Utilité du karaté et de Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 15 nov. 2009, 01:35

Louisa,
Juste sur deux ou trois points :
Louisa a écrit :[...] Aristote (dont on sait que Spinoza l'a lu)

Sources (qui est ce "on" ?) ? "On" sait que Spinoza ignorait le grec car il le dit lui-même dans le TTP, et il ne cite jamais les textes du dit « Nouveau » Testament qu'en latin. S'il « connaît » Aristote, c'est peut-être par des cours de Van der Eiden, plus sûrement par sa lecture de Maïmonide, et aussi par des néo-scolastiques (dont un certain Heerebord de Leyde). Dans sa bibliothèque (en fin de l'éd.-trad. de l'Ethique de Pautrat), sauf erreur, je ne trouve qu'un "Aristoteles, Ars Retorica, ed. P. Victorio Ven. 1548 in fol", qui est un commentaire (bon, t'as qu'à regarder chez Pautrat, p. 641, dans l'éd. Points-Seuil).
En admettant même qu'il l'ait lu, rien ne nous dit qu'il ait lu le passage que tu cites (d'autant plus que tu cites, sauf erreur, une trad. moderne et française – au cas où il l'aurait lu, il l'aurait lu en latin). Là encore, affirmation péremptoire et vague à souhait.
[Citation ajoutée un peu plus tard que le reste du message :] « [...] Platon, Aristote, les stoïciens paraissent le plus souvent cités de seconde main, ou connus par des textes latins ou des manuels (Aristote est cité une seule fois de façon précise, avec une erreur de référence). [...] » (P.-F. Moreau, Spinoza et le spinozisme, PUF, « Que sais-je ? », 2003, p. 43-44) [Il s'agit des Cogitata metaphysica, pars II, cap. VI, 1er §, où, si je sais lire, Spinoza dit que les péripaticiens « per vitam intelligunt mansionem altricis animae cum calore, vide Arist. lib. 1. de Respirat. cap. 8 » et un peu plus loin « Quare Aristoteles Metaph. lib. 11. cap. 7 adhuc aliam definitionem vitae tradit, mentibus tantùm peculiarem ; nempe Intellectûs operatio vita est » (éd. Gebhardt, t. I, p. 259). Comme je suis certain, vu ton immense culture et la sûreté de ta documentation, que tu possèdes ou au moins peux disposer de ces deux ouvrages d'Aristote, je te laisse le soin de vérifier si Moreau a raison ou pas. [Fin de l'ajout.]

Louisa a écrit :[...][ problème soulevé par Pourquoipas, et qui était qu'il semblait que c'est notre cadavre qui est à la fois la cause et l'effet de notre mort, ce qui est absurde. [...]

Pourquoipas n'a jamais dit ça, c'est un autre intervenant qui a proposé l'hypothèse que l'individu que j'appelais B était le cadavre (dans mon interrogation sur le scolie du suicide, je considérais B comme un individu vivant). Je sais qui, mais je te laisse le soin de rechercher toi-même.

Louisa a écrit :A vérifier.

Eh ben, vérifie, c'est pas à nous de le faire à ta place !

A Sinusix Louisa a écrit :[...] D'autre part, juste appliquer la "règle d'or" dont parle Pourquoipas à mon sens ne pourra pas résoudre le problème non plus: ce n'est pas en écrivant moins ou en attendant chacun dans son coin qu'on va arriver à mieux comprendre ce que pense et ce que voulait dire l'autre. [...]

Je n'ai pas dit cela : j'ai dit qu'il fallait prendre le temps de réfléchir ne serait-ce qu'un peu à ce que l'autre a dit et de préparer si peu que ce soit ses interventions, de prendre soin le plus possible de vérifier ses références (erreurs toujours possibles) – je n'ai pas dit non plus qu'il fallait attendre chacun dans son coin, j'ai dit qu'il était important de prendre son temps — la méthode par traitement de texte préalable n'en était qu'une parmi d'autres (il y en a aussi une autre, tout aussi efficace, sinon plus : le papier-crayon). Une moyenne est possible entre la réponse au coup par coup et le 77 777 fois 777 fois... C'est juste une question de méthode pour viser à la clarté. Il vaut mieux, en effet, écrire moins, mais des choses claires (sans qu'elles soient pour autant simplistes), que de longs messages fréquents et obscurs.

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Modifié en dernier par Pourquoipas le 15 nov. 2009, 03:29, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 03:15

Bonjour Pourquoipas,

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
[...] Aristote (dont on sait que Spinoza l'a lu)


Sources (qui est ce "on" ?) ?


Frédéric Manzini.

Livre fort intéressant, qui vient de paraître (Spinoza: une lecture d'Aristote, PUF, Paris, septembre 2009).

Pourquoipas a écrit :"On" sait que Spinoza ignorait le grec car il le dit lui-même dans le TTP, et il ne cite jamais les textes du dit « Nouveau » Testament qu'en latin. S'il « connaît » Aristote, c'est peut-être par des cours de Van der Eiden, plus sûrement par sa lecture de Maïmonide, et aussi par des néo-scolastiques (dont un certain Heerebord de Leyde). Dans sa bibliothèque (en fin de l'éd.-trad. de l'Ethique de Pautrat), sauf erreur, je ne trouve qu'un "Aristoteles, Ars Retorica, ed. P. Victorio Ven. 1548 in fol", qui est un commentaire (bon, t'as qu'à regarder chez Pautrat, p. 641, dans l'éd. Points-Seuil).


On pensait tous comme toi, jusqu'à ce que Manzini a montré qu'il s'agit effectivement d'une erreur.

Si tu ne connais pas le livre, et si cela t'intéresse il suffit de le signaler, et je résume l'essentiel de la découverte (donc de la preuve), sinon tu peux facilement lire les détails toi-même, si tu le préfères, car il l'explique déjà dans l'introduction. Il se fait que Spinoza disposait en réalité des Omnia opera d'Aristote, édition Oporinus, publiée à Bâle, 1548, autrement dit l'édition basileae, et non pas de l'édition publiée à Venise par Petrus Victorius, à laquelle réfère l'édition de Pautrat.

Pourquoipas a écrit :En admettant même qu'il l'ait lu, rien ne nous dit qu'il ait lu le passage que tu cites (d'autant plus que tu cites, sauf erreur, une trad. moderne et française – au cas où il l'aurait lu, il l'aurait lu en latin). Là encore, affirmation péremptoire et vague à souhait.


je crains que tu y ailles un peu trop vite. Pourquoi rejoindre le choeur sur ce forum de ceux qui quand ils n'ont pas immédiatement compris les raisons qui font que quelqu'un écrit x ou y sur ce forum, se lancent déjà dans des tirades et des mises en question de la personne même etc. ... au lieu de demander plus d'explications? Je n'en vois pas l'utilité.

Sinon j'espère que tu as bien compris que l'essentiel de l'argument ne consistait pas du tout dans la référence à Aristote, mais dans l'analyse même du spinozisme: une chose est contraire à une autre en tant qu'elle peut la détruire ou faire diminuer sa puissance, or les essences ne peuvent que convenir entre elles, donc la contrariété ne peut pas faire partie de l'essence même d'une chose. De même, aucune chose n'est mauvaise en soi. Celle qui est contraire à ma nature ne peut donc pas être contraire "en soi" à ma nature. Si tu penses qu'en conclure que la contrariété chez Spinoza n'est qu'un relatif est faux, en quoi penses-tu que je me trompe et pourquoi?

