du bébé au vieillard

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar sescho » 29 déc. 2008, 22:20

Durtal a écrit :Camarade, je contresigne et approuve tout ceci.

Mais j'avoue que la lecture de la discussion sur le fil "liberté et déterminisme" qui s'est continuée durant mon absence et en particulier les procès qui t'y ont été faits, m'ont totalement et sincèrement consterné.

C'est toujours l'histoire de Pascal; du boiteux qui reproche à celui qui ne l'est pas de ne pas marcher droit.

Il vaut mieux en rire certainement.

D.

Mes salutations, camarade.

Je ne vais pas jusqu'à en rire, mais (il y avait eu un précédent il faut dire) j'ai pris la chose plutôt avec sérénité.

Comme je l'ai dit, il pourrait n'y avoir qu'une divergence de mots et nous pourrions appeler "écart au potentiel maximum de puissance" l'impuissance - mais ce mot est utilisé entre autres moult fois par Spinoza, et de toute évidence pour exprimer directement sa pensée et non pour je ne sais quel procédé tordu disant en fait le contraire de ce qu'il dit (comment peut-on arriver à un tel déni du texte même ?) Mais le mieux, pour éviter de tomber dans le grotesque terminologique du politiquement correct (et du politiquement correct lui-même), c'est quand-même, exactement comme Spinoza, de rappeler à l'occasion qu'il n'y a aucune raison à vomir les vices des hommes, mais au contraire à les considérer comme un fait de Nature comme les autres (autrement dit, et c'est suffisant, l'accusation, l'inculpation, n'a pas sa place dans le système de Spinoza.) Toute la controverse apparente tient là-dedans, c'est-à-dire que tout le monde est potentiellement d'accord.

Note : mais on peut toujours reprendre la même antienne : un potentiel c'est une vue de l'esprit, ce n'est pas une réalité, comme tout manque. Total : si l'on continue sur le même registre, il n'y a plus aucune éthique dans l'Ethique. Mais bon, reste encore le texte de Spinoza... Et la souffrance (qui est souvent sous-tendue par la joie, au contraire de ce qu'une lecture surfacique peut faire imaginer...)

Mais le véritable problème, qui suinte clairement dans certaines expressions, est beaucoup plus grave : il n'engage pas la compréhension de Spinoza mais la complexion réelle de l'intervenant. L'orgueil clairement apparent ne supporte pas d'être appelé, même avec ces précisions, par son nom de vice. Et c'est normal : le vice ne s'accepte pas comme tel (du moins tant que la banalisation n'a pas fait son œuvre, ce qui est un point positif.) Et la pire des passions, la pire impuissance ainsi que la décrit on ne peut plus clairement Spinoza se targue d'avoir compris Spinoza mieux que personne. Le pire (à la banalisation près) entend régner sur le mieux. Pour moi, il n'y a donc pas pire nuisance à la surpuissante bonté de Spinoza, et j'agis en conséquence, selon ma puissance propre elle-même limitée, après avoir estimé ce qui sera du meilleur effet global. C'est tout.

Mais on ne va pas dramatiser, quand-même... ;-)

Au plaisir de te lire.


Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 29 déc. 2008, 22:42

cher Serge

vous pouvez pêcher par un défaut d'attention à ce qui vous est dit.)


A ce qui m’est répondu je fais attention, en revanche je ne lis pas tout de ce qui s 'échange avec la même attention .(c'est aux autres de savoir captiver mon attention )

..................................................

Vous voulez m'expliquer que Louisa est dans l'erreur .(dans l'erreur sur la compréhension de Spinoza )
Je lui ai signalé que l' emploi de puissance tout azimut était épuisant , assorti de quelques réflexions sur la ""puissance"" .Ce n'est pas à moi de répondre à sa place .

Vous bloquez sur un point qui est plus qu'un détail de doctrine , ce point engage votre mode d'existence .Bien sur que Spinoza inclinait plus à aimer l’inaccessible étoile que la fille de son voisin …..bien sur ……ce qui tenait à mon avis de l’essence singulière de Spinoza .

