Les chances du Spinozisme ?

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 27 févr. 2012, 15:28

marcello a écrit :Mais je fais confiance à la Nature pour avoir de toute éternité déclenché une chaine de causes et d'effets qui permettent au monde d'aller vers une plus haute perfection.


Hélas, j'ai bien peur que la Nature ne tienne pas plus compte de l'avenir de l'humanité que les hommes ne tienne compte de l'avenir de leur planète...

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Henrique
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Messagepar Henrique » 28 févr. 2012, 15:26

marcello a écrit :Vous décrivez un cercle vicieux : les électeurs étant asservis à la classe dominante, il n'y a pas de démocratie réelle, même s'ils votent en leur âme et conscience pour élire ceux qui représenteront ceux qui les ont élus et, dans le meilleur des cas, l'ensemble du corps social ("plèbe" comprise :D ).
Quelle est la solution : une révolution qui conduirait à mettre à l'écart les membres des classes favorisées , les éliminer physiquement, les rééduquer comme cela a été tenté à de multiples reprises au 20e siècle ?


D'abord, dans leur majorité, les électeurs ne votent pas pour ce qu'ils estiment être le plus juste, sachant très bien faire la part des choses entre les promesses électorales et les possibilités réelles. Ils votent pour ce qu'ils estiment le mieux placé pour éviter le pire à leurs yeux, manipulés qu'ils sont en général par les sondages. Mais ainsi, le jeu démocratique est effectivement entièrement faussé. Pour pouvoir voter en son âme et conscience, après un examen serein et libre des différentes options qui se présentent, pour une option et contre toutes les autres, il serait nécessaire de supprimer totalement les sondages qui objectivement n'ont aucun intérêt pour déterminer raisonnablement ce qui d'une option politique par rapport à une autre est préférable.

La solution est simplement de revoir en profondeur les institutions qui produisent la pseudo-démocratie que nous connaissons (pêle mêle) :
  • En finir avec la présidentialisation de la république qui maintient l'illusion de l'homme providentiel qui résoudrait à lui tout seul des problèmes d'ordre collectifs, illusion à laquelle personne ne croit plus pourtant sans pour autant arriver à se détacher du vain espoir d'en trouver un, un jour. (cf. TP V,7)
  • Appliquer réellement la séparation des pouvoirs : quand l'exécutif fait la loi, comme dans la Cinquième république, quand il contrôle le pouvoir judiciaire, on ne peut pas avoir d'institutions politiques indépendantes et propres à se corriger mutuellement au nom de leur raison d'être, le bien commun, on ne peut avoir qu'un gouvernement du peuple par une caste pour une caste.
  • Le pouvoir exécutif doit se borner à gouverner dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par le peuple, ce qui peut passer par exemple par une séparation des questions sociétales, écologiques, institutionnelles, internationales et économiques à travers différentes élections afin d'avoir une politique qui corresponde exactement à la volonté générale d'un peuple : elle affirme par exemple que le libéralisme sans borne ne doit pas être le principe directeur de l'Europe mais elle pose aussi que le mariage homosexuel n'est pas une solution satisfaisante aux problèmes que rencontrent les homosexuels concernant la reconnaissance de leur rôle dans la société, eh bien elle n'est pas obligée de prendre un package avec certaines mesures qui lui conviennent et d'autres qui la choquent, comme c'est le cas notamment lors d'une élection présidentielle. Qui accepterait que pour avoir un sandwich dans un restaurant, il faille aussi prendre un verre de bière dont pourtant on ne veut pas ? C'est pourtant ce qui se passe à chaque présidentielle.
  • Modérer la professionnalisation de la politique, qui tend à créer une séparation entre le personnel politique et le peuple par des mesures comme l'interdiction du cumul des mandats, l'interdiction de voter pour soi des lois d'exception comme l'irresponsabilité juridique ou des avantages sociaux comme le nombre d'annuités nécessaires pour la retraite, intégration de la proportionnelle et même d'une partie de citoyens tirés au sort dans les instances représentatives.
  • Rendre illégaux les sondages politiques, surtout quelques mois avant les élections, quand il n'y a pas eu encore de débat sur les propositions des différents candidats aux élections, de sorte que ceux qui seront faits depuis l'étranger apparaîtront clairement comme ce qu'ils sont : des moyens de manipulation de la démocratie par des intérêts non démocratiques ; forcer les instituts à publier les résultats réels de leurs sondages en plus de leurs marges de "correction".
  • Interdiction constitutionnelle de listes ou partis qui se présentent aux élections comme principalement favorables au bien particulier d'une partie de la société (tout parti d'ordre communautaire, religieux ou simplement des groupes comme "les chasseurs") et non au bien de tous les membres de la société (la volonté générale ne saurait être réduite à la volonté majoritaire)
  • Instituer véritablement le référendum d'initiative citoyenne etc.