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
[...][ problème soulevé par Pourquoipas, et qui était qu'il semblait que c'est notre cadavre qui est à la fois la cause et l'effet de notre mort, ce qui est absurde. [...]


Pourquoipas n'a jamais dit ça, c'est un autre intervenant qui a proposé l'hypothèse que l'individu que j'appelais B était le cadavre (dans mon interrogation sur le scolie du suicide, je considérais B comme un individu vivant). Je sais qui, mais je te laisse le soin de rechercher toi-même.


merci de ton aide ... :D

il faut savoir que lorsque je dis "le problème soulevé par" il ne s'agit pas d'une citation mot à mot, il s'agit de ma façon de comprendre ce que tu as dit. Ici je référais au fait que tu disais que tu te demandais qui tuait qui, A B, ou B A.

Sinon encore une fois, cela me semble être moins important de restituer tel quel qui a dit quoi (et encore moins de retenir qui a dit quoi), que de comprendre en quoi l'interprétation proposée par chacun d'entre nous peut être correcte ou non. Pourquoi ne nous donner qu'un commentaire sur des détails et non pas sur l'essentiel de mon argumentation même ... ?

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
A vérifier.


Eh ben, vérifie, c'est pas à nous de le faire à ta place !


je suppose que tu ne te sentes pas trop attiré par la Générosité spinoziste ... ? :D

Il va de soi, pour moi, que c'est à nous tous d'essayer de vérifier ce que chacun écrit sur ce forum. Un forum peut être une sorte de "communauté de recherche", où lorsqu'on s'intéresse à une question posée par quelqu'un, on essaie maximalement de trouver la réponse et d'aider chacun à trouver la réponse. Essayer de trouver les erreurs dans les réponses des autres est tout aussi utile pour soi-même que d'essayer de répondre à la question. L'alternative c'est le "chacun pour soi et contre les autres". J'avoue ne pas vraiment en voir l'intérêt ... .

D'ailleurs le "à vérifier" signifie avant tout: "voici où j'en suis pour l'instant, je ne prétends pas avoir trouvé la vérité ultime, toute critique est la bienvenue".

Pourquoipas a écrit :
A Sinusix Louisa a écrit :[...] D'autre part, juste appliquer la "règle d'or" dont parle Pourquoipas à mon sens ne pourra pas résoudre le problème non plus: ce n'est pas en écrivant moins ou en attendant chacun dans son coin qu'on va arriver à mieux comprendre ce que pense et ce que voulait dire l'autre. [...]


Je n'ai pas dit cela : j'ai dit qu'il fallait prendre le temps de réfléchir ne serait-ce qu'un peu à ce que l'autre a dit et de préparer si peu que ce soit ses interventions, de prendre soin le plus possible de vérifier ses références (erreurs toujours possibles) – je n'ai pas dit non plus qu'il fallait attendre chacun dans son coin, j'ai dit qu'il était important de prendre son temps — la méthode par traitement de texte préalable n'en était qu'une parmi d'autres (il y en a aussi une autre, tout aussi efficace : le papier-crayon). Une moyenne est possible entre la réponse au coup par coup et le 77 777 fois 777 fois... C'est juste une question de méthode pour viser à la clarté. Il vaut mieux, en effet, écrire moins, mais des choses claires (sans qu'elles soient pour autant simplistes), que de longs messages fréquents et obscurs.


oui tout à fait d'accord. Mais que peut-on faire plus que d'essayer de faire cela ... ? Et comment vas-tu déterminer si l'autre a pris "suffisamment" de temps avant d'avoir le droit de dire ce qu'il pense ou non ... ?

A mon avis on ne risque de créer des conflits inutiles en s'intéressant à ce genre de chose. On ne mesure pas l'effort de réflexion fait au nombre de lignes que contient un message où au nombre de secondes passées entre un message et un autre.

Pour l'analyse de la démo de l'E4P4 par exemple, il va de soi que j'ai travaillé quelques heures dessus, avec papier-crayon et tout ce que tu veux, avant d'envoyer le résultat à ce forum. Est-ce que cela nous a permis d'en parler? Non.

Est-ce qu'on n'en a pas parlé parce que le schéma de reconstruction que j'ai envoyé deux fois était obscure? J'en doute. Mais c'est toujours possible. Seulement, dans ce cas cela ne sert à rien de s'énerver ou de moraliser ou de s'imaginer qu'avec un peu plus de temps l'autre aurait été capable d'écrire un message immédiatement compréhensible pour tous. C'est beaucoup plus efficace de directement dire ce qu'on comprend et ce qu'on ne comprend pas dans ce que quelqu'un écrit, car seul cela lui permettra de savoir ce qui était clair et ce qui ne l'était pas, ce qu'il faut expliquer autrement et ce qu'on peut laisser tel quel. Si tu penses qu'il y a une erreur dans une référence, par exemple, qu'est-ce qui t'empêche de le signaler et de demander à la personne en question la bonne référence (d'autant plus que tu acceptes l'idée qu'on peut se tromper à ce sujet) ... ?

Enfin, ceci étant dit, j'espère quand même que tu vas nous dire ce que tu trouves du raisonnement même de mon message concernant l'E4P20 (voire - mais là je n'ose même plus espérér - de la reconstruction de la démo de l'E4P4)... . Car finalement ... pourquoi pas... ?

Porte-toi bien,
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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 03:58

Durtal a écrit :
Louisa a écrit :Une mère par exemple est beaucoup plus puissante que son bébé, mais cela ne lui apporte que du bien (au bébé, cela va sans dire).


Mais que voilà un bel argument du "sens commun"si je ne m’abuse.


je pense que tu te trompes en effet. Comme la phrase le dit, il s'agit d'un exemple, donc d'une illustration d'un argument, et non pas d'un argument. Illustrer signifie: prendre non pas une idée du sens commun mais une situation quotidienne que l'on a tous déjà rencontrée au moins une fois, et qui, par le fait d'être plus concrète qu'un argument, a l'avantage de faire plus facilement voir de quoi l'argument parle.

Durtal a écrit :Las, en la circonstance, complètement hors de propos.


ben non, car l'argument était que lorsqu'une chose plus puissante rencontre une chose moins puissante, il n'est pas du tout nécessaire qu'en plus d'avoir une différence de puissance, l'une est contraire à l'autre. Elles peuvent très bien convenir entre elles. L'exemple était donc bel et bien un exemple de l'argument.

Durtal a écrit :En termes Spinozistes on dirait, toutefois, si la mère « n’ apporte que du bien au bébé», qu’ils affirment une même puissance en commun ( voir à ce sujet la très fascinante lettre de Spinoza sur les "prémonitions" qui traite d'un rapport père fils et des effets d'union et d'intégration qui résultent de l'amour filial).


rien ne permet de supposer que la situation décrite par Spinoza dans la lettre 17 à Balling est ce qui selon Spinoza serait ce qui se passe toujours entre père et fils (à part le fait qu'on sait que cette lettre date de 1664, donc bien avant l'Ethique).