De ce qui tenait de l’essence singulière de Spinoza vous voulez en faire l’inscription sur le marbre de l’éternité .
....................................................


Maintenant j'ouvre une parenthèse

Si Spinoza dit quelque chose qui est douteux ou imprécis ou impraticable il faut ici que tous se disputent sur l'interprétation la plus exacte de l'insuffisance de Spinoza .
Et sera le vainqueur celui qui sera par le fait aussi insuffisant que Spinoza .

J'imagine bien un forum cartésien ou tous se disputeraient sur la glande pinéale. Non sur la science actuelle que nous en avons mais sur les vertus que Descartes lui a attribué. (« siège » de l’âme)

hokousai
.

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Messagepar hokousai » 29 déc. 2008, 23:16

à Louisa


oui en effet, tout à fait d'accord. Mais cela signifie, je crois, accepter l'idée que la seule façon d'augmenter durablement le degré de puissance d'une puissance donnée, c'est que c'est la puissance donnée qui soit la seule cause de l'augmentation. Et pour pouvoir y arriver, il faut s'appuyer sur la puissance donnée, et non pas sur l'idée de ce qui manque ou sur son "impuissance," si tu vois ce que je veux dire ... ?


Moi je ne vois pas ce que ça veut dire .
Qu' on ne s’appuie pas sur un manque certes , mais qu’on n’ai pas l’idée d’une insuffisance c’est douteux .
Voila bien pourtant tous les spinozistes avec en ligne de mire la béatitude , qu’ils n’ont pas atteinte et qui leur manque .
Faudrait-il dire qu’ils l’auraient atteinte quand plus rien ne leur manque .Je veux bien mais il faudra me faire un dessin .

Cela dit chère Louisa dans votre défense et illustration de la puissance (depuis quelque temps) vous me rappelez à la mémoire une fable de La Fontaine

La Grenouille et le Boeuf.

Une grenouille vit un boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur.
Disant : " Regardez bien ma soeur;
Est-ce assez ? dites-moi; n'y suis-je point encore ?
Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout.
M'y voilà ?
Vous n'en approchez point "
La chétive pécore.
S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages:
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

.........................................................


(Je ne vous assimile pas à la grenouille , ce n'est pas l' idée , je pensais à "" puissance "", à cette idée de ""puissance"" une idée comme qui dirait automotrice .

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Messagepar Louisa » 30 déc. 2008, 01:13

Hokousai a écrit :Ma chère Louisa ,
je prends le sens que donne Spinoza au mot puissance Pouvoir exister est puissance ..... c'est le sens ordinaire du passage à l'acte d'exister .
Dieu n'est donc pas acte mais puissance d'exister et acte .Je ne m'explique pas sinon pourquoi Spinoza maintiendrait toujours ce terme de puissance .
On a donc une nature ( substance) dynamique qui est modifié .
Modifiée nécessairement de par sa nature de puissance d agir .

Si l'homme peut acquérir une réalité supérieure c'est qu'il l'a en puissance , il peut exister à ce niveau de réalité supérieure .L'idée de Dieu l 'homme l'a .
Mais ce n'est pas lui qui en est la cause c'est la réalité de degré supérieur qui en est la cause .


Cher Hokousai,
comme déjà dit, pour moi Sévérac explique assez bien en quoi la puissance spinoziste a plus à voir avec le premier sens que par exemple Le Petit Robert donne de ce mot qu'avec le deuxième:
"1. Moyen ou droit grâce auquel on peut (faire quelque chose).
2. Virtualité, possibilité (la puissance et l'acte)."

Or l'argumentation qui le prouve s'étend chez Sévérac sur plus de 100 pages, raison pour laquelle je n'ai pas encore trouvé l'occasion de la résumer. En attendant, voici déjà deux remarques.

