Utilité du karaté et de Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 15:52

Pourquoipas a écrit :Pour le moment, j'ai la fâcheuse impression d'avoir été lu trop rapidement par une professeur qui a un tas de copies à corriger et un beau crayon rouge à sa disposition ("non", "faux", "j'espère vraiment que tu vas essayer..."). Or, je ne suis pas votre élève et vous n'êtes pas mon professeur ni en philosophie, ni en spinozisme.


Bonjour Pourquoipas,

juste ceci pour l'instant ... j'ai effectivement écrit ma réponse ci-dessus assez vite.

Par "faux" etc. il faut bien sûr comprendre: "pour l'instant je ne comprends pas encore ce qui te fait penser que ce que tu dis ici devrait être vrai et voici les raisons qui me font douter de sa vérité".

Mais cela prenait plus de temps d'écrire à chaque fois toute la phrase entière ... je me suis donc permise de la laisser tomber. Ce qui n'était pas très "prudent", j'en conviens.

A bientôt pour une réponse plus détaillée,
louisa

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Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 16:39

Pourquoipas a écrit :A quoi bon faire intervenir tout cet arsenal de logique modale là-dedans ? J'ai lu et relu vos deux ou trois messages à ce sujet : je pense que vous gagneriez, Ma'ame, à faire un effort pour vous exprimer clairement.


Hokousai a écrit :Dans un message passablement abscons.... excusez moi ) vous écriviez (...).


Disons que pour une fois je pensais vraiment avoir été à la fois parfaitement claire et succincte ... visiblement, ce n'était pas du tout le cas ... :?

Je crois effectivement que bien tenir compte des lois de la logique modale est essentiel pour pouvoir comprendre la démonstration, car, comme Spinoza l'a démontré en l'E2P31, la mort appartient à la catégorie de ce que la tradition a appelé les "futurs contingents". Une tentative d'expliquer autrement pourquoi je le pense arrive sous peu.

En attendant:

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Ce qui importe, c'est de comprendre la structure de la démo. C'est cela qui, à mon sens (mais on me corrigera lorsqu'on découvre une erreur, donc je compte bien sur vous ...) nous oblige déjà à reconnaître qu'il n'y a pas de preuve de la nécessité de la mort


Ce qui importe pour moi c'est de lire une démonstration en référence à la proposition démontrée . C'est se méprendre sur Spinoza que de supposer qu'il démontre une autre proposition que celle qu'il prétend démontrer .


justement ... ce que j'ai essayé de dire c'est que ceux qui lisent une démonstration de l'inéluctabilité de la mort dans cette démo, à mon sens lui donnent une portée beaucoup plus large que ce qu'elle ne dit en réalité.

Si vous pensez que c'est moi qui suppose qu'il démontre une autre démonstration que celle qu'il prétend démontrer: pourrais-je vous demander d'expliciter 1) quelle est selon vous la proposition qu'il prétend démontrer, et 2) quelle est celle que selon vous je suppose qu'il démontre?

(je reviens sur l'"incidemment", merci déjà de l'explication)

Pourquoipas a écrit :Mais cette nécessité de la fin de toute chose finie n'est prouvée qu'ici, au début de la partie IV ; auparavant, si elle était possible et fort probable, elle n'était connue que par expérience ou ouï-dire. Mais maintenant, nous passons aux choses sérieuses, éthiques : nous sommes tous des esclaves, ô combien ! pouvons-nous et, si oui, comment, ne plus l'être ? La raison y suffira-t-elle ???


à mon sens il faut dire que chez Spinoza la raison suffit effectivement pour au moins comprendre que nous sommes éternelles (c'est par là que commence la Béatitude (sachant que la Béatitude (et donc aussi notre Liberté) en réalité n'a pas de commencement, ou était là dès le début ... voir l'E5P31).

Puis n'oublions pas que le possible, chez Spinoza, n'est pas une idée inadéquate. Si par exemple moi je pense qu'il est "possible" que tu vas comprendre bientôt ce que je voulais dire par mon message de hier, cela signifie que Dieu, non pas en tant qu'il est infini mais en tant qu'il s'explique par mon Esprit seul, n'a pas de connaissance de ce que tu vas faire en lisant mes prochaines tentatives de reformulation. Il n'y a rien d'inadéquat là-dedans. Cela signifie simplement que ce n'est que Dieu en tant qu'il s'explique non pas par mon Esprit mais par ton Esprit seul, qui possède ce savoir.

Mais je reviens là-dessus.
Valete,
L.

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Messagepar Sinusix » 12 nov. 2009, 17:06

Bonsoir à tous (sur mon fuseau horaire).

Bienvenue au Club, cher Pourquoipas/charcot, des débatteurs en Louisiane/Louisa-haine. Je ne ferai que trois compléments.

1/ Je suis entièrement d'accord avec vos démonstrations.

