choses particulières qui sont causées par les modes généraux, de telle sorte que la nature naturée, pour être bien comprise, a besoin d'une substance.

CT1Ch9 : (1) Quant à ce qui concerne la nature naturée générale, c'est-à-dire les modes ou créatures qui dépendent immédiatement de Dieu ou sont créées par lui, nous n'en connaissons pas plus de deux, à savoir le mouvement dans la nature et l’entendement dans la chose pensante, lesquels modes sont de toute éternité et subsisteront pendant toute éternité…

CT2Pré Note 7. Toute chose particulière qui arrive à l’existence réelle, devient telle par le mouvement ou par le repos ; et c'est ainsi (c'est-à-dire par le mouvement et le repos) que se produisent tous les modes dans la substance étendue que nous nommons des corps.

CT2Ch19 : (8) Si donc nous considérons l'étendue toute seule, nous n'y trouverons rien autre chose que le mouvement et le repos, et tous les effets qui en dérivent

CTApp1P4Dm : … Telles sont les choses que nous voyons autour de nous, lesquelles, avant d'exister, étaient contenues en puissance dans l’idée de l’étendue, du mouvement et du repos, et qui, lorsqu'elles existent, ne se distinguent de l'étendue que d'une manière modale et non réelle. …

CTApp2 : (14) Supposons comme une chose démontrée qu’il ne peut y avoir dans l’étendue d'autre mode que le repos et le mouvement, et que toute chose corporelle particulière n'est rien autre qu'une certaine proportion de mouvement et de repos, de telle sorte que, si dans toute l'étendue il n'y avait que repos absolu ou mouvement absolu, il n'y aurait aucun corps distinct : il s'en suit que le corps humain ne peut être qu'une certaine proportion particulière de repos et de mouvement.

E1P28S : Comme il est nécessaire que certaines choses aient été produites immédiatement par Dieu, c’est à savoir celles qui découlent nécessairement de sa nature absolue, sans autre intermédiaire que ces premiers attributs, qui ne peuvent être ni être conçus sans Dieu ; il suit de là : premièrement, que Dieu est la cause absolument prochaine des choses qui sont immédiatement produites par lui ; absolument prochaine, dis-je, et non générique, comme on dit ; car les effets de Dieu ne peuvent être ni être conçus sans leur cause (par la Propos. 15 et le Coroll. de la Propos. 24) : secondement, que Dieu ne peut être appelé proprement la cause éloignée des choses particulières, si ce n’est afin de distinguer cet ordre de choses de celles que Dieu produit immédiatement, ou plutôt qui suivent de sa nature absolue. …

E1P32C2 : Il en résulte : 2° que la volonté et l’entendement ont le même rapport à la nature de Dieu que le mouvement et le repos, et absolument parlant, que toutes les choses naturelles qui ont besoin, pour exister et pour agir d’une certaine façon, que Dieu les y détermine ; car la volonté, comme tout le reste, demande une cause qui la détermine à exister et à agir d’une manière donnée, et bien que, d’une volonté ou d’un entendement donnés, il résulte une infinité de choses, on ne dit pas toutefois que Dieu agisse en vertu d’une libre volonté, pas plus qu’on ne dit que les choses (en nombre infini) qui résultent du mouvement et du repos agissent avec la liberté du mouvement et du repos. Par conséquent, la volonté n’appartient pas davantage à la nature de Dieu que toutes les autres choses naturelles ; mais elle a avec l’essence divine le même rapport que le mouvement, ou le repos, et en général tout ce qui résulte, comme nous l’avons montré, de la nécessité de la nature divine, et est déterminé par elle à exister et à agir d’une manière donnée.

E2L1 : Les corps se distinguent les uns des autres par le mouvement et le repos, la vitesse ou la lenteur, et non par la substance.

