du bébé au vieillard

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar hokousai » 30 déc. 2008, 17:49

Le projet éthique consiste alors à "devenir-soi", à être "authentiquement soi" etc. (selon le philosophe (Heidegger, ...)


non non ! pas du tout !! pour Spinoza le projet Ethique c'est de devenir rationnel ou raisonnable , et le raisonnable implique de ne pas rechercher la puissance (au sens de pouvoir ).

Qu'allez vous faire de votre puissance sinon écraser un moins puissant (évidemment ) ,ce qui ne dérange en général pas les puissants mais plutôt les soumis à leur pouvoir .
.......à moins que vous n 'implosiez sous la charge ou n'explosiez telle la grenouille .

Non mais vous finiriez par me faire écrire plus que je ne souhaite sur des choses qui me semblent claires et distinctes .

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Messagepar sescho » 30 déc. 2008, 22:57

hokousai a écrit :J... ai signalé que l' emploi de puissance tout azimut était épuisant , assorti de quelques réflexions sur la ""puissance"" .

Je n'ai pas tout suivi, mais il m'a semblé que vous aviez tendance à prendre "puissance" pour "en puissance" systématiquement. Pour moi, Spinoza, au contraire, n'utilise pas "en puissance" (sauf pour le nier) : la puissance pour lui c'est l'existence en acte, la force de l'existence ; c'est quasiment la puissance au sens que lui donne la Physique ; au sens des Pensées Métaphysiques, c'est la force de production, et aussi la force de maintien qui ne se distingue pas de la première.

Spinoza a écrit :PM1Ch2 : … l’Être de la Puissance ... se dit en ayant égard à la puissance de Dieu, par laquelle il a pu dans la liberté absolue de sa volonté créer tout ce qui n’existait pas encore …

... nous ne concevons pas que Dieu ait été en puissance dans un autre être et son existence comme son entendement ne se distinguent pas de son essence.

PM2Ch8 : La Volonté et la Puissance de Dieu, quant à leur action extérieure, ne se distinguent pas de son entendement. – La Volonté et la Puissance, quant à leur action extérieure, ne se distinguent pas de l'entendement de Dieu, comme il est assez certain par ce qui précède ; car nous avons montré que Dieu a décrété non seulement que les choses devaient être mais aussi qu'elles devaient être de telle nature, c'est-à-dire que leur essence et leur existence ont dû dépendre de la volonté et de la puissance de Dieu ; par où nous percevons clairement et distinctement que l'entendement de Dieu, sa puissance et sa volonté, par quoi il a créé, a connu et conserve ou aime les choses, ne se distinguent en aucune façon l'un de l'autre, sinon relativement à notre pensée. ...

La seule difficulté que je vois dans ce cadre (et qui nous renvoie à l'en puissance), c'est de comprendre comment la puissance de Dieu peut s'exprimer par une face de l'univers changeante, alors même que sa puissance se confond avec son essence et son entendement, qui couvrent tout (existant en acte ou non) et sont immuables et éternels (c'est aussi dans l'Ethique). C'est là que je dis (sur le nouveau fil ouvert par Bruno) que le temps est une propriété du Mouvement et que Dieu en mouvement n'y est pas lui-même soumis. Une autre façon de présenter la même chose c'est de dire que les lois divines (du Mouvement en l'occurrence) sont partout et immuables et suffisent à tout expliquer.

Spinoza a écrit :PM2Ch11 : ... Dieu conserve la même quantité de mouvement dans la Nature. Si donc nous avons égard à toute la Nature matérielle, il n’est rien ajouté de nouveau à l’action qui la conserve ; mais si nous avons égard aux choses particulières, il se peut dire en quelque manière que quelque chose de nouveau s’y ajoute. ...

… un philosophe ne cherche pas ce que la souveraine puissance de Dieu peut faire ; il juge de la Nature des choses par les lois que Dieu a établies en elles ; il juge donc que cela est fixe et constant, dont la fixité et la constance se concluent de ces lois ...

TTP4 : ... Je ne dois point passer ici sous silence un passage de Paul, dans le chap. Ier, vers. 20, de l’Épître aux Romains, où il est dit (je me sers de la traduction donnée par Tremellius d’après le texte syriaque) : " Les profondeurs invisibles de Dieu, sa puissance et sa divinité éternelles, sont devenues visibles dans ses créatures depuis le commencement du monde, et ainsi ceux qui ne les voient pas sont inexcusables. " ...