Déjà, pour autant que je sache les commentateurs sont d'accord pour dire qu'il s'agit d'un passage très obscur, que personne n'a déjà pu entièrement expliquer. Puis il dit clairement qu'il va parler d'un "cas" semblable à celui de Balling, ce qui suggère que rien ne permet d'extrapoler à toutes les relations père-fils. Le "un père" signifie (à cause du fait qu'il dit explicitement qu'il s'agit d'un "cas") clairement "tel père" et non pas tous les pères en général. Et Spinoza y dit que l'âme du père participe de l'essence idéale du fils. Ce qui signifie qu'il conserve sa propre essence, qu'il ne s'agit pas d'un seul et même être au sens où il n'y aurait plus qu'une seule essence. Ce qui le prouve encore plus, d'ailleurs, c'est le fait que le père n'a absolument pas les mêmes idées que le fils. Il peut seulement prévoir ou plutôt imaginer certaines choses qui découlent de l'essence idéale du fils, et cela que dans certaines conditions très précises.

Enfin, cet exemple, tout comme le cas de Balling lui-même, sert précisément à montrer que le père peut avoir l'idée de la mort du fils avant qu'il ne soit vraiment mort, alors que ce dont nous discutons ici, c'est une proposition qui dit qu'un Esprit ne peut pas contenir l'idée de quelque chose qui exclut sa propre existence (E3P10).

Bref, je ne vois pas en quoi ce passage de la lettre 17 permettrait de réfuter l'idée que pour Spinoza il est possible de concevoir entre une mère et son bébé un lien tel que la chose la plus puissante ne détruit pas la chose moins puissante, mais au contraire l'aide à devenir plus puissante?

Durtal a écrit : Si en effet la mère le hait, et après tout il existe des mères infanticides, elle détruira son fils, et elle le fera certes pour ce que ce bébé n'aura pas la puissance suffisante pour contrecarrer la sienne, et si elle l'aime ( comme c'est le cas le plus ordinaire) le détruire reviendrait à se détruire elle même, pour ce que ce bébé, fait partie intégrante de la puissance d'agir et d'exister qu'elle s'efforce d'affirmer d'elle même et du monde, ce qui à moins d'être disposé par des causes extérieures qui etc...(cf le sujet le suicide) est impossible.


supposons que le cas du père qui aime tellement son fils qu'il participe à son "essence idéale" soit généralisable à tout rapport parent-enfant (ce qui est tout sauf le cas ordinaire, car combien y a-t-il de parents qui rêvent par avance la mort de leur enfant? Ou leurs maladies ... ? Ce serait bien intéressant si tous les parents avaient cette capacité de prévoir les malheurs qui dans le futur arriverront à leurs enfants, car cela permettrait d'éviter pas mal de misère ... :D).

Spinoza dit dans la lettre que dans ce cas le père participe à l'essence idéale de son fils, et non pas que le fils participe de l'essence du père, comme tu le dis ici ... !

Il y dit encore moins que le père qui aime à un tel point son fils meurt quand son fils meurt ... si c'était le cas, on comprend mal comment Balling a pu raconter à Spinoza qu'il avait d'abord rêvé la mort de son fils pour ensuite y avoir assisté réellement ... à moins que tu t'imagines que Balling était une sorte de spectre ayant visité la nuit Spinoza pour lui chuchoter cela dans l'oreil ... :D ? Or même dans ce cas, il faut tenir compte du fait que Spinoza dit qu'il ne s'agit que d'imaginations. Et le fait qu'il a voulu répondre à Balling en écrivant une lettre suggère plutôt qu'il est dans l'idée que ce cher Balling est bel et bien un être "en chair et en os" ... .

Durtal a écrit :Donc loin que Macherey commette sur ce point des "erreurs", j'ai peur que…


c'est y aller trop vite. Si tu avais eu raison (donc si la lettre 17 contredirait ce que je viens de dire d'une mère et son enfant), tu aurais juste montré que l'exemple que j'avais donné n'était pas un bon exemple car n'illustrait pas l'argument que je donnais. Et dans ce cas tu aurais dû t'attaquer à l'argument lui-même avant de pouvoir montrer qu'il serait faux.

Je vois encore moins en quoi ceci pourrait corriger les erreurs de Macherey à ce sujet (tu n'en as même pas parlé ..?). Mais si tu veux discuter de ce qu'écrit réellement Macherey: avec plaisir.

Durtal a écrit :L'axiome IV autour duquel tournent toutes ces considérations, traite expressément non pas des puissances avec lesquelles la mienne peut s'unir, auquel cas il n'en résulte pas une destruction, mais tout le contraire, : un apport de puissance, mais de celles qui me détruisent, ou qui "surpassent" la mienne ( c'est à dire qu'on exclut d'emblée par là, celles avec lesquelles je puis m'unir, lesquelles par définition ne "surpassent" pas ma puissance puisqu’au contraire elle la renforcent, l'augmentent et la secondent).


certes, l'axiome parle de la chose singulière qui peut me détruire.

Mais d'abord il ne parle que d'une chose, alors que Macherey et vous tous sautez dans l'explication de l'E4P4 immédiatement à une infinité de choses qui pourraient me détruire, et ensuite vous transformez allègrement une possibilité (potest, confirmé parfaitement par la démo de l'E4P4, mais aussi en amont par l'E2P31 corollaire) en une nécessité
... :D
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Messagepar Pourquoipas » 15 nov. 2009, 04:42

Louisa a écrit :Bonjour Pourquoipas,

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
[...] Aristote (dont on sait que Spinoza l'a lu)


Sources (qui est ce "on" ?) ?


Frédéric Manzini.

Livre fort intéressant, qui vient de paraître (Spinoza: une lecture d'Aristote, PUF, Paris, septembre 2009).

Pourquoipas a écrit :"On" sait que Spinoza ignorait le grec car il le dit lui-même dans le TTP, et il ne cite jamais les textes du dit « Nouveau » Testament qu'en latin. S'il « connaît » Aristote, c'est peut-être par des cours de Van der Eiden, plus sûrement par sa lecture de Maïmonide, et aussi par des néo-scolastiques (dont un certain Heerebord de Leyde). Dans sa bibliothèque (en fin de l'éd.-trad. de l'Ethique de Pautrat), sauf erreur, je ne trouve qu'un "Aristoteles, Ars Retorica, ed. P. Victorio Ven. 1548 in fol", qui est un commentaire (bon, t'as qu'à regarder chez Pautrat, p. 641, dans l'éd. Points-Seuil).


On pensait tous comme toi, jusqu'à ce que Manzini a montré qu'il s'agit effectivement d'une erreur.

Si tu ne connais pas le livre, et si cela t'intéresse il suffit de le signaler, et je résume l'essentiel de la découverte (donc de la preuve), sinon tu peux facilement lire les détails toi-même, si tu le préfères, car il l'explique déjà dans l'introduction. Il se fait que Spinoza disposait en réalité des Omnia opera d'Aristote, édition Oporinus, publiée à Bâle, 1548, autrement dit l'édition basileae, et non pas de l'édition publiée à Venise par Petrus Victorius, à laquelle réfère l'édition de Pautrat.

Pourquoipas a écrit :En admettant même qu'il l'ait lu, rien ne nous dit qu'il ait lu le passage que tu cites (d'autant plus que tu cites, sauf erreur, une trad. moderne et française – au cas où il l'aurait lu, il l'aurait lu en latin). Là encore, affirmation péremptoire et vague à souhait.


je crains que tu y ailles un peu trop vite. Pourquoi rejoindre le choeur sur ce forum de ceux qui quand ils n'ont pas immédiatement compris les raisons qui font que quelqu'un écrit x ou y sur ce forum, se lancent déjà dans des tirades et des mises en question de la personne même etc. ... au lieu de demander plus d'explications? Je n'en vois pas l'utilité.