Dans un pays comme la France, il est facile et doux de sortir de la pseudo-démocratie que nous connaissons : choisir majoritairement non un de ces partis qui nous proposent de continuer de nous soumettre à la volonté et aux intérêts des décideurs économiques et qui semblent te rassurer mais plutôt pour un parti qui propose de rendre le pouvoir au peuple par un changement des institutions, dans le sens de ce que je viens d'indiquer, à savoir ce que propose le Front de gauche et pas F. Holande malgré la gauchisation de son discours en vue du premier tour, et encore moins Bayrou qui maintient dans le fond politique des mesures proposées comme Holande la volonté des marchés comme supérieure à celles des peuples.

Nul besoin pour cela d'éliminer les classes favorisées ni de les traiter différemment des autres classes sociales, au contraire de ce qui se fait actuellement, notamment avec de nombreuses lois d'exception en matière fiscale qui leur permettent de payer proportionnellement au travail réellement fourni (quand il y en a) moins d'impôts sur leurs revenus que les moins favorisés, notamment la classe moyenne. Et il y a aussi tous les vides juridiques qui permettent en gros que la démocratie s'arrête là où commence l'essentiel de la vie des gens : le travail.

Mais tout cela suppose une réforme des mentalités qui ne peut se faire par la politique mais seulement par les mentalités elles-mêmes, telles qu'elles sont au moment où elles sont. C'est pourquoi je suis d'accord avec Cess pour dire qu'il faut commencer par soi-même, Spinoza nous aidant à connaître notre béatitude même si nous sommes loin de vivre encore dans une démocratie réelle, qui n'a d'ailleurs pas pour raison d'être le salut et la béatitude des hommes mais seulement des conditions extérieures de liberté d'action et de décence pour la vie de tous.

Il me semble que Spinoza serait plutôt libéral-social maintenant.
Libéral au sens politique, c'est évident.
Libéral-social au sens économique, certainement assez proche de la culture des pays du Nord.


Tu me sembles faire ce jugement parce que tu associes vaguement le pays où vivait Spinoza, le fait que ses parents étaient commerçants, peut-être esclavagistes comme c'était monnaie courante. Mais Spinoza a abandonné l'affaire de son père à son frère cadet et il s'est opposé au régime orangiste dont les Pays Bas actuels sont les héritiers.

A vrai dire, peu importe ce que Spinoza penserait aujourd'hui, il pourrait aussi commettre certaines inconséquences avec ses propres principes, notamment lorsqu'il parle de façon misogyne oubliant que les passions ne sont pas forcément bonnes conseillères et que la misogynie, comme le racisme sont des passions (cf. E3P46). Ce qui m'intéresse chez Spinoza, ce ne sont pas ses sentiments personnels sur telle ou telle question, mais ce qu'on peut déduire des principes de sa philosophie, la plus cohérente que je connaisse, pour comprendre et agir aujourd'hui.

Il faut vraiment connaître peu de choses de la pensée politique de Spinoza, directement reliée à sa pensée éthique, pour penser qu'il serait un libéral. Pour lui, comme pour Rousseau, c'est par la loi civile qui ne soumet aucun homme à une volonté particulière mais bien à la volonté générale du bien commun, que la liberté politique est possible. Pour un libéral, la loi naturelle, qui est celle du plus habile, pour ne pas dire du plus fort, est la meilleure qui soit pour organiser la vie publique, de sorte qu'au final, mais tout de même avec le soutien de l'Etat réduit à protéger les intérêts des plus puissants (car ils ne sont pas naturellement si puissants qu'ils peuvent se passer de ce soutien), ce n'est pas la volonté générale qui gouverne mais celle de quelques uns.

