la connaissance vraie du bien et du mal

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
PhiPhilo
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Messagepar PhiPhilo » 03 juil. 2008, 09:11

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sescho
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Messagepar sescho » 03 juil. 2008, 20:28

PhiPhilo a écrit :
sescho a écrit :voilà ce que je dis sur la démarche de Spinoza, et qui dans mon esprit, après mure réflexion sur l'ensemble de son œuvre, est au-delà du doute :
Hum ... l'orgueil, la gloire et la surestime de soi (existimatio) sont, certes, des passions joyeuses (cf. Ethique, III, déf. des affects), mais, contrairement à la modestie (à distinguer de l'humilité, qui est une tristesse) ou à la générosité, ne manifestent pas néanmoins, la force d'âme (fortitudo) par laquelle le sage possède une compréhension adéquate de soi-même (cf. Ethique, III, 59). Ce qui tendrait à prouver que vous n'avez point suffisamment médité l'oeuvre de Spinoza ...

Il s'agit, comme je l'ai indiqué, d'un ressenti personnel pur, qui n'a rien à voir avec vous ni avec qui que ce soit d'autre. Mais je vois que vous êtes un connaisseur...

La paille et la poutre vous connaissez ? Méditez-le ! Car au-delà de toute cette fumée, il reste une chose qui n'a rien à voir avec le style pompeux, la vaine érudition, les extraits soigneusement expurgés, les escarmouches verbales, les prétendues "victoires", la comparaison avec autrui, ... ; en bref, tout ce vent. Vous êtes ce que vous êtes et le restez indépendamment de tout cela, et il en est de même pour moi. Souhaitons-nous de progresser vers la béatitude.


Serge

P.S. Le Bouddhisme Mahayana, dont la base est carrément le "non-soi", est pourtant dirigé vers l'enseignement personnalisé (sur un fonds commun et éternel, quoique soumis à la critique dans l'expression) de Maître à disciple. Mais vous êtes sans doute déjà au-delà de cela...
Connais-toi toi-même.

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Messagepar PhiPhilo » 04 juil. 2008, 17:45

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Louisa
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Messagepar Louisa » 04 juil. 2008, 23:52

Bonjour Phiphilo,

étant en général assez d'accord avec l'idée que vous défendez ici depuis quelques jours concernant la connaissance du Bien et du Mal (si Sescho s'y intéresse: je préciserai mes arguments et réfléchirai à ses contre-arguments avec plaisir), je reprends juste votre dernier message, avec lequel j'ai plus de difficultés.

Phiphilo a écrit :L'individualité, qui est la notion centrale de toutes les philosophies atomistes, est complètement étrangère à la philosophie de Spinoza (cf. Ethique, II, 13).


je ne vois pas très bien comment cette proposition pourrait prouver cette thèse, puisque toute la théorie spinoziste de l'individu vient juste après, dans les lemmes.

Phiphilo a écrit : Tout au contraire, Spinoza étant holiste, tout et n'importe quoi, pourvu que ce soit une partie de Dieu ou de la Nature, peut être considéré comme un individu. Il n'y a donc pas de définition possible de l'individualité autre que celle du Tout.


à mon avis, ces deux phrases se contredisent: ou bien seul le tout est un individu, ou bien n'importe quelle partie du tout est un individu.

Voici la définition que Spinoza donne de l'Individu (la majuscule indiquant qu'il s'agit d'un concept/définition proprement spinoziste): "Quand un certain nombre de corps, de même grandeur ou de grandeur différente, sont pressés par les autres de telle sorte qu'ils s'appuient les uns sur les autres ou bien, s'ils sont en mouvement, à la même vitesse ou à des vitesses différentes, qu'ils se communiquent les uns aux autres leurs mouvements selon un certain rapport précis, ces corps, nous les dirons unis entre eux, et nous diront qu'ils composent tous ensemble un seul corps ou Individu, qui se distingue de tous les autres par cette union." (E2, Lemmes, Définition).

Ce n'est donc pas n'importe quelle partie de Dieu qui peut être appelé "Individu", mais seule cette partie qui correspond aux critères de cette définition.

Or Dieu aussi répond à ces critères. Il est donc lui aussi un Individu, composés de tous les autres Individus (E2 Lemme 7 sc).

On voit par là que toute chose singulière est elle aussi composée d'Individus. Elle se définit (E2 Déf 7) par le fait que différents Individus concourent pour produire un seul et même effet.

