le desir chez Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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shaman192
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le desir chez Spinoza

Messagepar shaman192 » 17 avr. 2004, 10:09

Je suis novice sur Spinoza , mais ca philosophie m'interesse.
Je voudrais savoir si pour lui le désir doit être prit sans culpabilites , faire ce que l'on désire ,vivre ses passions ses envie sans "tabou"...?

ou au contraire pour acceder à la béatitude il faut renoncer à tous désirs ( comme le boudhisme) car il est source des angoisses...?

merci

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virpolo
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désir

Messagepar virpolo » 18 avr. 2004, 11:48

nul ne sait ce que peut la fabrique du corps

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bardamu
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Re: le desir chez Spinoza

Messagepar bardamu » 18 avr. 2004, 13:14

shaman192 a écrit :Je suis novice sur Spinoza , mais ca philosophie m'interesse.
Je voudrais savoir si pour lui le désir doit être prit sans culpabilites , faire ce que l'on désire ,vivre ses passions ses envie sans "tabou"...?

ou au contraire pour acceder à la béatitude il faut renoncer à tous désirs ( comme le boudhisme) car il est source des angoisses...?

merci


Chez Spinoza, plutôt que de considérer qu'on veut quelque chose, il faut considérer qu'un désir surgit. C'est une apparition soudaine dans la conscience de quelque chose qui vient avant la conscience : l'appétit nait dans l'inconscience et devient désir dans la conscience.
Le travail de la conscience consiste alors à trier les appétits qui lui viennent pour n'en garder que ceux qui sont raisonnablement le plus utile.
C'est donc une hygiène des désirs qui demande l'élimination des poisons (appétits conduisant à la mort) et le renforcement des désirs constructifs (intensifiant la vie).
C'est aussi une politique des désirs, puisque nous sommes agités de multitudes d'appétits plus ou moins compatibles qui luttent pour prendre le contrôle de l'ensemble.

Socialement, il ne s'agit pas de "faire ce que l'on veut" en méprisant les coutumes, lois et tabous de l'autre. Il faut au contraire y être attentif pour vivre en bonne intelligence avec son voisin. Par contre, tous les sentiments tristes tels que celui de culpabilité sont inutiles au sage pour se bien conduire.
Mais, en attendant la sagesse (= liberté), il ne faut pas craindre d'utiliser les sentiments inculqués par notre éducation pour maîtriser l'être débile que nous sommes à la naissance. Se libérer des tabous correspond chez certains à l'abandon de tout travail de la conscience pour laisser vivre les appétits comme ils naissent mais c'est alors une régression, l'abandon d'une puissance de la pensée.
L'idéal est de parvenir à l'usage conscient de la puissance de vie des appétits dans une intensification qui fait qu'on vit pleinement chaque instant, c'est-à-dire avec conscience de soi, des choses et de Dieu-Nature-Réel-Tout.

On ne s'abandonne pas aux appétits mais on ne les rejette pas non plus : on les sublime.

Au niveau des philosophies orientales, je pense que c'est plus dans le taoïsme que dans le bouddhisme qu'on trouvera quelque chose de proche.
Equilibre des éléments, mutations, lien à la nature, travail sur les forces, harmonisation de soi et du monde. Peut-être que le zen, influencé par le taoïsme, s'en rapproche aussi.
Le bouddhisme, avec son idée que la vie personnelle est une douleur à faire cesser, me semble faire une conclusion à l'opposé de Spinoza qui en fait une joie à faire durer, en dépit de prémisses et d'analyses souvent proches.

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shaman192
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Messagepar shaman192 » 18 avr. 2004, 15:23

Cher bardamu,

merci pour la réponse mais vu que:


"la conscience de quelque chose qui vient avant la conscience : l'appétit nait dans l'inconscience et devient désir dans la conscience. "

On est trés proche de l'approche freudienne du désir , de plus les "sublimer" doit il être prit dans le sens "de la sublimation" chez Freud?
Il va de soi que l'on se raproche de la notion d'inconscient.
Je suis conscient qu'il faut respecter la moral de l'autre.
Mais comment argumente il justement cette notion de moral prorpre à chacun ?????.
Cette morale qui venant de notre éducation,histoire,culture... nous "paralyse " quelque fois dans le sens ou en ne faisant aucun mal à autrui on a quand même l'impression de transgresser un interdit qui nous mets mal à l'aise ,alors que la sagesse ,la liberté total ce serait justement de nous laisser aller vers le bonheur ,vers le plein desir, la satisfaction ,tant que celle ci ne porte pas préjudice à autrui??

Sans être aussi rigoureux de la moral de Kant et du devoir,comme l'explique trés bien André comte-Sponville.