Sinon j'espère que tu as bien compris que l'essentiel de l'argument ne consistait pas du tout dans la référence à Aristote, mais dans l'analyse même du spinozisme: une chose est contraire à une autre en tant qu'elle peut la détruire ou faire diminuer sa puissance, or les essences ne peuvent que convenir entre elles, donc la contrariété ne peut pas faire partie de l'essence même d'une chose. De même, aucune chose n'est mauvaise en soi. Celle qui est contraire à ma nature ne peut donc pas être contraire "en soi" à ma nature. Si tu penses qu'en conclure que la contrariété chez Spinoza n'est qu'un relatif est faux, en quoi penses-tu que je me trompe et pourquoi?

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
[...][ problème soulevé par Pourquoipas, et qui était qu'il semblait que c'est notre cadavre qui est à la fois la cause et l'effet de notre mort, ce qui est absurde. [...]


Pourquoipas n'a jamais dit ça, c'est un autre intervenant qui a proposé l'hypothèse que l'individu que j'appelais B était le cadavre (dans mon interrogation sur le scolie du suicide, je considérais B comme un individu vivant). Je sais qui, mais je te laisse le soin de rechercher toi-même.


merci de ton aide ... :D

il faut savoir que lorsque je dis "le problème soulevé par" il ne s'agit pas d'une citation mot à mot, il s'agit de ma façon de comprendre ce que tu as dit. Ici je référais au fait que tu disais que tu te demandais qui tuait qui, A B, ou B A.

Sinon encore une fois, cela me semble être moins important de restituer tel quel qui a dit quoi (et encore moins de retenir qui a dit quoi), que de comprendre en quoi l'interprétation proposée par chacun d'entre nous peut être correcte ou non. Pourquoi ne nous donner qu'un commentaire sur des détails et non pas sur l'essentiel de mon argumentation même ... ?

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
A vérifier.


Eh ben, vérifie, c'est pas à nous de le faire à ta place !


je suppose que tu ne te sentes pas trop attiré par la Générosité spinoziste ... ? :D

Il va de soi, pour moi, que c'est à nous tous d'essayer de vérifier ce que chacun écrit sur ce forum. Un forum peut être une sorte de "communauté de recherche", où lorsqu'on s'intéresse à une question posée par quelqu'un, on essaie maximalement de trouver la réponse et d'aider chacun à trouver la réponse. Essayer de trouver les erreurs dans les réponses des autres est tout aussi utile pour soi-même que d'essayer de répondre à la question. L'alternative c'est le "chacun pour soi et contre les autres". J'avoue ne pas vraiment en voir l'intérêt ... .

D'ailleurs le "à vérifier" signifie avant tout: "voici où j'en suis pour l'instant, je ne prétends pas avoir trouvé la vérité ultime, toute critique est la bienvenue".

Pourquoipas a écrit :
A Sinusix Louisa a écrit :[...] D'autre part, juste appliquer la "règle d'or" dont parle Pourquoipas à mon sens ne pourra pas résoudre le problème non plus: ce n'est pas en écrivant moins ou en attendant chacun dans son coin qu'on va arriver à mieux comprendre ce que pense et ce que voulait dire l'autre. [...]


Je n'ai pas dit cela : j'ai dit qu'il fallait prendre le temps de réfléchir ne serait-ce qu'un peu à ce que l'autre a dit et de préparer si peu que ce soit ses interventions, de prendre soin le plus possible de vérifier ses références (erreurs toujours possibles) – je n'ai pas dit non plus qu'il fallait attendre chacun dans son coin, j'ai dit qu'il était important de prendre son temps — la méthode par traitement de texte préalable n'en était qu'une parmi d'autres (il y en a aussi une autre, tout aussi efficace : le papier-crayon). Une moyenne est possible entre la réponse au coup par coup et le 77 777 fois 777 fois... C'est juste une question de méthode pour viser à la clarté. Il vaut mieux, en effet, écrire moins, mais des choses claires (sans qu'elles soient pour autant simplistes), que de longs messages fréquents et obscurs.


oui tout à fait d'accord. Mais que peut-on faire plus que d'essayer de faire cela ... ? Et comment vas-tu déterminer si l'autre a pris "suffisamment" de temps avant d'avoir le droit de dire ce qu'il pense ou non ... ?

A mon avis on ne risque de créer des conflits inutiles en s'intéressant à ce genre de chose. On ne mesure pas l'effort de réflexion fait au nombre de lignes que contient un message où au nombre de secondes passées entre un message et un autre.

Pour l'analyse de la démo de l'E4P4 par exemple, il va de soi que j'ai travaillé quelques heures dessus, avec papier-crayon et tout ce que tu veux, avant d'envoyer le résultat à ce forum. Est-ce que cela nous a permis d'en parler? Non.

Est-ce qu'on n'en a pas parlé parce que le schéma de reconstruction que j'ai envoyé deux fois était obscure? J'en doute. Mais c'est toujours possible. Seulement, dans ce cas cela ne sert à rien de s'énerver ou de moraliser ou de s'imaginer qu'avec un peu plus de temps l'autre aurait été capable d'écrire un message immédiatement compréhensible pour tous. C'est beaucoup plus efficace de directement dire ce qu'on comprend et ce qu'on ne comprend pas dans ce que quelqu'un écrit, car seul cela lui permettra de savoir ce qui était clair et ce qui ne l'était pas, ce qu'il faut expliquer autrement et ce qu'on peut laisser tel quel. Si tu penses qu'il y a une erreur dans une référence, par exemple, qu'est-ce qui t'empêche de le signaler et de demander à la personne en question la bonne référence (d'autant plus que tu acceptes l'idée qu'on peut se tromper à ce sujet) ... ?

Enfin, ceci étant dit, j'espère quand même que tu vas nous dire ce que tu trouves du raisonnement même de mon message concernant l'E4P20 (voire - mais là je n'ose même plus espérér - de la reconstruction de la démo de l'E4P4)... . Car finalement ... pourquoi pas... ?

Porte-toi bien,
L.



— Pour Manzini, j'irai jeter un oeil dans une librairie quelconque quand j'en trouverai le temps. Si tu as raison, je ne verrai aucun problème à le dire.
— C'est l'affirmation dont je disais qu'elle était "péremptoire et vague", pas toi. Je te signale que, dans le message où je critiquais ta méthode, j'ai souligné en gras des qualités chez toi, que je trouvais que tu n'exploitais pas assez. A part ça, je n'appartiens à aucun club ou choeur, ni pro-Louisa, ni anti-Louisa (ni plus généralement à aucun groupe que ce soit). Tu n'es ni la reine de ce forum, ni sa victime, tu es une participante parmi les autres (un peu plus diserte, ça oui !), ni plus ni moins. Et je ne suis ni un flatteur ni un critiqueur systématique.
— La générosité ne consiste pas à faire tout le boulot à la place des autres quand ils peuvent le faire eux-mêmes sans grosse difficulté. Il me semble que par le passé je t'ai rendu quelques services de temps à autre, concernant renseignements, références et trucs dans le genre, non ? Un peu lourd, ce chantage à l'égoïsme !
— Quant à ton histoire de la IV 20, je viens de la lire rapidement et je ne me souviens plus du tout où tu as pu en parler (rechercher son utile propre = vertu, négliger son utile propre = impuissance, c'est bien de ça qu'il s'agissait ?)...
Mais je viens de m'apercevoir que bien évidemment, il s'agissait du scolie : je t'ai dit qu'un de ces jours, je le reprendrai tout entier, car après avoir réaffirmé et insisté lourdement sur ce qu'il a dit dans la proposition, il commence non pas par le suicide, mais par l'anorexie ou la grève de la faim...
— Pour la IV 4, je m'en occuperai à ma façon, c'est-à-dire moi tout seul avec le texte de l'Éthique, un de ces jours, mais sans la diviser en W, Y, Z, Z1, Z2, etc. Puisque je suis un être sans générosité et pas partageux pour deux ronds. Et qui, entre deux messages, a aussi à gagner de quoi bouffer, et quelques autres petites choses à assurer.
— La patience, t'as jamais entendu causer ?