Cf. aussi un assez vieil article de moi sur cette question : http://www.spinozaetnous.org/article33.html

Mélanchoniste, poutouiste, chaveziste, jolyiste, castriste ?
Je ne crois pas.
Marxiste ? Non, je ne vois pas Spinoza marxiste ni marxien.
Mais je n'ai de Spinoza qu'une connaissance encore très peu étendue.


Pour ma part, je ne suis pas marxiste, pas plus que Marx lui-même n'était marxiste. Mais nul besoin de l'être pour reconnaître qu'il y a des classes sociales, que les plus élevées sont unies et donc puissantes, tandis que les dominées sont dispersées et donc de nature à se laisser dominer. Nul besoin de se dire marxiste non plus pour reconnaître qu'un homme qui produit des richesses dont la plus grande partie ne lui revient pas (sous forme d'investissement dans son outil de travail mais aussi de services publics ou simplement de salaire) mais revient à son employeur, détenteur de capital, n'est pas un homme libre, utile à lui-même, mais un esclave utile à son maître mais pas à lui-même (TTP XVI), qui n'est maintenu dans sa condition d'esclavage que parce qu'il y est contraint par la crainte de ne pas pouvoir vivre du tout autrement.

Avant Marx, il y a le socialisme qui consiste à penser que la source de légitimité des lois n'est pas la force de ceux qui sont les plus habiles ou simplement les mieux placés pour imposer leurs intérêts aux autres, mais la société elle-même en tant qu'ensemble cohérent permettant à chacun de ses membres de vivre dignement : sécurité et vie humaine pour tous (cf. TP, ch. V), pas la sécurité simplement policière mais avant tout sociale, et donc pas la précarité générale à laquelle conduit nécessairement la dérégulation dans les domaines de la vie collective. La conséquence logique est de favoriser la propriété publique des moyens de production des biens utiles à tous (à condition que cette propriété publique soit effectivement soumise au contrôle du public) sur la propriété privée, notamment en ce qui concerne les biens susceptibles de donner lieu à des monopoles qui lorsqu'ils demeurent propriété privée deviennent nécessairement despotiques.

Il me semble que les peuples veulent se soigner et vivre plus longtemps, voyager, inventer, entreprendre, créer, communiquer.
Tout cela semble s'être développé en même temps que la science et la démocratie.


Tout cela et surtout le fait de pouvoir se soigner, et d'autre part le fait de travailler pour vivre (voyager, inventer, entreprendre etc.) et non de vivre pour travailler, est en recul pour de plus en plus de gens depuis que le néolibéralisme s'est imposé au monde, avec Thatcher et Reagan. Il faut être oublieux ou faire partie des classes pas encore trop touchées par la précarisation libérale de la vie humaine pour ne pas s'en apercevoir.

D'ailleurs la concurrence n'est-elle pas un aspect de la nature, même si la nature ne se réduit pas, fort heureusement, à la concurrence. ?


C'est Kant qui conçoit encore la nature, à la suite d'Aristote, comme un tout organisé en vue d'une fin qui serait le développement indéfini de la raison, ce qui ferait que la nature veut la discorde entre les hommes pour les pousser à se surpasser. Le libéralisme d'Adam Smith est aussi complètement dans cette conception de la nature, avec sa main invisible qui guide les égoïsmes vers le bien commun optimum, ce qui revient de fait à faire passer les inégalités naturelles pour justes.

Spinoza au contraire montre que le désir chez les hommes les pousse naturellement à se surpasser, même si cela peut être de façon anarchique sous le régime des passions. En ce sens, les inégalités naturelles ne sont ni justes ni injustes mais peuvent le devenir en fonction du bien social qu'on prend en considération ou non. Ce n'est pas la concurrence au sens de la lutte de tous contre tous qui les pousse à se renforcer raisonnablement, c'est-à-dire en maintenant un minimum le sens du bien commun, la paix, la sécurité et la liberté pour tous, car celle-ci les pousse plutôt à créer les conditions de leur propre insécurité et servitude en s'épuisant à se vaincre les uns les autres plutôt qu'à coopérer au bien commun.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour ne pas apprécier la dérégulation à tout va qui a plongé l'économie occidentale dans des difficultés gigantesques.