Je suis un philosophe de Freud,Nietsche,Scopenhauer.
J'aime la recherche dans le sens non rigoureux des néopositivistes.
d'ou mon envie de mieux connaitre Spinoza

Bravo pour le site

shaman
.J'ai encore un peu de mal avec la notion "d'appétit"

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bardamu
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Messagepar bardamu » 20 avr. 2004, 20:58

shaman192 a écrit :On est trés proche de l'approche freudienne du désir , de plus les "sublimer" doit il être prit dans le sens "de la sublimation" chez Freud?


En effet, j'ai volontairement utilisé des termes de la "vulgate" freudienne même si ce ne sont pas ceux de Spinoza. Freud lui-même a été influencé par Spinoza mais il reste des différences importantes entre eux (rôle du manque dans le désir, par exemple).
Le terme "sublimer" devrait être entendu d'une manière plus... sublime, que chez Freud. Chez Freud, on satisfait une pulsion en lui donnant une forme qui dépasse le simple plaisir égotique pour être compatible avec une vie sociale.
Chez Spinoza, il faut passer par le problème de la vie en société mais aller jusqu'à la compatibilité cosmique, "l'union mentale avec toute la Nature".
C'est en cela que Spinoza peut se révéler plus révolutionnaire, l'intérêt cosmique se heurtant parfois à l'intérêt social (place du mystique dans une société ?) alors que Freud aurait tendance à faire entrer ses "clients" dans le moule social (travail, mariage, enfants).

Il va de soi que l'on se raproche de la notion d'inconscient.
Je suis conscient qu'il faut respecter la moral de l'autre.
Mais comment argumente il justement cette notion de moral prorpre à chacun ?????.


L'appendice du livre I de l'Ethique fait une synthèse de la genèse des idées du Bien et du Mal (cf http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq1.htm#App ).
La question de la sociabilité est aussi traitée dans E4P35, 36, 37 (abbréviation pour : Ethique, Livre 4, Propositions 35, 36, 37) : http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq4.htm#P35 .

En résumé, pour Spinoza on est agité d'une multitude d'affections et d'affect et on appelle "bons" ceux qui nous sont utiles et "mauvais" ceux qui nous sont dommageable. A partir du bon et du mauvais, les hommes ont inventé les catégories du Bien et du Mal, transformant leurs propres sensations en règles universelles mais ces notions sont des artifices d'une utilité à évaluer par chaque individu.
Le bien pour Spinoza n'est donc pas dans ces catégories morales mais correspond au "bon pour soi". Il se trouve que ce qui est bon pour soi sera d'autant meilleur pour un autre être que celui-ci nous ressemble. Et c'est ainsi que de proche en proche, il y a des biens communs, des bases sur lesquelles se construisent les communautés humaines ou autres, jusqu'à l'ultime communauté, celle de la Nature.


Cette morale qui venant de notre éducation,histoire,culture... nous "paralyse " quelque fois dans le sens ou en ne faisant aucun mal à autrui on a quand même l'impression de transgresser un interdit qui nous mets mal à l'aise ,alors que la sagesse ,la liberté total ce serait justement de nous laisser aller vers le bonheur ,vers le plein desir, la satisfaction ,tant que celle ci ne porte pas préjudice à autrui??

Pour Spinoza, le bonheur s'obtient par la connaissance : connaissance de soi, des choses et de Dieu (= Nature = Réel = Cosmos... ).
La liberté totale vient de la conscience.
Suivre la première passion qui passe, se laisser aller, c'est être agit plutôt qu'agir, c'est encore être esclave parce qu'on ne maitrise pas ce qu'on suit.
Refuser ou accepter les règles sociales est secondaire, le principal étant de savoir si on les refuse en pleine connaissance de cause, ou si on est simplement agité par des passions de refus provoquées par l'environnement.
La période de l'adolescence est caractéristique de ces emportements purement réactifs où pour s'affirmer on suit une anti-règle qui se révèle parfois plus contraignante que la règle normale. Les punks faisaient bien des efforts pour que leurs crètes tiennent bien droites...
C'est une question de stratégie de vie, de connaissance de soi et du monde. Qu'est-ce qui nous convient ? Qu'est-ce que nous rapporte le combat contre la coutume ou la loi ?
.J'ai encore un peu de mal avec la notion "d'appétit"

Je vois les choses ainsi :
avoir faim, avoir soif, ou vouloir de l'argent, c'est s'efforcer d'attirer à soi, c'est effectuer un mouvement de prise. Il y a un appétit, un mouvement, qui prend de l'extension d'où la formation d'une chose.
Il ne faut pas dire "une chose a de l'appétit" mais "une chose exprime un appétit". La Terre exprime la gravitation, le prédateur exprime la faim, l'étudiant exprime la recherche du savoir. Avant les choses, il y a un champ pré-phénoménologiques d'appétits qui animent la Substance. C'est la gravité qui engendre une planète et non pas la planète qui engendre la gravité, c'est la faim qui crée le prédateur, c'est l'appétit de science qui crée l'étudiant.
L'essence de toute chose est l'appétit, le conatus, dont elle est l'expression.