2/ Pour Louisa, plutôt qu'étaler toutes ces complications, ne suffit-il pas de rester simple et de rédiger de façon simple la proposition Y, à savoir :
Il est impossible que l'homme meurt, strictement équivalente (puisque Spinoza l'écrit lui-même) à il existe nécessairement toujours, elle-même strictement équivalente à il est immortel.

Chacun conviendra que la contraposée de cette dernière n'exige pas de se lancer dans des analyses oiseuses : l'homme est mortel (conclusion qui rassure chacun sur l'authenticité du raisonnement philosophique).

3/ Mais je reviens sur le fond de la tentative de reprise que fait Louisa en arguant de l'inadéquation.
Sauf erreur de ma part, mais quoique peu doué pour le raisonnement philosophique, selon ce que m'en dit Louisa, j'observe que, par définition Spinoziste, un homme qui ne pâtit d'autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par la seule nature de l'homme, est un homme qui n'est plus qu'Action. Un tel homme n'est plus sujet à aucune hétéronomie, il est autonomie complète, cause adéquate de tous ses affects, puissance affirmative singulière strictement correspondante à la puissance affirmative de Dieu/Nature qu'il constitue.
Un tel homme est Dieu, dans la mesure où, même en tant que "partie" du tout, il participe de la "causa sui". Il n'est plus effet, mais cause efficiente de sa vie.
Nous sommes donc potentiellement, dans E4P4, bien loin de l'inadéquat.

Amicalement

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Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 19:23

Sinusix a écrit :Pour Louisa, plutôt qu'étaler toutes ces complications, ne suffit-il pas de rester simple et de rédiger de façon simple la proposition Y, à savoir :
Il est impossible que l'homme meurt, strictement équivalente (puisque Spinoza l'écrit lui-même) à il existe nécessairement toujours, elle-même strictement équivalente à il est immortel.

Chacun conviendra que la contraposée de cette dernière n'exige pas de se lancer dans des analyses oiseuses : l'homme est mortel (conclusion qui rassure chacun sur l'authenticité du raisonnement philosophique).


Bonjour Sinusix,

l'énoncé "l'homme existe nécessairement toujours" et l'énoncé "l'homme est immortel" ne sont pas équivalents d'un point de vue logique. L'un est un énoncé modal, l'autre non. Et nous sommes dans une demonstratio more geometrico, plus précisément dans une preuve qui a la forme logique d'une réduction par l'absurde. Vu ce contexte, je ne vois pas ce qui pourrait justifier de remplacer dans une démonstration une proposition modale par une proposition où l'on enlève la modalité.

Enlever la modalité, en logique, cela veut dire passer d'un énoncé qui tient compte du possible à un énoncé qui se limite à la nécessité seule.

Autrement dit, si vous voulez effacer ce que Spinoza a écrit réellement et remplacer Y par "l'homme est immortel", pour ensuite dire que Spinoza prouve que l'homme est mortel car il nie Y, vous ne faites rien d'autre que de changer explicitement la démonstration afin de la transformer en une autre, qui cette fois-ci prouve ce que vous voulez voir prouvé.

Bien sûr, en faisant cela on obtient quelque chose de très simple, l'idée par laquelle on a défini depuis des siècles l'essence de l'homme, et que personne aujourd'hui ne va spontanément commencer à mettre en question. D'où, à mes yeux, l'originalité et l'intérêt de la question posée ici par Pourquoipas. Car il va de soi que moi aussi je supposais "simplement" que pour Spinoza l'homme est essentiellement mortel. Je ne m'avais même jamais posé la question de savoir si Spinoza prouve cela ou non.

Mais il est tout de même étrange que Spinoza prend soin de prouver un tas de choses, par rapport à l'essence humaine, et qu'on ne trouve aucun axiome ni proposition ni postulat qui dit "l'homme est mortel" ... ?

En tout cas, je partais moi-même de l'idée qu'il était évident que pour Spinoza l'homme est mortel, tellement évident que je ne me souvenais même plus du fait qu'il en parle dans l'E4P4 (d'où l'intérêt de la question de Pourquoipas et de la remarque de Durtal). Et qu'on le veuille ou non, la démo de cette proposition est très compliquée. C'est après avoir travaillé quelques heures sur elle que je me suis rendue compte que ce que Spinoza dit déjà dans le corollaire de l'E2P31 est ici totalement confirmé: on ne peut dire que l'homme est corruptible (= mortel) qu'au sens précis où on ne connaît pas la durée de vie d'un homme. Car il l'y ajoute très explicitement: on ne peut pas comprendre autre chose par le terme "corruptible"! Serait-ce seulement pour nier quelques pages après ce qu'il vient de dire avant? Cela est impossible.