Soit on considère que c'est le peuple qui doit contrôler les conditions de sa propre existence collective, conditions économiques notamment, et donc l’État en tant qu'instrument sous le contrôle du peuple (mais pas d'une oligarchie) et alors c'est la règle relevant de la volonté générale qui fait loi ; soit on considère que certains domaines de la vie collective, comme l'économie, doivent échapper à la volonté générale et alors on est libéral et donc contre toute forme de régulation politique de l'économie. Que l'on dise aux banques ou aux entreprises côtées en bourse qu'il faut qu'elles se donnent des règles pour éviter les dérives est un pur flatus voci, car elles se donnent nécessairement déjà des règles à elles-mêmes, qu'elles considèrent à tort ou à raison comme les plus utiles pour elles, mais hors de toute considération du bien commun.

Mais je fais confiance à la Nature pour avoir de toute éternité déclenché une chaine de causes et d'effets qui permettent au monde d'aller vers une plus haute perfection
:)

Comme cela a été signalé par Shubb-Nigurath, on est bien là dans une conception de la nature qui reste encore très marquée théologiquement par l'idée d'une providence qui disposerait nécessairement les choses, notamment les avantages et les privilèges, dans le sens du meilleur des mondes possibles. Spinoza quant à lui prouve que cette conception reste parfaitement imaginaire.

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Messagepar Shub-Niggurath » 01 mars 2012, 16:14

A vrai dire les conceptions de Spinoza sont très belles, mais elles sont inapplicables pour une raison qu'il avait lui-même donnée, à savoir que les hommes sont toujours nécessairement soumis aux passions, et que la raison est rarissime. Aucune révolution ne viendra sauver l'humanité de la destruction vers laquelle elle se meut chaque jour davantage, car les passions déréglées dérèglent même le climat, et feront bientôt de cette Terre un désert pollué par les déchets de toute sorte, radioactifs et autres...

Je ne vois aucune issue à ce triomphe programmé du Mal induit par les passions auxquelles sont nécessairement soumis les hommes, et la première d'entre elles est la cupidité sans borne, dont même les pauvres sont esclaves. Il faudrait un optimisme aveugle pour croire que l'avenir de l'humanité n'est pas d'ores et déjà scellé par le jeu des passions humaines, dont l'appétit de domination et l'une des plus fortes, après la cupidité, et des plus constante depuis qu'il existe des Etats et des Empires.

C'est dans ce monde voué au mal, fait de méchanceté et de malheur, que nous devons vivre, malgré toutes les belles idées de démocratie et de paix que nous pouvons consciemment professer, et la guerre me paraît à l'horizon immédiat. Le salut cher à Spinoza est avant tout individuel, et ne concerne pas l'humanité prise collectivement.

Que se passera-t-il lorsque les ressources en gaz, en uranium, en pétrole ou en charbon, etc. seront épuisées ? Croit-on réellement qu'il existe des solutions de rechange afin de continuer à vivre comme nous vivons ? Dans un siècle, il est à craindre que le monde ressemble davantage au moyen-âge qu'à un siècle d'or, et tous les efforts que fera l'humanité seront alors simplement de survivre, jusqu'à ce que le dernier arbre soit tombé et que le dernier animal aura été sacrifié. Alors il en ira de l'humanité comme des dinosaures, et elle ne sera plus qu'une chose ayant été, mais qui n'existe plus.

Toute la propagande actuelle faite de publicité n'est là que pour masquer le désastre vers lequel nous nous dirigeons à grande vitesse, et tous les efforts des écologistes ne feront que retarder l'échéance fatale : le triomphe de la destruction et l'abolition de cette erreur qu'est l'histoire de l'humanité. Le vertige qui devrait nous prendre devant l'ignominie de notre histoire n'a pas encore pénétré dans les esprits, aveuglés qu'ils sont par les théories absurdes de la croissance infinie et de l'hypothèse d'une providence divine, organisant le monde selon le Bien et la Justice.

Aucune main invisible ne gouverne le monde, aucun Dieu ne descendra du ciel afin de sauver l'humanité de la catastrophe. Et cela n'est pas un prophétie due à une imagination déréglée par un tempérament mélancolique. C'est un simple constat que l'épuisement des ressources de la Terre, dues à l'ambition et à la cupidité, conduit au réchauffement du climat, et produira des catastrophes bien plus grave que toutes celles que nous avons connues jusqu'à aujourd'hui. Si les humains avaient un peu plus tôt appris à respecter la Terre, et les animaux et les plantes qui la peuplent, nous n'en serions pas là.

