Hokousai a écrit :
Sur Aristote il y a diverses interprétations possibles , certes , et la scosatique chrétienne en fut une ( comme antérieurement Averroes ou Avicennes en furent d' autres ) Duns Scot diffère de St Thomas et actuellement certains interprètes diffèrent d'autres .
( il est impossible ici d'entrer dans le détails des divergences sur une œuvre si ample , et parlant à divers niveaux , sinon à tous les niveaux, et parfois de manière différente selon les niveaux .)
Cher Hokousai,
en effet, pendant les 2000 ans de son existence, l'aristotélisme a pris des formes très différentes, et il faudrait se consacrer à temps plein à son étude pour pouvoir comparer les différentes versions.
Ceci étant dit, le point dont nous discutions (le rapport entre la forme et l'acte chez Aristote) me semble appartenir aux choses qui relèvent d'un consensus assez généralisé. Indépendamment de la position que l'on veut prendre par rappport à l'aristotélisme, la cause formelle chez Aristote est toujours ce qu'il appelle en grec l'"eidos", et la cause finale est toujours ce qu'il appelle "morphè". L'eidos de la table, c'est l'idée de la "spécificité" ou de l'espèce "table" telle qu'elle est dans l'esprit du menuisier. La forme ou morphè, c'est la table accomplie, la table telle qu'elle se trouve là devant l'artisan dans son atelier. La cause efficiente transmet l'eidos, en le faisant passer de l'esprit du menuisier au morceau de bois devant lui, afin d'"informer" ou de donner une forme à ce bois. Il me semble que ceci se trouve dans tout manuel de philosophie, non (en tout cas, si Sescho est en train de les consulter, il aura peut-être la bonté de nous le dire s'il rencontre quelque chose qui le contredit)?
Par conséquent, la table en acte correspond toujours à la forme/morphè. Et donc identifier le premier mouvant, qui par définition est toujours en acte sans jamais pouvoir être en puissance, à une forme pure, comme Aristote le fait dans la
Physique, me semble être tout à fait justifié et cohérent, et non pas une remarque insolite qui ne serait propre qu'à ce livre-là et sans lien avec l'ontologie aristotélicienne, comme vous le proposiez (si je vous ai bien compris).
Au cas où vous pensez tout de même que ceci n'appartient pas aux notions de base de l'aristotélisme mais que cela se discute ou ne serait propre qu'à une interprétation précise de l'aristotélisme: qui selon vous a contesté ceci, et sur base de quels arguments?
Hokousai a écrit :'' Globalement ***'''Aristote est plutôt vitaliste et la modernité depuis Descartes plutôt mécaniste . Spinoza ne me semble pas mécaniste tel que Descartes l 'est .Il n'est pas vitaliste au sens d'Aristote non plus .Il est peut être organiciste je ne sais comment nommer cela .
oui c'est bien possible, il faudrait voir ce que vous voulez par là.
Hokousai a écrit :
A mes yeux il conserve le terme de puissance au sens de force efficiente ( pas au sens de l'en puissance ). Il garde le sens assez commun de virtu qui est celui de la force éprouvée par le corps dans l'effort .
Dieu en quelque sorte fait un effort .
Je suis étonné que Dieu ait à faire un effort .
mon interrogation ne va pas plus loin .
je crois que la puissance (
potentia) chez Spinoza, c'est l'ensemble de tous les pouvoirs (
potestas) qu'exerce réellement un corps ou un esprit (car ne l'oublions pas, la puissance de l'homme, par exemple, c'est une puissance d'agir
et de penser). Tous les pouvoirs concrets, tout ce que la chose fait réellement, concrètement, en tant qu'elle en est en effet la cause efficiente.
En revanche, lorsqu'il parle d'"effort" (
conari, conatus), Spinoza parle plutôt de la tentative de conserver son être. On ne tend à conserver son être que dans la mesure où les pouvoirs que nous exerçons réellement, de fait, sur nous-mêmes et sur les choses extérieures, nous le permettent. S'il y a "effort" ou "tendance", c'est parce qu'on sait déjà, à cause de l'axiome de l'E4, que cela ne va pas durer infiniment: un jour on va perdre notre être (c'est-à-dire notre existence dans le temps, et non pas notre essence, qui est éternelle, comme le rappelle le scolie de l'E5P37).
Or pour la même raison, je crois qu'il est absurde de parler d'un "effort" chez Spinoza lorsqu'on parle de Dieu, puisque justement, Dieu est cause de soi, il conserve par définition son être, il ne peut pas le perdre, il n'a donc pas à essayer de le conserver. Raison pour laquelle Spinoza jamais ne parle du
conatus de Dieu, pour autant que je sache. Seules les choses singulières, c'est-à-dire "finies et déterminées", ont un
conatus et font "effort".
L.