Utilité du karaté et de Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 14 nov. 2009, 11:39

ah j'aurais aimé que mon image s'affiche (mais elle semble protégée )

hélas ...

sinon à propos d' herbes j'ai vu ""les herbes folles"" ...jubilatoire !

et de plus filmé ""près de chez nous ""
Modifié en dernier par hokousai le 14 nov. 2009, 11:56, modifié 1 fois.

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 14 nov. 2009, 11:40

Bonjour Louisa,

Un exemple, un seul, encore de votre tendance à la déformation.

Louisa a écrit :
Sinusix a écrit :En tout état de cause, il y a une simplicité de ma pensée que je vous accorde : la Philosophie ne m'intéresse effectivement (et ne me semble avoir de vertu bénéfique d'antidote à la Religion, vertu pour laquelle je milite ardemment) qu'en tant qu'elle se raccroche à nombre d'évidences de nos intuitions communes (démarche que n'aurait pas reniée Bergson, me l'accorderez-vous ?, lequel n'a pas dit que des bêtises, me l'accorderez-vous également ?). Par "se raccroche", j'entends qu'elle prend le relais "explicatif" de ce sur quoi la science bute "obligatoirement" (Corps et Esprit, qualia et subjectivité, Durée et Temps, etc.).


Bonjour Sinusix,

Je ne pense pas que la philosophie est là pour "boucher" provisoirement les "trous" dans notre connaissance laissés par la science (elle se situe plutôt sur un tout autre domaine de la vie humaine), et je crois encore moins que la tâche de la philosophie c'est de combattre la religion. Il est à mon sens aussi "rationnel" et utile de croire que de ne pas croire.


Où avez-vous lu que j'assignais à la Philosophie une place de bouche-trou. Je lui assigne au contraire, le rôle ô combien noble et irremplaçable de prendre le relais du, de fonder le, propos scientifique là où obligatoirement il bloque, par exemple le hiatus entre un état neurologique et la perception subjective que nous avons (le rouge), ou bien le "statut du temps".
Allez sur le site de l'ENS, il me semble qu'il y a une conférence sur le Temps où les scientifiques présents en appellent eux-mêmes aux Philosophes pour les aider à conceptualiser les découvertes qu'ils font.
Que, ce faisant, la Philosophie, par les concepts qu'elle crée, développe un discours encore plus riche et prometteur dans les domaines de la connaissance où le caractère scientifique "dur" devient problématique (les sciences dites humaines en général), quoi de plus normal, et là elle ne fait pas que boucher les trous.

Quant à la Religion, et je ne crois pas que Spinoza ait eu une autre ambition, j'ai parlé d'antidote, ce qui est certes une forme de combat (comme l'a fait Spinoza) contre la forme d'obscurantisme inhérente à toute religion, qui repose sur des croyances et non sur le maniement de la raison (il n'est que de voir, malgré la puissance de la Pensée qu'ils ont développée, les contorsions de raisonnement auxquelles se sont employés certains Philosophes, tous ceux les plus éminents de la période "non laïque" de la Philosophie, enfermés qu'ils étaient dans leur obligation d'honorer leur Dieu Créateur du Ciel et de la Terre).
Autrement dit, la Philosophie se dévoie lorsqu'elle se transforme en Théologie ; elle reste dans son "rôle", en revanche, lorsqu'elle s'intéresse au phénomène religieux, en tant que d'aucuns (pas forcément dupes de leurs arrières pensées) le considèrent comme constitutif de la "nature humaine", ce qui n'est pas, vous vous en doutez, mon cas.

D'où d'ailleurs la précaution qu'il m'arrive de prendre, et je ne suis pas le seul, quand je m'intéresse à un auteur qui n'en fait pas l'annonce préalable, de connaître son "engagement" religieux éventuel (ce qui peut inclure un anticléricalisme viscéral), afin de devoir éventuellement décrypter sa pensée (voir à ce sujet les critiques qu'a reçues René Girard de la part de ceux qui ont suspecté la "téléologie" associée à son splendide livre : La Violence et le Sacré).

J'ose espérer, mais j'en doute parfois, que vous ne nous avez pas caché des a priori très respectueux de la religion, lesquels pourraient vous conduire, inconsciemment, à canaliser certains raisonnements dans le bob sens.

Bien à vous

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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 nov. 2009, 19:36

Sinusix a écrit :Un exemple, un seul, encore de votre tendance à la déformation.