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sescho
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Messagepar sescho » 20 févr. 2008, 12:35

Je reprends le fil, sur un plan général.

Pour commencer, mon avis sur la définition du désir chez Spinoza (je reproduis une grande partie d'un message que j'avais posté sur un fil multi-sujets.)

Le désir (introduit en propre dans E3P9) prend sa source dans E3P6 et son fameux "conatus" (sic E3P7 ; "effort"), extension du principe d'inertie : toute chose prise en elle-même tend à conserver son état indéfiniment (E3P8) et son âme en a conscience (E3P9.)

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P9 : L’âme, soit en tant qu’elle a des idées claires et distinctes, soit en tant qu’elle en a de confuses, s’efforce de persévérer indéfiniment dans son être, et a conscience de cet effort.

Démonstration : L’essence de l’âme est constituée par des idées adéquates et inadéquates (comme nous l’avons montré dans la Propos. 3, partie 3), et conséquemment (par la Propos. 7, partie 3) elle tend à persévérer dans son être en tant qu’elle contient celles-ci aussi bien qu’en tant qu’elle contient celles-là ; et elle y tend pour une durée indéfinie (par la Propos. 8, partie 3). Or, l’âme (par la Propos. 23, partie 2) ayant, par les idées des affections du corps, conscience d’elle-même, il s’ensuit que l’âme (par la Propos. 7, partie 3) a conscience de son effort. C. Q. F. D.

Scholie : Cet effort, quand il se rapporte exclusivement à l’âme, s’appelle volonté ; mais quand il se rapporte à l’âme et au corps tout ensemble, il se nomme appétit. L’appétit n’est donc que l’essence même de l’homme, de laquelle découlent nécessairement toutes les modifications qui servent à sa conservation, de telle sorte que l’homme est déterminé à les produire. De plus, entre l’appétit et le désir il n’y a aucune différence, si ce n’est que le désir se rapporte la plupart du temps à l’homme, en tant qu’il a conscience de son appétit ; et c’est pourquoi on le peut définir de la sorte : Le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même. Il résulte de tout cela que ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas qu’on ait jugé qu’une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu’une chose est bonne par cela même qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir.

La source des passions est cependant fixée par E3P12 (voir aussi E3P54), qui en est une extension (dont la solidité de la démonstration m'échappe au fond, même si j'en suis le déroulement, mais je laisse cela de côté, n'en contestant aucunement la justesse), proposition donc d’une grande importance éthique (et posant la "volonté de puissance") :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P12 : L’âme s’efforce, autant qu’il est en elle, d’imaginer les choses qui augmentent ou favorisent la puissance d’agir du corps.

Démonstration : Tant que le corps humain est affecté d’une modification qui enveloppe la nature de quelque corps étranger, l’âme humaine aperçoit ce corps étranger comme présent (par la Propos. 17, part. 2) ; et en conséquence, tant que l’âme humaine aperçoit quelque corps étranger comme présent, ou en d’autres termes (par le Schol. de la même Propos.), tant qu’elle l’imagine, le corps humain est affecté d’une modification qui exprime la nature de ce corps étranger. Or, il suit de là que, tant que l’âme imagine des choses qui augmentent ou favorisent la puissance d’agir de notre corps, notre corps est affecté de modifications qui augmentent ou favorisent sa puissance d’agir (voyez le Post. 1, partie 3) ; et par conséquent (en vertu de la Propos. 11, partie 3), la puissance de penser de l’âme est augmentée ou favorisée ; et partant (en vertu de la Propos. 6 ou Propos. 9, partie 3), l’âme s’efforce, autant qu’il est en elle, d’imaginer ces sortes de choses. C. Q. F. D.

Je ressens, comme j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le faire remarquer, souvent un contresens dans l’interprétation de E3P7 : Spinoza n'y définit pas l’essence par le désir mais le désir par l’essence (sinon où serait l’entendement, qui se distingue du désir, et de la joie-tristesse : E1P31, E2A3, E2P48S.) La proposition, selon toutes les traductions que je possède dit que le désir n’est rien en dehors, à part, de plus que l’essence : c’est l’essence qui se pose là dans une chose singulière existant en acte (d’où essence actuelle) ; ce que cela veut dire est qu’il n’y a pas à chercher le désir (en particulier de conservation) en dehors de l’essence même, c’est tout (sinon il faudrait dire en quoi cela sort de l’essence même de la chose.)