Le vieil ours te salue bien bas.

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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 05:37

Pourquoipas a écrit :— Pour Manzini, j'irai jeter un oeil dans une librairie quelconque quand j'en trouverai le temps. Si tu as raison, je ne verrai aucun problème à le dire.


Manzini a écrit :(...) précisons d'abord comment nous pouvons aujourd'hui avoir la certitude que l'édition Basileae est bien celle qui était possédée par Spinoza. Nous savons, grâce à la recension de sa bibliothèque qui fut faite à la morte du philosophe par le libraire J. Rieuwertsz et le notaire W. Van den Hove, que Spinoza possédait d'Aristote un in-folio noté: "Aristoteles 1548. vol.2". Servaas Van Rooijen, qui fut l'éditeur du manuscrit de cette recension, a cru reconnaître une édition de la Rhétorique publiée à Venise par Petrus Victorius mais, comme l'a pressenti Freudenthal, il s'est trompé. La preuve nous est fournie par le passage des Cogitata Metaphysica dans lequel Spinoza se demande s'il convient de dire de Dieu qu'il a la vie qu'il est la vie :

(... ) [citation du texte latin en question, CM II, 6 §1, avec référence à Aristote, Métaphysique livre 11 ch. 7, plus citation, louisa]

Le renvoie qui concerne la Métaphysique ne peut manquer de dérouter le lecteur puisque le chapitre 7 du livre XI, c'est-à-dire du livre K, ne traite en aucune façon de la vie. En revanche, comme certains éditeurs l'ont remarqué, il en est question dans un passage du chapitre 7 du livre XII, c'est-à-dire du livre Lambda. Or si nous nous reportons aux lignes 14 à 20 de la page 467 du tome 3 (vol.II) de l'édition Basileae, qui traduisent le livre XII de la Métaphysique, nous trouvons:

(...) [citation en latin; même phrase que celle citée par Spinoza, louisa]

Mais dans la mesure où la citation faite par Spinoza est littéralement exacte, pourquoi celui-ci se réfère-t-il au livre XI plutôt qu'au livre XII? C'est précisément cette erreur qui s'avère si instructive, car elle est en réalité imputable ... à l'édition elle-même, Spinoza n'ayant fait que la reproduire par inadvertance. En effet, l'en-tête de la page 467 indique de façon erronée "LIB.XI" alors qu'il s'agit bien du livre XII, comme en réalité toutes les en-têtes qui correspondent au livre Lamda oublient d'indiquer "LIB. XII." en passant directement de "LIB.XI" (pour les livres XI et XII) à "LIB.XIII" (pour le livre XIII). Le fait qu'elle corresponde à l'indication "Aristoteles. 1548. vol.2" ajouté à l'exactitude de la référence et à la présence de la coquille prouvent que l'édition de Bâle est effectivemetn celle que possédait et consultait Spinoza, au moins dès l'époque de la rédaction des Cogitata Metaphysica.

(...)

Le simple fait que Spinoza ait pris le soin de lire Aristote dans son propre texte est pourtant la preuve qu'il a éprouvé pour lui une curiosité et sans doute une considération particulière qui se situent au-delà de ce que sa critique assez convenue de l'aristotélisme pourrait laisser supposer et donc il faut maintenant mesurer la portée: c'est cette tâche que nous nous sommes assignés dans le présent ouvrage. Qu'il ait possédé, en outre, une édition complète des Oeuvres d'Aristote nous obligeait à une étude qui, elle aussi, se devait de couvrir l'ensemble des champs de la philosophie (...). C'est seulement à ce prix que nous serons en mesure de dégager, comme le veut Bergson, "derrière la lourde masse des concepts apparentés au cartésianisme et à l'aristotélisme, l'intuition qui fut celle de Spinoza".


A ce sujet il me semble que la question n'est pas tellement de savoir si moi j'ai raison ou non, puisque je ne fais que citer Manzini, la question est de savoir si lui il a raison ou non. De prime abord, il me semble que oui, mais je ne suis absolument pas expert en la matière, donc si tu l'es et tu trouves une erreur dans son raisonnement, je te remercie déjà de nous en faire part.

En attendant, encore une fois, c'était moins la référence à Aristote qui était importante dans ce que je disais, que ce que je disais de la notion de contrariété chez Spinoza.

Pour la suite de ton message: je réponds par MP, qui me semble être l'endroit le plus approprié pour des discussions qui ne portent pas sur Spinoza lui-même.
Porte-toi bien,
L.

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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 07:42

Bonjour Sinusix,

voici enfin une réponse à la deuxième partie de votre message:

Sinusix a écrit :Quant à la Religion, et je ne crois pas que Spinoza ait eu une autre ambition, j'ai parlé d'antidote, ce qui est certes une forme de combat (comme l'a fait Spinoza) contre la forme d'obscurantisme inhérente à toute religion, qui repose sur des croyances et non sur le maniement de la raison (il n'est que de voir, malgré la puissance de la Pensée qu'ils ont développée, les contorsions de raisonnement auxquelles se sont employés certains Philosophes, tous ceux les plus éminents de la période "non laïque" de la Philosophie, enfermés qu'ils étaient dans leur obligation d'honorer leur Dieu Créateur du Ciel et de la Terre).


non je ne pense pas que ceci soit correcte. Il dit plutôt que l'essence même de toute religion, ce qu'il appelle la religio vera, la vraie religion, est quelque chose de très simple et que la raison elle aussi recommande: la Charité.

Il dit cela dans le TTP. Mais on peut aussi penser à l'Ethique, où il parle aussi de religion. Il dit par exemple dans l'E4P37 scolie:

"(...) tout ce qui est désir et action dont nous sommes la cause en tant que nous avons l'idée de Dieu, autrement dit en tant que nous connaissons Dieu, je le rapporte à la Religion."

Or on sait que le troisième genre de connaissance c'est faire exactement cela: rapporter tout à Dieu. Donc son idée de la Béatitude ou de la Liberté est bel et bien "religieuse". Seulement, il ne faut surtout pas comprendre ici par "religion" tout ce que les religions concrètes ont pu causé de mal dans le monde (et on sait que cela, c'est énorme ...). Il faut juste associer à ce mot ce que Spinoza dit lorsqu'il le définit.

Ceci est donc un bon exemple de comment en philosophie on peut changer le sens même d'un mot. Car comment oublier, par exemple, l'inquisition? Ou le fait que l'Eglise catholique ne s'est pas vraiment opposée à la Shoah?

Dès qu'on adopte la définition spinoziste de la religion, on doit se dire qu'en faisant cela, ces gens faisaient tout sauf quelque chose qui avait à voir avec la vraie religion. Ils se livraient tout simplement à des jeux de pouvoir etc., comme n'importe quel homme peut le faire. Qu'en même temps ils appartenaient au clergé n'y change rien.