D'abord, on sait que dans l'E4 et dans ses écrits politiques, Spinoza identifie "puissance" et "droit" (par exemple E4P37 scolie I: "(...) parce que le droit de chacun se définit par sa vertu ou puissance (...)").

Puis il dit que pour lui le possible ne désigne qu'un événement futur dont nous ne savons pas encore s'il va se produire ou non (le possible n'existe donc que d'un point de vue ignorant, pas dans la réalité hors de l'entendement humain, E4Déf.4: "Ces mêmes choses singulières, je les appelle possibles, en tant qu'à l'examen des causes qui doivent les produire nous ne savons pas si ces causes sont elles-mêmes déterminées à les produire").

Enfin, dans l'E4Déf.8 Spinoza dit clairement que la puissance d'un homme, ce n'est que son essence en tant qu'elle a le pouvoir de produire des effets qui se comprennent par elle seule. La puissance est donc l'ensemble des choses réellement produite par cette essence seule, et non pas un ensemble de choses "virtuelles" qui auraient pu se produire si par hasard cette chose aurait été seule dans la nature. Il s'agit d'un pouvoir réel, en acte (d'ailleurs jamais Spinoza ne parle d'une "existence virtuelle" ou "potentielle", toute existence est toujours déjà en acte, ou bien en Dieu seul, ou bien aussi en tant que la chose est dite "durer" (E2P8).

Je crois que Charles Ramond exprime assez bien le consensus qui règne actuellement parmi les commentateurs de Spinoza à ce sujet (à moins que vous pensiez à un commentateur qui argumente pro l'idée inverse?), lorsque dans son Dictionnaire Spinoza (éd. ellipses) il écrit (entrée "puissance"):

"On oppose, depuis Aristote comme dans la conversation courante, ce qui est "en puissance" à ce qui est "réalisé" ou "en acte", comme le "virtuel" au "réel". La notion de "puissance" enveloppe donc le plus souvent, explicitement ou implicitement, une certaine négativité, ce qui est "en puissance" étant conçu comme incomplet, inachevé, ou à réaliser. Chez Spinoza au contraire, la puissance est positivité, être, affirmation. C'est une position originale et difficile."

Il y ajoute:
"La critique des notions de possibilité, ou de virtualité, est un trait caractéristique de l'esprit mécaniste du XVIIe siècle: la science va se détourner des "vertus" des choses, c'est-à-dire de leurs "qualités occultes", pour essayer de construire le savoir de ce qui est quantifiable. Le rejet de ce qu'il y a de virtuel dans toute forme de puissance est donc un mouvement naturel à la modernité. Spinoza et Descartes construisent ainsi l'idée paradoxale d'un Dieu "tout-puissant" qui serait entièrement "en acte", c'est-à-dire pleinement réalisé, exempt de toute déficience ontologique - Spinoza poursuivant seul l'entreprise en identifiant puissance et acte dans les choses singulières. Les difficultés que peut poser la notion de "puissance" proviennent sans doute de ce choix de définir la puissance par son contraire, plutôt que de renoncer simplement à l'usage du terme comme du concept."

Hokousai a écrit :( je pense qu'il y a une idée de grâce chez Spinoza , de grâce au sens luthérien .
Bon, je provoque un peu mais il y a cette remarque :
scolie prop 68/4 "".... et à laisser echapper leur liberté laquelle fut recouvrée par les patriarches conduits par l'esprit du christ ,c'est à dire l'idée de Dieu.""""""