Nous vivons les derniers feux d'une civilisation millénaire, qui a cru trop longtemps que les choses naturelles n'étaient placées là que pour satisfaire nos désirs aveugles, et qui ne fait même pas l'effort de retarder l'inéluctable. Les forces naturelles n'ont pas été crées afin que l'humanité les utilise à des fins de confort, et l'équilibre qui permettait la vie à la surface de la Terre sera bientôt rompu. L'atmosphère est déjà saturée de produits chimiques de toute sorte, étrangers à sa nature, et la destruction des dernières forêts rends tout retour en arrière impossible.

Même Spinoza n'avait pas intégré ces fragiles équilibres dans ses calculs, et il croyait lui aussi que l'homme pouvait sans danger utiliser les choses naturelles en vue de sa seule utilité. Mais il n'en est rien, et tous les projets politiques ne sont que des rêves qui ne prennent même pas en compte la Nature dans sa fragilité. Aucun changement politique ne viendra sauver l'humanité, car il faudrait pour cela modifier la nature humaine elle-même, ce qui est impossible. La meilleure démocratie que nous puissions imaginer serait elle aussi soumise aux lois de la cupidité et de la domination, car elle aurait nécessairement été conçue et dirigée par des humains, qui ne sont que très exceptionnellement raisonnables.

Tout ce qui nous reste à faire, c'est d'observer et de comprendre ce drame, cette tragédie qui se joue sous nos yeux, avec le détachement du savant et l'humour du philosophe, sans espérer un seul instant qu'un quelconque programme politique puisse venir nous sauver du désastre.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 01 mars 2012, 18:58

C'est bien tristounet tout ça Shubb-Niggurath. Pour le coup, c'est du pessimisme et je dirais même du fatalisme, dans lequel les affects d'd'humiliation (humilitas) et d'abjection obscurcissent, voire noircissent le raisonnement. Et au final le fatalisme est toujours une bonne excuse pour ne rien faire, la justification ultime de l'humeur dépressive et il faut bien le dire paresseuse. C'est vrai que se déplacer un dimanche pour aller voter pour un changement politique qui nous propose justement de ne pas tout laisser faire par une élite gouvernante, mais de s'impliquer et donc de dépenser de l'énergie dans la vie collective, c'est un certain optimisme qui ne consiste pas à promettre qu'il suffirait d'en rester à ses préoccupations individuelles pour que les choses s'améliorent.

Rien ne viendra de la nature (qui n'est pas fragile, elle se conservera toujours sous une forme ou une autre, c'est seulement la biosphère correspondant à l'homme qui l'est), mais les progrès techniques et moraux de l'humanité (auxquels tu crois puisque tu parles du retour au moyen âge comme d'une régression) n'ont jamais été dus au fatalisme.

Le Mal n'existe pas plus que le Bien dans la nature. Mais l'homme existe et il y a pour lui du bon et du mauvais. Le fatalisme, dont je dirais qu'il est une tristesse de ne rien pouvoir faire, mêlée de la joie de ne rien avoir à faire, n'est pas bon et rien ne le justifie objectivement, puisque le Mal n'existe pas. Après, il est nécessaire qu'une forme de vie, comme l'humanité, finisse par disparaître. Les espèces, pas plus que les individus, ne sont pas immortelles. Mais le sens de notre existence n'est pas dans ce qu'il adviendra de l'humanité dans 100, 1000 ou un million d'années ; il est dans ce que nous en faisons le temps que nous existons.
Modifié en dernier par Henrique le 01 mars 2012, 19:27, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 01 mars 2012, 19:25

à Shub N

On s' est souvent , très souvent et presque toujours sur les dangers....et sur l'avenir !

Moi je vois un danger dans la démographie encore que les démographes ne soient pas si pessimistes à l' horizon 2050.
Je peux me tromper et eux aussi.
Je vois un réel problème dans la longévité escomptée. Vous devez savoir que Ariel sharon n'est pas mort . C'est une boutade ...
Dans le même registre, je vois un problème dans l' actualisation du mythe du <b>cyborg</b>.