De même, dans le TTP Spinoza ne demande pas d'abolir la religion, il demande juste de séparer radicalement la philosophie et la théologie, donnant à la philosophie et à ce qu'aujourd'hui on appelle la science le privilège de l'étude de la vérité, et à la théologie le domaine de cette activité humaine qui consiste à apprendre à rapporter tout à Dieu selon l'imagination propre de tels ou tels gens.

Or à mon sens vous avez tout à fait raison de dire que quelque part il y a un combat très radical chez Spinoza à ce sujet. Mais ce n'est pas un combat contre ce qu'il appelle la vraie religion (celle qui se démontre par la raison, et celle qui en même temps constitue le seul vrai message de la Bible, du moins si l'on étudie la Bible selon la méthode "scientifique" qu'il préconise), c'est plutôt un combat contre l'intolérance de certains, qui utilisent la religion ou l'Ecriture sainte dans le but principal d'interdire à d'autres de lire le texte différemment, voire de les tuer s'ils veulent le lire différemment. Car si la seule chose parfaitement "rationnelle" dans toute religion, c'est la Charité, alors tout ce qui dépasse cela est purement "imaginaire". Cela peut être très utile (comme vient de le montrer Captain-Troy, s'imaginer Dieu comme un homme barbu a comme grand avantage de pouvoir vraiment comprendre qu'on est quelque part divin nous aussi, ce que la "raison" (au sens spinoziste) nous dit aussi), mais cela peut aussi devenir très dangereux lorsqu'on fait comme si ce qui n'est qu'imagination serait la seule Vérité, et qu'il faudrait poursuivre comme "ennemis de Dieu", comme le dit Spinoza, ceux qui interprètent la Bible différemment.

Sinusix a écrit :Autrement dit, la Philosophie se dévoie lorsqu'elle se transforme en Théologie ; elle reste dans son "rôle", en revanche, lorsqu'elle s'intéresse au phénomène religieux, en tant que d'aucuns (pas forcément dupes de leurs arrières pensées) le considèrent comme constitutif de la "nature humaine", ce qui n'est pas, vous vous en doutez, mon cas.


je ne pense pas non plus que le phénomène religieux, au sens ordinaire du terme, est "constitutif de la nature humaine". Et je ne crois pas non plus que Spinoza pense cela, puisque justement, ce qu'il appelle la "vraie religion", cela ne fait pas du tout partie de la nature humaine, c'est plutôt quelque chose qu'il faut apprendre. Et en effet, le but même du TTP c'est de séparer philosophie et théologie.

Mais ce n'est quelque part tout de même pas si simple que cela, puisqu'après avoir dit ça, Spinoza écrit un livre de philosophie (l'Ethique) où il ne fait que parler de Dieu ... .

Sinusix a écrit :D'où d'ailleurs la précaution qu'il m'arrive de prendre, et je ne suis pas le seul, quand je m'intéresse à un auteur qui n'en fait pas l'annonce préalable, de connaître son "engagement" religieux éventuel (ce qui peut inclure un anticléricalisme viscéral), afin de devoir éventuellement décrypter sa pensée (voir à ce sujet les critiques qu'a reçues René Girard de la part de ceux qui ont suspecté la "téléologie" associée à son splendide livre : La Violence et le Sacré).

J'ose espérer, mais j'en doute parfois, que vous ne nous avez pas caché des a priori très respectueux de la religion, lesquels pourraient vous conduire, inconsciemment, à canaliser certains raisonnements dans le bob sens.


voici ce que je pense à ce sujet:

- Spinoza a raison de rappeler que l'essence même de toute religion est tout à fait simple, et consiste en quelque chose qu'on peut comprendre aussi par la raison, ce qui signifie que les "athéistes" ne sont absolument pas par définition moins "moraux" voire "amoraux", comme le prétendent encore pas mal d'Américains aujourd'hui, tandis qu'il ne suffit pas du tout de suivre dans la pratique les prescriptions d'une religion (aller à la messe une fois par semaine etc.) pour être réellement religieux au sens spinoziste du terme. Y a-t-il une grande hypocrisie chez pas mal de religieux? Oui. Y a-t-il une superstition totalement ridicule chez pas mal de religieux? Oui. Faut-il combattre cela? Oui, d'urgence.

- or rappeler le noyau "vrai" de toute religion, c'est aussi rappeler, comme le fait aujourd'hui sans cesse le président américain, que les religions peuvent être et ont été dans le passé une grande force extrêmement positive et constructive. Et là je pense que l'intolérance vis-à-vis de la religion (plus précisément vis-à-vis de l'islam) comme on le voit aujourd'hui en France ou en Occident en général est très dangereuse, et doit elle aussi être combattue, comme le fait Obama (qui dit être croyant, mais personnellement je pense qu'il est athée). Car l'attitude la plus rationnelle, c'est de reconnaître qu'on n'a pas pu prouver scientifiquement l'existence d'un Dieu, mais surtout aussi qu'on n'a pas pu prouver scientifiquement qu'il n'existe pas. L'intolérance par rapport aux religions vient du fait qu'on s'imagine que ne pas avoir prouvé l'existence de Dieu suffit pour déclarer faux son existence, ce qui est une attitude tout sauf scientifique ou rationnelle. C'est donc une attitude tout aussi superstitieuse que celui qui pense que l'existence de Dieu est scientifiquement prouvée. Et combattre les religions au nom d'une telle intolérance est tout aussi ridicule que de combattre les athéistes au nom de l'une ou l'autre religion.

- personnellement j'ai eu une éducation catholique, c'est-à-dire jusqu'à mes 18 ans j'étais dans l'enseignement catholique (après plus), j'ai une mère qui croit mais sans pratiquer de manière systématique, et un père qui est athéiste et qui déteste violemment tout ce qui a à voir avec l'Eglise. J'ai été très croyante jusqu'à mes 13 ans, puis plus du tout, puis de nouveau à mes 16 ans, pour abandonner définitivement toute croyance en un dieu chrétien et en n'importe quelle religion à partir de mes 17 ans. Aujourd'hui je ne pratique plus aucune religion. Mais c'est notamment Spinoza qui m'a appris à valoriser de nouveau les religions (ensemble avec Obama, il faut bien le dire), non pas telles qu'elles sont, mais en leur "noyau", tel que l'expliquent leurs textes sacrés (ce qui n'implique en rien nier toutes les atrocités qui ont été commises en leur nom), et à combattre aussi bien tout sectarisme religieux que tout sectarisme antireligieux. Et je dois dire que le dieu spinoziste quelque part m'attire. Mais je ne suis pas encore entièrement convaincue (voir à ce sujet la discussion intéressante qui se déroule pour le moment sur ce forum entre Maymay, Sescho et Hokousai, et où j'interviendrai peut-être).

Voilà, les cartes sont sur table ... vous pouvez en faire ce que vous voulez ... :D
Amicalement,
L.

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Messagepar hokousai » 15 nov. 2009, 10:16

J'estime l' intervention de C162 ( du moins le texte qu'il cite) comme assez symptomatique un problème X .
( l'intervention de C162 est pertinente )

Ce problème X n'est pas sans rapport avec le problème qui nous a tenu depuis quelque jours sur ce fil .

Parce qu' à l'évidence ça ne coule pas de source et ainsi qu' il semble observable que certaines causes internes aient contribué par exemple à la dissolution de l' URSS...
comment peut- on se situer par rapport à Spinoza s' il prouve que certaines sociétés ne peuvent être transformés par aucunes causes internes .