N y a t-il pas dans ce recouvrement une idée de grâce ? Par quel phénomène naturel les patriarches ont-ils recouvré l'ideé de Dieu ? )


Sinusix l'a remarqué aussi, et j'aurais tendance à vous suivre. En tout cas, si tout est déterminé, il faut bien se dire que le fait qu'une majorité de gens va vivre une vie avec une assez petite puissance, comparée à ce que l'"élite" de l'humanité parvient à atteindre, le fait d'avoir la chance de pouvoir faire des études, d'acquérir une façon de vivre sans trop de Passions et avec un maximum de Joies (de préférence actives), d'avoir des revenus convenables, de vivre dans un pays sans trop de tensions politiques etc., tout cela est somme toutes assez rare, et dépend largement d'où on est né, ce que personne ne maîtrise. En ce sens, on pourrait en effet parler de grâce. La seule chose qui me dérange un peu dans ce terme, c'est qu'il suggère (du moins pour moi) qu'il y aurait quelque part tout de même une instance qui décide qui recevra cette grâce et qui non, alors que la Nature spinoziste est tout à fait "aveugle", n'agit pas en vertu de telle ou telle fin.
L.

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Messagepar Louisa » 30 déc. 2008, 01:35

Sescho a écrit :Mais le véritable problème, qui suinte clairement dans certaines expressions, est beaucoup plus grave : il n'engage pas la compréhension de Spinoza mais la complexion réelle de l'intervenant. L'orgueil clairement apparent ne supporte pas d'être appelé, même avec ces précisions, par son nom de vice. Et c'est normal : le vice ne s'accepte pas comme tel (du moins tant que la banalisation n'a pas fait son œuvre, ce qui est un point positif.) Et la pire des passions, la pire impuissance ainsi que la décrit on ne peut plus clairement Spinoza se targue d'avoir compris Spinoza mieux que personne. Le pire (à la banalisation près) entend régner sur le mieux.


Bonjour Sescho,
vous dites que l'orgueil ne supporte pas d'être appelé par son nom de vice, Spinoza répond: "Rien ne se fait dans la nature que l'on puisse attribuer à un vice de celle-ci" (E3, préface).

Vous revenez ci-dessus pour la énième fois sur votre hypothèse que celui qui interprète Spinoza sur certains points profondément différemment que vous et tient à vous le dire clairement doit avoir "l'esprit tordu", doit avoir des "intentions perverses", doit nécessairement croire qu'il possède la Vérité Ultime concernant le spinozisme etc. Je suis désolée, mais je ne peux que répéter que toutes ses suppositions ad hominem pour moi ne sont pas très intéressantes.

Nous avons tous les deux lu Spinoza, nous sommes tous les deux des êtres humains donc dôtés de raison, par conséquent nous sommes certainement capables de discuter véritablement et à fond du spinozisme sans que l'on puisse savoir à l'avance qui de nous deux ait raison sur quel point.

En revanche, lorsqu'il s'agit de la "complexion personnelle" de votre interlocuteur, lorsqu'il s'agit par exemple de mes intentions à moi, il n'y a que moi qui les connais. Vous avez beau essayer de lire entre les lignes et d'aller à la recherche des "qualités occultes" que pourrait découvrir un oeil aguérri, en fin de compte il n'y a que moi qui connais mes intentions, et donc bon voilà, comme déjà dit à chaque fois que vous abordez ce sujet, il se fait qu'en réalité celles-ci sont à mille lieues de ce que vous semblez pour l'instant penser.

Comme il est totalement impossible de prouver quoi que ce soit concernant des "intentions", je ne peux que vous proposer ce que j'ai déjà proposé: laissons de côté les intentions de l'autre, essayons de lire ce qu'il écrit concernant Spinoza, et prenons cela au sérieux, c'est-à-dire lisons-le au premier degré, et non pas au troisième ou quatrième. A mon avis, seule cette méthode-là peut permettre un échange mutuellement enrichissant entre des gens qui de prime abord pensent très différemment.

En comptant sur votre capacité de ne pas "dramatiser",
L.