E3P2S : … Or, il résulte clairement de tous ces faits que la décision de l’âme et l’appétit ou détermination du corps sont choses naturellement simultanées, ou, pour mieux dire, sont une seule et même chose, que nous appelons décision quand nous la considérons sous le point de vue de la pensée et l’expliquons par cet attribut, et détermination quand nous la considérons sous le point de vue de l’étendue et l’expliquons par les lois du mouvement et du repos

Lettre 32 à Oldenburg : … tous les corps sont environnés par d’autres corps, et se déterminent les uns les autres à l’existence et à l’action suivant une certaine loi, le même rapport du mouvement au repos se conservant toujours dans tous les corps pris ensemble, c’est-à-dire dans l’univers tout entier ; d’où il suit que tout corps, en tant qu’il existe d’une certaine façon déterminée, doit être considéré comme une partie de l’univers, s’accorder avec le tout et être uni à toutes les autres parties. Et comme la nature de l’univers n’est pas limitée comme celle du sang, mais absolument infinie, toutes ses parties doivent être modifiées d’une infinité de façons et souffrir une infinité de changements en vertu de la puissance infinie qui est en elle. …



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Messagepar Louisa » 02 janv. 2009, 15:49

Hokousai a écrit :
Sur Aristote il y a diverses interprétations possibles , certes , et la scosatique chrétienne en fut une ( comme antérieurement Averroes ou Avicennes en furent d' autres ) Duns Scot diffère de St Thomas et actuellement certains interprètes diffèrent d'autres .

( il est impossible ici d'entrer dans le détails des divergences sur une œuvre si ample , et parlant à divers niveaux , sinon à tous les niveaux, et parfois de manière différente selon les niveaux .)


Cher Hokousai,
en effet, pendant les 2000 ans de son existence, l'aristotélisme a pris des formes très différentes, et il faudrait se consacrer à temps plein à son étude pour pouvoir comparer les différentes versions.

Ceci étant dit, le point dont nous discutions (le rapport entre la forme et l'acte chez Aristote) me semble appartenir aux choses qui relèvent d'un consensus assez généralisé. Indépendamment de la position que l'on veut prendre par rappport à l'aristotélisme, la cause formelle chez Aristote est toujours ce qu'il appelle en grec l'"eidos", et la cause finale est toujours ce qu'il appelle "morphè". L'eidos de la table, c'est l'idée de la "spécificité" ou de l'espèce "table" telle qu'elle est dans l'esprit du menuisier. La forme ou morphè, c'est la table accomplie, la table telle qu'elle se trouve là devant l'artisan dans son atelier. La cause efficiente transmet l'eidos, en le faisant passer de l'esprit du menuisier au morceau de bois devant lui, afin d'"informer" ou de donner une forme à ce bois. Il me semble que ceci se trouve dans tout manuel de philosophie, non (en tout cas, si Sescho est en train de les consulter, il aura peut-être la bonté de nous le dire s'il rencontre quelque chose qui le contredit)?

Par conséquent, la table en acte correspond toujours à la forme/morphè. Et donc identifier le premier mouvant, qui par définition est toujours en acte sans jamais pouvoir être en puissance, à une forme pure, comme Aristote le fait dans la Physique, me semble être tout à fait justifié et cohérent, et non pas une remarque insolite qui ne serait propre qu'à ce livre-là et sans lien avec l'ontologie aristotélicienne, comme vous le proposiez (si je vous ai bien compris).

Au cas où vous pensez tout de même que ceci n'appartient pas aux notions de base de l'aristotélisme mais que cela se discute ou ne serait propre qu'à une interprétation précise de l'aristotélisme: qui selon vous a contesté ceci, et sur base de quels arguments?

Hokousai a écrit :'' Globalement ***'''Aristote est plutôt vitaliste et la modernité depuis Descartes plutôt mécaniste . Spinoza ne me semble pas mécaniste tel que Descartes l 'est .Il n'est pas vitaliste au sens d'Aristote non plus .Il est peut être organiciste je ne sais comment nommer cela .


oui c'est bien possible, il faudrait voir ce que vous voulez par là.