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P7 : L’effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n’est rien de plus que l’essence actuelle de cette chose.

Démonstration : L’essence d’un être quelconque étant donnée, il en résulte nécessairement certaines choses (par la Propos. 36, partie 1) ; et tout être ne peut rien de plus que ce qui suit nécessairement de sa nature déterminée (par la Propos. 29, partie 1). Par conséquent, la puissance d’une chose quelconque, ou l’effort par lequel elle agit ou tend à agir, seule ou avec d’autres choses, en d’autres termes (par la Propos. 6, partie 3), la puissance d’une chose, ou l’effort par lequel elle tend à persévérer dans son être, n’est rien de plus que l’essence donnée ou actuelle de cette chose. C. Q. F. D.

Sur la distinction de l’entendement et du désir et sur le désir comme passion (il peut naître aussi de l’action : E3P58, E3P59) :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P31 : L’entendement en acte, soit fini, soit infini, comme, par exemple, la volonté, le désir, l’amour, etc., se doivent rapporter à la nature naturée, et non à la naturante.

Démonstration : Par entendement, en effet, nous ne désignons évidemment pas la pensée absolue, mais seulement un certain mode de penser, lequel mode diffère des autres, tels que le désir, l’amour, etc.

E2A3 : Les modes de la pensée, tels que l’amour, le désir et les autres passions de l’âme, par quelque nom qu’on les distingue, ne peuvent exister sans qu’il y ait dans l’individu où on les rencontre, l’idée d’une chose aimée, désirée, etc. Mais une idée peut exister sans aucun autre mode de la pensée.

E2P48S : On démontrerait de la même manière qu’il n’y a dans l’âme humaine aucune faculté absolue de comprendre, de désirer, d’aimer, etc. D’où il suit que ces facultés et toutes celles du même genre, ou bien, sont purement fictives, ou ne représentent autre chose que des êtres métaphysiques ou universels que nous avons l’habitude de former à l’aide des choses particulières. Ainsi donc, l’entendement et la volonté ont avec telle ou telle idée, telle ou telle volition, le même rapport que la pierréité avec telle ou telle pierre, l’homme avec Pierre ou Paul. Maintenant, pourquoi les hommes sont-ils jaloux d’être libres ? c’est ce que nous avons expliqué dans l’appendice de la première partie. Mais, avant d’aller plus loin, il faut noter ici que par volonté j’entends la faculté d’affirmer ou de nier, et non le désir ; j’entends, dis-je, la faculté par laquelle l’âme affirme ou nie ce qui est vrai ou ce qui est faux, et non celle de ressentir le désir ou l’aversion. …

E3P11S : … Quant à la nature du désir, je l’ai expliquée dans le Scholie de la Propos. 9, partie 3 ; et j’avertis qu’après ces trois passions, la joie, la tristesse et le désir, je ne reconnais aucune autre passion primitive ; et je me réserve de prouver par la suite que toutes les passions naissent de ces trois passions élémentaires. …

Il est vrai cependant que Spinoza dit ensuite en plus court que le désir est l’essence même de l’homme, mais il ajoute parfois « en tant que », ce qui ne peut être gommé car signalant une restriction, ou une façon partielle de voir les choses.

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P56Dm : … Or, le désir étant l’essence ou la nature de chaque homme, en tant qu’il est déterminé par telle constitution donnée à agir de telle façon (voir le Schol. de la Propos. 9, partie 3), il s’ensuit que chaque homme, suivant qu’il est affecté par les causes extérieures de telle ou telle espèce de joie, de tristesse, d’amour, de haine, etc. c’est-à-dire suivant que sa nature est constituée de telle ou telle façon, éprouve nécessairement tel ou tel désir ; et il est nécessaire aussi qu’il y ait entre la nature d’un désir et celle d’un autre désir autant de différence qu’entre les affections où chacun de ces désirs prend son origine. Donc, autant il y a d’espaces de joies, de tristesse, d’amour, etc. ; et conséquemment (par ce qui vient d’être prouvé) autant il y a d’espèces d’objets qui nous affectent, et autant il y a d’espaces de désir. C. Q. F. D.

Scholie : Entre les différentes espèces de passions, lesquelles doivent être en très-grand nombre (d’après la Propos. précédente), il en est qui sont particulièrement célèbres, comme l’intempérance, l’ivrognerie, le libertinage, l’avarice, l’ambition. Toutes ces passions se résolvent dans les notions de l’amour et du désir, et ne sont autre chose que l’amour et le désir rapportés à leurs objets. Nous n’entendons, en effet, par l’intempérance, l’ivrognerie, le libertinage, l’avarice et l’ambition, rien autre chose qu’un amour ou un désir immodéré des festins, des boissons, des femmes, de la richesse et de la gloire. On remarquera que ces passions, en tant qu’on ne les distingue les unes des autres que par leurs objets, n’ont pas de contraires. Car la tempérance, la sobriété, la chasteté, qu’on oppose à l’intempérance, à l’ivrognerie, au libertinage, ne sont pas des passions ; elles marquent la puissance dont l’âme dispose pour modérer les passions.