Dans quelle mesure ces craintes/ appréhensions ne donneront-elles pas lieu à un traitement futur qui les fassent être assimilables de telle manière que l'état futur des choses ne paraissent pas si mauvais?
On ne peut rien en dire.
Si l'état des choses futur n' apparait pas pire mais meilleur que celui que nous vivons nous ne serons plus là pour donner notre avis.
De l'avis des hommes futurs sur leur état des choses nous ne pouvons rien en dire .

<b>Nous pensons bien faire</b> en prenant telles décisions, en militant pour telle cause, en vertu de l'avenir.
Il se peut que les hommes de l' avenir estiment que nous avions tort.
Il se peut qu'ils constatent que certains combats ont eu des contre effets et qu'il aurait mieux fallu ne rien faire , ou bien laisser faire ou bien faire tout autrement.

A court terme le risque d' erreur est faible, certes, mais certains combats engagent sur le plus long terme du moins le croyons nous.
Et pourtant, là, sur l' adéquation entre nos désirs de futur et le réel possible on devrait être la plus grande incertitude.
La science de l'improbable ne nous donne pas les clefs du probable.

Ni pessimiste ni optimiste mais conscient de notre ignorance.

hokousai

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Messagepar Shub-Niggurath » 01 mars 2012, 20:15

Vous avez raison de parler de la démographie comme d'un problème majeur. Notre planète si limitée dans ses ressources ne pourra pas subvenir longtemps aux besoins de l'humanité, qui croît en nombre inexorablement.
Mais aucune politique, sauf en Chine, n'est appliquée afin de résoudre ce crucial problème. La Chine qui a depuis l'antiquité pensé ces problèmes avec une acuité inégalée en Occident.

Les philosophes chinois nous avaient pourtant mis en garde contre l'action néfaste qui nous pousse à vouloir utiliser les forces de la Nature à notre profit, oubliant que nous ne sommes que des parties limitées de l'Univers, dont le savoir est infiniment petit.

Je ne crois pas au progrès de l'humanité, je crois seulement au changement qui nous entraîne d'un coté et de l'autre, sans que nous puissions jamais savoir où nous allons. Mais je pense sincèrement que l'usage des énergies de la Terre nous entraîne tout droit vers l'abîme, à cause de notre Orgueil et de notre Ambition.

Un peu d'humilité devant la mécanique céleste ne serait pas de trop pour nous préserver de ces erreurs. C'est bien parce que nous avons cru que le monde naturel avait été créé à notre intention et pour notre usage, ce qui est évidemment faux, que nous avons presque réussi à détruire ce qui pourtant est indispensable à la vie, je veux parler de notre Planète.

Le Repentir est désormais inutile, et ne conduirait qu'à nous affliger davantage des catastrophes vers lesquelles nous mènent notre foi stupide au progrès. Je serais même tenté de croire à la décadence de l'humanité entière, qui n'a pas su, nulle part, se préserver de la destruction qui approche à grands pas.

Mais nous ne sommes qu'un point dans l'infini de l'Univers, et il est possible que sur d'autres planètes, d'autres êtres plus sages existent et ont su préserver l'équilibre fragile de leur environnement. C'est vers ces êtres que vont désormais mes pensées.

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Messagepar marcello » 01 mars 2012, 21:06

Shub-Niggurath,
Votre vision cauchemardesque est aux antipodes de celle de Spinoza.
On croirait errer dans l'univers de Lovecraft.
Quelle imagination !
Je me demande ce que Spinoza vous dirait aujoud'hui pour vous aider surmonter cette dépressivité qui exprime une grande souffrance et un conatus en état d'implosion.
Je ne suis pas certain que la philosophie puisse vous donner un regard plus ouvert et plus confiant sur les ressources créatives de la Nature naturante.
Il me semble, si j'ai bien compris, que Dieu est affirmation absolue.
Est-ce que la lecture de l'Ethique IV pourrait vous aider ?

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Messagepar hokousai » 01 mars 2012, 22:33

à Shub N

Vous avez raison de parler de la démographie comme d'un problème majeur.