(PS pour ceux qui sont déjà convaincus de l'idée de l'absence d'une preuve de l'inéluctabilité de la mort chez Spinoza (pour les autres: le paragraphe suivant peut être sauté):

Cela permet peut-être aussi de mieux comprendre l'E4P67: si l'on ne peut pas prouver l'inéluctabilité de la mort, si en disant que l'homme est corruptible ou mortel on ne dit rien d'autre que qu'on ne sait pas la durée totale de sa vie, la mort est effectivement contingente ou possible au sens proprement spinoziste du terme, ce qui signifie que s'imaginer qu'on est mortel par essence est ... une idée inadéquate! C'est pour cela que l'homme libre peut penser maximalement à la vie au lieu de la mort: sachant que rien dans notre essence ne permet de dire qu'on périra un jour (E3P10?), et qu'on ne connaît pas non plus la date de notre mort, la mort est un de ces événements incertains qui ne peuvent provoquer que Crainte ou Espoir, c'est-à-dire un malheureux flottement d'âme, que le sage sait éviter parce qu'il a compris que cela ne sert à rien de penser qu'un tel événement va nécessairement se produire pour en être Triste ou va nécessairement ne pas se produire pour s'en réjouir. (Dans ce cas il faut dire qu'il s'agit avant tout de sa propre mort: l'homme libre ne pense à rien moins qu'à sa propre mort, il ne prend pas l'idée de l'homme comme étant essentiellement mortelle comme base de ses méditations, comme base de la construction de sa Philosophie (puisque cette idée est fausse), et ne pense pas à l'idée qu'un jour il va peut-être mourir car cela ne peut que provoquer Crainte ou Espoir; un médecin en revanche s'occupe des causes qui vont maintenir en vie celui dont il sait que sans s'occuper de cela il va mourir, donc il est plutôt dans la connaissance adéquate (voir l'extrait de La Peste cité ci-dessus, où le docteur le plus expérimenté semble effectivement dire sans Crainte qu'il est maintenant certain qu'il y a une épidémie)).)


Sinusix a écrit :3/ Mais je reviens sur le fond de la tentative de reprise que fait Louisa en arguant de l'inadéquation.
Sauf erreur de ma part, mais quoique peu doué pour le raisonnement philosophique, selon ce que m'en dit Louisa, j'observe que, par définition Spinoziste, un homme qui ne pâtit d'autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par la seule nature de l'homme, est un homme qui n'est plus qu'Action. Un tel homme n'est plus sujet à aucune hétéronomie, il est autonomie complète, cause adéquate de tous ses affects, puissance affirmative singulière strictement correspondante à la puissance affirmative de Dieu/Nature qu'il constitue.


je suppose que vous voulez dire le "raisonnement" tout court? Si oui: je ne vois pas pourquoi il faudrait mettre en question votre capacité de raisonner. Ce qu'il y a, c'est qu'à mon sens nous avons une idée très différente de ce qu'est et de ce que peut la philosophie. Pour le résumer en deux mots: vous cherchez la simplicité, vous prenez les idées qui vous semblent être évidentes et vous cherchez à établir plus solidement encore leur évidence ou vérité, et cela parce qu'un tel exercice est rassurant. Je ne veux pas du tout nier le fait qu'on a tous vitalement besoin d'être rassuré de temps en temps, mais ce que Platon appelle "le naturel philosophe", ce n'est pas vraiment cela, c'est même plutôt l'inverse: en philosophie, on apprend à se méfier de nos évidences, et cela d'autant plus qu'elles nous paraissent être vraies. La philosophie peut "consoler" celui qui se trouve face à la mort (du moins est-ce ce que prétend Boèce), mais pour ceux qui sont encore bien en vie, elle a beaucoup plus à offrir: quelques révolutions conceptuelles qui en règle générale bousculent entièrement nos habitudes de penser. La première fois qu'on rencontre une telle révolution, on panique, mais après on sait déjà qu'on peut la survivre, et ayant eu l'occasion de constater la grande utilité de telles révolutions, on va plutôt commencer à les apprécier au lieu de s'imaginer que le plus rassurant c'est d'en rester avec les évidences d'aujourd'hui.

Enfin, tout ceci juste entre parenthèses (désolée Pourquoipas), et surtout dans l'espoir que cela permette de mieux comprendre que lorsque je dis que pour moi ce que vous dites être la philosophie c'est plutôt de l'anti-philosophie, je ne suis absolument pas en train de parler de vos qualités personnelles ou de ce pour quoi vous seriez doué ou non. Je ne vous connais pas, je ne sais rien dire à ce sujet, et si je voulais en dire quelque chose, je le ferais par Message Privé. Je ne suis qu'en train de comparer deux démarches différentes par rapport à la philosophie, et j'essaie de vous convaincre de l'utilité d'une autre démarche que celle que vous adoptez (pour l'instant sans trop de succès, il faut bien l'admettre ... :D ). En même temps, j'espère que reformulant ici encore une fois la même idée, vous allez mieux comprendre que ce que j'essaie de vous dire n'a rien à voir avec de la Haine (tout comme dire à quelqu'un qu'on pense que l'idée qu'il propose est "fausse" n'a rien à voir avec de la Haine ou avec une volonté de donner des leçons ou quoi que ce soit) ... .