Louisa a écrit :
Sinusix a écrit :En tout état de cause, il y a une simplicité de ma pensée que je vous accorde : la Philosophie ne m'intéresse effectivement (et ne me semble avoir de vertu bénéfique d'antidote à la Religion, vertu pour laquelle je milite ardemment) qu'en tant qu'elle se raccroche à nombre d'évidences de nos intuitions communes (démarche que n'aurait pas reniée Bergson, me l'accorderez-vous ?, lequel n'a pas dit que des bêtises, me l'accorderez-vous également ?). Par "se raccroche", j'entends qu'elle prend le relais "explicatif" de ce sur quoi la science bute "obligatoirement" (Corps et Esprit, qualia et subjectivité, Durée et Temps, etc.).


Bonjour Sinusix,

Je ne pense pas que la philosophie est là pour "boucher" provisoirement les "trous" dans notre connaissance laissés par la science (elle se situe plutôt sur un tout autre domaine de la vie humaine), et je crois encore moins que la tâche de la philosophie c'est de combattre la religion. Il est à mon sens aussi "rationnel" et utile de croire que de ne pas croire.


Où avez-vous lu que j'assignais à la Philosophie une place de bouche-trou. Je lui assigne au contraire, le rôle ô combien noble et irremplaçable de prendre le relais du, de fonder le, propos scientifique là où obligatoirement il bloque, par exemple le hiatus entre un état neurologique et la perception subjective que nous avons (le rouge), ou bien le "statut du temps".
Allez sur le site de l'ENS, il me semble qu'il y a une conférence sur le Temps où les scientifiques présents en appellent eux-mêmes aux Philosophes pour les aider à conceptualiser les découvertes qu'ils font.
Que, ce faisant, la Philosophie, par les concepts qu'elle crée, développe un discours encore plus riche et prometteur dans les domaines de la connaissance où le caractère scientifique "dur" devient problématique (les sciences dites humaines en général), quoi de plus normal, et là elle ne fait pas que boucher les trous.


Bonjour Sinusix,

merci de l'exemple.

Je crois pouvoir comprendre ce que vous voulez dire ici par "déformer". Mais je ne crois pas que ce soit le mot le plus adéquat pour dire ce qui se passe dans une discussion, et c'est précisément le spinozisme qui à ce sujet à mes yeux donne une alternative beaucoup plus crédible.

En réalité, comme déjà dit, il faut pas mal de messages avant qu'on puisse bien comprendre la pensée de l'autre. Ce que je vous ai répondu ci-dessus, par exemple, c'est ce que moi j'associe à l'idée que vous proposiez concernant la philosophie, ou plutôt à ce que vous écriviez concernant le rapport entre philosophie et science. Il va de soi que ce que moi j'associe à ce que vous écrivez de prime abord a toutes chances d'être assez différent de ce que vous associez vous-même à ce que vous venez d'écrire. Mais comprendre ce que vous pensez réellement du rapport entre philosophie ne peut se faire qu'à ce prix: vous dites d'abord en quelques mots ce que vous pensez, moi je dis comment je comprends vos mots (et ce que je pense de l'idée que je crois avoir comprise), puis vous corrigez (vous y ajoutez d'autres mots pour essayer de montrer en quoi votre idée n'est pas exactement ce que j'avais compris en lisant vos mots), puis moi je corrige ce que je vois que vous avez compris de mes mots, et ainsi de suite. Ce n'est qu'en faisant cela qu'on peut à un certain moment réellement avoir communiqué ce qu'on pense, et être sûr que l'autre maintenant a tout à fait compris l'idée même.

En revanche, écrire quelques lignes et espérer sur base de cela que votre interlocuteur a déjà compris tout ce que vous vouliez dire par là (espoir que vous n'êtes pas le seul à avoir sur ce forum) ... à mon sens cela ne fonctionne jamais ainsi. La communication "transparante" n'existe pas, hormis les situations où l'on se limite à des phrases telles que "passe-moi le sel s'il te plaît".

Ici par exemple vous avez "déformé" ce que j'ai dit, c'est-à-dire vous vous êtes basé sur le fait que j'utilise les mots "boucher les trous" pour passer au mot "bouche-trou", qui a en général un sens péjoratif. Ensuite vous essayez de montrer que dans votre conception du rapport entre science et philosophie, la philosophie a un rôle tout à fait noble à jouer.

En disant cela, vous êtes en train de refuter une idée que je n'avais pas. L'avez-vous fait parce que vous vouliez déformer ma pensée? Non, vous l'avez fait parce que vous faites comme nous tous quand on lit un texte: vous vous êtes basé sur l'effet que mes mots ont produisé sur vous, et vous réfutez ce avec quoi vous n'êtes pas d'accord en vous basant sur cet effet.