E3P57 : Toute passion d’un individu quelconque diffère de la passion d’un autre individu autant que l’essence du premier diffère de celle du second.

Démonstration : Cette proposition résulte évidemment de l’Axiome 1, qu’on peut voir après le Lemme 3, placé après le Schol. de la Propos. 13, partie 2. Cependant nous la démontrerons à l’aide des définitions des trois passions primitives.
Toutes les passions se rapportent au désir, à la joie et à la tristesse ; cela résulte des définitions données plus haut. Or, le désir est la nature même ou l’essence de chaque individu (voyez-en la déf. dans le Schol. de la Propos. 9, partie 3). Donc, le désir de chaque individu diffère de celui d’un autre individu autant que diffèrent leurs natures ou leurs essences. De plus, la joie, la tristesse sont des passions par lesquelles la puissance de chaque individu, c’est-à-dire son effort pour persévérer dans son être, est augmentée ou diminuée, favorisée ou empêchée (par la Propos., 11, part, 3 et son Schol.) Or, cet effort pour persévérer dans son être, en tant qu’il se rapporte en même temps à l’âme et au corps, c’est pour nous l’appétit et le désir (par le Schol. de la Propos., 9, partie 3). Donc la tristesse et la joie, c’est le désir même ou l’appétit, en tant qu’il est augmenté ou diminué, favorisé ou empêché par les causes extérieures, ce qui revient à dire (par le même Schol.) que c’est la nature même de chaque individu : d’où il suit que la joie ou la tristesse de chaque individu diffère de celle d’un autre, autant que la nature ou l’essence du premier diffère de celle du second. En conséquence, toute affection d’un individu quelconque diffère de celle d’un autre individu autant que, etc. C. Q. F. D.

E3AppD1 : Le désir, c’est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à quelque action par une de ses affections quelconque.

Explication : Nous avons dit plus haut, dans le Scholie de la propos. 9, partie 3, que le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même, et que l’appétit, c’est l’essence même de l’homme, en tant que déterminée aux actions qui servent à sa conservation. Mais nous avons eu soin d’avertir dans ce même Scholie que nous ne reconnaissions aucune différence entre l’appétit humain et le désir. Que l’homme, en effet, ait ou non conscience de son appétit, cet appétit reste une seule et même chose ; et c’est pour cela que je n’ai pas voulu, craignant de paraître tomber dans une tautologie, expliquer le désir par l’appétit ; je me suis appliqué, au contraire, à le définir de telle sorte que tous les efforts de la nature humaine que nous appelons appétit, volonté, désir, mouvement spontané, fussent compris ensemble dans une seule définition. J’aurais pu dire, en effet, que le désir, c’est l’essence même de l’homme en tant qu’on la conçoit comme déterminée à quelque action ; mais de cette définition il ne résulterait pas (par la Propos. 23, partie 2) que l’âme pût avoir conscience de son désir et de son appétit. C’est pourquoi, afin d’envelopper dans ma définition la cause de cette conscience que nous avons de nos désirs, il a été nécessaire (par la même Propos.) d’ajouter : en tant qu’elle est déterminée par une de ses affections quelconque, etc. En effet, par une affection de l’essence de l’homme, nous entendons un état quelconque de cette même essence, soit inné, soit conçu par son rapport au seul attribut de la pensée, ou par son rapport au seul attribut de l’étendue, soit enfin rapporté à la fois à l’un et l’autre de ces attributs. J’entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre.

E4P18 : Le désir qui provient de la joie est plus fort, toutes choses égales d’ailleurs, que le désir qui provient de la tristesse.

Démonstration : Le désir est l’essence même de l’homme (par la Déf. 1 des pass.), c’est-à-dire (en vertu de la Propos. 7, part. 3) l’effort par lequel l’homme tend à persévérer dans son être. C’est pourquoi le désir qui provient de la joie est favorisé ou augmenté par cette passion même (en vertu de la Déf. de la joie, qu’on peut voir dans le Schol. de la Propos. 11, part. 3). Au contraire, le désir qui naît de la tristesse est diminué ou empêché par cette passion même (en vertu du même Schol.) ; et par conséquent la force du désir qui naît de la joie doit être mesurée tout ensemble par la puissance de l’homme et par celle de la cause extérieure dont il est affecté, au lieu que la force du désir qui naît de la tristesse doit l’être seulement par la puissance de l’homme ; d’où il suit que celui-là est plus fort que celui-ci. C. Q. F. D.