Sinon, pour ce que vous dites de Spinoza ci-dessus: tout à fait d'accord.

Sinusix a écrit :Un tel homme est Dieu, dans la mesure où, même en tant que "partie" du tout, il participe de la "causa sui". Il n'est plus effet, mais cause efficiente de sa vie.
Nous sommes donc potentiellement, dans E4P4, bien loin de l'inadéquat.


tout homme est divin, chez Spinoza. Il n'y a plus, comme dans le christianisme, d'une part Dieu et d'autre part la Nature.

Sinon dans la démo de l'E4P4 Spinoza ne parle pas de la possibilité que l'homme soit causa sui, ou la cause de sa propre existence/naissance. Il parle de la possibilité que l'homme soit la cause adéquate de toutes ses affections (or la naissance n'est pas une affection ...), et cela en examinant deux causes éventuelles et mutuellement exclusives d'une telle possibilité: ou bien (Z1) l'homme est ce genre de cause adéquate parce qu'il a lui-même la puissance d'éloigner de lui toutes les affections par des causes extérieures (mais alors sa puissance serait illimitée, ce qui est faux, comme il l'a montré en E4P3), ou bien (Z2) l'homme est ce genre de cause adéquate parce qu'une puissance autre que la sienne, puissance infinie, lui permet de ne jamais avoir des Passions (cette puissance étant la puissance infinie de Dieu, autrement dit l'essence divine). Or dans ce cas l'homme serait un mode qui suit non pas d'un autre mode mais de l'essence divine elle-même, et l'E1P21 a montré qu'un tel mode est nécessairement infini, ce qui est faux comme vient de le montrer le tout début de cette démonstration (ce que j'ai appelé la partie "A" ci-dessus, c'est-à-dire celle qui prouve la première partie de la proposition E4P4, appelée "W").

Par là Spinoza montre que l'homme nécessairement pâtit, c'est-à-dire a nécessairement des idées inadéquates. C'est cela que je voulais dire ci-dessus lorsque je disais que cette proposition 4 concerne les idées inadéquates et essaie d'en expliquer l'existence, au lieu de se placer du point de vue de l'entendement divin et de ne considérer que les idées adéquates, comme le suggérait Pourquoipas.

Mais dire qu'il a nécessairement des Passions, ce n'est pas du tout la même chose que de dire qu'il va nécessairement être détruit, puisqu'une Passion en règle générale ne détruit pas l'homme. C'est pourquoi à mon sens Hokousai se trompe lorsqu'il dit que c'est moi qui prétend que Spinoza prouve en l'E4P4 autre chose que ce que la proposition dit. Pour moi c'est bel et bien vous qui injectez une preuve de la nécessité d'une affection très particulière (celle qui nous tue) dans une proposition qui ne dit rien d'autre que que l'homme pâtit nécessairement.

En vous remerciant de vos remarques (pas d'ironie),

Amicalement,
L.

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Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 20:15

Hokousai a écrit :incidemment il y a preuve de la nécessité de la mort puisque ce qui pourrait l' empêcher, les causes invocables , sont ,par hypothèses ,absurdes .


Cher Hokousai,

ok, merci de l'explication, je pense maintenant avoir compris ce que vous vouliez dire.

Or, comme vous le dites très bien, ce que prouve Spinoza dans cette démonstration, c'est qu'il n'y pas de causes qui permettent de dire que l'homme existe nécessairement toujours. Mais dire qu'il n'y a pas de causes, chez Spinoza, ce n'est pas la même chose que de dire que l'inverse est nécessairement vrai ... ! C'est cela qui me semble être très important à ne pas oublier. Et c'est pourquoi ce qu'il dit dans cette démo de la mortalité de l'homme ne va absolument pas plus loin que ce qu'il en a dit dans le corollaire de l'E2P31.

Rappelons ce que Spinoza dit de ce dont on ne connaît pas les causes:

E1P33 scolie I:
"Une chose est dite nécessaire soit en raison de son essence, soit en raison de la cause. En effet, l'existence d'une chose suit nécessairement soit de son essence et de sa définition, soit de l'existence d'une cause efficiente. Ensuite, ce sont ces mêmes raisons qui font aussi qu'une chose est dite impossible; c'est parce que, soit son essence ou définition enveloppe contradiction, soit parce qu'il n'y a pas de cause extérieure qui soit déterminée à produire une telle chose. Quant à dire une chose contingente, il n'y a pour le faire d'autre raison qu'eu regard au défaut de notre connaissance. En effet, une chose dont nous ne savons pas que l'essence enveloppe contradiction, ou dont nous savons fort bien qu'elle n'enveloppe pas contradiction sans pouvoir pourtant rien affirmer de certain concernant son existence, pour la raison que l'ordre des causes nous échappe, jamais cette chose ne peut nous apparaître comme nécessaire, ni comme impossible, et ainsi nous l'appelons soit contingente, soit possible."