Or lorsque je disais que la science n'est là que pour boucher provisoirement les trous de la science, je ne voulais pas dire que faire cela ça n'a pas trop de valeur, je n'étais pas en train de vous dire que dans ce cas la philosophie ne vaut pas grand-chose. Ce que je voulais dire, c'était que dans la manière dont vous proposez ici le rapport entre philosophie et sciences, vous situez les deux sur le même plan: la philosophie continue là où les sciences sont dépourvues de moyens. Alors que selon moi il est important de comprendre en quoi elles se situent en réalité sur deux plans totalement différents.

Dans ce que vous écrivez ici de ce rapport, je reconnais la même idée: philosophie et sciences appartiennent pour vous toutes les deux au même plan, au plan de la "connaissance" humaine (et quand je dis "pour vous" je ne dis rien d'autre que "voici comment je comprends pour l'instant vos mots, veuillez les corriger si vous vouliez dire autre chose par là", sachant que ce genre de corrections en règle générale sont nécessaires). Et il va de soi que pas mal de scientifiques le pensent aussi (après tout, ce ne sont pas des experts en matière de philosophie ... :D). Mais il y a aussi pas mal de philosophes qui sont d'accord avec l'idée que la philosophie n'est pas une "science molle", et qui disent qu'elle n'est même pas une science du tout (mais, pour tout dire, il y a aussi beaucoup de philosophes qui les situent tout de même sur le même plan; pensons par exemple aux philosophes qui au XXe siècle désiraient créer une "philosophie scientifique"). Or qu'on trouve chacun d'autres gens plus compétents que nous qui semblent adhérer à l'idée qu'on défend nous-mêmes ne peut pas vraiment nous aider à trancher, ici (je pense même que trouver l'une ou l'autre personne qui pense comme nous ne peut jamais constituer un argument ou une preuve de la vérité d'une idée).

Bref, je crois que Spinoza dit des choses fort intéressantes dans le scolie de l'E2P47. Raison pour laquelle je crois que c'est un peu une perte de temps que de vouloir faire de ce phénomène "universel" quelque chose comme un "trait de caractère" de son interlocuteur pour ensuite parler plus de l'interlocuteur que du sujet en discussion. Si on voit que quelqu'un nous a mal compris, il faut tout simplement ré-expliquer, sachant qu'on a souvent déjà mal compris celui dont on pense qu'il nous a mal compris. D'autre part, juste appliquer la "règle d'or" dont parle Pourquoipas à mon sens ne pourra pas résoudre le problème non plus: ce n'est pas en écrivant moins ou en attendant chacun dans son coin qu'on va arriver à mieux comprendre ce que pense et ce que voulait dire l'autre. Le seul moyen d'avancer c'est de dire comment on a compris un message (= des mots), pour que l'autre puisse d'abord corriger et inversement, jusqu'à ce qu'on obtient comme résultat qu'enfin on sait qu'on parle exactement de la même chose. Sauter cette étape pour moi c'est vouloir y aller trop vite. Autrement dit, vitesse et lenteur sont relatives ... mais cela on le sait déjà depuis Einstein ... :D.

Je reviens sur la suite de votre message sous peu.
Amicalement,
L.

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Messagepar Louisa » 14 nov. 2009, 20:31

Bonjour Pourquoipas,

une réponse en deux temps.

Pourquoipas a écrit :ANNEXE au sujet de Pierre Macherey, cité par un intervenant un peu plus haut. Dans son Introduction à l’« Éthique » de Spinoza, t. IV : La quatrième partie – La condition humaine, PUF, 1997, p. 74 (où il parle de la IV, 4), il écrit : « […] En effet, si l’homme était immortel, de deux choses l’une : ou bien il le serait en vertu de la puissance d’une cause finie résidant en lui-même ; ou bien il le serait en vertu de celle d’une cause infinie résidant dans la nature considérée comme telle. C’est-à-dire qu’il serait immortel par ses propres forces ou en application d’un dessein de la nature. Or la première hypothèse est absurde : la proposition 3 vient en effet d’établir que la force dont l’homme dispose pour persévérer dans son être est comme un point dans l’infini ; il est donc exclu qu’elle puisse suffire à le soustraire à l’action de toutes les causes extérieures, qui l’écrasent de leur masse [trad. par Macherey de superant – ajout de PP] et doivent finir par l’emporter sur sa puissance qu’elles limitent nécessairement et qu’elles vouent à être tôt ou tard détruite. Ne reste alors que la dernière hypothèse : […] »
Sur ce point de la philosophie de Spinoza, donc, pour moi, le sujet est clos : Spinoza prouve la mortalité de l’homme (et de toute chose singulière), dans la IV 4, via la IV 3 et le IV axiome. (J’ajoute que j’ai lu ce passage de Macherey ce matin pour la première fois.)