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Messagepar hokousai » 30 déc. 2008, 12:02

chère Louisa


on ne va pas être d 'accord du tout

.
Spinoza et Descartes construisent ainsi l'idée paradoxale d'un Dieu "tout-puissant" qui serait entièrement "en acte",


Mais enfin Ramond doit bien savoir ( ou alors ‘cest grave ) que le premier moteur d Aristote est entièrement en acte jamais puissance ni en puissance .Dieu chez Aristote c’est l’ousia energeia . Le premier moteur n’a pas de puissance .
Ce qui devient paradoxal est que c’est qu’Aristote a la position attribué par Ramond à Descartes et Spinoza , lesquels eurent probablement un rapport filtré à Aristote …et continue sur une théorie scolastique de la création )

Le premier moteur d’Aristote ne crée rien .Rien ne découle de lui .
Or de la nature du Dieu de Descartes comme de celui de Spinoza découle les modifications .Puisque Dieu est cause efficiente ce que n’est pas le premier moteur d Aristote .
.
Dieu n' a jamais fini de créer chez Descartes, il a la puissance de créer, la création est en puissance .De même chez Spinoza ou peut être Dieu ne crée pas en personne mais où Dieu est puissance d agir c’est à dire puissance de modifications .Les modifications découlent de la nature de Dieu il est de la nécessité de la nature que Dieu soit modifié . Et c’est cela la puissance
A mon avis ce qui est modifié ne l’est pas tel qu’il va l 'être quand il le sera .
Il y a une dimension temporelle inéluctable chez Spinoza et même s’il a tenté de toute ses forces de l’évacuer .
..................................................................

Suivre de la nécessité de sa nature c’est chez Aristote comme chez Spinoza une finalité . La différence entre Aristote et Spinoza est que le premier ne met pas l a puissance dans le premier moteur mais dans les choses en mouvement alors que Spinoza met la puissance en Dieu (causa sui )

On est donc bien au delà de la distinction faites par Ramond .On est dans des postures ontologiques et religieuses de fond et de fond chrétien .

(cela dit Spinoza me semble plus proche d 'Aristote que Descartes ne l'est )
...............................................................................................
*** je ne fais pas de critique des travaux de Ramond en général je ne juge que sur l'extrait que vous me donnez à lire (quant aux commentateurs universitaires de Spinoza, j 'en est peu lu )

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Messagepar hokousai » 30 déc. 2008, 12:06

alors que la Nature spinoziste est tout à fait "aveugle", n'agit pas en vertu de telle ou telle fin.

Non je ne pense pas que ce soit la conviction intime de Spinoza .

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Messagepar Louisa » 30 déc. 2008, 14:53

Hokousai a écrit :
Ch. Ramond a écrit :Spinoza et Descartes construisent ainsi l'idée paradoxale d'un Dieu "tout-puissant" qui serait entièrement "en acte",


Mais enfin Ramond doit bien savoir ( ou alors ‘cest grave ) que le premier moteur d Aristote est entièrement en acte jamais puissance ni en puissance .Dieu chez Aristote c’est l’ousia energeia . Le premier moteur n’a pas de puissance .
Ce qui devient paradoxal est que c’est qu’Aristote a la position attribué par Ramond à Descartes et Spinoza , lesquels eurent probablement un rapport filtré à Aristote …et continue sur une théorie scolastique de la création )


Cher Hokousai,
je ne crois pas que ce que vous écrivez ici corresponde à ce que dit Ramond. Je reprends ce qu'il écrit:

Ch.Ramond a écrit :"On oppose, depuis Aristote comme dans la conversation courante, ce qui est "en puissance" à ce qui est "réalisé" ou "en acte", comme le "virtuel" au "réel". La notion de "puissance" enveloppe donc le plus souvent, explicitement ou implicitement, une certaine négativité, ce qui est "en puissance" étant conçu comme incomplet, inachevé, ou à réaliser. Chez Spinoza au contraire, la puissance est positivité, être, affirmation. C'est une position originale et difficile."
(...)
"La critique des notions de possibilité, ou de virtualité, est un trait caractéristique de l'esprit mécaniste du XVIIe siècle: la science va se détourner des "vertus" des choses, c'est-à-dire de leurs "qualités occultes", pour essayer de construire le savoir de ce qui est quantifiable. Le rejet de ce qu'il y a de virtuel dans toute forme de puissance est donc un mouvement naturel à la modernité. Spinoza et Descartes construisent ainsi l'idée paradoxale d'un Dieu "tout-puissant" qui serait entièrement "en acte", c'est-à-dire pleinement réalisé, exempt de toute déficience ontologique - Spinoza poursuivant seul l'entreprise en identifiant puissance et acte dans les choses singulières. Les difficultés que peut poser la notion de "puissance" proviennent sans doute de ce choix de définir la puissance par son contraire, plutôt que de renoncer simplement à l'usage du terme comme du concept."


Vous dites: le premier moteur est entièrement en acte chez Aristote. Cela est bien sûr vrai, mais d'abord Ramond ne parle pas du premier moteur chez Aristote, il parle de sa conception générale du terme "puissance". Qu'est-ce qu'il en dit? Que chez Aristote, la notion de puissance est toujours utilisée dans l'expression "être en puissance", et son sens s'oppose à "être en acte". Par conséquent, ce qui chez Aristote est pleinement en acte ne peut pas en même temps être en puissance, car justement, ce qui est en puissance est définie par le fait de ne pas encore être en acte (ce que vous dites (que le premier moteur est entièrement en acte) correspond donc parfaitement à ce que dit Ramond d'Aristote, car justement, le premier moteur n'est pas du tout un moteur "en puissance").

Puis, ajoute-t-il, il se fait que le sens commun aujourd'hui a tendance à entendre le mot "puissance" de la même façon (en effet, si l'on regarde ce qu'on a dit sur ce forum pour l'instant, je crois que ce constat est tout à fait confirmé).

Qu'est-ce qui change avec Descartes et Spinoza? Le sens même du terme "puissance". A partir de là, le mot "puissance" est utilisé dans le premier sens que lui donne Le Petit Robert: celui de moyen pour faire quelque chose, de pouvoir (comme le précise l'E4Déf.8, le pouvoir de produire des effets). Pour les deux, Descartes et Spinoza, avoir une puissance, produire un effet ou agir deviennent donc des synonymes. Or chez Aristote ce qui est en puissance par définition n'agit pas. On assiste ici donc à une petite révolution conceptuelle (comme l'histoire de la philosophie en a connu beaucoup et en connaît toujours beaucoup).

Spinoza va aller encore un pas plus loin en étendant cette nouvelle définition de la puissance aux choses singulières mêmes, au lieu de la limiter à Dieu seul. Désormais, rien n'est "en puissance" (au sens de ne pas encore pleinement agir), tout est toujours déjà entièrement en acte, mêmes les choses singulières.

Ceci a une conséquence et pose au moins un problème:

PROBLEME.
Si les choses singulières sont toujours déjà en acte, alors que traditionnellement elles ne sont en acte que lorsqu'elles passent à l'existence (comme le dit encore Sescho aujourd'hui dans sa réponse à Bruno concernant l'entendement: elles "viennent à être en acte", retournant par là à Aristote au lieu de tenir compte de la révolution cartésiano-spinoziste à ce sujet), comment comprendre la différence entre exister et ne pas exister? Car avant (avant Descartes et Spinoza), d'abord l'essence ou forme d'une chose était dans l'entendement divin, tandis que la chose n'existe pas encore à proprement parler; elle ne commence à "exister" que lorsqu'on ajoute une "matière" à cette forme, lorsque la forme "informe" une matière (comme vous le savez). Là, la chose passe à l'existence (dans le christianisme: elle est créée). Après, à sa mort, le composé "forme-matière" se défait de nouveau: la chose n'existe plus. Aussi longtemps que la chose n'existe pas encore, on disait qu'elle est "en puissance": son essence est déjà dans l'entendement, donc elle a la possibilité d'exister, mais elle n'existe pas encore "en acte". Or chez Spinoza tout est toujours en acte. Alors que "fait" la chose avant d'être créée, dans ce cas?