TTP6 : ... Tout ce qui arrive se fait par la volonté de Dieu et son éternel décret : en d’autres termes, tout ce qui arrive se fait suivant des lois et des règles qui enveloppent une nécessité et une vérité éternelles. Ces lois et ces règles, bien que toujours nous ne les connaissions pas, la nature les suit toujours, et par conséquent elle ne s’écarte jamais de son cours immuable. Or il n’y a point de bonne raison d’imposer une limite à la puissance et à la vertu de la nature, et de considérer ses lois comme appropriées à telle fin déterminée et non à toutes les fins possibles ; car la puissance et la vertu de la nature sont la puissance même et la vertu de Dieu ; les lois et les règles de la nature sont les propres décrets de Dieu ; il faut donc croire de toute nécessité que la puissance de la nature est infinie, et que ses lois sont ainsi faites qu’elles s’étendent à tout ce que l’entendement divin est capable d’embrasser. ...



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Messagepar hokousai » 31 déc. 2008, 00:55

cher Serge


Chez Aristote l’en puissance (dunamei ) désigne la possibilité de l’interaction entre un agent et un patient , s’il y a un écart ente la matière et la forme il faut un principe de réduction de l’écart .L’ en puissance ce n’est pas la matière c’est le principe (explicatif ).

La puissance ( dunamis) est le principe de changement en autre chose ou en soi même en tant qu’autre .Aristote parle aussi de puissance d’agir ou de pâtir .

St Thomas d’ Aquin distingue la puissance d’agir ( potentia ou virtu ) dans ce sens c’est une force . Spinoza conserve le sens de puissance d’agir .

Ce qui n’est pas ma question .La question est qu’ il place la puissance en Dieu (comme la scolastique chrétienne ) alors qu’ Aristote ne le fait pas puisque l être premier n’est pas conçu comme excès de puissance mais comme réalité du bien .Les choses sont mues par le désir de l’immobilité .( premier moteur immobile acte pur , sans puissance )

Il me semble que Spinoza ne rompt pas la théologie judeo chrétienne sur ce point précis, en revanche il est proche d’Aristote sous d’autres aspects .

On peut comparer avec Maimonide (aristotélicien sous certains aspects )
notre conception de l'incorporalité de Dieu ne renverse aucune des bases de notre Loi, ni ne donne de démenti à rien de ce qu'ont proclamé les prophètes. Mais, admettre l'éternité (du monde) telle que la croit Aristote, c'est-à-dire comme une nécessité, de sorte qu'aucune loi de la nature ne puisse être changée et que rien ne puisse sortir de son cours habituel, ce serait saper la Torah à la base,
.......................

je me suis déjà exprimé(il y a longtemps ) sur mon étonnement de la puissance attribuée à Dieu par Spinoza .

Rien ne s'oppose à Dieu . De quelle puissance a t-il donc besoin ?

Quelle est l'idée de fond justifiant celle de puissance ?
Elle est là :s'il y a modification c'est qu 'il y a force (chez Aristote c'était l'en puissance ) Il n'y a pas que l'acte ( energeia ) il y a aussi la puissance (dunamis)
Deux principes , et chez Spinoza deux principes.
Désolé mais ramener l'un à l'autre ce n'est pas vraiment crédible en dépis de ses affirmation d'identité .

Expliqué d'une manière ou d'une autre on explique à mon avis par de l 'occulte ....ce qui n 'a pas nécessairement besoin d'être expliqué .

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Messagepar Louisa » 31 déc. 2008, 03:16

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :Le projet éthique consiste alors à "devenir-soi", à être "authentiquement soi" etc. (selon le philosophe (Heidegger, ...)


non non ! pas du tout !! pour Spinoza le projet Ethique c'est de devenir rationnel ou raisonnable , et le raisonnable implique de ne pas rechercher la puissance (au sens de pouvoir ).

Qu'allez vous faire de votre puissance sinon écraser un moins puissant (évidemment ) ,ce qui ne dérange en général pas les puissants mais plutôt les soumis à leur pouvoir .
.......à moins que vous n 'implosiez sous la charge ou n'explosiez telle la grenouille .

Non mais vous finiriez par me faire écrire plus que je ne souhaite sur des choses qui me semblent claires et distinctes .


