L'essence et la substance

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar Miam » 18 mars 2010, 16:20

Dans aucune de ces citations il est écrit que l'essence de l'homme est constituée d'un mental et d'un corps. L'essence de l'homme disions-nous. Pas l'homme. D'un esprit et d'un corps, disions-nous. Pas des modifications des attributs ou des modes de penser. Il faut être précis.
Le chien est également constitué d'un mental et d'un corps. Pas l'essence du chien. Ni l'essence de l'homme. Sans quoi l'essence du chien serait la même que l'essence de l'homme.

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Messagepar hokousai » 18 mars 2010, 17:00

je suis d'accord avec Louisa quand elle dit

Je pense qu'il est difficile de nier que chez Spinoza les attributs appartiennent à l'essence de la substance. Prenons par exemple la démo de l'E1P19:

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Messagepar Miam » 18 mars 2010, 20:29

Et où lisez-vous cela ?
Il est écrit que les attributs apartiennent à la substance (infiniment infinie ici), c'est à dire à son être infiniment infini. Maisil n'est écrit nulle part que les attributs appartiennent à l'essence de la substance, essence qui est seulement infinie (et partant éternelle, et existant nécessairement) et non pas infiniment infinie. Par contre on lit bien que l'éternité appartient à la nature de la substance (ou à son essence, ici c'est idem).
Comment pouvez-vous croire que lorsque Spinoza écrit "substance" et "essence de la substance", cela signifie la même chose ? Vous croyez qu'il ajoute des mots juste pour s'amuser ? Ou préfèrerez-vous penser que c'est votre lecture qui est superficielle ?
Appartient à l'homme un mental et un corps. Cela appartient au chien aussi et même à la pierre. Mais ce qui appartient à l'essence de l'homme, du chien ou de la pierre, je vous mets au défi de me le dire. Si vous y réussissez je vous promets de vous lêcher les pieds.

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Messagepar Miam » 18 mars 2010, 22:19

Pour Louisa.

Lorsque Spinoza écrit que quelque chose enveloppe, constitue, ou appartient à Dieu ou à la Substance, il s'agit de l'être de la Substance.
Il en va autrement lorsqu'il emploie ces mêmes verbes avec pour objet l'essence de la Substance.
Pourquoi ?
Parce qu les attributs "concourent" (competunt) à l'être de la Substance (I 9, 10s et 11s) : cela veut dire que plus il y a d'attributs, plus de l'être est livré à la substance. Par conséquent l'étant (ens) (I D6) doit être une substance constituée d'une infinité d'attributs.
En revanche, quoiqu'ils soient chacun une essence différente, les attributs constituent l'essence de la substance de sorte que, qu'il y ait un attribut, deux ou plus, cela ne change rien à l'essence de la substance. Ele ne sera pas plus essence s'il y a plus d'attributs. Elle sera toujour infinie de même que chaque attribut - alors que la substance elle-même sera infiniment infinie si une infinité d'attributs la constituent (ou lui appartiennent, ici c'est idem, mais ici seulement).
Et pourquoi cela ? parce qu'il y ait un attribut, ou deux ou plus, ce qui appartient à l'essence de la substance seront toujours l'infinité, l'éternité ou existence infinie et la nécessité (= modes d'exister de la substance).

Bref : il y a trois constitution par les attributs.
Une cumulative : la constitution de la substance elle-même ou de son être.
Une non cumulative unificatrice : l'essence de la substance, et ceci bien que chaque attribut soit une essence différente des autres attributs.
Une non cumulative tout court : l'existence (infinie) et les modes d'exister, dans la mesure où tous les attributs livrent ce qui leur appartient à chacun, à savoir l'infinité, l'existence, l'éternité et la nécessité qui, elles, appartiennent à l'essence de la substance.

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Messagepar Miam » 18 mars 2010, 23:39

Enfin : pour être exact il y a non pas trois constitutions par les attributs mais trois "livraisons" de quelque chose par les attributs à la Substance.
Une cumulative : la constitution de (l'être de) la Substance.
Une non cumulative unificatrice : la constitution de l'essence par les attributs.
Une non cumulative tout court : la livraison des modes d'exister de la substance qui appartiennent à l'essence de la substance parce que les attributs constituent cette essence.

Vous voyez : quand on va trop vite on ne peut s'empêcher de confondre constituer et appartenir à là où les significations de ces deux termes doivent être distingués.

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Messagepar hokousai » 18 mars 2010, 23:48

à miam

appartient à l ‘essence ce sans quoi la chose et inversement ce qui sans le chose ne peut ni être ni se concevoir

Si on montre que sans l’attribut la substance ne peut se concevoir alors l’attribut appartient à l’essence de la substance .

Or Spinoza dit que plus la chose a de réalité ou d être plus il y a d attribut qui lui appartiennent.
ce qui veut dire pour moi que sans attribut il n’y a pas de substance .
Supprimez les attributs vous supprimez la substance
Ce dont la suppression supprime nécessairement la chose ( ici la substance ) appartient à l’essence de la chose .
donc l’ attribut appartient à l’essence de la chose.
…………………………….