Sinon et déjà comment le comprendre ?

L' ayant compris ( si c'est possible ) cela suffit- il à emporter l' adhésion ?
.........................................................................................................
Je soulève ma question ..mais un autre fil pourrait être ouvert me semble- t-il à partir de l'intervention de C162
Modifié en dernier par hokousai le 15 nov. 2009, 12:51, modifié 1 fois.

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Messagepar Pourquoipas » 15 nov. 2009, 11:43

hokousai a écrit :J'estime l' intervention de C162 ( du moins le texte qu'il cite) comme assez symptomatique un problème X .
( l'intervention de C162 est pertinente )

Ce problème X n'est pas sans rapport avec le problème qui nous a ténu depuis quelque jours sur ce fil .

Parce qu' à l'évidence ça ne coule pas de source et ainsi qu' il semble observable que certaines causes internes aient contribué par exemple à la dissolution de l' URSS...
comment peut- on se situer par rapport à Spinoza s' il prouve que certaines sociétés ne peuvent être transformés par aucunes causes internes .

Sinon et déjà comment le comprendre ?

L' ayant compris ( si c'est possible ) cela suffit- il à emporter l' adhésion ?
.........................................................................................................
Je soulève ma question ..mais un autre fil pourrait être ouvert me semble- t-il à partir de l'intervention de C162


Bonjour Hokusaï,

Eh bien si C162 veut causer politique, et plus généralement des rapports entre l'interne et l'externe, qu'il l'ouvre ce nouveau fil !

Bien à vous

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Messagepar Pourquoipas » 15 nov. 2009, 12:17

Louisa a écrit :
Pourquoipas a écrit :— Pour Manzini, j'irai jeter un oeil dans une librairie quelconque quand j'en trouverai le temps. Si tu as raison, je ne verrai aucun problème à le dire.


Manzini a écrit :(...) précisons d'abord comment nous pouvons aujourd'hui avoir la certitude que l'édition Basileae est bien celle qui était possédée par Spinoza. Nous savons, grâce à la recension de sa bibliothèque qui fut faite à la morte du philosophe par le libraire J. Rieuwertsz et le notaire W. Van den Hove, que Spinoza possédait d'Aristote un in-folio noté: "Aristoteles 1548. vol.2". Servaas Van Rooijen, qui fut l'éditeur du manuscrit de cette recension, a cru reconnaître une édition de la Rhétorique publiée à Venise par Petrus Victorius mais, comme l'a pressenti Freudenthal, il s'est trompé. La preuve nous est fournie par le passage des Cogitata Metaphysica dans lequel Spinoza se demande s'il convient de dire de Dieu qu'il a la vie qu'il est la vie :

(... ) [citation du texte latin en question, CM II, 6 §1, avec référence à Aristote, Métaphysique livre 11 ch. 7, plus citation, louisa]

Le renvoie qui concerne la Métaphysique ne peut manquer de dérouter le lecteur puisque le chapitre 7 du livre XI, c'est-à-dire du livre K, ne traite en aucune façon de la vie. En revanche, comme certains éditeurs l'ont remarqué, il en est question dans un passage du chapitre 7 du livre XII, c'est-à-dire du livre Lambda. Or si nous nous reportons aux lignes 14 à 20 de la page 467 du tome 3 (vol.II) de l'édition Basileae, qui traduisent le livre XII de la Métaphysique, nous trouvons:

(...) [citation en latin; même phrase que celle citée par Spinoza, louisa]

Mais dans la mesure où la citation faite par Spinoza est littéralement exacte, pourquoi celui-ci se réfère-t-il au livre XI plutôt qu'au livre XII? C'est précisément cette erreur qui s'avère si instructive, car elle est en réalité imputable ... à l'édition elle-même, Spinoza n'ayant fait que la reproduire par inadvertance. En effet, l'en-tête de la page 467 indique de façon erronée "LIB.XI" alors qu'il s'agit bien du livre XII, comme en réalité toutes les en-têtes qui correspondent au livre Lamda oublient d'indiquer "LIB. XII." en passant directement de "LIB.XI" (pour les livres XI et XII) à "LIB.XIII" (pour le livre XIII). Le fait qu'elle corresponde à l'indication "Aristoteles. 1548. vol.2" ajouté à l'exactitude de la référence et à la présence de la coquille prouvent que l'édition de Bâle est effectivemetn celle que possédait et consultait Spinoza, au moins dès l'époque de la rédaction des Cogitata Metaphysica.

(...)

Le simple fait que Spinoza ait pris le soin de lire Aristote dans son propre texte est pourtant la preuve qu'il a éprouvé pour lui une curiosité et sans doute une considération particulière qui se situent au-delà de ce que sa critique assez convenue de l'aristotélisme pourrait laisser supposer et donc il faut maintenant mesurer la portée: c'est cette tâche que nous nous sommes assignés dans le présent ouvrage. Qu'il ait possédé, en outre, une édition complète des Oeuvres d'Aristote nous obligeait à une étude qui, elle aussi, se devait de couvrir l'ensemble des champs de la philosophie (...). C'est seulement à ce prix que nous serons en mesure de dégager, comme le veut Bergson, "derrière la lourde masse des concepts apparentés au cartésianisme et à l'aristotélisme, l'intuition qui fut celle de Spinoza".


A ce sujet il me semble que la question n'est pas tellement de savoir si moi j'ai raison ou non, puisque je ne fais que citer Manzini, la question est de savoir si lui il a raison ou non. De prime abord, il me semble que oui, mais je ne suis absolument pas expert en la matière, donc si tu l'es et tu trouves une erreur dans son raisonnement, je te remercie déjà de nous en faire part.

En attendant, encore une fois, c'était moins la référence à Aristote qui était importante dans ce que je disais, que ce que je disais de la notion de contrariété chez Spinoza.

Pour la suite de ton message: je réponds par MP, qui me semble être l'endroit le plus approprié pour des discussions qui ne portent pas sur Spinoza lui-même.
Porte-toi bien,
L.


Donc acte. J'irai jeter un oeil sur ce Manzini, et si ça vaut le coup, je l'achèterai. Mais pourquoi t'as pas dit tout ça tout de suite (au lieu d'un "on sait que...") ? Ç'eût été plus simple : tu aurais dû citer tout ça dès le début, ça m'aurait évité de perdre mon temps à farfouiller chez Moreau, puis chez Gebhardt (et chez Curley), etc. ?
Suis pas omniscient, moi !

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Messagepar Pourquoipas » 15 nov. 2009, 13:01

Durtal a écrit :
Pourquoipas a écrit :
1) Il y a un corps A, constitué d'un rapport précis ou certain (certus) de mouvement et de repos.
2) Comme il se doit, il y a une idée que Dieu a de ce corps, idée qui est l'âme (mens) de ce corps. On a donc un corps A et une âme A (la même chose considérée sous deux attributs).
3) Spinoza envisage l'hypothèse que des causes extérieures au corps A (non connues de nous, mais pas de Dieu bien sûr) affectent ce corps A et son imagination de telle sorte qu'il change de nature (le rapport mouvement-repos n'est plus le même) : on peut alors l'appeler corps B, dont il est précisé qu'il est contraire au corps A.
4) Donc de ce corps B, Dieu a aussi une idée, qui est l'âme B.
Jusque-là, tout semble OK.
Mais voici qui me semble problématique (si j'ai bien compris) : il ne peut y avoir idée de ce corps (B) dans l'âme A, puisqu'elle l'exclut et lui est contraire (selon la III 10, précise Spinoza). Ma question est celle-ci : puisque le corps A est devenu le corps B (tout en restant apparemment le même), pourquoi l'âme A n'est-elle pas devenue elle aussi simultanément l'âme B ?
Car, puisqu'il s'agit ici de ce qu'on appelle « suicide » ou disons « auto-meurtre », le corps ne s'est pas dédoublé en deux corps A et B : il est resté le même. Et qui tue qui ? A tue B ou B tue A ?
Je dois dire que là je suis perdu.