Cher Hokousai,
il s'agit d'un malentendu. Si vous relisez mon message d'où provient la phrase que vous citez ci-dessus, vous verrez que je parle non pas de Spinoza mais de ceux qui proposent de concevoir l'éthique comme une actualisation de ce qui est en puissance.

Sinon ce que vous écrivez de la puissance spinoziste m'étonne. Vous savez que chez Spinoza toute idée adéquate est une Joie, et toute Joie une augmentation de la puissance. En même temps, Spinoza dit clairement que le but de l'éthique c'est de devenir sage, donc d'avoir un maximum d'idées adéquates, ce qui ne peut qu'augmenter la puissance de celui qui d'ignorant devient sage. Comment alors croire que le projet éthique spinoziste ne consiste pas à augmenter sa puissance?

Puis j'avoue que je ne vois vraiment pas pourquoi augmenter sa puissance y serait synonyme d'écraser quelque chose de moins puissant. Toutes les Joies actives, dans le spinozisme, sont des augmentations de puissance qui ne sont rien d'autres qu'une meilleure compréhension de quelque chose. Si j'ai mieux compris ce que vous voulez dire, par exemple, est-ce que je suis en train de vous écraser? C'est plutôt l'inverse, non? Ce que confirme Spinoza, lorsqu'il dit que ce n'est qu'en tant que nous pâtissons, donc avons des idées inadéquates, que nous ne conviennent pas avec les autres hommes, qu'il y a opposition (et éventuellement désir de faire mal, c'est-à-dire de détruire l'autre) (comme l'a rappelé récemment Enegoid). Mais en tant que nous comprenons quelque chose, nous convenons avec l'autre.

A mon sens augmenter activement sa puissance dans le spinozisme ne signifie donc ni actualiser une potentialité, ni exercer une force destructrice sur une chose extérieure. Cela signifie simplement avoir compris quelque chose, et en cela mieux convenir avec le monde extérieur. Dans le spinozisme, avoir une puissance signifie bel et bien produire un effet donc avoir un pouvoir, mais avoir un pouvoir a priori n'y a aucune connotation négative. Je peux avoir le pouvoir de vous comprendre, par exemple.

Bref, je ne comprends pas très bien sur quoi vous vous basez pour dire que dans le spinozisme une augmentation de la puissance d'une chose aurait nécessairement un effet destructeur sur une autre chose. Qu'est-ce qui vous le fait penser?
L.

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Messagepar sescho » 31 déc. 2008, 12:01

Cher Hokousai,

Je ne connais pas bien Aristote (au contraire, si je puis dire, de la plupart des autres Anciens Grecs) et cela m'intéresse beaucoup puisque vous me semblez savoir de quoi vous parlez (ainsi que JulienT.)

Le passage de Maïmonide est on ne peut plus contraire à Spinoza, et on se doutait bien, en passant, qu'il n'avait pas été très sévèrement excommunié pour des prunes (doctrinaires)...

Sur le plan de l'ontologie (car sur celui de l'éthique, Aristote m'est apparu faible, et en particulier il retient - avec quelques bémols ensuite, dans l'Ethique à (ou de) Nicomaque - le libre arbitre, ce qui est largement rédhibitoire) Spinoza me semble très proche d'Aristote.

Pour moi, il y a chez Spinoza quelque chose comme ce premier moteur (?) c'est la substance (les attributs.) Si l'on s'en tient à la nature naturante, à la substance cause de soi, il n'y a aucun mouvement (et donc aucune puissance motrice). Le Mouvement fait partie de la nature naturée (générale, immuable et éternelle) et ne se conçoit pas en soi mais dans l'étendue.

Ensuite, le Mouvement me semble proche de ce que vous dénommez "en puissance" ; c'est précisément le principe du changement. Le Mouvement dans l'Etendue n'est pas en lui-même étendu.

Toutefois, quoique le Mouvement ne puisse pas être déduit de la considération de l'Etendue, et ne soit pas lui-même étendu, il ne peut être conçu sans l'Etendue, qui, elle, se conçoit parfaitement sans mouvement. Prenant acte du Mouvement éternel, nous devons donc logiquement en déduire qu'il est entièrement "en aval", c'est-à-dire un mode de manifestation de l'Etendue. La distinction entre attribut (ou substance) et mouvement est justifiée, mais, pour autant, considérer le mouvement sans l'Etendue est inacceptable (voilà le vrai sens, fort, de "mode" : qui ne se conçoit qu'en autre chose.)