Reprenons la question. Elle était: est-ce que l'homme nécessairement existe toujours? Spinoza se demande quelles pourraient être les causes d'une telle nécessité. Il ne les trouve pas. Toutes les causes qu'on peut concevoir s'avèrent être fausses.

Par conséquent, ce que nous savons de l'essence d'un homme, c'est:
1. qu'elle n'enveloppe pas contradiction
2. qu'on ne peut rien affirmer de certain concernant son existence.

Ou comme il le dit dans l'E2P31:
"De la durée des choses singulières qui sont hors de nous, nous ne pouvons avoir qu'une connaissance tout à fait inadéquate.

COROLLAIRE.
De là suit que toutes les choses particulières sont contingentes et corruptibles. Car nous ne pouvons avoir de leur durée aucune connaissance adéquate, et c'est ce qu'il faut entendre par contingence et corruptibilité des choses. Car à part cela il n'y a rien de contingent.
"

Etre contingent, c'est être corruptible. Dire d'une chose qu'elle est corruptible, c'est dire qu'il est possible, au sens spinoziste du terme, qu'elle existe, mais aussi qu'elle n'existe pas. Ce qui signifie, expliquent aussi bien l'E1P33 que l'E2P31, qu'on ne sait rien de certain quant à son existence (il se peut qu'existe, il se peut qu'elle n'existe pas, il se peut que si elle existe elle aura une durée de vie x, mais il se peut aussi qu'elle aura une durée de vie y, bref on n'en sait rien).

Et si on analyse la démo de l'E4P4 en détail, on aboutit à la ré-affirmation de la même idée: l'existence de l'homme est contingente ou possible. Il n'est pas nécessaire que l'homme existe toujours, puisqu'on ne connaît aucune cause qui nous oblige à dire que l'homme est immortel. Mais si on examine l'essence d'un homme, on voit qu'elle n'enveloppe pas de contradiction (E3P10), donc on ne peut pas dire non plus qu'il est nécessaire que l'homme est mortel. Il faut connaître tout "l'ordre commun des causes" pour savoir si il y aura un jour une cause extérieure qui lui sera mortelle. Mais ce sera alors la cause extérieure qui s'avère être mortelle pour lui, et non pas lui-même. Il faudrait donc dire que dans le spinozisme être mortel signifie être capable de détruire une chose singulière, ou plutôt être capable de détruire telle chose singulière à tel moment (puisqu'à un autre moment ou pour une autre chose singulière, la même cause peut ne pas être mortelle du tout).

PS: j'espère que ceci répond déjà en partie aux questions que Pourquoipas vient de poser ce matin ... ?

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Messagepar hokousai » 12 nov. 2009, 21:57

chère Louisa


Or, comme vous le dites très bien, ce que prouve Spinoza dans cette démonstration, c'est qu'il n'y pas de causes qui permettent de dire que l'homme existe nécessairement toujours


Non ce n'est pas ce que prouve Spinoza dans cette démonstration(4/partie 4)
incidemment ""il suivrait qu'il ne pourrait périr"" est prouvé par les démonstrations des prop 4 et 6/partie 3 auxquelles il renvoie .

le raisonnement de dem 4/4 et en résumé est le suivant
hypothèse:il peut se faire que l 'homme puisse ne pâtir d'autres changement que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature .
l'hypothèse est est absurde alors la prop est démontrée
à savoir
"""il ne peut pas se faire que l' homme puisse ne pâtir que de ce qui suit de sa propre nature"""

Spinoza parle incidemment de la mort et ce parce qu'il n' aime pas du tout en parler .
........................................................................


Il faut connaître tout "l'ordre commun des causes" pour savoir si il y aura un jour une cause extérieure qui lui sera mortelle. Mais ce sera alors la cause extérieure qui s'avère être mortelle pour lui, et non pas lui-même.