Hokousai a écrit :
A mes yeux il conserve le terme de puissance au sens de force efficiente ( pas au sens de l'en puissance ). Il garde le sens assez commun de virtu qui est celui de la force éprouvée par le corps dans l'effort .
Dieu en quelque sorte fait un effort .

Je suis étonné que Dieu ait à faire un effort .
mon interrogation ne va pas plus loin .


je crois que la puissance (potentia) chez Spinoza, c'est l'ensemble de tous les pouvoirs (potestas) qu'exerce réellement un corps ou un esprit (car ne l'oublions pas, la puissance de l'homme, par exemple, c'est une puissance d'agir et de penser). Tous les pouvoirs concrets, tout ce que la chose fait réellement, concrètement, en tant qu'elle en est en effet la cause efficiente.

En revanche, lorsqu'il parle d'"effort" (conari, conatus), Spinoza parle plutôt de la tentative de conserver son être. On ne tend à conserver son être que dans la mesure où les pouvoirs que nous exerçons réellement, de fait, sur nous-mêmes et sur les choses extérieures, nous le permettent. S'il y a "effort" ou "tendance", c'est parce qu'on sait déjà, à cause de l'axiome de l'E4, que cela ne va pas durer infiniment: un jour on va perdre notre être (c'est-à-dire notre existence dans le temps, et non pas notre essence, qui est éternelle, comme le rappelle le scolie de l'E5P37).

Or pour la même raison, je crois qu'il est absurde de parler d'un "effort" chez Spinoza lorsqu'on parle de Dieu, puisque justement, Dieu est cause de soi, il conserve par définition son être, il ne peut pas le perdre, il n'a donc pas à essayer de le conserver. Raison pour laquelle Spinoza jamais ne parle du conatus de Dieu, pour autant que je sache. Seules les choses singulières, c'est-à-dire "finies et déterminées", ont un conatus et font "effort".
L.

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Messagepar hokousai » 02 janv. 2009, 16:02

chère Louisa

à une forme pure, comme Aristote le fait dans la Physique, me semble être tout à fait justifié et cohérent, et non pas une remarque insolite qui ne serait propre qu'à ce livre-là et sans lien avec l'ontologie aristotélicienne, comme vous le proposiez (si je vous ai bien compris).


vous me semblez confondre physique et métaphysique ( chez Aristote en tout cas ) le dieu transcendant de la métaphysique L ne peut être confondu avec le premier moteur de la " physique "

il y un hiatus entre physique et métaphysique chez Aristote .

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Messagepar Louisa » 02 janv. 2009, 16:26

Hokousai a écrit :vous me semblez confondre physique et métaphysique ( chez Aristote en tout cas ) le dieu transcendant de la métaphysique L ne peut être confondu avec le premier moteur de la " physique "

il y un hiatus entre physique et métaphysique chez Aristote .


je ne crois pas avoir parlé de Dieu, il s'agissait du rapport entre les notions de "acte" et "forme", chez Aristote.

Savoir s'il y a en général un hiatus entre la physique et la métaphysique chez Aristote est à mon avis une toute autre discussion.

Ou vous voulez peut-être dire que vous êtes d'accord avec l'idée que chez Aristote dans le cas des choses "naturelles" la forme d'une chose c'est la chose en acte, mais que vous êtes moins sûr en ce qui concerne la forme du premier mouvant? Si oui pourquoi?
Cordialement,
L.

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Messagepar hokousai » 03 janv. 2009, 01:58

à Louisa


Savoir s'il y a en général un hiatus entre la physique et la métaphysique chez Aristote est à mon avis une toute autre discussion.


Il y a le même hiatus chez Spinoza . Il parle de corps ,il décrit une mécanique des corps et puis par ailleurs nie qu'il y ait une divisibilité de la substance .
Aristote est plus clair puisqu'il affirme une multiplicité de substances et un principe immobile pur acte ,sans puissance , qui est le bien, et vers quoi les chose tendent (cause finale ). Le modèle est certes très différent de celui de Spinoza .