L'essence de cette chose étant la cause formelle du troisème genre de connaissance, et donc de la béatitude, je crois que l'on peut effectivement affirmer, comme vient de le faire Sescho, que ce genre de connaissance est une voie INDIVIDUELLE vers le salut. La béatitude est toujours ce qui caractérise telle ou telle chose singulière, un affect qui affecte telle ou telle chose singulière, donc, si l'on veut, tel ou tel individu (et non pas simultanément déjà aussi n'importe quel autre, voir Dieu, le dieu spinoziste n'étant pas béat).

D'autre part, le spinozisme me semble bel et bien être un holisme, mais le holisme n'abolit pas nécessairement les entités qui composent le tout (contrairement à ce que Sescho a affirmé ailleurs), le holisme lie ces unités d'une telle façon que sans le tout, elles ne peuvent être ni être conçues (alors que des entités-atomes se conçoivent parfaitement sans le tout, les relations qu'ils ont avec les autres atomes ne les constituant (au sens non spinoziste du terme) pas dans ce qu'ils sont, comme l'a pu remarquer Bertrand Russell). Ce qui prouve qu'elles peuvent bel et bien être conçues dans leur singularité, en tant que leurs essences se caractérisent par tel ou tel degré de puissance.

Quant à l'Orgueil:

Dire qu'on ne doute pas, est-ce déjà être "Orgueilleux"? A mon sens non. Spinoza dit de l'absence du doute seulement qu'elle n'est pas suffisant pour pouvoir en conclure la certitude qui caractérise l'idée vraie. C'est pourquoi jamais on ne peut se baser sur l'absence du sentiment de doute pour pouvoir croire que nos idées sont vraies, puisque nous ne doutons pas non plus de nombreuses idées qui sont pourtant inadéquates (dernier scolie de l'E2). Pour la même raison, il n'est à mon sens pas très spinoziste de supposer que si l'on ne doute pas de telle ou telle idée quant au texte spinoziste, il suffit que l'autre lise plus "attentivement" pour déjà obtenir la même idée/interprétation, puisque justement, dans le cas où elle s'avère inadéquate, il est certain que l'autre, même en ayant une attention parfaite, ne trouveras jamais cette idée en étudiant scrupuleusement le texte.

Que faudrait-il donc faire lorsque nous ne doutons pas d'une interprétation, d'un point de vue spinoziste? Sachant que l'idée inadéquate en soi ne contient pas d'erreur, il faudra toujours une AUTRE idée qui s'ajoute à celle-ci, avant que nous puissions la concevoir comme une erreur. C'est là que la discussion rationnelle a toute son utilité: en explicitant maximalement nos arguments, en essayant de convaincre celui qui pense autrement, nous pouvons éventuellement découvrir, dans ce qu'écrit l'autre, l'idée qui nous fera comprendre l'inadéquation d'une une idée dont nous ne doutions pas. Tout le more geometrico de l'Ethique est fondée sur cette possibilité d'ajouter de nouvelles idées à ce que les gens pensent déjà et dont ils ne doutent pas, via des moyens qui se sont avérés les plus efficaces, c'est-à-dire des moyens purement logiques, rationnelles, relevant du deuxième genre de connaissance. Pour moi, prendre cette méthode au sérieux signifie être prêt à toujours remettre en question ses propres absences de doute, à ne jamais terminer un raisonnement par un "point à la ligne".

Enfin, pour retourner à l'Orgueil: ne faudrait-il pas dire que Spinoza montre qu'il est le plus utile de NE PAS chercher chez les autres des "vices"? Qu'en faisant cela, on risque de déjà se comporter de façon orgueilleuse, puisque se glorifier trop, c'est ne parler "que de ses vertus et que des vices des autres" (E3 Déf. Affects 29 Expl.)? Si oui, on comprend mieux pourquoi il dit que la Liberté consiste notamment à "contempler le moins possibles les vices des hommes", pour "toujours prêter attention à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, afin qu'ainsi ce soit toujours un affect de Joie qui nous détermine à agir" (E5P10 sc).

C'est que dès qu'on croit pouvoir déceler une "passion", chez l'autre, on aura tendance à l'identifier à cette passion, là où Spinoza dit qu'elle caractérise davantage les causes extérieures que subit cette personne que son essence singulière à elle. Tirer l'attention de l'autre (voir d'un "public" de lecteurs) sur ce qu'on croit être "son" vice, c'est nécessairement l'affecter de Haine voire de Colère. Par imitation d'affects, très vite nous ressentirons la même chose par rapport à lui. Or en tant que nous pâtissons, nous ne convenons pas l'un avec l'autre, il ne peut y avoir que discorde.


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