je n'avais pas non plus lu ce passage avant d'entamer cette discussion. Je ne l'ai lu qu'après la suggestion de Durtal lorsqu'il nous disait qu'on pourra peut-être trouvé une réponse dans la démo de l'E4P4. Or je l'ai bel et bien lu avant ma toute première reconstruction de la démo ci-dessus. Si je ne l'ai pas mentionné, c'est parce qu'à mon sens Macherey ici ne respecte pas entièrement la méthode qu'il a expliqué lui-même au début du livre (ce qui bien évidemment n'est pas un reproche, au contraire, il dit déjà lui-même que cette méthode n'est qu'un "idéal" que personne ne pourra atteindre parfaitement).

D'abord son explication est assez "hégélisante" (il revient avec la notion hégelienne de l'aliénation, il conçoit la liberté comme quelque chose qui est absente au début de la vie, alors que Spinoza dit clairement qu'elle n'a pas de commencement (E5P33 scolie), etc.; enfin, tout cela se discute bien sûr, et n'est pas immédiatement important ici, et comme déjà dit ailleurs, je crois que Sévérac a dit des choses essentielles là-dessus).

Puis, et surtout, il ne reprend pas en détail tous les mouvements de la démonstration, il se contente d'en reprendre certaines idées importantes, mais sans vraiment rester proche du texte même. Du coup, il parle bel et bien du fait qu'il s'agit d'une démonstration par l'absurde, mais il n'en tire pas toutes les conséquences, il ne va pas se demander ce que cela signifie que de nier la conséquence.

Il en reste donc à l'idée que nous avions tous, moi y compris, et qui était que chez Spinoza le fait même d'être fini suffit pour prouver l'inéluctabilité de la mort.

C'est donc à raison que tu mets en avant le mot superatur, car lorsqu'il traduit la proposition 3, il le fait d'une manière qui me semble être tout à fait correcte ("surpassée"), mais ensuite il passe, sans aucune preuve (comme tu le fais à mon sens toi-même ci-dessus, à moins que je t'aie mal compris, mais alors le plus efficace sera sans doute que tu ré-expliques autrement, au lieu d'espérer que si je relis mille fois tes mots par miracle je vais commencer à penser ce que tu pensais toi-même en les écrivant...), à l'idée qu'en fait cette proposition 3 dirait que "toutes les causes extérieures" "l'écrasent de leur masse et doivent finir par l'emporter sur sa puissance qu'elles limitent nécessairement et qu'elles vouent à être tôt ou tard détruire".

Il se fait que la proposition 3 ne dit pas du tout cela. Elle dit juste que la puissance des causes extérieures dépasse infiniment celle de l'homme. Comme déjà dit, cela ne permet en rien d'en conclure que ce dépassement, en tant que tel, va nécessairement causer notre mort.

Car encore une fois: ce n'est pas parce que je rencontre une chose plus puissante que moi, que par définition la rencontre va signifier ma mort. Pour cela, il faut que cette chose soit non seulement "plus puissante" que moi mais aussi "mauvaise" pour moi. Or jamais Spinoza ne dit que rencontrer une chose plus puissante que moi, c'est mauvais pour moi. Ce serait d'ailleurs absurde de dire cela. Une mère par exemple est beaucoup plus puissante que son bébé, mais cela ne lui apporte que du bien (au bébé, cela va sans dire).

Bref, à mon sens Macherey ici commet deux erreurs (à vérifier, bien sûr):

1. il injecte l'idée qu'une rencontre avec une puissance plus grande signifie nécessairement que cette rencontre est mauvaise pour moi.

2. il n'analyse pas la démo de l'E4P4 par la méthode du "mot par mot" (et il injecte en plus l'idée hégelienne de l'aliénation dans son explication), et du coup a négligé le fait que nier une proposition de la forme "il n'est pas possible que X" ou "il est nécessaire de ne pas X", c'est affirmer "il est possible que X" ou "il n'est pas nécessaire de ne pas X" (oubliant ainsi ce que Spinoza a dit de la corruptibilité dans l'E2P31 corollaire).

Toute critique de ce que je viens d'écrire ici m'intéresse.

Bon week-end à toi aussi,
Porte-toi bien,
L.