Spinoza, me semble-t-il, appelle Dieu la seule substance (nature naturante, non modifiée c'est-à-dire sans forme) dans un premier temps. Dans un second temps, cependant, il associe à Dieu les modes généraux, infinis et éternels : le Mouvement et l'Entendement infini ou Idée de Dieu. C'est pourquoi il peut parler d'entendement divin par exemple, ou de lois - décrets - divines. C'est parfaitement logique : comme le mode infini ne se déduit pas de son attribut (de la Substance), il faut l'associer pour pouvoir poursuivre vers les modes finis. L'état de mode découlant de la nature absolue (ou immédiatement) de Dieu, éternel et infini, convient parfaitement à la nature de Dieu.

Ceci rejoint parfaitement la hiérarchie ontologique du Vedanta : le Dieu non manifesté (non qualifié) arrive en premier et le Dieu manifesté en second (qualifié), mais les deux sont Dieu (et rien d'autre).

Spinoza met l'en puissance en puissance en prenant simplement acte que le Mouvement ne se conçoit que dans l'Etendue, et existant de toute éternité dans l'Etendue - en tant que mouvement réel, donc - (et l'Entendement infini que dans la Pensée.)

Les choses singulières sont ensuite des manifestations du Mouvement lui-même, ce qui se conclut immédiatement sans avoir à faire de véritable saut ontologique. Comme le dit clairement Spinoza et comme toute sa démarche le montre, l'éternité de Dieu, outre par une saisie immédiate de sa nature de substance en mouvement cause de tout et parfaite à ce titre, se traduit par la perception - intuitive - de lois éternelles (notions communes et propositions.)


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Messagepar hokousai » 31 déc. 2008, 12:58

cher Serge

Vous avez l'oeil du physicien ce qui est toujours précieux à qui comme moi ne l'ai pas ( j'ai toujours été plus porté vers le biologique /l'organique ) je me force à lire la physique D'Aristote lui même plus naturaliste que physicien .
La métaphysqiue a toujours un pied dans la physique (ie le mouvement ) je le constate chez pratiquement tous les philosophes )
Vous dîtes qu'il n'y a pas de saut ontoogique !!
pourtant les chose singulière surgissent chez Spinoza brutalement sans explications .

La puissance ( come principe de dynamique dans le couple dunamis/ energeia ( acte ) il la met en Dieu mais non comme un attribut .
Alors comme quoi ? Qu'est ce qui justifie que Dieu n'ayant rien en dehors qui le contraigne a besoin de la puissance pour être acte .

C'est bien moins justifiable chez Spinoza que chez les scolastiques chrétiens pour qui Dieu est distingué de sa création .Alors pour eux oui Dieu doit avoir un pouvoir de dynamisation hors de lui .

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Messagepar hokousai » 31 déc. 2008, 13:32

à Louisa


à Louisa
vous verrez que je parle non pas de Spinoza mais de ceux qui proposent de concevoir l'éthique comme une actualisation de ce qui est en puissance.


oui bon! en fait j'aurais du copier[b] Elle devient: "comment vais-je faire pour changer de puissance, pour augmenter ma puissance?"[b]. Je répondais non non à la position existentialiste et là a votre(du moins exprimée ainsi )

Je vous le redis vos messages sont trop longs ne pas vous étonner qu 'on s'y mélange un peu les pinceaux
..........................................

Et bien après tout je pense que Spinoza pense le mouvement vers la sagesse comme une actualisation de ce qu'il est possible à notre nature d'actualiser , c'est à dire la raison , et pas plus que ce que notre nature peut .( Chez Nietzsche il n'y a pas de nature de l' homme , mais chez Spinoza il y a )

Une puissance raisonnablement établie ne s'exercera pas au détriment d'autrui (ou bien de manière supportable) une puissance qui ne connait pas les bornes du raisonnable sera insupportable à autrui .

Vous existez vous prenez de la place et fatalement la place d'un autre .Vous existez vous êtes prédateur(trice) d'un autre parce qu'on ne vit pas d'amour et d'eau fraiche )
Vous voulez être solidaire , certes , mais vous déshabillez Paul pour habiller Pierre , parce qu'il faut bien trouver quelque part les habits à celui que vous aidez . In fine vous êtes prédateur des champs de coton ou des champs pétrolifères... bref , vous ne vivez jamais en dehors de la nature .