1)encore que je ne sois pas certain de comprendre votre ""commun""

2)j'insiste sur le et non pas lui même .

ce que Spinoza essaie de montrer c'est
non pas qu'il n y a pas de lui même (- car il y a conatus , nature propre et changement dont il est cause adéquate)
mais que ce lui même pâtit toujours des causes extérieures .

qui est ce qui est mortifère *** c'est la situation l' homme est une partie de la nature .
La nécessité de cette cette situation est démontrée universellement par la prop 3/4, elle n' implique pas la nécessité de connaitre l'ordre commun des causes , bien évidemment non .
La médecine conclut à des causes mortelles ( extérieures ou intérieures d'ailleurs!! ) sans avoir à connaitre l' ordre commun des causes

( je ne suis pas certain de comprendre votre commun )
..................................................................................
***vous dites mortelle ce qui n'est pas mal dit mais il y a mortifère (on peut dire aussi létal )

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

Mais si on examine l'essence d'un homme, on voit qu'elle n'enveloppe pas de contradiction (E3P10), donc on ne peut pas dire non plus qu'il est nécessaire que l'homme est mortel.

ce qui enveloppe une contradiction voyez- vous c'est l existence d'un homme .
Tant que l homme n'existe pas effectivement il n'y a pas de question de sa mortalité .
La définition d un homme ni ne vit ni ne meurt .
Si on examine l'existence d'un homme on peut dire que nécessairement l' homme est mortel .
Ce que vous seriez bien la seule à contester .

bien à vous
hokousai

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Messagepar hokousai » 12 nov. 2009, 22:17

Je comprends très bien que pourquoi pas se concentre sur la mort .
Je pense que Spinoza évite le sujet .

Pour ne pas se mettre en contradiction, peut être

l'homme libre ne pense à rien moins qu' à la mort , et sa sagesse est une méditation non sur la mort , mais sur la vie.

Plus probablement parce qu' effectivement il ne pensait à rien moins qu' à la mort .
(probable mais pas certain)

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Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 22:37

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :Or, comme vous le dites très bien, ce que prouve Spinoza dans cette démonstration, c'est qu'il n'y pas de causes qui permettent de dire que l'homme existe nécessairement toujours


Non ce n'est pas ce que prouve Spinoza dans cette démonstration(4/partie 4)
incidemment ""il suivrait qu'il ne pourrait périr"" est prouvé par les démonstrations des prop 4 et 6/partie 3 auxquelles il renvoie .

le raisonnement de dem 4/4 et en résumé est le suivant
hypothèse:il peut se faire que l 'homme puisse ne pâtir d'autres changement que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature .
l'hypothèse est est absurde alors la prop est démontrée
à savoir
"""il ne peut pas se faire que l' homme puisse ne pâtir que de ce qui suit de sa propre nature"""


Cher Hokousai,

en disant cela vous dites qu'il s'agit d'une démonstration par l''absurde. D'accord, c'est ce que je pense déjà avoir dit plusieurs fois.

Mais la seule chose que les E3P4 + 6 prouvent ici, c'est qu'il suit logiquement de l'hypothèse que l'homme ne pourrait périr et existerait nécessairement toujours. C'est le fait même que cela est bel et bien une conséquence de l'hypothèse qui est prouvé par ces deux propositions. L'essentiel même de la démonstration ne vient qu'après. Donc la fausseté de "l'homme ne pourrait périr" n'est pas du tout démontré par les E3P4 + 6.

La démonstration à proprement parler (= qui démontre que cette conséquence est fausse (mais non pas qu'on a faussement tiré cette conséquence des E3P4 + 6, car sinon tout l'édifice s'écroule!), consiste en deux réductions à l'absurde, pour montrer que la conséquence est fausse. Mais aucune de ces deux réductions à l'absurde ne prouve que l'homme est essentiellement/nécessairement mortel ... .

Hokousai a écrit :Spinoza parle incidemment de la mort et ce parce qu'il n' aime pas du tout en parler .


euh ... pourquoi n'aimerait-il pas en parler ... ?

La mort chez lui c'est la destruction. Les parties 3 et 4 parlent sans cesse de la destruction ... . C'est pourquoi je pense qu'on s'est trompé à l'époque, lorsque Pourquoipas avait déjà une fois évoque le problème de l'E4P67, et lorsqu'on avait dit que l'homme libre ne peut même pas penser à la mort, ou évite de penser à la mort. Ce dont il s'agit, c'est que l'homme libre ne fait pas de "méditations" de la mort (voir les caractères plus petits dans mon message ci-dessus). Sinon il faudrait dire que pour Spinoza, lorsqu'on est médecin, désolée, mais alors c'est foutu, car vu qu'on doit alors lutter tout le temps contre la mort, on doit y penser beaucoup, et donc jamais on ne pourrait être libre ... :D

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Il faut connaître tout "l'ordre commun des causes" pour savoir si il y aura un jour une cause extérieure qui lui sera mortelle. Mais ce sera alors la cause extérieure qui s'avère être mortelle pour lui, et non pas lui-même.


1)encore que je ne sois pas certain de comprendre votre commun )


il me semble que c'est l'expression que Spinoza utilise pour parler de l'enchaînement des causes et effets dans la nature (il l'oppose souvent à "un ordre pour la raison" (raison humaine)).