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Messagepar Durtal » 14 nov. 2009, 20:40

Pourquoipas a écrit :
1) Il y a un corps A, constitué d'un rapport précis ou certain (certus) de mouvement et de repos.
2) Comme il se doit, il y a une idée que Dieu a de ce corps, idée qui est l'âme (mens) de ce corps. On a donc un corps A et une âme A (la même chose considérée sous deux attributs).
3) Spinoza envisage l'hypothèse que des causes extérieures au corps A (non connues de nous, mais pas de Dieu bien sûr) affectent ce corps A et son imagination de telle sorte qu'il change de nature (le rapport mouvement-repos n'est plus le même) : on peut alors l'appeler corps B, dont il est précisé qu'il est contraire au corps A.
4) Donc de ce corps B, Dieu a aussi une idée, qui est l'âme B.
Jusque-là, tout semble OK.
Mais voici qui me semble problématique (si j'ai bien compris) : il ne peut y avoir idée de ce corps (B) dans l'âme A, puisqu'elle l'exclut et lui est contraire (selon la III 10, précise Spinoza). Ma question est celle-ci : puisque le corps A est devenu le corps B (tout en restant apparemment le même), pourquoi l'âme A n'est-elle pas devenue elle aussi simultanément l'âme B ?
Car, puisqu'il s'agit ici de ce qu'on appelle « suicide » ou disons « auto-meurtre », le corps ne s'est pas dédoublé en deux corps A et B : il est resté le même. Et qui tue qui ? A tue B ou B tue A ?
Je dois dire que là je suis perdu.


Salut PourquoiPas, .

Je pense qu’une partie de la difficulté dont tu fais état provient de ce que tu estimes qu’en IV,20 scol. Spinoza aurait l’intention de rendre compte du suicide en termes de causes internes à l’individu, comme si le suicide était un type de la contrariété entre choses mais qui à la différence des autres cas de destruction, dans lesquels la contrariété se distribue entre deux choses différentes, extérieures l’une à l’autre, serait ici transposée à l’intérieur d’une seule et même chose, d’où des paradoxes.

Le problème pour ce qui me concerne est que l’explication du scolie « sur le suicide » (IV,20 scol.), n’entérine pas du tout, je crois, une hypothèse de ce genre. Elle vise au contraire à écarter cette explication (je veux dire : celle du suicide comme une sorte d’« auto-meurtre » pour reprendre ton expression), qui est évidemment l’objection la plus forte à laquelle Spinoza doit faire face compte tenu de ce qu’implique la proposition IV, 20 (dont c’est le scolie), savoir : qu’aucun homme n’a le pouvoir de se nuire à lui-même.

C’est pour cette raison qu’il commence par donner pour des cas de « suicide », des exemples dont il est bien difficile d’admettre qu’ils constituent des cas obvies et paradigmatiques de ce que nous appelons « suicide »: le combattant qui voit le glaive qu’il tient à la main retourné contre lui-même par son adversaire, et Sénèque forcé par Néron de s’ouvrir les veines. Bien entendu « techniquement parlant », et c’est sur cet aspect des exemples que Spinoza veut attirer l’attention, dans les deux cas les individus se « donnent la mort à eux-mêmes ». En effet le premier périt par sa propre main, le second par sa propre volonté, mais aussi dans les deux cas, les opérations de la main ou de la volonté, sont des effets d’une cause extérieure plus puissante : la force physique de l’adversaire dans le premier cas, la volonté de Néron dans le second. Le geste du combattant par lequel il meurt son propre glaive dans le flanc, ou les ordres que Sénèque donne à ses serviteurs de lui ouvrir les veines, ont pour cause non la puissance propre du combattant vaincu ou celle de Sénèque, mais la puissance des causes extérieures décrites qui « contrôlent » les premières. On pourrait exprimer la chose de la façon suivante: bien qu’ils soient incontestablement les instruments de leur propre destruction ils n’en sont pas pour autant les causes. Et c’est cela que Spinoza entend illustrer à l’aide de ces exemples au premier abord assez bizarres.

Et chaque individu qui se donne la mort le fait de la même manière, comme une sorte de « pantin » qui est « agi » du dehors par une ou plusieurs autres. Dépossédé qu’il est de sa propre puissance il n’est donc pas lui-même la cause des opérations par lesquels il périt quand bien même il en serait le siège. Donc nul besoin en fait pour rendre compte qu’un homme se donne la mort, d’expliquer comment il peut être à la fois et sous le même rapport l’agent et le patient, parce qu’une telle chose n’arrive pas (celui qui se donne la mort le fait pour ce qu’il est entièrement réduit à l’impuissance, à la passivité, donc entièrement sous la coupe d’une autre puissance) et le suicide se ramène à un cas particulier et plus subtil que les autres (les causes sont inconnues et cachées) de destruction par l’effet de causes extérieures.