Le sage ne changerait rien à la nature car ne vivant plus qu' intellectuellement .Illusion ! Le sage est prédateur aussi .
Ce que Spinoza souhaite est qu'il le soit raisonnablement .

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Messagepar sescho » 31 déc. 2008, 16:17

Cher Hokousai,

Je ne vois pas bien où le problème se trouve pour vous, mais sans-doute est-ce simplement parce que je n'ai pas adhéré préalablement, ne la connaissant pas, à la théorie d'Aristote.

Le Mouvement ne peut pas être un attribut, puisqu'il ne se conçoit que dans un attribut (alors qu'un attribut se conçoit uniquement par lui-même.) Il n'y a pas de différence entre l'acte et la puissance chez Spinoza ; c'est exactement la même chose. La force par laquelle les modes finis apparaissent est la même par laquelle ils persévèrent dans l'être, autant qu'il est en eux - ce qui veut dire tant qu'un autre mode fini ne le change pas, ce qui ne peut pas être évité en principe du fait de l'interdépendance. Le Mouvement est tant la raison d'être des choses finies que de leurs changements.

Spinoza a écrit :E1P34 : La puissance de Dieu est l’essence même de Dieu.

Démonstration : De la seule nécessité de l’essence divine, il résulte que Dieu est cause de soi (par la Propos. 11) et de toutes choses (par la Propos. 16 et son Coroll.). Donc, la puissance de Dieu, par laquelle toutes choses et lui-même existent et agissent, est l’essence même de Dieu. C. Q. F. D.

J'ai eu dit qu'il y avait un saut ontologique ; je me suis (en partie) ravisé en considérant qu'autant le Mouvement ne se déduit absolument pas de la seule considération de l'Etendue, autant les choses singulières se déduisent parfaitement du Mouvement (dans le principe, pas dans le détail, ce qui est impossible à la faiblesse humaine.) Mais je répète que l'introduction du Mouvement avant celles du mobile, de l'espace et du temps est assez "osée" (mais géniale.) Le Mouvement (et repos) est à la fois le mobile (la finitude) et la durée, et donc le changement.

Les choses singulières (dont l'identité se discute déjà tant dans l'espace que dans le temps du fait de l'interdépendance - dans la continuité de l'Etendue - que de l'impermanence - avec le Mouvement) sont la dernière roue du carrosse... : dans le principe toujours, lorsque nous avons les deux "éléments" éternels suivants : l'Etendue et les lois du Mouvement, autrement dit Dieu non manifesté et manifesté, qui se résume finalement à un seul : les lois du Mouvement dans l'Etendue, tous les corps s'en déduisent. Du point de vue de l'essence totale, il n'y a aucune différence entre ces lois et les choses singulières.

Note : bien sûr, l'esprit humain est bien trop faible pour opérer cela (il serait Dieu en totalité en fait à ce stade) et il est confronté d'emblée aux choses singulières et à leurs changements, et c'est là que s'arrête le vulgaire, le sage entrant lui dans la conscience de l'éternité de Dieu en Mouvement et de ses lois, et de lui seul.

Le Mouvement n'est pas hors de Dieu mais en Dieu, comme manifestation de Dieu qui est en première instance non-manifesté.

Les choses singulières sont donc données avec le Mouvement en essence, même si leur existence est causée par d'autres choses singulières. Les choses naissent, vivent et meurent sans fin comme effet du Mouvement.

Note : Spinoza passe à la causalité transitive pour l’existence des choses singulières ; il a sans doute de très bonnes raisons pour cela (que je n’examine pas ici ; je pense en particulier que c’est le seul moyen de passer aux choses singulières prises abstraitement dans leur essence propre et confrontées à d’autres essences, à l’encontre de quoi l’examen s’arrêterait, ce qui serait dommage… – et c’est pourquoi aussi l’usage qui est fait de E1P28 est très intéressant – ; ce qu’il en dit en justification c’est que l’existence des choses singulières ne peut suivre immédiatement du Mouvement puisque celui-ci est immuable et éternel.) Mais je persiste à penser que la véritable cause de l’existence des choses singulières ce sont les lois du Mouvement ; et c’est d’ailleurs celles-ci que Spinoza s’emploie à dégager (idem pour la Pensée.)