Hokousai a écrit :2)j'insiste sur le et non pas lui même .

ce que Spinoza essaie de montrer c'est
non pas qu'il n y a pas de lui même (- car il y a conatus , nature propre et changement dont il est cause adéquate)
mais que ce lui même pâtit toujours des causes extérieures .


en effet

Hokousai a écrit :qui est ce qui est mortifère *** c'est la situation l' homme est une partie de la nature .
La nécessité de cette cette situation est démontrée universellement par la prop 3/4, elle n' implique pas la nécessité de connaitre l'ordre commun des causes , bien évidemment non .
La médecine conclut à des causes mortelles ( extérieures ou intérieures d'ailleurs!! ) sans avoir à connaitre l' ordre commun des causes


?

donc selon vous la preuve de l'inéluctabilité de la mort se trouverait déjà dans la proposition E3P4..?

Je ne le pense pas. Le fait que seul ce qui est extérieur à la chose peut la détruire, ne dit pas encore qu'il y aura pour chaque chose singulière nécessairement une autre chose qui tôt ou tard va la détruire.

En disant par exemple que seul un miroir devant vous et non pas en vous peut vous permettre de voir vous-même votre visage, je ne dis en rien que dans votre vie vous allez nécessairement rencontrer un miroir. Idem ici.

Hokousai a écrit :***vous dites mortelle ce qui n'est pas mal dit mais il y a mortifère (on peut dire aussi létal )


merci!

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Mais si on examine l'essence d'un homme, on voit qu'elle n'enveloppe pas de contradiction (E3P10), donc on ne peut pas dire non plus qu'il est nécessaire que l'homme est mortel.


ce qui enveloppe une contradiction voyez- vous c'est l existence d'un homme .


je ne vois pas comment une existence pourrait envelopper quoi que ce soit ... ?

Hokousai a écrit :Tant que l homme n'existe pas effectivement il n'y a pas de question de sa mortalité .
La définition d un homme ni ne vit ni ne meurt .


d'accord

(je ne crois pas que chez Spinoza une définition d'un homme soit possible, mais c'est un autre sujet)

Hokousai a écrit :Si on examine l'existence d'un homme on peut dire que nécessairement l' homme est mortel .
Ce que vous seriez bien la seule à contester .


ah, le cher sens commun! :D

Qu'est-ce qu'on n'a pas déjà "prouvé" grâce à lui ... :D

Mais rappellons qu'on cherche ici un endroit dans le texte spinoziste où il y a une preuve de l'inéluctabilité de la mort ... . Là, on constate:

1. qu'il n'y a ni axiome ni postulat ni proposition qui prouve l'inéluctabilité de la mort (= qui prouve que l'homme est essentiellement mortel)
2. que lorsque Spinoza parle de la mortalité ou de la corruptibilité des choses, il dit qu'on peut seulement dire qu'on ne peut pas connaître la durée d'une chose, et rien de plus (E2P31). La mortalité chez Spinoza appartient ainsi à la catégorie de la possibilité, et non pas à celle de la nécessité.
3. que lorsqu'il aurait pu le démontrer, en l'E4P4 par exemple, il prend bien soin de n'utiliser que des propositions modales. Or nier que x existe nécessairement toujours, c'est dire que x n'existe pas nécessairement toujours, autrement dit qu'il est possible que x n'existe pas toujours mais aussi que x existe toujours.

C'est pourquoi je pense que la première impression de Pourquoipas était correcte, aussi étonnante que prime abord elle puisse paraître.


Bien à vous,
L.

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Messagepar hokousai » 12 nov. 2009, 23:55

à Louisa

Donc la fausseté de "l'homme ne pourrait périr" n'est pas du tout démontré par les E3P4 + 6.


Bien sur que non la fausseté n'est pas démontré c'est la vérité qui est démontrée
Ce qui est démontré par p4/4 c'est la fausseté ( l'absurdité ) de ce qui précède( l'antécédent) d' où (incidemment ) il suivrait que "l'homme ne pourrait périr"

Après tout il pourrait peut être suivre d'autres choses dont Spinoza ne parle pas
Par exemple que l' homme éprouve de l 'ennuie
ou bien qu'il se prenne pour Dieu
ou bien qu'il ne craigne plus de traverser les chutes du Niagara sur un fil ....
....................................................................
qui démontre que cette conséquence est fausse


Il n'est pas faux que si l'homme ne pourrait pâtir d'autres changement que ceux de sa nature il ne pourrait périr .
c'est vrai .
ou plutôt ce serait vrai si l' hypothèse n'était pas absurde .
.......................................

Mais aucune de ces deux réductions à l'absurde ne prouve que l'homme est essentiellement/nécessairement mortel


La condition pour laquelle il ne périt n'existe pas . En effet il faudrait que ci et que ça soit compréhensibles hors ce ci et ce ça sont des hypothèses absurdes .