Spinoza répond très clairement à cette question, et répète sa réponse plusieurs fois. Il distingue entre deux façons d'exister: "exister dans un temps et un lieu précis" (ce qui correspond à l'ancien sens d'exister ou d'être créé, et à ce que Sescho continue à appeler "exister" ou "être en acte" tout court), et "exister en Dieu". Dans les deux cas, dit-il, la chose existe en acte, dans les deux cas il y a une "existence actuelle". Du coup, il ne parle plus d'une chose comme étant "composée" d'une forme ou essence et d'une matière, il reprend (à sa façon) le couple scolastique "essence objective - essence formelle"(TIE), ou "être objectif - être formel" (Ethique).

Les propositions qui introduisent cette distinction entre deux manières d'exister en acte sont: E2P8 corollaire, E2P45 et son scolie, E5P29 scolie. Ces propositions et la distinction qu'elles apportent sont cruciales, puisque justement, tout le troisième genre de connaissance en dépend. Comme Spinoza le dit en l'E5P29, le troisième genre consiste à comprendre une chose, un Corps non pas dans son "existence présente actuelle" (c'est-à-dire en tant qu'il est en acte dans le temps), mais dans son éternité (c'est-à-dire en tant qu'il est éternellement en acte en Dieu).

CONSEQUENCE.
Si tout est toujours déjà en acte et un projet éthique doit avoir un sens, il faut repenser l'éthique de fond en comble (ce que beaucoup de lecteurs de Spinoza ne veulent pas faire; en dehors de l'éthique basée sur des notions de "être en puissance de" qui s'oppose à l'acte, et des notions morales telles que "vice" etc., pour eux il n'y a aucune éthique pensable). Car alors le devenir (plus heureux) n'est plus une question d'actualiser ce qui au début n'est qu'en puissance, le devenir devient une question d'augmenter une puissance. Au lieu de se poser la question "comment vais-je actualiser ce que potentiellement j'ai en puissance?", la question éthique devient: "comment vais-je augmenter la puissance en acte que je suis?".

L'aliénation, terme que Sescho utilise ci-dessus et qui est tout à fait cohérent avec une pensée traditionnelle de l'éthique, signifie qu'une chose n'arrive pas à actualiser son potentiel (en principe parce quelque obstacle extérieur lui en empêche, comme l'a rappelé Durtal dans l'autre fil, et/ou parce qu'il y aurait une "contrainte intérieure" comme le rappelle Sescho). En effet, lorsqu'on part d'une éthique traditionnelle (c'est-à-dire une morale; Sescho semble distinguer l'éthique d'une morale en suggérant que l'éthique c'est l'application d'une morale mais d'une telle façon que celui qui vient de détecter un "vice" chez quelqu'un, réussit à ne pas paniquer, à garder un certain calme intérieur; il est évident que je ne suis pas d'accord avec une telle définition de l'éthique), alors le mot "aliénation" est tout à fait pertinent. Le projet éthique consiste alors à "devenir-soi", à être "authentiquement soi" etc. (selon le philosophe (Heidegger, ...) on a une autre manière d'appeler cet état de non aliénation). Dès lors, on comprend que Sescho craint qu'il n'y ait plus d'éthique du tout lorsqu'on dit que tout est toujours déjà en acte. Car alors il n'y a plus d'aliénation non plus, tandis que cette notion est au centre de toute morale traditionnelle.

Chez Spinoza la question éthique par excellence n'est plus: "comment vais-je faire pour ne pas m'aliéner de moi-même (ou de l'Homme Accompli, ou de l'Essence de l'homme dans sa "pleine" puissance) etc?" Elle devient: "comment vais-je faire pour changer de puissance, pour augmenter ma puissance?". Ici on n'abolit pas tout projet éthique, on change de projet éthique, puisqu'on change de problème, on pense l'éthique différemment (dans l'espoir, bien sûr, d'obtenir ainsi un plus grand bonheur, plus de paix sociale etc., pas juste pour embêter les gens avec de nouveaux concepts, pas juste pour bousculer un peu leurs habitudes de pensées ordinaires).