A nouveau, donc, une façon beaucoup plus intuitive de se représenter les choses c’est : tout change (et donc apparaît, se maintien plus ou moins, et disparaît) en fonction des lois éternelles du Mouvement (et du repos.) En fait c’est la nécessité de passer des lois aux choses singulières – premier contact réel avec le monde extérieur, en tant soi-même que chose singulière en première instance – pour finalement dégager les lois qui crée cette impression de « saut. »

La chose est d’ailleurs immédiatement indiquée par E1P29, entre autres (en particulier de nombreux passages du TTP dont celui reproduit plus haut) :

Spinoza a écrit :E1P29 : Il n’y a rien de contingent dans la nature des êtres ; toutes choses au contraire sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à agir d’une manière donnée.

Démonstration : … les modes de Dieu ont découlé de la nature divine, non pas d’une façon contingente, mais nécessairement (par la Propos. 16), et cela, soit que l’on considère la nature divine en elle-même (par la Propos. 21), soit qu’on la considère en tant qu’elle est déterminée d’une certaine manière à agir (par la Propos. 27). Ainsi donc, Dieu est la cause de tous ces modes, non seulement en tant qu’ils existent purement et simplement (par le Coroll. de la Propos. 24), mais aussi en tant qu’on les connaît comme déterminés à telle ou telle action (par la Propos. 26). …



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Messagepar hokousai » 31 déc. 2008, 19:17

cher Serge

Mais je répète que l'introduction du Mouvement avant celles du mobile, de l'espace et du temps est assez "osée" (mais géniale.)



c'est ce que dit Aristote( du moins dans le traité de la génération ) et c 'est ce que j'ai des difficultés à comprendre .D 'un autre coté il dit que l'acte est antérieur à la puissance .
Que le mouvement soit antérieur aux choses mues ? Je le comprends alors comme : le manque (la privation) est antérieure aux choses qui acquièrent une stabilité immobilité en acte/ entéléchie )

En revanche le mouvement ( chez Aristote )n'est pas en Dieu .
............................................

Non pas la dernière roue du carrosse .Ce qu'il faut expliquer et ce la métaphysique a toujours eu du mal à expliquer c'est l'individuation .
La physique se pose -t -elle la question ?

Aristote part des choses singulières , est -ce par le mauvais bout ?

....................................................

Mais nous nous écartons de la question de la puissance .

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Messagepar Louisa » 31 déc. 2008, 20:20

Hokousai a écrit :
Sescho a écrit :Mais je répète que l'introduction du Mouvement avant celles du mobile, de l'espace et du temps est assez "osée" (mais géniale.)


c'est ce que dit Aristote( du moins dans le traité de la génération ) et c 'est ce que j'ai des difficultés à comprendre .D 'un autre coté il dit que l'acte est antérieur à la puissance .
Que le mouvement soit antérieur aux choses mues ? Je le comprends alors comme : le manque (la privation) est antérieure aux choses qui acquièrent une stabilité immobilité en acte/ entéléchie )


(rapidement en passant...)

Pour autant que je l'aie compris, chez Aristote l'acte est en effet antérieur à la puissance, seulement ici ce qui est en acte et ce qui est en puissance, ce n'est pas la même chose (autrement dit, ce n'est pas que ce qui d'abord fût en acte soit ensuite en puissance). Le premier mouvant (traduction plus littérale que "moteur", et plus correcte, me semble-t-il, puisque justement il n'est pas en mouvement lui-même) immobile est pure forme, et n'a aucune matière. Ce qu'il met en mouvement, c'est la seule chose qui peut subir du changement ou du mouvement, c'est-à-dire la matière. Celle-ci est une multiplicité de "formes" mais seulement "en puissance", au sens où la matière est "aspirée" par le premier mouvant, et se laisse ainsi à chaque fois "informer", tandis que "en soi", aucune forme n'est actualisée en elle. C'est donc la matière qui contient toutes choses en puissance, choses qui ensuite les unes après les autres s'actualisent (puis disparaissent de nouveau).

La forme de l'Homme, par exemple, peut s'unir à une partie de la matière, pour donner lieu à l'individu Socrate. Mais cette unification demande tout un processus, où l'on passe d'un foetus à un bébé à l'adulte Socrate. Pendant tout ce processus, la matière perd de plus en plus de sa puissance, est de moins en moins "l'Homme en puissance" pour devenir de plus en plus un homme en acte.