E4P21 : Nul ne peut désirer d’être heureux, de bien agir et de bien vivre, qui ne désire en même temps d’être, d’agir et de vivre, c’est-à-dire d’exister actuellement.

Démonstration : La démonstration de cette proposition, ou, pour mieux dire, la chose elle-même est de soi évidente ; et elle résulte aussi de la Déf. du désir. En effet (par la Déf. des pass.), le désir de bien vivre ou de vivre heureux, de bien agir, etc., c’est l’essence même de l’homme, c’est-à-dire (par la propos. 7, part. 3) l’effort par lequel chacun tend a conserver son être. Donc nul ne peut désirer, etc. C. Q. F. D.

Spinoza dit bien clairement que le désir se distingue de l’entendement et qu’il n’est l’essence qu’en tant qu’elle est déterminée à quelque « action » (ou plutôt « acte ») mais il semble aussi identifier les deux « sec. » Encore que Spinoza procède régulièrement par précision successive (par exemple : passage, en substance, de « le Mental est l’idée du Corps » à « le Mental est en premier lieu l’idée des affections du Corps, et rien d’autre ».) Dans cette façon de procéder « le désir est l’essence même » et « le désir est l’essence en tant qu’elle est affectée » ne se contredisent pas. En revanche dire que le désir est toute l’essence contredit qu’il soit distingué de l’Amour, de l’Entendement, etc. comme il est on ne plus clairement dit par Spinoza plus haut.

Si par ailleurs, je considère les propositions qui sont le plus précisément attachées à une définition précise du désir pris en lui-même dans sa généralité, je mets au premier rang E3AppD1, puis E3P9. Or les deux imposent la restriction « en tant que », ce qui est d’ailleurs évident puisque le Mental ne se connaît que par les affections du Corps. Ceci est d’ailleurs très précisément affirmé dans E3P56Dm dans sa référence à E3P9.

Donc, la définition complète du désir chez Spinoza est bien :

Le désir, c’est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à quelque action par une de ses affections quelconque.

Et c’est la seule compatible avec le fait que le Désir n’est ni l’Entendement, ni l’Amour, ni la Joie / Tristesse en général, ce qui est clairement affirmé par Spinoza par ailleurs.


Amicalement


Serge
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Messagepar steph38 » 23 févr. 2008, 21:15

bonjour shaman192

La pleine affirmation du désir, concept clé de toute sa philosophie, et levier permettant l'accès aux genres de connaissance supérieurs et à une puissance accrue dans la générosité et la force d'âme me semble aller dans un sens diamétralement opposé au chemin ascétique proposé par Schopenhauer, impliquant l'extinction des désirs (de la volonté).

Ne connaissant pas la philosophie de Schopenhauer (ayant lu pourtant que Spinoza comptait parmi ses influences), des éclaircissements sur une possibilité de dialogue/convergences avec le spinozisme seront les bienvenus.

slts
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Messagepar sescho » 24 févr. 2008, 10:12

steph38 a écrit :La pleine affirmation du désir, concept clé de toute sa philosophie, et levier permettant l'accès aux genres de connaissance supérieurs et à une puissance accrue dans la générosité et la force d'âme me semble aller dans un sens diamétralement opposé au chemin ascétique proposé par Schopenhauer, impliquant l'extinction des désirs (de la volonté).

Je ne sais si shaman192 est encore actif parmi nous...

Sur le désir en général, je pense que ce qu'en dit effectivement Spinoza est nettement plus nuancé que cela. Confère le "... J’entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre."

Certes, considérer le désir - une base incontournable de toute éthique - comme mauvais en soi dans toutes ces acceptions est inconséquent (ce que le Bouddhisme ne fait pas en général, si l'on prend toutes les acceptions du mot "désir", dont l'"effort joyeux", qui n'est pas la tension de la "soif", et en particulier l'investissement de la pulsion de puissance dans cette fiction de l'ego.)

Le désir apparaît en tout premier lieu et dans les grandes largeurs chez Spinoza comme la base, appuyé sur l'imagination, des passions et de la servitude. La nature de ces passions ou servitudes est donnée dans E3 (avec pour principal départ E3P12-E3P13 et C), et la force de cette servitude dans E4.

Je trouve assez crédible ce qui a été dit sur le site, savoir que Spinoza a amendé tardivement son texte pour faire place aux désirs actifs (qui se trouvent en toute dernière fin de E3), son intention initiale étant de faire un traité des passions, autrement dit uniquement de la servitude, alimentée par le désir. C'est sans doute pourquoi la définition générale des affects ne parle que de passions.