""il ne pourrait périr "" suit de situations imaginaires, par exemple: que l' homme n'est pas une partie de la nature (ce qui ne peut se faire )

bien sur que ça ne prouve que l'homme est essentiellement/nécessairement mortel
ça prouve qu'il est absurde de le penser immortel.
Car Spinoza ne parle pas dans cette demons de l' homme mortel mais de l' homme immortel (il existerait toujours )

....................................................

.
.euh ... pourquoi n'aimerait-il pas en parler ... ?


bis repetita l'homme libre ne pense à rien moins qu' à la mort , et sa sagesse est une méditation non sur la mort , mais sur la vie
........................................................

donc selon vous la preuve de l'inéluctabilité de la mort se trouverait déjà dans la proposition E3P4..?


La preuve elle est dans le pudding .

...........................................................

je ne vois pas comment une existence pourrait envelopper quoi que ce soit ... ?

et bien relisons ensemble la demons de la prop 5 partie 1

une manière qui exprime de manière précise la nature de Dieu et par suite n' enveloppe le concept d'aucun autre concept etc...

une manière précise c 'est un mode , un mode dans la durée et pour moi c'est l' existence .

......................................................

.(je ne crois pas que chez Spinoza une définition d'un homme soit possible, mais c'est un autre sujet)


pour le triangle vous voyez très bien.... mais pas pour l' homme !!!
on est en passe de réduire notablement le domaine des définitions possibles .
...........................................................

Mais rappelons qu'on cherche ici un endroit dans le texte spinoziste où il y a une preuve de l'inéluctabilité de la mort .


tout ça pour ça ...

remarquez qu'il n y a pas plus de preuve de l'ineluctabilité de la naissance . C'est une conjecture que fait l 'homme d'après les autres pour lui même .

.....................................................

Pour la première fois votre raillerie du sens commun m'inquiète plus quelle ne me fait sourire.

Je n'irai pas jusqu' à aller demander à l'ordonnateur de pompes funèbres du coin (de ma rue) s'il craint le chômage .

Je crains qu'il ne me réponde : pas plus que les psychiatres .

hokousai

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Messagepar Pourquoipas » 13 nov. 2009, 01:29

Louisa a écrit :[...]
3. que lorsqu'il aurait pu le démontrer, en l'E4P4 par exemple, il prend bien soin de n'utiliser que des propositions modales. Or nier que x existe nécessairement toujours, c'est dire que x n'existe pas nécessairement toujours, autrement dit qu'il est possible que x n'existe pas toujours mais aussi que x existe toujours.
[...]


Louisa,

A mon avis (pas humble, ce coup-ci), ce n'est pas la nécessité qui est niée ici, mais la proposition dont on dit qu'elle est nécessaire, à savoir (je résume en me concentrant sur la seule partie de la proposition où il est question de la mort de l'homme, et de toute chose singulière) : « Si l'homme (= tout individu humain sans exception) n'éprouvait que des changements explicables par sa seule nature (= seulement ceux dont il est cause adéquate), c'est-à-dire s'il était capable par sa seule puissance d'écarter tout changement provenant d'une cause à lui extérieure, il ne mourrait jamais, c'est-à-dire nécessairement il existerait toujours (par III 4 et 6). » Or, nous dit la IV 3, particularisant à tout homme l'axiome de la IV qui concerne toute chose singulière, tout homme singulier est non seulement moins puissant qu'une autre chose qui limite sa persévérance à exister, mais encore et surtout sa puissance est surpassée par les causes extérieures, et ce in infinitum, à l'infini (expression qui a ici le même sens que dans la I 27, où là il s'agit de l'entrée dans l'existence et de la capacité d'opérer de toute chose singulière, entrée dans l'existence et capacité d'opérer de telle ou telle manière déterminées par la nécessité de la nature divine, précise la proposition suivante, la 28, qui se termine par « il n'y a rien de contingent »).
Donc, tout, sans exception aucune, est nécessaire. Pour parodier la I 27 Dm au cas qui nous occupe, Dieu a déterminé toutes les choses de telle sorte que toute chose est moins puissante qu'une autre chose, in infinitum, qui la détruira nécessairement, qu'il s'agisse d'une planète, d'un tyrannosaure, d'un VIH, de la terre, de mon téléphone portable, etc. (Il va sans dire que ces mêmes choses sont également destructrices, toute chose étant à la fois plus et moins puissante qu'une autre chose, de même que toute chose est à la fois cause et effet.)
Donc, un homme menât-il la vie la plus saine possible, dans le climat le plus adéquat à sa santé, n'eût-il jamais aucune maladie ni congénitale, ni contagieuse, ni aucun souci particulier, ne subît-il jamais aucun accident, il est nécessaire qu'il sera détruit par une chose extérieure à lui car plus puissante au moment et au lieu de sa destruction, car les choses ne sont pas en nombre fini (auquel cas en effet il y en aurait une de plus puissante que toutes les autres).

That's all, folks !
Why not ?


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