Que nous cernons assez bien et sur lequel nous pouvons agir.
La chine a démontré que l 'homme peut agir sur la démographie
<b> effets pervers en chine</b>
1) infanticide des filles en zones rurale traditionalistes
2) excès en nombre des garçons sur les filles
3) vieillissement de la population
4) violence faites aux femmes ( avortement forcés)

Que nous ne puissions pas nourrir une population de 9 milliards d' humains ! J' ose espérer que oui .
Je ne vais pas ironiser sur une famine qui réglerait le problème par mort de faim d' un ou deux millards excédentaires.
Une epidémie mondiale de je ne sais quel virus peut aussi régler le problème de surpopulation.
Ou bien un astéroïde !
Bon et bref c'est quand même un des rares problèmes sur lequel la prospective est un peu fiable.

Le progrès de l' humanité c'est autoproductif.
C'est comme les cours de la bourse, si on y croit ça monte.

Quant aux énergies de la terre ! Leur utilisation dépend autant des technologies que du désir humain.
Or on ne peut rien prédire des unes ni de l' autre.
Mais cette incertitude peut tout autant inciter à l'optimisme qu' au pessimisme.

Personnellement je suis un <b>optimiste</b>. Non pas un réaliste ..pas seulement un réaliste, plus qu'un réaliste, un optimiste.
Le realiste voit les conditions de l'action possible, l 'optimiste met en oeuvre un projet.

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Modifié en dernier par hokousai le 02 mars 2012, 01:16, modifié 1 fois.

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Messagepar bardamu » 02 mars 2012, 00:37

Shub-Niggurath a écrit :(...) C'est bien parce que nous avons cru que le monde naturel avait été créé à notre intention et pour notre usage, ce qui est évidemment faux, que nous avons presque réussi à détruire ce qui pourtant est indispensable à la vie, je veux parler de notre Planète.

A l'heure actuelle, la "Planète" ne risque pas d'être détruite par les hommes, par contre il est certain qu'elle disparaîtra du fait des forces de l'univers. Au mieux, la Terre en a pour 5 milliards d'années, quand le Soleil l'absorbera en devenant une géante rouge mais sans doute qu'on se sera pris d'ici-là un bel astéroïde sur la tête ou que des éruptions volcaniques massives ravageront tout.
Donc, sachant que de toute manière tout cela disparaîtra, il s'agit de se construire une vision de ce qu'est l'accomplissement qui ne soit pas lié à une durée des choses. Heureusement, "il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité".

Et puis quand on parle "environnement", on a souvent une conception tout sauf naturelle de ce dont il s'agit, on imagine ça comme une sorte de jardin, un parc "naturel", un Eden en équilibre pour des millions d'années. Dans les faits, la destruction de la "Planète" au temps des dinosaures fut une chance pour le développement des mammifères, quelques chèvres sur une île ne s'embarrasseront pas de conscience écologique pour en raser la végétation et il y a aujourd'hui des espèces (les corvidés, les rats, le virus du rhume...) qui sont très à l'aise dans l'environnement qu'on leur fait.

Pour tout dire, quand j'entends les défenseurs de l'"environnement", j'ai plutôt l'impression de défenseurs du confort de l'humanité, d'une conception de la nature en accord avec nos besoins et plaisirs, ce qui finalement n'est pas très différent du discours de progrès techno-scientifique. Il ne fait guère de doute pour moi que les techno-sciences et les défenseurs de l'environnement s'accorderont facilement, qu'ils seront d'accord pour un maîtrise raisonnée de l'usage des énergies, des pollutions etc.
Au demeurant, quand tu parles de contrôle de la natalité, on est en plein dans cette technicisation des rapports naturels.

Ceci étant, il ne doit pas y avoir une seule arme que les hommes aient créé sans s'en servir, et il ne m'étonnerait pas qu'on ait à vivre une grande épidémie du fait d'un virus mortel conçu par un apprenti sorcier, surtout que techniquement ce n'est pas très compliqué à créer et que n'importe quelle secte apocalyptique pourrait s'en donner les moyens.
Surveillons l'apparition de l'armée des douze singes, du suspens et de l'aventure en vue...

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Messagepar marcello » 02 mars 2012, 08:03

u mieux, la Terre en a pour 5 milliards d'années, quand le Soleil l'absorbera en devenant une géante rouge mais sans doute qu'on se sera pris d'ici-là un bel astéroïde sur la tête ou que des éruptions volcaniques massives ravageront tout.

Sans oublier la possibilité la plus digne du désir de l'humanité de persévérer dans son être : l'émigration massive vers des lieux (rendus) plus accueillants.


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