Probablement que Spinoza pense ici à quelque chose comme la maladie mentale, l’esprit du suicidé est délité, désorganisé, désuni, de sorte qu’il n’est plus l’agent de ses propres opérations, et donc à la lettre il est toujours plus « suicidé » par autre chose qu’il ne « se » suicide lui-même.

Quoiqu’il en soit la contradiction est toujours entre ce corps A et une ou plutôt (très probablement ici) une multitude de causes agissantes B différentes de lui, qui forcent les parties de A ou les parties de ces parties, à agir selon les lois des natures des n choses B qui sont les causes de sa destruction, lois qui sont incompatibles à terme avec le maintien dans l’existence de A.

Si donc les causes inconnues affectant l’imagination dont il est question à la fin sont des causes externes au corps A, c'est-à-dire qu’elles ne proviennent pas de la causalité propre à A, alors ne se pose plus la question de savoir comment il peut se faire qu’il y a quelque chose faisant partie de A qui détruit A. Ou pour le dire plus simplement : Spinoza n’est pas en train d’expliquer que sous l’influence des causes extérieures, il se fait que le corps adopte une nature contradictoire ou une nature « double » comme si son intention était de rendre compte, finalement de la possibilité de l’autodestruction, alors qu’elle est au contraire, de réaffirmer son impossibilité face à un cas (il existe des hommes qui se donnent la mort) qui contredisait apparemment la thèse qu’il soutient. Et il entend disposer de cette objection en faisant valoir que tout comme pour l’affirmation du libre arbitre, (c’est le même argument), dès que nous ne percevons plus les causes ( parce qu’elles sont trop nombreuses et complexes) qui déterminent un homme à agir ( par exemple à se tuer) nous plaçons fautivement cette cause en lui, et sommes prêts à admettre -ce qui est le comble de l’absurdité pour Spinoza- qu’il peut suivre de la puissance d’agir et d’exister d’un homme, « considérée seule », sans rien d’autre, que cet homme est détruit.

D.
Modifié en dernier par Durtal le 15 nov. 2009, 00:24, modifié 3 fois.

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Messagepar Durtal » 14 nov. 2009, 20:45

Louisa a écrit : Autrement dit, vitesse et lenteur sont relatives ... mais cela on le sait déjà depuis Einstein ... :D.
L.


(gloups.....)

T'en loupe vraiment pas une toi...


D.

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Messagepar Louisa » 14 nov. 2009, 22:43

Durtal a écrit :Quoiqu’il en soit la contradiction est toujours entre ce corps A et une ou plutôt (très probablement ici) une multitude de causes agissantes B différentes de lui, qui forcent les parties de A ou les parties de ces parties, à agir selon les lois de la nature des n choses B qui sont les causes de sa destruction, lois qui sont incompatibles à terme avec le maintien dans l’existence de A.


Bonjour Durtal,

tout à fait d'accord avec tout ce que tu viens de dire dans ton message ci-dessus, sauf peut-être pour ce paragraphe-ci. La comparaison avec le libre arbitre me semble être intéressante et très parlant. En effet, il s'agit du même phénomène! Mais je n'avais pas encore fait le lien.

Dans ce que tu viens d'écrire tu expliques à mon sens très bien comment le suicide peut être pensé sans devoir supposer des causes internes, au sens où cela rend l'E3P4 tout à fait compréhensible (mais bon, il faut voir dans quelle mesure cela peut convaincre quelqu'un qui ne peut pas accepter cette proposition).

Or le coeur du problème soulevé par Pourquoipas au début de ce fil à mon sens concerne le rapport exact entre A et B, tel qu'on peut le comprendre sur base de la démo de l'E4P20. Et là je ne voyais pas très bien comment le résoudre, jusqu'à ce que je viens de réfléchir davantage au paragraphe de ton message que je viens de citer. Je pense peut-être avoir trouvé la solution. Pour ceux qui aiment l'Humilité: voici mon humble avis.

PROBLEME.

La question me semble être: quel est le statut de B? Est-ce que B, c'est le même Corps A tout en n'étant rien d'autre que son contraire? Autrement dit est-ce que B = non A? Ou est-ce que B c'est l'ensemble des causes extérieures qui vont causer la mort de A?

Tu sembles dire: B ce sont les causes extérieures.