Les choses singulières sont ainsi les deux, chez Aristote: d'abord en puissance, puis en acte (c'est-à-dire effectuant une forme), tandis que le premier mouvant, étant une pure forme, est toujours en acte, il ne doit pas passer par un stade où il est seulement en puissance et n'existe pas encore réellement, il existe toujours déjà, il existe de toute éternité, et cela précisément parce qu'il est pure forme ou essence. Seules les formes ont une éternité, donc ne peuvent pas ne pas exister. Les choses singulières, en revanche, sont toujours des composés d'une forme et d'une matière, donc n'existent qu'en tant que "composé", et par conséquent n'existent pas aussi longtemps qu'elles n'ont pas de matière, et n'existeront plus lorsque le composé se défait. Elles sont donc périssables, susceptibles de "génération et corruption", mais cela seulement parce qu'elles ne sont pas des formes pures, elles sont des composés, et tout ce qui est composé de matière est périssable, donc peut à un certain moment être en puissance et pas encore en acte.

Or il faut bien que quelque chose informe une matière avant qu'une chose singulière puisse exister. Il faut donc bien qu'il y ait quelque chose d'autre que la matière, qu'il y ait quelque part une forme antérieure à la matière, sinon tout resterait toujours en puissance, aucun acte ne serait possible. Ainsi, parmi toutes les formes il y en a une qui n'a pas besoin de matière pour pouvoir exister, mais qui est pure forme, donc forcément acte pur.

Enfin, en ce qui me concerne cette antériorité de l'acte par rapport à la puissance chez Aristote ne me pose donc pas trop de problèmes (du moins à un premier niveau de compréhension, après tout se complique bien sûr), il suffit de bien tenir compte de ce à quoi réfèrent chez lui les termes "acte" et "puissance" pour que le paradoxe soit résolu.

Or pour la même raison cela me semble être assez difficile de retraduire tout ceci en du spinozisme, puisque justement, entre-temps le sens des mots "puissance" et "acte" a tout à fait changé. Ce qui était matière chez Aristote devient mutatis mutandis "essence formelle" chez Spinoza, et ce qui était la forme devient l'essence objective ou l'idée chez Spinoza. Du coup, l'essence formelle existe elle aussi de toute éternité, au lieu d'être périssable. Ce n'est que sub specie durationis que chez Spinoza les choses sont périssables. Le temps ici n'est plus le propre de la matière, il est propre au point de vue modal, qui plus est, à l'imagination. Par conséquent, l'essence formelle est à la fois puissance et acte (autrement dit, être en acte signifie désormais agir (et non plus actualiser), et avoir une puissance signifie désormais exercer un pouvoir (et non plus n'effectuer aucun pouvoir), même lorsqu'il s'agit d'une chose singulière. L'idée d'exister dans le temps ou de mourir ne devient qu'un point de vue sur le réel, point de vue imaginaire qui plus est.

Bonne fin d'année à vous tous!
L.

(PS: ceci est écrit rapidement, si quelque chose n'est pas clair, toute question est bienvenue)

PPS: je crois qu'il est important de tenir compte du fait que dans le spinozisme le mode infini immédiatement produit par l'Etendue est non pas "le Mouvement", mais toujours l'ensemble "mouvement et repos", il s'agit donc d'un rapport entre les deux, rapport qui reste constant lors de toute affection de l'attribut de l'Etendue; le facies totius universi ou mode infini produit médiatement par l'Etendue (produit c'est-à-dire par la médiation du mode "mouvement et repos") est le résultat d'ensemble de toutes ces affections à tel ou tel "moment" de l'univers. On a ainsi une succession de différentes "configurations" de tout l'univers, respectant toujours le même rapport (ratio) de "mouvement et de repos", ou si l'on veut la même quantité de mouvement et de repos (d'énergie?) totale (pour plus d'infos à ce sujet, voir l'excellent Spinoza. La science mathématique du salut de Françoise Barbaras). A mon avis, ceci est tellement spécifique à Spinoza qu'il est difficile de comparer ce qu'Aristote dit du mouvement avec le mode infini immédiat qu'est le "mouvement et repos". Mais bon, que cela n'empêche personne d'essayer de développer davantage une telle comparaison, bien sûr (je ne dis que ce que j'en pense pour l'instant, cela vaut ce que cela vaut).


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