Sans que la justesse de l'introduction des désirs actifs ne puisse être contestée, leur "effet" sur un progrès du Mental n'est de plus pas évident. Ils naissent d'idées - déjà - adéquates, et la présence du vrai en tant que vrai ne peut réduire aucun affect (mais seulement s'il s'agit aussi d'une "passion" - ... en tant que nous agissons : ces désirs actifs mêmes pouvons nous supposer - ; E4P1, E4P14, E4P15, et celle-ci peut être aisément surpassée ; E4P16, E4P17.)

En fait, comme le résume Spinoza dans la dernière proposition de l'Ethique, rien n'est évident en matière de sagesse - sauf à y être déjà - et faut donc s'employer au discernement, tout particulièrement s'agissant du désir (qui est un déterminant de base, c'est une évidence première, mais est autant la force de la servitude que de la sagesse, et est, dans un état réel donné, plus un facteur de maintien dans la servitude que de progrès dans la sagesse, du fait de la présence de choses extérieures plus puissantes, ce qui explique que nous restions dans le mal tout en voyant le bien.)

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P58 : Outre cette joie et ce désir qui sont des affections passives, il y a d’autres joies et d’autres désirs qui se rapportent à nous en tant que nous agissons.

Démonstration : Quand l’âme se conçoit elle-même et sa puissance d’action, elle se réjouit (par la Propos. 53, partie 3) : or l’âme se contemple nécessairement elle-même quand elle conçoit une idée vraie ou adéquate (par la Propos. 43, partie 2.). D’un autre côté, l’âme conçoit quelques idées adéquates (par le Schol. 2 de la Propos. 40, partie 2). Donc elle se réjouit en tant qu’elle conçoit des idées adéquates, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) en tant qu’elle agit. En outre, l’âme, en tant qu’elle a des idées soit claires et distinctes, soit confuses, fait effort pour persévérer dans son être (par la Propos. 9, part. 3) : or, cet effort pour nous, c’est le désir (par le Schol. de cette même Propos.). Donc le désir se rapporte aussi en nous, en tant que nous pensons, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) en tant que nous agissons. C. Q. F. D.

E3P59 : Entre toutes les passions qui se rapportent à l’âme, en tant qu’elle agit, il n’en est aucune qui ne se rapporte à la joie ou au désir.

Démonstration : Toutes les passions se rapportent au désir, à la joie ou à la tristesse ; les définitions que nous avons données plus haut l’établissent ; or, nous entendons par tristesse ce qui diminue ou empêche la puissance de penser de l’âme par la Propos. 11, partie 3, et son Schol.). Par conséquent, en tant que l’âme est attristée, sa puissance de penser, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) d’agir, est diminuée ou empêchée ; par conséquent aucune affection de tristesse ne se peut rapporter à l’âme en tant qu’elle agit, mais seulement les affections de la joie et du désir, lesquelles (par la Propos. précéd.) se rapportent à l’âme sous ce point de vue.

Scholie : Toutes les actions qui résultent de cet ordre d’affections qui se rapportent à l’âme en tant qu’elle pense, constituent la force d’âme. Il y a deux espèces de force d’âme, savoir : l’intrépidité et la générosité. J’entends par intrépidité, ce désir qui porte chacun de nous à faire effort pour conserver son être en vertu des seuls commandements de la raison. J’entends par générosité, ce désir qui porte chacun de nous, en vertu des seuls commandements de la raison, à faire effort pour aider les autres hommes et se les attacher par les liens de l’amitié. Ainsi donc, ces actions qui ne tendent qu’à l’intérêt particulier de l’agent, je les rapporte à l’intrépidité, et à la générosité celles qui tendent en outre à l’intérêt d’autrui. De cette façon, la tempérance, la sobriété, la présence d’esprit dans le danger, etc., sont des espèces particulières d’intrépidité ; la modestie, la clémence, etc., sont des espèces, de générosité.
Il me semble maintenant que j’ai expliqué par ce qui précède les principales passions de l’âme, et ces fluctuations intérieures qui naissent des combinaisons diverses des trois passions primitives, le désir, la joie et la tristesse ; et je crois avoir ramené tous ces phénomènes à leurs premiers principes. On voit par là que nous sommes agités en mille façons par les causes extérieures ; et, comme les flots de la mer soulevés par des vents contraires, notre âme flotte entre les passions, dans l’ignorance de l’avenir et de sa destinée.

E5P4 : Il n’y a pas d’affection du corps dont nous ne puissions nous former quelque concept clair et distinct.

Démonstration : Ce qui est commun à toutes choses ne se peut concevoir que d’une manière adéquate (par la Propos. 38, part. 2), et conséquemment (par la Propos. 12 et le Lemme 2, placé après le Schol. de la Propos. 13, part. 2), il n’y a aucune affection du corps dont nous ne puissions nous former quelque concept clair et distinct. C. Q. F. D.