On a différents mythes : la caverne chez Platon le premier moteur chez Aristote , l'automate spirituel chez Spinoza , la monade Leibnizienne ...l 'éternel retour chez Nietzsche ...... je passe sur le mythe moins nettement philosophique de la trinité chrétienne .

On est dans la mythologie . A un certain niveau la métaphysique est une poétique .

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Messagepar Louisa » 04 janv. 2009, 03:56

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :Savoir s'il y a en général un hiatus entre la physique et la métaphysique chez Aristote est à mon avis une toute autre discussion.


Il y a le même hiatus chez Spinoza . Il parle de corps ,il décrit une mécanique des corps et puis par ailleurs nie qu'il y ait une divisibilité de la substance .


Cher Hokousai,
à mon avis, chez Spinoza (et d'autres philosophes) "indivisibilité" ne signifie pas nécessairement "simplicité" (voir l'article de Macherey sur ce site à ce sujet). Une chose indivisible peut être tout à fait multiple. Qu'elle soit indivisible signifie seulement que les éléments multiples sont liés entre eux d'une manière telle qu'on ne peut pas les séparer. Pour Sescho cela signifie que chaque mode fini dépend dans son essence même des autres modes finis, pour moi cela est exclu puisque Spinoza dit que les modes finis ne se déterminent mutuellement que par rapport à l'existence dans le temps, pas en ce qui concerne leur essence, qui est causée de manière immanente par Dieu. Ce qui lie donc les modes finis d'une telle façon qu'ils sont inséparables, c'est le fait même qu'ils expriment tous une seule et même chose: l'attribut ou essence de Dieu.

Autrement dit, le problème d'une seule substance et d'un monde multiple ne se pose que lorsqu'on veut que cette substance soit simple. Lorsqu'en revanche on la pense comme infini, elle a en son sein une multiplicité de "choses". C'est d'ailleurs précisément cela ce que le rapport "substance-mode" permet de penser: le mode n'est qu'une affection de la substance, et on peut avoir une infinité d'affections, cela ne nous donne pas encore deux substance au lieu d'une seule.

Hokousai a écrit :Aristote est plus clair puisqu'il affirme une multiplicité de substances et un principe immobile pur acte ,sans puissance , qui est le bien, et vers quoi les chose tendent (cause finale ). Le modèle est certes très différent de celui de Spinoza .


en effet, je crois qu'il s'agit tout simplement d'un autre "mode de pensée", comme le dit Whitehead. Mais je ne vois pas pourquoi Aristote serait plus "clair" que Spinoza?

Hokousai a écrit :On a différents mythes : la caverne chez Platon le premier moteur chez Aristote , l'automate spirituel chez Spinoza , la monade Leibnizienne ...l 'éternel retour chez Nietzsche ...... je passe sur le mythe moins nettement philosophique de la trinité chrétienne .

On est dans la mythologie . A un certain niveau la métaphysique est une poétique .


:D
oui, si vous voulez ... . En tout cas, moi ça me va. Il suffit de tenir compte de l'idée qu'une métaphysique est plus qu'une poétique, elle veut non seulement changer nos façons de "sentir et percevoir", mais aussi nos façons de penser ... .
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Messagepar vieordinaire » 04 janv. 2009, 13:56

Ma chere Louisa:


(voir l'article de Macherey sur ce site à ce sujet)

pourriez-vous me donner le titre de l'article. Merci beaucoup


"voir l'article de Macherey sur ce site à ce sujet). Une chose indivisible peut être tout à fait multiple. Qu'elle soit indivisible signifie seulement que les éléments multiples sont liés entre eux d'une manière telle qu'on ne peut pas les séparer."

Cela me semble une 'forme faible' de l'idee d'indivisibilite, un peu trop commode a mon gout, mais bon je vais attendre de lire l'article avant de juger.


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