Salut PourquoiPas, .

Je pense qu’une partie de la difficulté dont tu fais état provient de ce que tu estimes qu’en IV,20 scol. Spinoza aurait l’intention de rendre compte du suicide en termes de causes internes à l’individu, comme si le suicide était un type de la contrariété entre choses mais qui à la différence des autres cas de destruction, dans lesquels la contrariété se distribue entre deux choses différentes, extérieures l’une à l’autre, serait ici transposée à l’intérieur d’une seule et même chose, d’où des paradoxes.

Le problème pour ce qui me concerne est que l’explication du scolie « sur le suicide » (IV,20 scol.), n’entérine pas du tout, je crois, une hypothèse de ce genre. Elle vise au contraire à écarter cette explication (je veux dire : celle du suicide comme une sorte d’« auto-meurtre » pour reprendre ton expression), qui est évidemment l’objection la plus forte à laquelle Spinoza doit faire face compte tenu de ce qu’implique la proposition IV, 20 (dont c’est le scolie), savoir : qu’aucun homme n’a le pouvoir de se nuire à lui-même.

C’est pour cette raison qu’il commence par donner pour des cas de « suicide », des exemples dont il est bien difficile d’admettre qu’ils constituent des cas obvies et paradigmatiques de ce que nous appelons « suicide »: le combattant qui voit le glaive qu’il tient à la main retourné contre lui-même par son adversaire, et Sénèque forcé par Néron de s’ouvrir les veines. Bien entendu « techniquement parlant », et c’est sur cet aspect des exemples que Spinoza veut attirer l’attention, dans les deux cas les individus se « donnent la mort à eux-mêmes ». En effet le premier périt par sa propre main, le second par sa propre volonté, mais aussi dans les deux cas, les opérations de la main ou de la volonté, sont des effets d’une cause extérieure plus puissante : la force physique de l’adversaire dans le premier cas, la volonté de Néron dans le second. Le geste du combattant par lequel il meurt son propre glaive dans le flanc, ou les ordres que Sénèque donne à ses serviteurs de lui ouvrir les veines, ont pour cause non la puissance propre du combattant vaincu ou celle de Sénèque, mais la puissance des causes extérieures décrites qui « contrôlent » les premières. On pourrait exprimer la chose de la façon suivante: bien qu’ils soient incontestablement les instruments de leur propre destruction ils n’en sont pas pour autant les causes. Et c’est cela que Spinoza entend illustrer à l’aide de ces exemples au premier abord assez bizarres.

Et chaque individu qui se donne la mort le fait de la même manière, comme une sorte de « pantin » qui est « agi » du dehors par une ou plusieurs autres. Dépossédé qu’il est de sa propre puissance il n’est donc pas lui-même la cause des opérations par lesquels il périt quand bien même il en serait le siège. Donc nul besoin en fait pour rendre compte qu’un homme se donne la mort, d’expliquer comment il peut être à la fois et sous le même rapport l’agent et le patient, parce qu’une telle chose n’arrive pas (celui qui se donne la mort le fait pour ce qu’il est entièrement réduit à l’impuissance, à la passivité, donc entièrement sous la coupe d’une autre puissance) et le suicide se ramène à un cas particulier et plus subtil que les autres (les causes sont inconnues et cachées) de destruction par l’effet de causes extérieures.

Probablement que Spinoza pense ici à quelque chose comme la maladie mentale, l’esprit du suicidé est délité, désorganisé, désuni, de sorte qu’il n’est plus l’agent de ses propres opérations, et donc à la lettre il est toujours plus « suicidé » par autre chose qu’il ne « se » suicide lui-même.

Quoiqu’il en soit la contradiction est toujours entre ce corps A et une ou plutôt (très probablement ici) une multitude de causes agissantes B différentes de lui, qui forcent les parties de A ou les parties de ces parties, à agir selon les lois des natures des n choses B qui sont les causes de sa destruction, lois qui sont incompatibles à terme avec le maintien dans l’existence de A.

Si donc les causes inconnues affectant l’imagination dont il est question à la fin sont des causes externes au corps A, c'est-à-dire qu’elles ne proviennent pas de la causalité propre à A, alors ne se pose plus la question de savoir comment il peut se faire qu’il y a quelque chose faisant partie de A qui détruit A. Ou pour le dire plus simplement : Spinoza n’est pas en train d’expliquer que sous l’influence des causes extérieures, il se fait que le corps adopte une nature contradictoire ou une nature « double » comme si son intention était de rendre compte, finalement de la possibilité de l’autodestruction, alors qu’elle est au contraire, de réaffirmer son impossibilité face à un cas (il existe des hommes qui se donnent la mort) qui contredisait apparemment la thèse qu’il soutient. Et il entend disposer de cette objection en faisant valoir que tout comme pour l’affirmation du libre arbitre, (c’est le même argument), dès que nous ne percevons plus les causes ( parce qu’elles sont trop nombreuses et complexes) qui déterminent un homme à agir ( par exemple à se tuer) nous plaçons fautivement cette cause en lui, et sommes prêts à admettre -ce qui est le comble de l’absurdité pour Spinoza- qu’il peut suivre de la puissance d’agir et d’exister d’un homme, « considérée seule », sans rien d’autre, que cet homme est détruit.

D.


Merci de ton message, Durtal, qui au moins porte sur l'essentiel, et que j'ai failli oublier à cause de nombreuses interventions depuis ton mot, et superficielles par rapport à ce que tu dis.
Pour le moment, pas encore prêt à te répondre (car là faut que que pas mal de neurones soient opérationnels et au mieux de leur forme), mais t'inquiète, j'y reviendrai, sur ce foutu sujet !
Car, pour élargir la question du suicide, va bien falloir s'y affronter, à cette redoutable question de l'intérieur-extérieur chez notre Maudit Lépineux (je poserai bien la question, de manière plus générale, de la façon suivante : quel est le découpage des choses singulières dans l'entendement divin ? Un bon gros et solide rocher de granit sur la côte bretonne devient, au fil du temps, un ensemble de galets plus ou moins lisses, puis du sable... Ce rocher, chaque galet, chaque grain de sable constitue-t-il un individu, une chose particulière extérieure aux autres ? Franchement, je trouve que chez Spinoza il n'y a pas de pensée de l'évolution des choses dans la durée ou dans l'espace, ni de la sexualité (il en parle, oui, mais comme désir individuel, pas tellement comme cause de la procréation), ni du passage de l'enfance à l'âge adulte puis à la vieillesse, etc.
J'arrête là car je dévie quelque peu du sujet, et faut que j'aille m'aérer un peu.

A bientôt et merci, heureux ami de Carhaix, sonneur de cloches à Saint-Sulpice (et amateur de messes noires et de Messire Gilles de Rais ??? :-D).

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