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
alors que la Nature spinoziste est tout à fait "aveugle", n'agit pas en vertu de telle ou telle fin.


Non je ne pense pas que ce soit la conviction intime de Spinoza .


- si vous voulez dire que vous êtes d'accord pour dire que dans l'Ethique Spinoza dit littéralement que Dieu n'agit pas en vertu d'une fin mais que vous croyez que jamais Spinoza n'a pu croire lui-même en cette idée: c'est bien possible, je ne vois pas comment on pourrait avoir accès aux convictions "intimes" de Spinoza en lisant juste un texte. Là, on entre dans le domaine de la spéculation non plus philosophique mais disons "absolu". D'autre part, pour moi la philosophie est précisément l'activité par excellence qui nous apprend à penser différemment que d'habitude, à penser autre chose que ce qu'on trouve tout à fait évident soi-même. Que Spinoza ait proposé des idées qui vont à l'encontre de nos évidences me semble donc être tout à fait normal. En tant que philosophe, c'était bien ça son boulot.

- si vous voulez dire que selon vous dans l'Ethique Spinoza dit que Dieu agit en vertu d'une fin: quel passage vous le fait penser plus précisément?
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Messagepar hokousai » 30 déc. 2008, 17:20

Chère Louisa

StThomas use aussi des termes ""virtu ou potentia"" pour désigner des réalités actives non virtuelles .Il faut donc voir le contexte ..

On trouve chez Hobbes(et Suarez ) la distinction entre potentia et potestas ( pouvoir des prince ou des forts )
La distinction remonte à loin puisqu’on la trouve chez St Anselme , celle reprise par le Robert est donc ancestrale .

Spinoza choisit ( à la différence de Leibniz qui lui use des deux termes ) potentia et non potestas .Spinoza garde le terme scolastique prioritaire en métaphysique et à mon avis avec le sens de puissance versus acte .
Parce que Potentia indique une dynamique .

Guéroult a pu parler d’aristotélisme sans Aristote .
Mais chez Spinoza la puissance est réincorporée en Dieu (on a un Dieu dynamique )
Puisque Dieu est la nature il n’y avait plus de premier moteur pur acte qui ne crée rien . Il fallait bien loger la dynamique du mouvement quelque part et comme il n’y avait nulle part ailleurs,la puissance s’est retrouvée de facto en Dieu .

*** Vous n’avez me semble t-il qu’un terme en anglais celui de power, alors que nous avons puissance et pouvoir en français..

………..
Le conatus c’est l’effort pour persévérer dans son être ce qui implique un non dépassement de la forme essentielle (de nature ), ce n’est donc pas un effort pour développer une puissance d’exister au delà du raisonnable .Ce qui est plutôt l’optique de Nietzsche .
Toute l’intelligence doit viser à saisir ce raisonnable .

hokousai

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Messagepar hokousai » 30 déc. 2008, 17:33

( sur le Dieu aveugle !!!)


Pour moi Dieu chez Spinoza agit ( c'est déjà un point ) il agit en vertu de son essence .
La fin ou finalité est de persévérer dans son être (pour chaque individu et pour l'individu tout entier )
La fin de chaque chose particulière est de persévérer dans sa forme d'exister et pour Dieu , pareil .
Ce n'est pas une fin qui soit un projet c'est une mise en conformité de l'essence et de l 'acte .

Car enfin il se passe bien(chez Spinoza ) quelque chose et quelque chose ayant un rapport avec l'essence des choses .(singulière ou d 'espèce c'est égal )

Dieu n'est pas aveugle puisqu' il a au moins la vision par l'intellect ,il pense .


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