Corollaire : Il suit de là qu’il n’y a aucune passion dont nous ne puissions nous former quelque concept clair et distinct. Car une passion, c’est (par la Déf. génér. des passions) l’idée d’une affection du corps, et toute affection du corps (par la Propos. précéd.) doit envelopper quelque concept clair et distinct.

Scholie : Puisqu’il n’y a rien d’où ne résulte quelque effets (par la Propos. 36, part. 1), et puisque tout ce qui résulte d’une idée qui est adéquate dans notre âme est toujours compris d’une façon claire et distincte (par la Propos. 40, part. 2), il s’ensuit que chacun de nous a le pouvoir de se former de soi-même et de ses passions une connaissance claire et distincte, sinon d’une manière absolue, au moins d’une façon partielle, et par conséquent chacun peut diminuer dans son âme l’élément de la passivité. Tous les soins de l’homme doivent donc tendre vers ce but, savoir, la connaissance la plus claire et la plus distincte possible de chaque passion ; car il en résultera que l’âme sera déterminée à aller de la passion qui l’affecte à la pensée des objets qu’elle perçoit clairement et distinctement, et où elle trouve un parfait repos ; et par suite, la passion se trouvant séparée de la pensée d’une cause extérieure et jointe à des pensées vraies, l’amour, la haine, etc., disparaîtront aussitôt (par la Propos. 2, part. 5) ; et en outre les appétits, les désirs qui en sont la suite ordinaire ne pourront plus avoir d’excès (par la Propos. 62, part. 4). Remarquons en effet que c’est par un seul et même appétit que l’homme agit et qu’il pâtit. Par exemple, la nature humaine est ainsi faite que tout homme désire que les autres vivent suivant son humeur particulière (par le Schol. de la Propos. 31, part. 3). Or, cet appétit, quand il n’est pas conduit par la raison, est une affection passive qui s’appelle ambition et ne diffère pas beaucoup de l’orgueil, tandis qu’au contraire cet appétit est un principe actif dans un homme que la raison conduit, et une vertu, qui est la piété (voyez le Schol. 1 de la Propos. 37, part. 4, et la 2e Démonstr. de cette même Propos.). Et de même, tous les appétits, tous les désirs ne sont des passions proprement dites qu’en tant qu’elles naissent d’idées inadéquates ; mais en tant qu’ils sont excités et produits par des idées adéquates, ce sont des vertus. Or, tous les désirs qui nous déterminent à l’action peuvent naître aussi bien d’idées adéquates que d’idées inadéquates (voyez la Propos. 59, part. 4). Ainsi donc, pour revenir au point d’où je me suis un peu écarté, ce remède contre le dérèglement des passions, qui consiste à s’en former une connaissance vraie, est le meilleur emploi qu’il nous soit donné de faire de notre puissance, puisque toute la puissance de l’âme se réduit à penser et à former des idées adéquates, comme on l’a fait voir ci-dessus (voyez la Propos. 3, part. 3).



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Messagepar Faun » 24 févr. 2008, 11:19

A propos du bouddhisme, j'ai été fortement surpris par l'écoute d'une excellente émission de France Culture, ici :

http://www.radiofrance.fr/chaines/franc ... n_id=58724

Il semble qu'il existe donc dans le bouddhisme tibétain, si proche de l'Inde, une voie tantrique qui paraît à l'opposé, ou du moins bien différente des lieux communs sur le bouddhisme que l'on voit fleurir en occident, notamment en ce qui concerne la gestion des passions, de l'amour et du désir.

Pour en revenir à Spinoza, n'oublions pas que le désir, en tant qu'il s'exprime dans l'attribut pensant, est aussi la volonté, l'intelligence, c'est à dire la puissance de comprendre.

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Messagepar sescho » 24 févr. 2008, 20:00

Merci, Faun, pour la référence à cette excellente émission.

L'intervenant est vraiment de première classe (et il aborde même le sujet du vêtement, qui nous a occupé par ailleurs...) Je reproduis son nom :

Fabrice Midal. Enseignant à l'Université de Paris VIII, auteur de "Petite introduction au tantra bouddhique" éd. Fayard.

Je pense que je vais acheter son livre...

Concernant le désir, Spinoza me semble assez en accord avec le sens commun : c'est une impulsion vers l'acte. S'agissant de pure compréhension, je pense qu'invoquer le désir se discute : Spinoza distingue (voir les extraits plus haut) clairement l'Entendement du Désir (mais il n'y a pas de désir sans Entendement : l'idée est première.)

Ce qu'il me semble appeler Désir actif est, comme il le dit dans les extraits suivants, tout acte qui est dirigé par la Raison, qu'il s'agisse de soi en propre (Intrépidité), ou vers autrui (Générosité.)

Amicalement

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