C'est possible, mais alors on se heurte au problème suivant: comment un Corps A peut-il se transformer lui-même en les causes de sa propre mort?

Exemple: les causes x, y et z m'affectent d'une telle façon que je me suicide. Est-ce que, une fois mon Corps détruit (c'est-à-dire une fois que les corps qui constituent mon Corps n'effectuent plus le rapport qui me caractérise moi), mon Corps devient lui-même "x, y et z"? Ou est-ce que ce que mon Corps devient, c'est l'effet de "x, y et z" sur mon Corps ?

Autrement dit est-ce que "l'autre nature" dont parle le scolie, et que revêt le Corps A une fois qu'il est détruit, c'est dans un certain sens la nature de l'ensemble "x, y, z", ou faut-il supposer un Corps B qui n'est pas identique à l'ensemble "x, y, z"?

J'optais dans mon dernier message à ce sujet de prime abord pour B pas égal à "x, y, z", simplement parce que je voyais mal comment une cause pourrait en même temps être son effet sur autre chose, donc le résultat de ce qu'elle cause en autre chose. Mais ce qui rend cette solution peu satisfaisante, c'est le fait que Spinoza dit que le résultat, donc la nouvelle nature de A, est contraire à A. Ce qui suggère que quelque part le résultat de l'action de la cause (cause qu'on suppose être contraire à A) est contraire à A, alors qu'en même temps la cause elle aussi est contraire à A. Ce qui pourrait nous faire croire que cause ("x, y, z") et effet (B) doivent tout de même être identique.

PROPOSITION DE SOLUTION.

Je crois que la confusion vient du fait que si on comprend le problème tel que je viens de l'expliquer, on ne tient pas vraiment compte de ce que signifie la notion de contrariété.

D'abord il faut rappeler que la nature d'une chose chez Spinoza est toujours "affirmative". On ne peut pas définir une nature par ce à quoi elle est contraire. Si c'est le cas, l'ensemble "x,y,z" peut avoir un effet contraire sur A, sans que sa nature ou essence soit "par définition" contraire à A. En effet, on sait que toutes les essences ne peuvent que convenir entre elles, une chose n'est de nature contraire à la nôtre qu'en tant qu'on pâtit d'elle (per accidens, et non pas per se.

Dans ce cas, il n'y a pas juste une seule chose contraire à ma nature, au sens où A n'a qu'une "contradictoire", à savoir non A. Tout ce qui produit sur moi une Passion est contraire à ma nature, en tant que cette chose produit sur moi une Passion. Or, si mon Corps traversé d'une glaive et donc transformé en cadavre, est de nature contraire à mon Corps vivant, ce n'est pas parce que le cadavre aurait produit un effet négatif sur mon Corps vivant, c'est parce que l'idée (ou l'Esprit) du cadavre exclut l'existence actuelle de l'idée (ou Esprit) de mon Corps vivant.

Autrement dit, je crois que pour comprendre la fin de la démo de l'E4P20, il faut tenir compte du fait qu'aucune chose dans le spinozisme est "mal" et donc "contraire" à une autre chose per se. Si elle l'est, c'est toujours per accidens, c'est-à-dire parce que la "rencontre fortuite des choses" a fait que la rencontre entre les deux corps n'était pas telle qu'elles forment un Individu plus puissant (ce qui, rappelons-le, est tout à fait possible chez Spinoza, c'est même ce qui fait que se lier d'amitié avec quelqu'un est toujours utile), mais plutôt telle que l'une détruit l'autre. La contrariété ne permet pas de définir une nature, elle est un pur "relatif", ce qui fait que plusieurs choses peuvent être contraires à ma nature (ce qui d'ailleurs est le cas: si demain une voiture m'écrase dans la rue, il faudra dire qu'elle était de nature contraire à la mienne, mais si par hasard j'avais pris un autre chemin et qu'un pot de fleur tombe du 10e étage sur mon chef, ce pot de fleur tombant aura été tout aussi contraire à ma nature, alors qu'un pot de fleur tombant a une autre nature qu'une voiture roulant).