Montrez -moi qu’il peut se concevoir une substance sans attribut alors que Spinoza dit par attribut j’ entends ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence .

A moins que vous vouliez montrer que votre intellect perçoit son essence constituée par autre chose .
.

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Messagepar Louisa » 19 mars 2010, 02:55

Miam a écrit :Le chien est également constitué d'un mental et d'un corps. Pas l'essence du chien. Ni l'essence de l'homme. Sans quoi l'essence du chien serait la même que l'essence de l'homme.


Dire que l'essence de l'homme est constituée de modifications des attributs de Dieu et donc de modes n'est rien d'autre que parler de l'essence de l'homme de manière abstraite. Nous nous situons ici au niveau du deuxième genre de connaissance, on ne parle que des propriétés communes des choses. Des choses en effet, puisque comme tu le dis (et comme Spinoza le dit, E2P13 scolie), le chien est lui aussi constituée d'un corps et d'un esprit.

Ce qui différencie l'homme du chien n'a rien de "spécifique" chez Spinoza, puisque l'espèce "Homme" n'est qu'une abstraction, n'existe que dans la tête de tel ou tel homme, et non pas en dehors de tel ou tel Esprit humain. Seul le degré de puissance, ou l'aptitude d'affecter et d'être affecté, permet de distinguer les choses. Ce degré de puissance correspond à un rapport précis de mouvement et de repos au niveau du corps, ce qui fait qu'aucun corps n'ait la même essence qu'un autre corps (singularité des essences, déjà établie par l'E2D2). En d'autres termes, la seule chose qui distingue "essentiellement" tel homme de tel autre homme ou de tel chien, c'est le fait que chacun est constitué d'autres modes de l'Etendue et de la Pensée.

L'essence de tel ou tel homme est toujours différente de n'importe quelle autre chose, que ce soit un chien ou un autre homme, et cela précisément parce qu'une essence est constituée de modes particuliers, c'est-à-dire d'affections précises et déterminées des attributs de Dieu. Miam est un autre mode que Hokousai, et c'est ce qui permet de distinguer les deux essences singulières "Hokousai" et "Miam".

Pour une analyse plus poussée et un développement des conséquences "pratiques" de tout ceci, voir Le problème de l'essence de l'homme chez Spinoza de Julien Busse.

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Messagepar Miam » 19 mars 2010, 15:47

C'est cela. Oui. Mais encore ?

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Messagepar hokousai » 19 mars 2010, 19:21

à Louisa

Ce qui différencie l'homme du chien n'a rien de "spécifique" chez Spinoza, puisque l'espèce "Homme" n'est qu'une abstraction, n'existe que dans la tête de tel ou tel homme, et non pas en dehors de tel ou tel Esprit humain.


pas d'accord .
Ce n'est pas ce que je retire de la lecture du scolie 1 prop 40/2

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Messagepar Miam » 22 mars 2010, 13:40

Franchement, Louisa, je ne comprends rien à ce que vous écrivez.

J'ajouterai seulement que l'usage de la notion de "forme" en II 10 et l'interprétation que j'en donne se trouvent confirmés par sa signification dans la philosophie juive néoplatonicienne.
Par exemple chez Ibn Gabirol qui, selon tous les commentateurs, a une influence certaine sur Spinoza.
Ibn Gabirol distingue la matière et la forme. Cette distinction, Wolfson la compare à la distinction des deux attributs pensée et étendue chez Spinoza.
Mais outre la matière et la forme, Ibn Gabirol distingue aussi le spirituel et le corporel.
Et si on lit bien Ibn Gabirol, on s'aperçoit bien vite que les deux attributs spinoziens correspondent à cette dernière distinction entre le corporel et le spirituel.
En effet il y a chez Ibn Gabirol une forme corporelle et une forme spirituelle. Il y a ausi une matière corporelle et une matière spirituelle.
Les deux attributs pensée et étendue correspndent au spirituel et au corporel.
La forme et la matière de Gabirol correspondent quant à elles à la puissance de penser (les "êtres objectifs" composant l'idée de Dieu) et à la puissance d'agir (c'est à dire à tous les attributs).
Matière corporelle = mode étendu (corps)
Matière spirituelle = mode du penser (mental)
Forme corporele = idée d'un corps.
Forme spirituelle = idée d'un mental

Chez Ibn Gabirol comme chez Spinoza, la forme, c'est l'idée d'un objet (forme d'une matière). Chez Spinoza, cette forme c'est l'application de la puissance de penser de Dieu (réflexivité de Dieu se connaissant lui-même). Mais chez Spinoza cette puissance de penser est appliquée à une infinité d'attributs. La "forme" de Spinoza a donc la même signification que mon "cordeau" : ce qui fait qu'il y ait ou non un "être" : la configuration dans une infinité d'attributs des objets de l'idée d'une chose. Soit ces objets correspondent dans l'ordre causal. Alors la forme est parfaitement "horizontale" et il s'agit d'un "être". Soit ces objets ne correspondent pas dans l'ordre causal : la forme est dès lors différente et il s'agit seulement d'essences qui ne passent jamais à l'être, c'est à dire des choses qui sont "dites ne pas exister".


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