Bref, ici encore, il faut bien tenir compte d'Aristote (dont on sait que Spinoza l'a lu). En effet, déjà chez Aristote, le bien et le mal sont des "contraires". Voici ce qu'il en dit (Catégories 10):

"Quant aux termes qui sont opposés comme des contraires, ils n'ont pas leur essence dans le rapport qu'ils soutiennent l'un avec l'autre, mais ils sont dits seulement contraires les uns aux autres. En effet, on ne dit pas que le bien est le bien du mal, mais le contraire du mal; on ne dit pas non plus que le blanc est le blanc du noir, mais le contraire du noir. Aussi ces deux types d'opposition diffèrent-ils entre eux. "

L'exemple du blanc et du noir ne sera peut-être pas clair pour tous, mais l'essentiel ici c'est le fait que la contrariété n'appartient pas à l'essence même des termes qui sont contraires. C'est précisément le cas pour le bien et le mal. Or des causes extérieures qui nous détruisent étant clairement "mauvaises" pour nous, elles sont contraires à notre nature, non pas "par essence" (puisque chez Spinoza aussi le bien et le mal sont des relatifs, aucune chose n'est bonne en soi, aucune chose n'est donc contraire à une autre chose "en soi"), mais par accident. De même, notre cadavre est contraire à notre Corps vivant, cette fois-ci non pas parce qu'il affecte notre Corps vivant d'une telle façon qu'il meurt (l'effet ne peut pas se causer lui-même), mais parce que son idée implique que les mêmes corps qui effectuent son rapport ne peuvent pas en même temps effectuer un autre rapport, en occurrence celui de mon Corps vivant.

Enfin voilà, je crois donc qu'on peut s'en sortir ainsi. Il faut simplement bien tenir compte du fait que la contrariété n'est qu'un relatif, ce qui permet à différentes choses d'être, chacune à leur façon, contraire à notre nature. Et alors on échappe au problème soulevé par Pourquoipas, et qui était qu'il semblait que c'est notre cadavre qui est à la fois la cause et l'effet de notre mort, ce qui est absurde.

A vérifier.

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Messagepar Durtal » 14 nov. 2009, 23:59

Louisa a écrit :Une mère par exemple est beaucoup plus puissante que son bébé, mais cela ne lui apporte que du bien (au bébé, cela va sans dire).


Mais que voilà un bel argument du "sens commun"si je ne m’abuse. Las, en la circonstance, complètement hors de propos. En termes Spinozistes on dirait, toutefois, si la mère « n’ apporte que du bien au bébé», qu’ils affirment une même puissance en commun ( voir à ce sujet la très fascinante lettre de Spinoza sur les "prémonitions" qui traite d'un rapport père fils et des effets d'union et d'intégration qui résultent de l'amour filial). Si en effet la mère le hait, et après tout il existe des mères infanticides, elle détruira son fils, et elle le fera certes pour ce que ce bébé n'aura pas la puissance suffisante pour contrecarrer la sienne, et si elle l'aime ( comme c'est le cas le plus ordinaire) le détruire reviendrait à se détruire elle même, pour ce que ce bébé, fait partie intégrante de la puissance d'agir et d'exister qu'elle s'efforce d'affirmer d'elle même et du monde, ce qui à moins d'être disposé par des causes extérieures qui etc...(cf le sujet le suicide) est impossible.

Donc loin que Macherey commette sur ce point des "erreurs", j'ai peur que…


L'axiome IV autour duquel tournent toutes ces considérations, traite expressément non pas des puissances avec lesquelles la mienne peut s'unir, auquel cas il n'en résulte pas une destruction, mais tout le contraire, : un apport de puissance, mais de celles qui me détruisent, ou qui "surpassent" la mienne ( c'est à dire qu'on exclut d'emblée par là, celles avec lesquelles je puis m'unir, lesquelles par définition ne "surpassent" pas ma puissance puisqu’au contraire elle la renforcent, l'augmentent et la secondent).

D.
Modifié en dernier par Durtal le 15 nov. 2009, 00:59, modifié 1 fois.

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une question à Louisa

Messagepar C162 » 15 nov. 2009, 00:20

..
Modifié en dernier par C162 le 26 août 2010, 12:12, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 15 nov. 2009, 01:29

J'en pense que le premier doit être moins éternel que le second.

by jove cela se peut- il ?

Le premier est celui où la souveraineté est détenue par une seule ville, éternel donc , mais moins que le second qui est celui où elle est détenue par plusieurs. Lui surtout est éternel .
D'une qualité d' éternité plus éminente . Non ?
................................................................................................

A supposer qu' on ait l'intention malveillante de vérifier l' absoluité de l'affirmation de Spinoza , on peut toujours gloser sur la décomposition de l' URSS

Maintenant s' il s agit d'un décret de dieu !
on ne discute plus

Basses besognes que celles de l'historien . Il m'arrive parfois de soupçonner (à regrets) les spinozistes de leur préférer les décrets de Dieu .
Je crains que les thèses sur l'extériorité manque pour le moins de ce regard qui me parait indispensable , regard sur l 'extériorité des thèses .

bref !

Hokousai


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